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Full text of "Chronique des quatre premiers Valois (1327-1393)"

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CHRONIQUE 



DES QUATRE PREMIERS 



VALOIS 



(1327-1393) 






PARIS. — IMPIUMERIE DE CH. LAHUKE ET O 
Rues de Fleuru», 9, et de TOucst, 2i 



CHRONIQUE 

DES QUATRE PREMIERS 

VALOIS 



(1327-1393) 

VVBUtE POUK LA PREMIÈBK FOU 
POUR LA SOCIÉTÉ DE L*HISTOIRB DB FRANCE 

PAR M. SIHÉON LUGE 

Auxilimire de llosUtot, docteur et leitres, Aocien élère pensionnAhre de l'Ecole 
des Chartes, ancien arcbifiste da département des Deux-Sèvres 




A PARIS 

CHEZ M" V* JULES RENOUÀRD 

LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE l'HISTOIRB DE FRANCE 

BOB DB TOUBNON, M* 6 

MDCCCLXII 



2 9 OCT Wfi 

OF OXFORD ^ 



EZTBÂIT DU SteuaUNT. 

Art. 14. Le Conieil désigne les otiTrages à publier, et choi«i 
les penoDDes les plus capables d'eu préparer et d'en suivre la 
publication. 

U nomme , pour chaque ouvrage à publier , un Commissaire 
responsable, chargé d*en surveiller l'exécution. 

Le nom de l'Éditeur sera placé è la tête de chaque volume. 

Aucun ouvrage ne pourra paraître sous le nom de la Société sans 
Tautorisation du Conseil, et s'il n'est accompagné d'une déclara- 
tion du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paru 
mériter d'être publié. 



Le Commissaire responsable soussigné déclare que 
V Edition de la GHRoiaQUB des quatre premiers Valois, 
préparée par M. Simëon Luge, lui a paru digne détre 
publiée par la Société de l^Histoire de France* 

Fait à Paris ^ /« i 5 septembre \ 861 . 

Signé LAopoLD DEUSLE. 



Certifié^ 
Le SecréUlre de la Société de l'HIetoire de France, 

J. DESNOYERS. 



PREFACE. 



CHAPITRE I. 

Date de la compoûtion de la Chroniqu9 des quatre premiers Falois, — > 
Lien de naissance, condition sociale de Tautenr de cette chronique. 

La chronique que Ton offrç ici pour la première 
fois au public commence en 1 327 et s'arrête en 1 393, 
c'est-à-dire qu'elle embrasse l'histoire de notre pays 
depuis l'avënement de Philippe de Valois environ 
jusqu'à la démence de Charles VI. C'est donc un 
espace de soixante-six ans qu'elle comprend; mais 
elle est partout fort succincte et ne devient un peu dé- 
taillée et vraiment originale qu'à partir de l'avdne- 
ment du roi Jean. 

Elle est conservée au département des manuscrits 
de la Bibliothèque impériale sous le n* 1 07 du Sup^ 
plément français; elle est inédite ; et même tous les 
savants qui, dans le dernier siècle ou de nos jours, 
ont étudié l'époque dont elle retrace l'histoire pa- 
raissent en avoir ignoré l'existence. 

L'auteur, quel qu'il soit, de cette chronique ne 



X PRÉFACE. 

nous a fait connaître ni son nom, ni le temps où il vi- 
vait et où il a rédigé son ouvrage, ni son pays, ni la 
classe de la société à laquelle il appartenait. 

Sur le premier point, nous ne sommes pas en me- 
sure (le soulever le voile dont il semble s'être enve- 
loppé; sur les trois autres, il n'est peut-être pas 
impossible d'arriver à une solution et même assez 
précise. 



I 



L'examen le plus superficiel de notre chronique 
prouve qu'elle n'a pu être composée que pendant la 
seconde moitié du quatorzième siècle. La sécheresse, 
les graves et nombreuses lacunes, le laconisme du 
récit pour les années antérieures à 1350, tout parait 
accuser dans cette partie de la narration une œuvre 
de seconde main. D'un autre côté, deux phrases di- 
gnes d'attention semblent indiquer que cette compi* 
lation historique a été rédigée alors que Philippe 
d'Alençon, précédemment archevêque de Rouen, était 
archevêque d'Auch et sous le règne de Richard II, roi 
d'Angleterre. Voici ces deux passages : 

« En cel an fut le pape cause de la transmutacion 
de Tarcheveschié de Rouen en l'archeveschié d'Aux 
pour monseigneur Philippe d'Alençon. Et est en Gas- 
coingne et avec ce patriarche*. » 

1. Page 256. 



PRÉFACE. XI 

w Et prist (Rîcliard II), comme son ayeul avoit fait, 
le tiltre du roy de France. Dont il fut mal conseillé. 
Car tant comme il portera le tiltre de France, paix ne 
acord ne sera entre les deux royaumes de France et 
d'Angleterre*. » 

Philippe d'AIençon fut archevêque d'Auch et pa- 
triarche d'Aquîlée de 1375 à 1397. Richard II occupa 
le trône d'Angleterre de 1377 à 1399. Il y a tout lieu 
de croire, par conséquent, que la chronique conser* 
vée sous le n* 1 07 a été composée durant les vingt 
dernières années du quatorzième siècle. 



Il 



Nous ajoutons qu'elle a été composée par un 
Rouennais. Comment expliquer autrement la part-^ 
énorme faite à l'histoire de Rouen dans cette chroni- 
que? Pourquoi Fauteur interrompt-il presque à chaque 
instant le récit des événements généraux pour noter 
au passage le plus mince incident dont la capitale de 
la Normandie a été le théâtre? Pourquoi les événe- 
ments qui se sont passés dans cette ville sont-ils les 
seuls qui soient racontés avec des détails aussi par- 
ticuliers et d'une précision , pour ainsi dire , aussi 
minutieusement locale? 

Est-il question des trois fils de Robert d'Artois? 
L'auteur, après avoir nommé les deux premiers , Jean 

1. Page 262. 



xn PRÉFACE. 

et Charles, ajoute que le troisième , Louis a git aux 
JacobinSy à Rouen'. » 

En 1346, Edouard III, roi d'Angleterre, conduit 
par Godefroi de Harcourt , fit une descente en 
France. On nous fait remarquer qu'il arriva sous les 
murs de Rouen a vers la Quesnoye, le sixiesme jour 
d'aoust*. » 

Charles, duc de Normandie, tint un parlement à 
Rouen en 1356. On nous apprend que le bourgeois 
qui, cette année là, était maire de Rouen, s'appelait 
Jean MusteP; que^ deux ans plus tard, en 1358, ce 
magistrat avait nom Jacques Le Lieur\ Il suffit de 
jeter les yeux sur la précieuse liste des maires de 
Rouen, publiée par M. Chéruel dans son excellente 
Histoire de Rouen pendant l^ époque communale*^ pour 
se convaincre que ces renseignements sont de la plus 
grande exactitude. 

Au siège de Breteuil , un assaut meurtrier coûta 
la vie à beaucoup de Français ; mais on ne nous en 
fait pas connaître le nombre. On nous dit seulement 
qu'il y eut vingt arbalétriers de Rouen tués ou bles- 
sés*. Au siège de Boutancourt, on a soin de faire ob- 
server que les gens d'armes de Rouen commencèrent 
l'assaut \ 

Tous les historiens ont parlé de la prise et de l'oc- 
cupation du château de Rouen par les bourgeois de 
cette ville en 1358. Mais ce qu'un Rouennais seul pou- 



1. Page 2.-2. Pûgc 15. — 3. Page 35.— 4. Page 90. — 5. Tome l, 
page 372. — 6. Page 44. — 7. Page 102. 



PRÉFACE. XIII 

vait dire, c'est que les gentilshommes qui, sous la con- 
duite de Jean Sonnain, accoururent pour châtier les 
coupables et reprendre cette forteresse, a vindrent à 
ung vendredi assaillir Rouen par la plus loingtaine 
porte de la {fille nommée la porte SainUHjrlaire^ . 

Une grande mortalité sévit en Angleterre peu de 
temps après le retour du roi Jean dans son royaume. 
L'auteur de la chronique nous apprend que beaucoup 
de nobles et de bourgeois de France, otages de ce 
prince, qui avaient passé le détroit, périrent victimes 
du fléau. Mais les deux bourgeois de Rouen qui suc- 
combèrent dans cette occasion sont les seuls dont il 
nous donne les noms : « Et des bourgois des bonnes 
villes de France moururent dUceUe mortalité grant 
partie des hostages. Et par especial y moururent les 
bourgoiz de Paris et ceulx de Rouen , sire Amaarjr 
Filleul et sire Jehan Mustel qui estoient pour le roy 
de France en hostage*. » 

I..es démêlés qui surgirent en 1 373 entre Philippe 
d'Alençon, archevêque de Rouen, et Oudart d'Atain- 
ville, bailli de cette ville, eurent du retentissement 
hors de Tenceinte de la capitale de la Normandie et 
même hors des limites de cette province. Par consé- 
quent, il n'était pas besoin d'avoir vécu sur le théâtre 
de ces différends pour en faire mention. Mais comment 
savoir, à moins d'être Rouennais, que ce fut « ung 
vendredi environ la Toussains » que dix commissaires 
armés se saisirent des sergents de la cour de TofTicial 

1. Page 79. — â. P^elSl. 



xïY PRÉFACE. 

et les mirent en prison au château de Rouen ; que ces 
commissaires appartenaient à la population du port 
auprès de laquelle le bailli était très-populaire el 
qu'ils tuèrent un chapelain de Téglise Notre-Dame* ; 
enfin, qu'Oudart d'Atainville fut démis de ses Fonc- 
tions de bailli en 1375'? 

Quel autre qu'un chroniqueur rouennais aurait 
éprouvé le besoin de nous faire savoir qu un capitaine 
au service du roi de Navarre, nommé Ferrando, d'a- 
bord mis en prison à Caen, fut ensuite transféré « eu 
chastel de Rouen, en la grosse Tour^. » 

Un autre qu'un Rouennais aurait pu savoir que le 
cœur du roi Charles V fut déposé à Rouen. Cependant 
voici des détails qui semblent dus à des souvenirs per- 
sonnels : i< En cel an, le jour de la Saint Denis^ fut 
fait le service du dit cueur du roy à Rouen. Et fut mis 
le dit cueur en très noble sépulture eu milieu du cueur 
de la dicte église de Nostre-Dame de Rouen. Et furent 
au dit service Tarchevesque de Rouen et autres prelas, 
abbés, monseigneur de Blainville, mareschalde France, 
monseigneur de La Rivière et les autres exécuteurs et 
officiers du roy. Etn*jr ouït nui des fleurs de lis. A très 
grant révérence fut mis le dit cueur en sépulture^. » 

Nous en dirons autant du récit de l'émeute, si con- 
nue sous le nom de Hardie, qui éclata à Rouen eu 
1382. Chaque ligne de la narration trahit, pour ainsi 
dire, la main d'un témoin oculaire'. 



1. Page 243. — 2. Page 256. — 3. P^e 278. — 4. Page 289. — 
5. Pages 298-301. 



PRÉFACE. XV 

De toutes les remarques qui procèdent et qu'il nous 
serait aisé de multiplier', ne sommes-nous pas auto- 
risé à conclure, avec une probabilité qui équivaut 
presque à la certitude/ que notre chronique doit être 
Tœuvre d*un habitant de Rouen ? 



III 



A quelle classe de la société appartenait ce Rouen- 
nais ? Il est probable qu'il n'était pas noble, car les 
gens des communes obtiennent dans maint passage de 
sa chronique une justice qui, pour être méritée, n'en 
était pas moins rare à cette époque, i^utrefois, le lieu 
commun des historiens était le culte de la noblesse 
comme aujourd'hui c'est l'adoration du peuple. Frois- 
sart est le plus célèbre et le plus brillant représentant 
de l'ancienne école, tandis que la chronique écrite au 
quatorzième siècle par le second continuateur de Nan- 
gis est peut-être la première où nous voyons le vieil 
esprit faire place au nouveau. Sans rompre aussi har- 
diment que le moine Jean de Venette avec toutes les 
traditions du moyen &ge féodal et chevaleresque, l'au- 
teur de notre chronique en porte le joug avec des al- 
lures plus libres et plus dégagées que les autres anna- 
listes de cette époque et surtout que le chroniqueur 



1. Pages 33, 36, 37, 39, 40, 41, 62, 63, 65, 77, 78, 80, 87, 88, 89, 
90, 103, 106, 107, 108, 110, 112, 114, 118, 121, 123, 128, etc. 



f: 



t 



,! 



XVI PRÉFACE. 

de Valenciennes. Il fait taxer ou plutôt taxe lui-même 
indirectement de folie le roi Jean^ lorsque ce prince 
renvoie les gens des communes à la veille de la ba- 
taille de Poitiers : « Puis fit donner congié le roy 
Jehan à ses communes de ses bonnes villes. Dont ce 
fut folie à lui et à ceulx qui conseil lui en donnèrent ^ 
se disoient plusieurs^ . » 

A l'occasion d'une victoire remportée en Egypte par 
le roi de Chypre contre les Sarrasins, il ne manque 
pas de faire remarquer que Ton fut redevable de cet 
avantage a à la menue gent. » Dieu voulut, ajoute-t-il, 
qu'il en fût ainsi, afin que les nobles ne s'enorgueil- 
^i lissent point à l'excès de leurs exploits : « Ce fut par 

) la grâce et voulenté de Nostre Seigneur Jhesucrist 

j que ce fait ainsi advint, car Dieu ne voulloit pas que 

i sa noble chevalerie des Crestiens fust perie entre les 

? mains des mescreans, et aussi pour donner exemple 

aux nobles, aux puissans et bonnes gens d'armes qui 
se travailloient à confundre et grever les ennemis de la 
foy. Car Nostre Seigneur Jhesucrist ne veult point de 
boban ne de vanité. Pour ce veult il que les petiz 
feissent ou par eulx fut faicte la victoire affin que les 
grans n'y prenissent vaine gloire*. » 

A propos de la prise de Soubise et de la défaite du 
captai de Buch, notre chroniqueur laisse voir plus 
naïvement le fond de sa pensée , et sa prédilection 
pour les gens du peuple apparaît dans tout son jour. 
Après avoir fait vivement ressortir l'importance de ce 

1. Page 46.— 2. Page 187. 



PRÉFACE. xvn 

succès et avoir insisté avec force sur le courage qu'il 
avait fallu déployer pour l'obtenir , il ajoute aussitôt, 
avec une satisfaction visible, que tout l'honneur en 
revient, non point à de hauts et puissants seigneurs, 
mais à de pauvres vilains et à de petites gens ; puis il 
tire d'un tel exemple une leçon de modestie à l'adresse 
des nobles : a Iceste victoire eurent les Françoiz sur 
le captai et les Gascons et Angloiz que l'en tient à des 
meilleurs guerroiers du monde. Laquelle ne fut pas 
faicte par les haulz et nobles hommes, maiz elle fut 
faicte par petite gent et povres hommes. Et pour ce 
ne doit on pas avoir povre homme d'onneur en despit 
ne le vil tenir^ » 

Évidemment, un écrivain qui éprouvait ainsi le be- 
soin d'interrompre plus d'une fois le cours de sa nar- 
ration pour faire de telles réflexions, ne devait pas 
appartenir au corps de la noblesse. Il n'appartenait 
pas davantage à la bourgeoisie marchande et indus- 
trielle, car alors il y aurait, soit dans l'ensemble, soit 
dans les détails de sa composition, trace d'une sem- 
blable origine. Or, s'il est un fait qui doive frapper 
tout lecteur attentif, c'est que, dans cette œuvre d'un 
Rouennais du quatorzième siècle, on ne trouve pas -un 
mot sur le commerce, très-florissant à cette époque, 
de la capitale normande. 

Il ne reste donc plus qu'à voir dans l'auteur de notre 
chronique un membre du clergé de Rouen. C'est sur- 
tout, on le voit, par l'élimination des autres données 

1. Page 249. 



xTin PRÉFACE. 

que nous sommes amené à cette conclusion; mais 
nous trouvons naturel et facile de nous y arrêter et de 
nous y confirmer. 

Ce n'est pas que certains passages qui portent l'em- 
preinte de croyances religieuses naïves et fortes nous 
paraissent accuser nécessairement un clerc. Ainsi, que 
la révolution qui sauva Paris le 31 juillet 1358 soit 
attribuée aux prières et oraisons qui, de cette ville 
plus que d'aucun autre lieu du monde, selon notre 
chroniqueur, s'élèvent vers Jésus-Christ, la Vierge et 
les saints* ; que l'horrible tempête qui détruisit dans le 
pays chartrain une grande partie de l'armée d'E- 
douard soit regardée comme un fléau envoyé par 
Notre-Dame de Chartres dont le roi d'Angleterre dé- 
vastait le territoire et comme une marque de sa ven- 
geance protectrice*, il n'y a rien dans ces idées qui 
soit d'un clerc plutôt que d'un laïque, cela est sim- 
plement d'un croyant, et l'on sait qu'au moyen âge 
tout le monde était croyant. 

Mais la préoccupation intéressée du clerc et aussi 
peut-être la reconnaissance de l'obligé ne se mar- 
quent-elles pas d'une manière plus significative dans 
les lignes suivantes : « Cestui pape Urbain fist moult 
de bien aux clers et leur donna les bénéfices de Saincte 
Eglise. Â aucuns clers mal lettrés qui par faveur des 
grans princes avoient plusieurs et grans bénéfices le 
pape Urbain leur recouppa leurs grans provendes et 
en donna aux bons clers qui en avoient pou'. » 

1. Page 86. — 2. Pages 1 14 et 115. — 3. Page 134. 



PRÉFACE. XIX 

Les habitants de Viterbe s'étaient révoltés contre ce 
même pape Urbain. Celui-ci fit occuper cette ville 
par son maréchal et par des forces imposantes. Une 
grande partie des coupables furent mis à mort; les 
meneurs principaux furent pendus à leurs maisons, 
et leurs complices décapités. Sur quoi notre chroni- 
queur se contente de faire tranquillement cette ré* 
flexion : « Bien leur monstra riguereusement le mef* 
&it qu'ilz avoient fait contre la dignité papal. Bien y 
doit prendre chacun exemple'. » 

Nous n'ignorons pas que Tautorité temporelle des 
papes u'était pas matière à discussion au moyen âge 
comme de nos jours. Toutefois^ ou nous nous trom- 
pons fort, ou c'est un clerc qui n'a vu dans une ré- 
pression aussi cruelle infligée par un pape à ses sujets 
qu'une leçon dont chacun devait faire son profit. 

Manifestement, c'est un clerc qui a dû tracer le ré- 
cit des demies de Philippe d'Alençon, archevêque de 
Rouen , avec le bailli Oudart d' Atainville. Soit pru- 
dence, soit toute autre cause , notre chroniqueur se 
montre ici fort réservé. Cependant, il n'est pas difficile 
de voir que la cause des immunités ecclésiastiques 
compte en lui un déterminé partisan. Il présente con- 
stamment la conduite du bailli de Charles V sous les 
couleurs les plus défavorables, tandis qu'il n'a pas une 
parole de blâme pour Philippe d'Alençon*. Par le 
même motif, Hugue Aubriot est traité d'homme cruel 
lorsque, à l'occasion de l'enterrement de Charles V, 

.1 Page 183. — 9. Pages 243 et 3i4. 



XX PRÉFACE. 

il intervient à main armée dans un débat de préséance 
entre l'Université de Paris et les chapitres de Notre- 
Dame et de la Sainte-Chapelle : « Là sourdi unggrant 
débat dont le prevost de Paris, Hugues Aubriot, ung 
homs crueux; lui et ses sergens armés coururent sus 
aux clers et en navrèrent plusieurs, et bien plus de 
trente-six en mistrent en prison. Les clers n estaient 
pas armés ^ si furent pour ce jour les plus fiebles^ . » 

Celte dernière phrase, où l'auteur semble tenir à 
excuser les clercs d'avoir eu le dessous dans une ren- 
contre avec leurs adversaires, n'a-t-elle pas tout l'air 
d^avoir été écrite par un ancien habitué de la rue du 
Fouarre? N'y sent-on pas, pour ainsi dire, la main, 
n'y saisit-on pas l'accent d*un clerc qui se souvient 
peut-être, non sans un certain orgueil, d*avoir eu, 
lorsqu'il était écolier de l'Université, maille à partir 
avec les gens d'armes du prévôt de Paris et de les 
avoir rossés ou vu rosser dans le quartier d'outre 
Petit-Pont? 

1. Page 988. 



PREFACE. zzi 



CHAPITRE II. 

De l'importance et de la yaleor historique de la Chronique tUs quatre 
pnmîers Falots, — Des tendances personnettet, religienses, proTÎn- 
cîalesy politiques, internationales qui ont présidé à sa rédaction. 
— De sa Talenr littéraire. *- Des lumières nouTclles qu'elle apporte à 
rhistoire. 



1 



Ce qui fait la valeur historique d'une chronique 
anonyme^ c'est seulement son exactitude intrinsèque 
et Tesprit de critique et de justice dont elle peut té- 
moigner. Malheureusement, ces qualités font presque 
toujours défaut aux annalistes du moyen âge, et Fé* 
crivain inconnu du quatorzième siècle dont nous 
publions le travail aurait pu lui-même, nous en^con- 
viendrons sans peine, les posséder à un degré plus 
remarquable. Les erreurs que Ton peut relever dans 
sa narration sont certainement très-nombreuses , rien 
n'est plus aisé que de s'en convaincre. Cependant, si 
on le compare à quelques autres chroniqueurs de la 
même époque, la comparaison est loin de lui être dé- 
favorable. 

Sans doute, il accueille les légendes les plus fabu- 
leuses avec une crédulité excessive; mais serait-il 
juste de lui reprocher trop durement un travers au- 
quel n'échappaient pas de son temps les meilleurs 



xxu PRÉFACE. 

esprits? Cette légende étymologique du mont Tom- 
belaine', par exemple, qui nous parait avec raison si 
m vraisemblable, ne la trouve- t-on pas dans presque 
tous les ouvrages, antérieurs ou postérieurs à notre 
chronique, qui ont été publiés au moyen âge sur la 
Normandie? Ne pardonnerons-nous pas à notre auteur 
la faiblesse qu'il a eue de la reproduire ? Et cette autre 
légende du voyage d'un chevalier au purgatoire de 
saint Patrice et en enfer % n'était-ce pas aussi un lieu 
commun accepté par tous les esprits aux treizième 
et quatorzième siècles? Qui n'y reconnaît le moule 
populaire où Dante venait jeter ses souvenirs et ses 
rêves, ses amours et ses haines, ses vengeances et 
ses rancunes, en un mot toutes les ardeurs, tous les 
bouillonnements de son fier génie? 

Il y a, il est vrai, une troisième légende, qui, si nous 
ne nous trompons, n*a été rapportée que par notre 
chroniqueur et dont par conséquent force nous est de 
le faire seul responsable. Mais, bien que nous n'y 
ajoutions guère plus foi qu'aux deux précédentes, 
nous regretterions vivement qu'elle ne nous eût pas 
été conservée, tant le merveilleux nous en parait tou- 
chant, tant il nous semble trahir d'une manière aussi 
forte que naïve la protestation de l'honneur français 
essayant en quelque sorte de regimber contre un des 
plus grands désastres de notre histoire. Voici le fonds 
de cette légende. Un ange apparaît à un brave homme 
qui habitait du côté de la Champagne, lui annonce 

I. Pftge» 296-929. — 2. Pige 22. 



PRÉFACE. xxui 

• 

que le roi Jean sera défait, s*il livre bataille k Poitiers, 
et le charge d'aller dire à ce prince de ne pas com- 
battre ses ennemis. L'honnête campagnard accompHt 
sa mission ; mais le roi de France refuse de l'entendre 
et d'avoir égard aux avis du Ciel ; aussi est-il vaincu 
par les Anglais. Tel est le résumé fort sec d'un récit 
dont il faut savourer dans notre texte même l'exprès* 
sive naïveté '• Évidemment, nous le répétons, le sen- 
timent national, qui fut toujours si chatouilleux en 
France, se voyant humilié par la défaite de Poitiers, 
voulut prendi*e sa revanche dans cette légende popu- 
laire. Il se persuada naturellement que, si Jean fut 
vaincu, ce fut moins par les Anglais que par le Gel 
dont ce prince était accusé d'avoir négligé les avis et 
méconnu les ordres. 

Si notre chroniqueur admet avec la même com- 
plaisance que ses contemporains ces légendes popu- 
laires, cela ne l'empêche pas de faire souvent de 
judicieuses réserves lorsqu'un fait lui parait invraisem- 
blable. Ainsi, racontant quelque part certaine anec- 
dote relative à la naissance de Pierre le Cruel, il ne 
manque pas de nous dire qu'il a peine à y croire : 
« Mais c'est dure chose à croire, car la royne, celle 
qui l'appelloit filz, fut très saincte et bonne et moult 
religieuse dame ; et n'eust jamaiz fait ung tel fol har- 
dement envers le bon roy Alphons son seigneur *• y» 
Ailleurs, après avoir rapporté que l'on accusait le roi 
de Navarre d'avoir empoisonné sa femme, il a soin de 

f . Pkgef 46-iS. — I. Pi«e 168. 



PRÉFACE. 

faire remarquer que ce n'est pas lui qui dirige cette 
imputation contre Charles le Mauvais, car ce prince 
aimait beaucoup la reine, sa femme : « Mais je ne dy 
pas que ce eust fait faire le roy de Navarre, car il Ta- 
moit moult \ » 

Un détail qui n'atteste pas moins chez cet écrivain 
le souci de Texactitude, c'est qu'en quatre endroits de 
sa chronique * il lui est arrivé de laisser en blanc des 
noms de lieu, des dates, des chiffres, que sans doute 
il n'avait pas présents à l'esprit au moment de la ré- 
daction. Des circonstances que nous ignorons l'empê- 
chèrent sans doute de remplir par la suite ces blancs, 
car ils subsistent dans le manuscrit unique qui est 
parvenu jusqu'à nous. Il est permis de trouver regret- 
tables ces lacunes, mais il n'en faut pas moins savoir 
gré à notre chroniqueur du scrupule dont elles nous 
administrent la preuve. 



II 



Si l'on peut juger du caractère d'un homme par ce 
qu'il a écrit, l'auteur de notre chronique devait être 
ce qu'on appelle un modéré. Il avait au moins assu- 
rément une intelligence amie de la mesure, sensée et 
judicieuse. A une époque où la France était déchirée 
en partis contraires et en proie aux luttes intestines les 
plus violentes, nous le voyons se tenir à égale distance 

1. Page 27i — 2. Pages 79, 143, 256, 394. 



PRÉFACE. XXV 

de toutes les opinions extrêmes. Nous le félicitons 
d'autant plus volontiers d'un tel esprit de réserve, 
qu'il y sait joindre le sentiment le plus énergique du 
droit et de la justice. Il a des opinions modérées, 
mais il ne craint pas de faire entendre la vérité, même 
lorsque cette vérité est un reproche sanglant à l'a- 
dresse de quelque puissant de la terre. 

On sait que Raoul, comte d'Eu et de Guines, con- 
nétable de France, fut décapité par l'ordre du roi 
Jean. Notre chroniqueur fait suivre la mention de 
cette exécution des détails suivants : « De laquelle 
mort ce fut douleur, car c'estoit ung des plus cour- 
tois, des plus gracieux chevaliers de France et des 
plus larges. Nul n'osa parler de la cause de sa mort. 
De laquelle furent troublés grant partie des nobles de 
France, ne oncques ne fut sceu du peuple la cause de 
sa mort, jasoit ce que plusieurs en parloient et mur- 
mur oient ^ » 

A propos de l'exécution du comte de Harcourt, de 
Jean de Graville, de Maubué de Mainemare et de Co- 
linet Doublet, décapités à Rouen par Tordre du roi 
Jean, ce même prince reçoit un blâme qui, pour être 
adressé sous forme indirecte et en nom collectif, n'a 
que plus de gravité et de force, a Moult fut blâmé le 
roy Jehan de l'occision des diz seigneurs, et moult en 
fut en la malivolenoe des nobles et de son peuple et 
par especial de ceulx de Normandie '• » 

On pourrait croire que le blâme est simplement 

1. Pages 19 et 90. — 9. Page 37. 



PRÉFACE. 

chez notre chroniqueur une arme de parti ^ ce serait 
une erreur; il le déverse à l'occasion sur les person- 
nages qu'il parait aflectionner le plus. Philippe de 
Navarre est sans contredit un de ces derniers. Charles 
d'Espagne, au contraire, semble n'avoir eu nullement 
les sympathies de l'annaliste rouennais. Et cependant 
lorsque, dans un récit très-neuf, celui-ci nous montre 
le favori du roi Jean surpris à Laigle par ses ennemis, 
puis aussitôt assassiné par les ordres et sous les yeux 
de Philippe de Navarre, il cherche évidemment à ex- 
citer la pitié en faveur de la victime, et l'indignation 
contre ses bourreaux qui « tant angoisseusement, vil- 
lainement et abhominablement l'apareillerent qu'ilz 
lui firent quatre vingt plaies ^ » 

La même franchise courageuse a inspiré les juge- 
ments que porte notre chroniqueur sur les faits et les 
événements politiques. Nul n'a blâmé avec plus de 
force que lui le traité de Brétigny ; nul n'en a fait res- 
sortir l'inopportunité par des raisons mieux motivées : 
a Trop fut ce traictié legierement accordé en grant 
gnef et préjudice du royaume de France. Car l'ost du 
roy d'Angleterre n'avoit que mengier, et si n'avoit nulz 
vivres sur le plat pais. Car tout s'estoit retrait es for- 
teresses, chasteaux et bonnes villes qui n'estoient pas 
legieres à conquérir. Par quoy il falloit que le dit roy 
d'Angleterre et son host par force vuidassent et par- 
tissent du royaume de France, car ilz ne trouvoient 
que mengier, et si estoient ja demi affamez. Et si pre- 

1. Page 28. 



PRÉFACE. xxvii 

judicia trop ce dit traittië à la couronne de France. 
Car depuis qu'il fut tout passe et accordé^ le dit roy 
Jehan ne vesqui que ung pou après. Dont ce fut grant 
domaige pour le royaume de France. >» 

11 est vrai que notre chroniqueur, comme effrayé de 
sa hardiesse, ajoute aussitôt le correctif suivant, dicté 
évidemment par la prudence : « Il est à supposer que 
ceulx qui tirent ce dit traittié le firent à honne enten- 
cion à leur adviz au bien du royaume et pour la dé- 
livrance du roy Jehan de France \ » 

Pierre de Sacquenville, fait prisonnier à Cocherel 
dans les rangs uavarrais où il combattait contre son 
suzerain, est-il décapité à Rouen par l'ordre de 
Charles V ? Notre chroniqueur ne manque pas de faire 
réloge de ce chevalier, en l'accompagnant, il est 
vrai, d*un blâme : « Lequel fut en son temps ung bon 
homme d'armes et grant sages homs, maiz à la fois 
sage foloié*. x 

En revanche, il ne mêle aucune restriction à Phom- 
mage si flatteur qu'il rend à l'avocat Jean Desmares, 
décapité en 1380 par l'ordre des conseillers de 
Gliarles VI, et il proteste noblement contre la con- 
damnation et l'exécution de ce recommandable ci- 
toyen : « Desquelz fut Tun monseigneur Jehan Des 
Mares, chevalier, conseillier du roy en son parlement, 
et en ses jours le plus solennel advocat du royaume. 
Lequel fut merveilleusement plaint de tout le peuple 
tant à Paris que aillieurs pour le bien de sa personne. 

J. Pige H7. —2. Page 149. 



xxnu PRÉFACE. 

Lequel fut condampné en son absence, et ne fut 
oncques ouy en ses excusacions K » 

Cette sympathie si noble et si généreuse pour toutes 
les victimes, à quelque parti qu'elles appartiennent, 
ne fait-elle pas honneur au caractère de notre anna- 
liste ? Ne doit-elle pas inspirer plus de confiance dans 
son témoignage, et la valeur historique de son œuvre 
n'en est-elle pas augmentée ? 

Au reste, cette fermeté juste et modérée de carac- 
tère n'apparatt pas moins dans des questions où le 
chroniqueur est sans doute plus directement inté- 
ressé, je veux dire dans les matières religieuses et dans 
les questions qui ont trait à la province de Norman- 
die. Le grand événement religieux de cette époque, 
c'est le schisme qui divisa T Église entre le pape Ur- 
bain et le pape Clément. Notre auteur ne dit nulle 
part en termes bien explicites de quel c6té il se range. 
Toutefois, il n*est pas difficile de s'apercevoir qu'il a 
pris parti dans ce débat solennel, et que pour lui Clé- 
ment n'est qu'un antipape, tandis que le vrai pape 
est Urbain. Si les cardinaux élurent Clément après 
avoir donné leurs suffrages à Urbain, c'est que ce der- 
nier voulait réformer leurs mœurs et diminuer le 
nombre de leurs bénéfices : « Et pour ce qu'il les 
voult corrigier et leurs bénéfices apeticier, les diz car- 
dinaulx se partirent de Romme *. » Charles V se dé- 
clare pour Clément, parce que cet antipape est de son 
lignage, et un certain nombre de prélats courtisans 

i. Page 310. — 3. Page 368. 



PRÉFACE. XXIX 

imitent Texemple du roi dans la crainte de perdre 
leurs bénéfices : « En Tan de grâce mil trois cens 
soixante dix neuf, dit-ii, vindrent à Paris trois cardi- 
naulx de par le pape Gement. Et prescherent et firent 
preschier devant le roy de France et devant le peuple 
que le pape Clément estoit vray pape et que le pape 
Urbain n'estoit pas pape. Le roy de France fiit de leur 
accord, car le dit pape Clément estoit de son lignage. 
Maiz les clercs de l'Université de Paris ne le fiirent pas 
ne le peuple. Les prelas tindrent t opinion du royafp^n 
quUlz ne perdissent leurs bénéfices^, m 

Notre chroniqueur éprouve un plaisir évident à ci- 
ter tout au long la lettre si modérée, si spirituellement 
railleuse et si digne que le pape Urbain écrivit aux 
cardinaux dissidents pour répondre à leurs injures. 
Cette belle épitre nous fait voir dans Urbain un de 
ces prélats, hommes d'esprit, qui ont été à toutes les 
époques l'honneur de la pourpre romaine *. 

 Rouen, patrie présumée de notre annaliste, se 
trouvait un autre partisan dévoué d'Urbain, l'arche- 
vêque Philippe d'Âlençon, qui fut fait cardinal par ce 
pape. Cette conformité de vues sur un point aussi ca- 
pital,^ jointe à d'autres indices, nous donne lieu de 
penser que la meilleure entente régnait entre ce pré- 
lat et notre chroniqueur. Celui-ci, comme nous Ta* 
vous fait remarquer plus haut, donne constamment 
raison à Philippe dans sa lutte contre le bailli Oudart 
d'Atainville ; et s'il ne nous entretient pas des démêlés 

1. P^ge 280. — 9. Pages 370 et 271. 



PRÉFACE. 

du fier et tenace archevêque avec Charles V lui-même, 
peut-être ne faut -il voir dans cette discrétion que Tef- 
fet d'une nécessaire prudence. En efTet, sans être pré- 
cisément hostile au pouvoir royal et à Charles le 
Sage , Tauteur de la Chronique des quatre premiers 
Valois se montre partout très-jaloux des immunités 
ecclésiastiques, des privilèges locaux et surtout des 
vieilles libertés provinciales de la Normandie. Le 
célèbre Godefroi de Harcourt fut sous le roi Jean le 
principal représentant de ces tendances d'opposition 
et de cet esprit de résistance. Aussi notre chroniqueur 
parle-t-il toujours- de ce chevalier avec une com- 
plaisance et une faveur marquées. On n*a qu'à jeter 
les yeux sur le récit si curieux et si neuf, dans ses 
détails, du mauvais tour joué sous couleur d'hom- 
mage par l'audacieux gentilhomme au jeune duc de 
Normandie*; on n'a qu'à lire la narration si drama- 
tique et si éloquente de la mort de ce chevalier *, et 
l'on se convaincra qu'aux yeux un peu éblouis de 
l'annaliste rouennais, son compatriote Godefroi de 
Harcourt est vraiment un héros. 

On retrouve dans les tendances politiques de notre 
chroniqueur le même caractère de fermeté et de pru- 
dente mesure que nous venons de signaler dans ses 
jugements sur les personnes, dans son attitude au 
point de vue religieux et au point de vue provincial. 
Comme le moine Jean de Venette, autrement dit le 
second continuateur de Nangis, avec lequel il a plus 

1. Page 34. ^ 2. Pages 66 et 67. 



PRÉFACE. 

d*un trait de ressemblance, l'auteur de la Chronique 
des quatre premiers Valois donne une entière appro- 
bation aux commencements de la carrière politique 
de Marcel ; comme lui, il loue sans réserve la conduite 
et les résolutions des états généraux à leurs débuts ; 
mais comme lui aussi, il condamne les actes de des- 
potisme et de violence, les compromis où ces états 
se laissèrent entraîner vers la fin au mépris du pa- 
triotisme ; comme lui, il inflige le blâme aux derniers 
actes du prévôt : « Bon commencement ourent^ 
dit-il quelque part en parlant des états de 1356, 
mais mal finerent^. » Il rend grâces au Ciel de la 
révolution du 31 juillet 1358 qui mit Paris à Tabri 
d*un affreux coup de main : « Par la voulenté de 
NoBtre Seigneur Jésus Christ et par droicte inspi» 
racion divine^ aucuns bons preudommes notables 
boui^oiz de Paris ourent regret et recours à leur droit 
seigneur, monseigneur le régent le royaume de 
France, Charles duc de Normandie et dalphin de 
Vienne, ainsné filz de Jehan le roy de France*, n 
Notre annaliste n'en prête pas moins, selon sa loyale 
et généreuse habitude, l'attitude la plus noble et la 
plus digne à Marcel et à quelques-uns de ses princi** 
paux complices au moment où ils périrent victimes de 
la réaction dirigée par la bourgeoisie royaliste : « Et 
pour plus Ten faire certain, le dit Jehan Maillart et le 
dit Pépin des Essars vindrent o grant quantité de 
boui^oiz et de peuple à la bastide Saint Authoine, 

\. Page 59. — 3. Page 83. 



n.» 



xx»i PRÉFACE. 

et là coururent au prevost les marchans de Paris sus 
et à cinq bourgois qui o lui estoient. Pierres GuifTart 
et Jehan de Lisle se deffendirent^ car ilz estoient de 
grant courage. Et comme on assailloit le prevost, il 
disoit : « Pour quoy me vouliez vous faire mal ? Ce 
« que je faisoye, je faisoye pour vostre bien comme 
ce pour le myen. Et ains que j'enprinse riens^ vous me 
(( feistes jurer que l'ordonnance que les trois estas 
« avoient ordonnée je mainteudroye de mon povoir. » 
Ainsi fina ledit prevost^ » Notre chroniqueur flétrit 
les excès commis par les Jacques; mais quel bel éloge 
il ose faire de leur chef^ Guillaume Cale : « Entre eulx 
estoit ung homme bien sachant et bien parlant, de 
belle figure et fourme. Cestui avoit nom Guillaume 
Charles. Les Jacquez en firent leur chief. Maiz il 
vit bien que c'estoient gens de petit fait, pour quoy 
il fit reiïuz d'en avoir le gouvernement. Maiz de 
Ëdt les Jacquez le prindrent et en firent leur gouver- 



neur*. » 



Rien ne serait plus curieux qu'une histoire de cette 
haine si regrettable qui, pendant trop longtemps, a 
animé l'une contre l'autre la France et l'Angleterre. 
On se tromperait gravement en faisant remonter cette 
haine au commencement de la guerre dite de cent 
ans : elle ne fut que le résultat, et même assez tardif, 
de cette lutte séculaire. Sans doute, bien avant cette 
époque, il y avait eu entre les deux pays des guerres 
terribles et nombreuses ; mais l'âme de ces guerres, 

1. Pagei 84 et 85. — 3. Page 71. 



«•« ^ n ^.s:a \ 



i 



PRÉFACE. 

c'était une sorte d'ëmulation chevaleresque, courtoise 
et généreuse, ce n'était pas la haine, une haine achar- 
née et implacable. Le premier monument où Ton voit 
percer la violence . sombre de cette passion, est la 
chronique dite du second continuateur de Guillaume 
de Nangis, composée dans la seconde moitié du qua- 
torzième siècle. L'auteur de cette chronique, le moine 
Jean de Yenette, habitait le couvent du mont Carmel 
à Paris, et Ton sait que cette ville iut Tun des foyers 
d'où la haine violente des Anglais se répandit bientôt 
par tout le royaume. L'hostilité contre l'Angleterre est 
certainement beaucoup moins marquée dans notre 
chronique. Il y a même un passage que Ton pourrait 
citer comme un exemple et un témoignage de cette 
courtoisie chevaleresque qui présida dans le principe 
aux relations des deux peuples. 

Au temps où Ivain de Galles était en Espagne auprès 
du roi Henri de Transtamare , les Espagnols amenè- 
rent prisonniers les Anglais qu'ils avaient défaits dans 
un combat naval livré en vue de La Rochelle. Les 
vainqueurs avaient attaché leurs captifs par couples avec 
des cordes , comme des chiens qu'on mène en laisse : 
ff En ceste manière, dit le chroniqueur, menèrent les 
Espaingnolz les Angloiz devant leur roy. Et comme les 
Angloiz veoient les Françoiz, ilz leur disoient : a Noble 
cf gent de France et doulce, se nous fussions voz 
« prisonniers, nous ne feussons si villainement menez 
H ne si durement traictiez comme nous sommez '. » 

1. Pftge335. 



xzziT PRÉFACE. 

Toutefois^ à l'époque où nous sommes parvenus, 
c'est-à-dire vers le milieu de la guerre de cent ans, la 
lutte s'était déjà envenimée, et les dispositions mu- 
tuelles des deux peuples avaient singulièrement 
changé. Aussi voyons-nous quelque part notre chro- 
niqueur exprimer le regret que les Français, au lieu 
de faire prisonniers les Anglais qui leur tombaient 
entre les mains à la guerre, n'eussent pas pris l'habi- 
tude de les tuer, parce que c'eût été le seul moyen 
d'en finir avec eux et de délivrer le royaume de leur 
présence : « Et donc commencèrent à traire parmy 
eulx, et les communes leur coururent sus, si que en 
pou d'eures furent tous occiz, et furent là occiz plus 
de trois cens Angloiz. Ainsi fut Ten délivré d'eulx, et 
qui eust ainsi fait le temps passe ^ les guerres n eussent 
pas tant longuement duré comme Hz ont^. » 

Certes, un tel souhait part d'un sentiment qui n'a 
rien de commun avec la bienveillance. Toutefois, il 
accuse peut-être encore plus d'impatience de guerres 
trop prolongées que d'animosité proprement dite. Il 
&ut arriver à l'époque de Charles VII et de Jeanne 
d'Arc pour voir éclater, dans toute sa force, cette haine 
meurtrière dont les luttes du commencement de ce 
siècle devaient malheureusement raviver les sangui- 
naires ardeurs. 

1. Pages 169 et 170. 



PRKFACE. sut 



III 



Enyisagëe au poÎDt de vue littëraire, la Chronique 
des quatre premiers Valois n'a ni la précision étudiée 
de la partie des Grandes Chroniques de France^ 
rédigée par Pierre d'Orgemont, ni le pittoresque et 
rédatante couleur des récits de Froissart. Le style 
n'en est pas moins presque partout d'une lucidité 
remarquable. On peut regretter seulement cette ha* 
bitude de commencer presque toutes les phrases par 
la conjonction et:^ une telle manie communique à la 
diction une pesante uniformité et finit par impatienter 
le lecteur. Ces et répétés sont comme autant de 
dous grossiers et lourds qui, enfoncés en tête de 
chaque phrase, lui 6tent toute liberté de mouvement 
et d'allure et Tempéchent, pour ainsi dire, d'essayer 
son Tol et de prendre son essor. Les récits de ba* 
taille ont en général porté bonheur à notre annaliste. 
Sans doute, il ne faut lui demander ni les dévelop- 
pements ni les détails épisodiques qui abondent dans 
Froissart ; une chronique aussi abrégée que la sienne 
ne les comporte pas. Mais l'entrain belliqueux, mais 
la verve guerrière , mais le souffle ardent des com* 
bats, il ne les possède pas à un degré moindre que 
le chroniqueur de Valenciennes. Le combat naval de 
l'Écluse^ la bataille de Poitiers', la rencontre des 

I. Pages 9-11. —2. Pages 48-57. 



PRÉFACE. 

Jacques avec les gentilshommes *, Taffaire deÇocherel *, 
celle d' Aurai', celle de NavarreUe*, ont été pour 
notre écrivain , comme pour Froissart , Toccasion 
d'autant de triomphes littéraires. 

Les narrations de tous les événements qui ont un 
caractère plus ou moins tragique, sont aussi merveil- 
leusement réussies. Nous citerons notamment les ré- 
cits de l'assassinat de Charles d*Espagne*, des derniers 
moments de Godefroi d'Harcourt*, de Texécution de 
Marcel et de ses principaux complices \ Ces pages 
si naturelles, si éloquentes dans leur naïveté, peuvent 
soutenir la comparaison avec les tableaux les plus 
vantés de Froissart. 

On doit vivement regretter que notre auteur n'ait 
pas donné la même attention que le chroniqueur de 
Valenciennes aux sujets de la vie familière et intime ; 
on ne rencontre dans sa chronique qu'un récit em- 
prunté à cet ordre d'idées, et ce récit est un vrai 
chef-d'œuvre. Nous voulons parler des amours du 
prince de Galles et de la veuve de messire Thomas 
HoUand, digne pendant du célèbre épisode des 
amours d'Edouard et de la comtesse de Salisbury 
dans Froissart. Qu'on nous permette d'égayer un 
peu la fin de cette trop longue préface en citant ce 
badinage exquis : « Icestui monseigneur Thomas de 
Hollande avoit espousée une des plus belles dames 
du monde et moult noble. Apres le trespassement 



i. Pagei72-76. — 2. Pageil44-«47— 3. Pages 159-162.— 4. Pa- 
ges f 78-1 81. — 5. Pagea 26-28.-6. Pages 66 et 67. — 7. Pages 84-85 



PRÉFACE. xxxvii 

de son dit seigneur, moult de nobles chevaliers qui 
moult aToient servi le roy d'Angleterre et le prince 
son filz en leurs guerres, vindrent requerre au prince 
qu'il lui pleust à parler à la contesse de Hollande. 
En especial ung des haulz hommes et nobles d'An- 
gleterre nommé monseigneur de Broacs, très bon 
chevalier, qui moult grandement avoit servi le prince 
et pour lui tant en ses guerres que autrement avoit 
moult travaillié , requist le dit prince qu'il lui pleust 
tant faire qu'il eust la dicte dame et contesse pour lui 
à femme et qu'il en parlast à la dicte dame. 

« Le prince pour le dit chevalier parla à la dicte 
dame de Hollande par plusieurs foiz. Car moult vou- 
lentiers aluit pour soy déduire veoir la dicte dame qui 
estoit sa cousine et souventefToiz regardoit sa très 
grant beauté et son très gracieux contenement qui 
merveilleusement lui plaisoit. Et comme une foiz le 
prince parloit à la dicte contesse pour le dit cheva- 
lier^ la contesse lui respondi que jamaiz espoux n'au- 
roit. Et elle, qui moult estoit soubtille et sage, par 
plusieurs foiz le dit au prince. « Ha ! A ! se dit le prince, 
« belle cousine, en cas que vous ne voulez marier à 
a mez amis, mal fut vostre grant beauté dont tant 
« estes plaine. Et se vous et moy ne nous appartenis- 
c sons de lignage, il n'est dame soubz le ciel que 
«V j'eusse tant chiere comme vous. » Et alors fut le 
prince moult soupprins de l'amour à la contesse. Et 
lors prinst la contesse à plourer comme femme soub- 
tille et plaine d'aguet. Et donc le prince la prinst à 
conforter et la prinst à baisier moult souvent en pre- 



XXXVIII PRÉFACE. 

nant ses lermes à graDt doulceur et lui dit : a Belle 
« cousine, j'ay à vous parler pour ung des preux 
(c chevaliers d'Angleterre , et avec ce il est moult 
a gentilz homs. » Ma dame la contesse respondi 
a en plourant au prince : ce Ha ! sire , pour Dieu 
r< vueilliez vous souffrir de me parler de telles paroles. 
(c Car c'est mon entente que je n'aye jamaiz espoux. 
« Car je me suys du tout donnée au plus preux de 
a dessoubz le firmament. Et pour Tamour d'icellui, 
ti jamaiz espoux fors Dieu n'auray tant que je vivray. 
« Car c'est chose impossible que je Taye; et pom* 
c< la sienne amour me vueil garder de compaignie 
« d'omme, ne jamaiz n'est m'entencion de moy 
« marier. » 

c< Le prince fut moult en graut désir de scavoir cil 
qui estoit le plus preux du monde , et moult requist 
la contesse qu'elle lui deist. Maiz la dicte contesse, 
plus l'en veoit eschaufTé, plus lui prioit qu'il n'en 
cerchast plus avant, et lui disoit : '< Pour Dieu, très 
ce chier seigneur, en soy agenouillant, pour la très 
ce douce vierge mère, vueilliez vous en souffrir 
ce atant. » Â brief raconter, le prince lui dist que, 
s'elle ne lui disoit qui estoit le plus preux du monde, 
qu'il seroit son mortel ennemy. Et lors lui dit la 
contesse : « Très chier et redoubté seigneur, c'est 
oc vous, et pour l'amour de vous jamaiz à mon costé 
oc chevalier ne gerra. » Le prince qui moult fut 
adonc embrasé de l'amour à la contesse lui dit : 
ce Dame, et je « voue à Dieu que jamaiz autre femme 
que vous , tant « que vous vivres , n'auroy. » Et 



PRÉFACE. XXXIX 

présentement la fiança ^ puis après assez briefment il 
respousa\ » 



IV 



Trois monuments d'une importance capitale, les 
Grandes Chroniques de France, celles de Froissart et 
la seconde continuation de Nangis, éclairent depuis 
longtemps Tépoque dont la chronique, jusqu'à pré- 
sent inédite et inconnue, que nous publions ici, 
retrace aussi Thistoire. C'est pourquoi, personne, 
croyons-nous, ne sera surpris d'apprendre que cette 
publication ajoute surtout des faits de détail à la 
somme de nos connaissances sur ces soixante -six 
années du quatorzième siècle, dont elle embrasse 
succinctement le récit. 

Les renseignements tout à fait neufs, les révélations 
proprement dites n'y font pourtant point entièrement 
défaut. Il V a notamment sur les derniers incidents 

•r 

de la Jacquerie*, sur les causes et certains détails de 
la révolution du 31 juillet 1358', sur une curieuse 
expédition des Picards en Angleterre \ et sur la re- 
vanche prise par les Anglais* et sur nombre d'événe- 
ments dont la liste serait trop longue, des pages pré- 
cieuses qui comblent heureusement de véritables 
lacunes historiques. Les développements donnés plus 



i. PÉges 42^425. —9. Pages 71-77.— 3. Pages 83-86. — 4. Pa- 
ges Hi-li3. — 5. Pages Ii7-ii9. 



XL PRÉFACE. 

haut dans cette préface nous ont dëjà^ sur d'autres 
points essentiels, fourni Foccasion de prouver cette 
vérité. Toutefois, je le répète, les détails nouveaux 
que cette chronique nous apporte presque sur chaque 
événement de quelque importance, voilà ce qui fait 
surtout, à nos yeux du moins, sa valeur historique. 
Nous avons cru devoir noter ce qu'il y a de plus inté- 
ressant dans ces additions, ces rectifications ou sim- 
plement ces divergences; mais nous avons cru aussi 
que la place de ces notes était au bas du texte auquel 
elles se rapportent. 



PREFACE. xu 



CHAPITRE m. 

Detonpdon ci histoire da manuscrit de la Ckromiquê de* quatre 

premiers Faiou, 

La chronique que nous publions est conservée dans 
le manuscrit inscrit sous le n* 107 du Supplément 
français^ au département des manuscrits de la Biblio- 
thèque impériale. Elle occupe 78 folios, du folio 113 
au folio 190. L'écriture est du milieu du quinrième 
siècle. Voici la description très-fidèle de ce manuscrit 
et des divers ouvrages qui y sont contenus telle que 
nous l'empruntons au catalogue de la BibUothèque 
du collège de Clermont dont il faisait partie à la fin 
du dernier siècle, époque où il est entré à la BibUo- 
thèque du roi. 

DCCCXXIL 

Un volume in-fol., de 317 feuillets, en vélin, cou- 
verture de velours rouge ornée de doux, equerres et 
fermoirs de cuivre doré, écriture du quinzième siècle, 
contenant : 

1* La Chronique de Normandie, par Guillaume le 
Taleuty commençant à Aubert, premier duc (pré- 
tendu) de Normandie, et finissant à Henry III, roi 
d'Angleterre, ou depuis 1208 jusqu'à 1216. Cette co- 
pie diffère peu de l'imprime. 



PRÉFACE. 

2** Chronique de France, traduite en français du la- 
tin de Guillaume de Nangis, par le même Nangisj 
commençant à Pharamond, fils du duc Marcomire en 
420, et finissant à la mort de Charles VI en 1322. 

3^ De origine et antiqua divisione regni Ângliae. 

V Les Sermens que doivent faire le Chancelier et 
autres Grands Officiers de France. 

5' Les Chroniques et accidents depuis le roi Phi- 
lippe de Valois en \Z^ jusquià Charles VI le Bien- 
aimé en 1393, sans nom (Fauteur. 

G"" Histoire d'Alexandre le Grand, roi de Macé- 
doine, sans nom d'auteur. 

7* Le livre des mœurs et du gouvernement des sei- 
gneurs, appelle Les Secrets des Secrets dÀristote. 

8* La proposition faite de par l'Université de Paris 
devant nos Seigneurs de France et tout le Conseil as- 
semblés, pour la réformation du royaume. Tan 1405, 
par maitre Jean Gerson, solennel mattre en théologie 
et Chancelier en Téglise Notre-Dame de Paris. 

9' Charla Normannorum a Ludovico X®, Franco- 
rum rege, confirmata apud Vicenas ( Vincennes ) 
an. 1314. 

10® PactumTrecense contra Carolum VII, tunctem- 
poris Delphinum, in cujus fine legitur : « Datum Pa- 
risius in Parlamento nostro die quarta augusti anno 
Domini W CCCC® vicesimo quarto et regni nostri se- 
cundo. » Et infra : « Collatio facta est» » 

11* Requeste pour remonstrer en brief que les ha- 
bitants du duché de Normandie ne doivent être tra- 
duits en France pour fait de iostice ; et Déclaration 



PREFACE. xLui 

de Charles VI donnée à Troyes en 1 420, qui accorde et 
assure ce droit aux Normands. 

1 2* Arrêt de 1 31 8 qui décide qu'un prélat ou égli- 
sier peut acquérir en ses fiefs. 

1 3* Aliquœ ordinationes tangentes jurisdictionem et 
libertatem ecclesiœ. Actum apud Vicenas anno Do- 
mini W CGC et XV. 

14* Privilegium Universitatis Cadomensis per Hen- 
ricum VI, Angliœ regera. Datum Rothomagi anno Do- 
mini M* CCCC trigesimo primo. Sequitur confirma- 
tio Eugenii IV papse. 

1 5* Confirmatio Chart» Normannorum per Ludo- 
vicum X Francise regem data apud Castrum novum 
anno Domini M** CGC* et vicesimo tertio. 

1 6* Decretum unionis orientalis ecclesiae cum occi- 
dentali publicatum in sacrosancto œcumenico conci- 
lio Floreotino anno Domini M* GGGG* XXXIX* *. 

On voit par cette liste que la Chronique des quatre 
premiers Valois est le cinquième des ouvrages ccHi- 
tenus dans le manuscrit n*107. Elle est précédée 
immédiatement de notions géographiques sur TAn- 
gleterre, en latin^ et des formules du serment que 
doivent prêter au roi de France les grands officiers 
de la Gouronne. La main qui a tracé ces formules les 
a fait suivre de cette mention significative : Nota quod 
ciifitas Parisiensis fuit perbita décima ter lia die aprilis 



1. Cattdogus manuseriptorum codicum eoUegii ClaromotUami ^ ParUiii m 
ptktioy âpnd Lederc, 1764, p. 81 Ml 3. 



ZUT PRÉFACE. 

post Pascha anno Domini millesimo quadringentesimo 
tricesimo sexto. Paris fut| en effet, repris sur les An- 
glais en 1436. Cette curieuse note donne lieu de sup« 
poser que le manuscrit qui contient notre chronique 
a été entre les mains de quelque secrétaire au service 
de Henri YI, roi d'Angleterre. 

Ce manuscrit a été relie sous le premier Empire aux 
armes de Terapereur Napoléon l*'. Trois feuillets de 
garde ont été placés à tort par le relieur, la tête en 
bas, à la fin du manuscrit. Sur le second de ces 
feuillets de garde, on trouve ces lignes dont récriture 
est du milieu du seizième siècle : 

Legentem si quis repperiat hurvc forte lUfellum^ 
sunt possessoris cognita signa sui. 

Signé : 

Raymond Forget. 



Nous apprenons par une quittance, conservée au 
cabinet des titres de la Bibliothèque impériale, au mot 
Foi^et, qu'un sieur Raimond Foi^et, qualifié de 
« conseiller du roy, secrétaire de ses finances » avait 
reçu de Mgr de Bâillon, trésorier de la maison du roi, 
la somme de cinquante livres pour ses gages de secré- 
taire de la chambre, des quartiers de juillet et oc- 
tobre 1 561 • La signature et l'endos de cette quittance 
sont de la même écriture et paraissent être de la 
même main que la signature et les vers inscrits sur le 
feuillet de garde du manuscrit n* 107. Nous sommes 



PRÉFACE. XLT 

donc fondés à croire que ce manuscrit était, vers 
le milieu du seizième siècle , la propriété du secrétaire 
du roi Raimond Forget. 

passa ensuite entre les mains de messire Joachim 
de Dinteville, qui lui-même en fit cadeau au mois de 
février 1 578 à un troisième personnage dont le nom 
nous est inconnu. Ces détails nous sont révélés par les 
lignes suivantes placées sur le feuillet de garde en 
question au-dessous de le signature de Raimond For- 
get, mais dont l'écriture est d'une autre main et un 
peu plus moderne : 

« Messire Joachim de Dinteville, chevalier de Tordre 
du roy et gentilhomme de sa chambre, m'a donné ce 
livre à Troyes en febvrier 1 578. » 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE 



ANNÉE 1328. 

Philippe Vly dit de Valois, sacré à Reims, p. 4 . — Élection de 
l'antipape Nicolas Y (mai), p. 1 et 2. 

ANNÉE 1329. 

Naissance de Philippe, fils de Philippe le Long et de Jeanne de 
Bourgogne, p. 3. 

ANNÉE 1330. 
Maître Pierre Roger est promu à l'archevêché de Rooen, ibid. 

ANNÉE 1332. 

Jean, fils aîné de Philippe de Valois, est fait chevalier et reçoit en 
apanage le duché de Normandie, ibid, — Robert d'Artois est 
condamné par contumace (8 avril), p. 2. 

ANNÉE 1333. 

Succès du roi Edouard d'Angleterre sur les Écossais, p. 4. — 
Philippe de Valois prend la croix (l*' octobre), p. 5 et 6. 

ANNÉE 1334. 
Mort de Jean XXII. Élection de Benoît XII (20 décembre), p. 6. 



XLTm SOMIIAIRE CHRONOLOGIQUE. 

ANNÉE 1337. 
G>DYocation d'États à Pont-Audemer (juillet), p. 8 et 9. 

ANNÉE i)b8. 

Descente d'Edouard, roi d'Angleterre, en Flandres (22 juillet), 
p. 7 et 9. 

ANNÉE 1340. 
Combat naval de l'Écluse (24 juin), p. 9, JO et 1i. 

ANNÉE 1341. 

Mort de Jean III , duc de Bretagne (30 avril). Le duché de Bre- 
tagne est adjugé, par arrêt du Parlement, à Jeanne de Pen- 
thièvre et à Charles de Blois (7 septembre), p. 6 et 7. Siège 
et prise de Saint-Jean d'Angely par le duc Henri de Lancastre, 
p. 12 et 13. 

ANNÉE 1342. 

Mort de Benoît Xn. Élection de Clément VI (25 avril), ihid. 

ANNÉE 1343. 
Altération des monnaies, p. 1 4. 

ANNÉE 1436. 

Descente d'Edouard en Normandie (juillet). Bataille de Créci 
(26 août), p. 14-17. 

ANNÉE 1347. 
Prise de Calais (29 août), p. 17 et 18. 

ANNÉES 1348 et 1349. 

Peste et très-grande mortalité, p. 18. — Mort de la reine Jeanne 
de Bourgogne (septembre 1 349), ibid. 



SOBIMÀIRE ŒRONOLOGIQUE. xux 

ANNÉE 1350. 

Philippe de Valois épouse en secondes noces Blanche de Navarre 
(19 janvier), ibid, — Mort de ce prince (22 août), p. 19. — 
Couronnement de Jean, son fils aîné (25 septembre), ibid. — 
Exécution de Raoul, comte d'Eu et de Guines, connétable de 
France (19 novembre), p. 19 et 20. 

ANNÉE 1351. 

Siège et prise de Saint- Jean d'Angely par le roi Jean (août), p. 20 
et 21. — Institution de la chevalerie de l'Étoile, p. 23 et 24. 

ANNÉE 1352. 

Combat dit des Trente, p. 20. — Mort du sire de Beaujeu devant 
Calab, p. 21. Résumé de la vie et des exploits de ce chevalier, 
p. 22 et 23. — Mort de Clément YI (5 décembre). Élection 
d'Innocent YI (28 décembre), p. 25. Un combat singulier qui 
devait avoir lieu à Paris entre le duc Henri de Lancastre et 
Othon, duc de Brunswick, aboutit par l'entremise du roi Jean à 
un arrangement, p. 24 et 25. 

ANNÉE 1353. 

Guerre en Bretagne entre Français et Anglais. Mort de sire Ro- 
bert Bertran le Jeune. Prise du château de Guines par les An- 
glais, p. 23 et 24. 

ANNÉE 1354. 

Assassinat de Charles d'Espagne, connétable de France^ à Laigle 
(6 janvier), p. 25-28. — Accord entre le roi de France et le 
roi de Navarre (22 février), p. 29. 

ANNÉE 1355. 

Le roi Jean donne à son fils aîné Charles le duché de Normandie 
(avril), p. 33 et 34. — - Échec des Français devant Calais par la 
perfidie d'un tnûtre nommé Ajmeri. Prise et punition de cet 

d 



L SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

aventurier, p. 29 et 30. — Campagne du roi de France contre 
le roi d'Angleterre qui refuse le combat, p. 31. — Succès 
d'Edouard et du prince de Galles, son fils aîné, sur Douglas et 
les Écossais, p. 31 et 32. ^ Tentative d'assassinat contre les 
enfants de Navarre, p. 32 et 33. 

ANNÉE 1356. 

Exécution du comte d'Harcourt et de trois autres chevaliers nor- 
mands à Rouen (avril), p. 34-37. — Emprisonnement du roi 
de Navarre. — Bataille de Poitiers (19 septembre), p. 40-37. 
•^- Convocation d'États généraux de la langue d'oïl à Paris 
(17 octobre), p. 58-61 . — Prise et pillage de Pont-Audemer et de 
Honileur par les Anglais, p. 61-63. Mort de Godefroy d'Har- 
court (11 novembre), p. 66 et 67. Conférence du dauphin avec 
l'empereur d'Allemagne, son oncle, à Metz (décembre), p. 65 
et 66. 

ANNÉE 1357. 

Nouvelle convocation d'États généraux à Paris (5 février), p. 68. 
Conclusion d'une trêve de deux ans avec l'Angleterre (23 mars), 
p. 65. *- Délivrance du roi de Navarre (8 novembre), ibid, 

ANNÉE 1358. 

Assassinat de Jean Baillet, trésorier du roi, et exécution de Perrin 
Marc, son meurtrier (janvier), p. 67 et 68. — Voyage du roi de 
Navarre à Rouen Q'anvier), p. 65. — Assassinat des maréchaux 
Jean de Conflans et Robert de Clermont (22 février), p. 68 et 69. 
— Le duc de Normandie prend le litre de régent (1 4 mars) et 
quitte Paris, p. 69. — Jacquerie, p. 70-77. — Prise du châ- 
teau de Rouen par les bourgeois de cette ville, p. 77-80. — - 
Siège de Paris par le régent, p. 80-83. — Exécution de Marcel 
et de ses principaux complices (31 juillet) et rentrée du dauphin 
dans Paris, p. 83-86. — Ravages des Navarrais et des Anglais, 
p. 86-88. 

ANNÉE 1359. 

Siège et prise de Saint-Valery par les Picards sous les ordres du 
connétable Moreau de Fiennes, p. 89-93. -^ Prise et pillage du 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. u 

bourg d'Amiens par Philippe de Navarre , p. 94-96. — Siège 
de Melun par le régent (juin), p. 96 et 97. — Accord entre le 
régent et le roi de Navarre (août), p. 99 et 100. — Edouard 
débarque à Calais (28 octobre) et porte le ravage dans plusieurs 
provinces; il échoue devant Reims, p. 100, lOi, 105, 106, 
il 4. — Conspiration et exécution de Martin Pisdoé, p. 101. 

ANNÉE 1360. 

Siège de Boutancoiirt et de Blangi par les Anglais, p. 101-104.—* 
Combat entre les Normands commandés par Louis d'Harcourt 
et les Anglais. Défaite et prise du sire d'Harcourt, p. 107-110. 
— Expédition des Picards en Angleterre, p. 1 1 0-113. — Expé- 
dition des Anglais commandés par Henri le Picart en France, 
p. H 7-119. — Traité de Brétigni (8 mai), p. H5-H7. — Ré- 
conciliation du roi d'Angleterre avec le comte de Flandres et 
du roi de France avec Philippe de Navarre, p. 119-121. Mise 
en liberté et retour du roi Jean à Paris (13 décembre), p. 121 
et 122. 

ANNÉE 1361. 

Amonrs et mariage du prince de Galles avec sa cousine^ rettre de 
Thomas de Hollande, p. 123-125. 

ANNÉE 1362. 

Mort dTnnocent VI ; élection d'Urbain V (septembre et octobre), 
p. 133 et 134. — Voyage du roi Jean à Avignon, p. 125 et 

126. 

ANNÉE 1363. 

Le roi de France, le roi de Chypre et Philippe de Navarre, 
comte de Longueville, prennent la croix, p. 127-129. — Le 
due d'Anjou, otage, s'échappe d'Angleterre ; chagrin qu'en res- 
sent le roi, son père, p. 129 et 130. — Grande mortalité en An- 
gleterre, p. 130 et 131. — La guerre recommence en Norman- 
die entre les Anglais commandés par Jean Jouel et les Français 
aux ordres de Philippe de Navarre, p. 131 et 132. — Mort de 
ce princci p. 132 et 133. — Le château de Rolleboise est pria 
par les Anglais et repris par les Français, p. 1 35 et 136. 



LU SOMMAIRE CHROINOLOGIQUE. 

AimÉE 136(i. 

Le roi Jean repasse en Angleterre (3 janvier), p. 134 et 135. — 
Prise et pillage de Mante et de Meulan par des chevaliers bre- 
tons, normands et picards aux ordres de Bertrand Du Guesclin, 
p. 137-142. — Mort du roi Jean (8 avril), p. 143 et 144. — 
Bataille de Cocherel (16 mai), p. 144-148.— Sacre de Oiarles V 
à Reims (19 mai), p. 148 et 149. — Voyage de ce prince à 
Rouen, p. 149. — La guerre recommence en Bretagne entre 
Charles de Blois et Jean de Montfort ; Charles de Blois appelle 
à son secours Bertrand Du Guesclin, p. 1 50, 158 et 1 59.'»- Suc- 
cès des Français commandés par Philippe, duc de Bourgogne, 
à Cameroles^ à Connoy et à ÉchaufTou-Marbeuf, p. 150-154. 

— Succès des Navarrais sous les ordres de Louis de Navarre 
à Moulineaux et à la Charité-sur-Loire, p. 155-158. — Ba- 
taille d'Aurai (29 septembre), p. 159-162. — Du Guesclin 
fait prisonnier est racheté en grande partie par le roi de France, 
p. 162 et 163. 

ANNÉE 1365. 

Accord entre le roi de France et le roi de Navarre (6 mars), p. 163. 

— Par les soins de Charles V, du pape et de Henri de Transta- 
mare, les Compagnies vont en Espagne sous les ordres de Du 
Guesclin faire la guerre à Pierre le Cruel, p. 163 et 164. — 
Prise et pillage d'Alexandrie par le roi de Chypre ( 4 octobre), 
p. 164-166. 

ANNÉE 1366. 

Entrée de Du Guesclin en Catalogne ; il est rejoint par le frère du 
roi d'Aragon et par Henri de Transtamare (janvier), p. 166 et 
167. — Henri de Transtamare couronné à Burgos; fuite de 
Pierre le Cruel (5 avril), p. 167. — Légende sur la naissance 
de ce dernier prince, p. 168. — Le fort du Homme, en basse 
Normandie, pris par les Anglais, est repris par les Français, 
p. 169 et 170. 

ANNÉE 1367. 

Sur les instances de Pierre le Cruel et grâce à la connivence du 
roi de Navarre , le prince de Galles marche en Espagne contre 



SOMUAIRE CHRONOLOGIQUE. lui 

Henri de Transtamare et Bertrand Du Guesclin, p. 170-175. 
Louis de Navarre épouse la fille de la reine de Sicile et prend 
possession de la terre de Labour, p. 175-177. — Bataille de 
Navarelte (3 avril), p. 178-181. — Du Guesclin fait prisonnier 
est racheté en grande partie par le roi de France, p. 181. — 
Départ d'Urbain Y de Marseille (20 mai) et entrée dans Rome 
(juillet), p. 182 et 183. — Exécution de Richard de Beaumont 
à Paris, p. 183-185. — Jean de Montfort vient à Paris faire 
hommage du duché de Bretagne au roi de France (1 3 décembre), 
p. 183-185. — Croisade prêchée par Urbain V; succès du roi 
de Chypre, chef de cette croisade, sur les Sarrasins^ p. 185-191. 

— Urbain V excommunie les Compagnies, p. 192. 

ANNÉE 1368. 

Le duc d'Anjou et Du Guesclin attaquent la Provence (février), 
p. 193 et 194. — Le prince de Galles veut lever un subside 
sur les Aquitains qui s'y refusent, p. 195. — Mariage de Lyon 
de Gand, fils d^Édouard III, avec la fille de Bamabo de Milan, 
p. 195 et 196. — Siège de Louviers, puis de Vire par les Com- 
pagnies, p. 196. — Voyage de Charles V en Flandre, p. 197. 

— Cahors fait retour à la France, p. 197. — Succès de Henri 
de Transtamare en Castille, p. 198. — Naissance du dauphin, 
depuis Charles VI (3 décembre), p. 199 et 200. 

ANNÉE 1369. 

Mort de Pierre I"", roi de Chypre (16 janvier), p. 200. — Le roi 
de France fait défier le roi d'Angleterre en même temps qu*il 
surprend le Ponthieu (avril), p. 200 et 201. — Bataille de 
Montiel entre Pierre le Cruel et Henri de Transtamare (1 4 mars); 
Pierre fait prisonnier est mis à mort par Henri (23 mars), p. 199. 

— États généraux à Paris (9 mai) ; États provinciaux à Rouen 
qui votent des subsides pour la guerre contre l'Angleterre, p. 201 
et 202. — Mariage de Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, avec 
rhéritière de Flandre (19 juin), p. 201 . — Campagne du duc 
de Bourgogne en Normandie contre le duc de Lancastre , 
p. 202-206. 



LIT SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

AJTOÉE 1370. 

Campagne des Français en Guyenne contre les Anglais, p. 206 et 
207. — Guerre maritime, p. 207. — Descente de Robert 
ELnolles à Calais; il s'avance jusque sous les murs de Paris 
(juillet), ibid, — Du Guesclin nommé connétable (iO octobre) 
bat Tarrière-garde de Robert Knolles forcé de se retirer en 
Rretagne et fait prisonnier Thomas de Grantson, p. 207 et 208. 

— Siège et prise de Chàteau-Paon par les Anglais du duc de 
Lancastre, p. 208 et 209. — Siège et prise de Limoges par les 
mêmes (septembre et octobre), p. 209 et 210. — Retour d'Ur- 
bain V à Avignon (24 septembre); sa mort (19 décembre); élec- 
tion de Grégoire XI (30 décembre), p. 211 et 212. 

ANNÉE 1371. 

Paix de Vemon entre Charles V et le roi de Navarre (25 mars), 
p. 210 et 211. — Reddition de la forteresse de Thury, p. 212 
et 213. — Siège de Conches, p. 213 et 215. — Voyage et ef- 
forts infructueux des légats du pape auprès du roi d'Angleterre 
pour le réconcilier avec le roi de France, p. 214. — Guerre 
dans les Pays-Bas entre le duc de Brabant et le duc de Gueldre ; 
ils se livrent une sanglante bataille (22 août); le duc de Brabant 
est vaincu et pris, mais le duc de Gueldre est tué, p. 215-220. 

— Siégé et prise de Montcontour par le duc de Lancastre et les 
Anglais, p. 220 et 221. — Accord entre le roi de Navarre et 
Robert d'Alençon, comte du Perche ; fiançailles de ce dernier 
avec Jeanne de Navarre; le roi de France s'oppose au mariage, 
p. 221 et 222. — Montpellier cédé au roi de Navarre en com- 
pensation de Mantes et de Meulan, p. 222 et 223. — Siège et 
prise de Rochefort par Bertrand Du Guesclin et Olivier de Clis- 
son, p. 223 et 224. 

ANNÉE 1372. 

Négociations infructueuses à Calais entre les envoyés d^Ëdouard in 
et ceux de Charles V, p. 224-226. — Naissance d'un second 
fils de Charles V, nommé Louis, p. 226. — Occupation par les 
Anglais du mont de Notre-Dame de Tombelaine, p. 226. — 
Étymologie légendaire de ce nom de Tombelaine, p. 226-229. 

— Siège de Bricquebec par les Anglais, p. 229. — Prise de 
Montmorillon par Du Guesclin et entrée du duc de Berry en 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. lv 

Gnyenne, p. 229 et 230. — Expédition maritime d'Tvain de 
Galles contre les Anglais des îles de Jersey et de Guernesey, 
p. 230-232. — Flotte anglaise sous les ordres du comte de Pem* 
broke défaite devant la Rocthelie par les Espagnols (23 et 
24 juin), p. 232-234. — Arrivée dTvain de Galles en Espagne; 
on lui refuse les secours promis, p. 234 et 235. — Incursions 
des Génois sous les ordres de Régnier de Grimande contre les 
côtes d'Angleterre, p. 233 et 236. — Siège et prise du château 
de Chauvigny par les ducs de Berry et de Bourgogne et Ber- 
trand Du Guesclin, p. 237. — Reddition de Poitiers, p. 237 et 
238. — Siège et prise de Soubise par Yvain de Galles et les 
Français; le captai de Buch est fait prisonnier, p. 238-241. — - 
Reddition de la Rochelle (15 août), p. 241 et 242. 

ANNÉE 1373. 

Lutte à Rouen entre Tarchevéque Philippe d'Alençon et le bailli 
Oudart d'Atainville, p. 243 et 244. — Reddition de quatre cents 
forteresses tant en Poitou qu'en Saintonge ; expulsion des An- 
glais de ces deux provinces; retour des ducs de Berry et de 
Bourgogne à Paris ; réconciliation de Charles Y et de Louis d'Har- 
court, p. 244 et 245. — Entrée de Du Guesclin en Bretagne; 
le duc Jean de Monlfort s'enfuit en Angleterre (28 avril) ; sou- 
mission de toute la Bretagne à l'exception de Derval et de Brest, 
p. 245. — Le duc de Lancastre débarque à Calais (fin de juil- 
let), traverse toute la France en la ravageant et se rend à Bor- 
deaux, p. 246-248. — Mort de Jeanne, reine de Navarre (3 dé- 
cembre), p. 244. — Occupation de Chypre par les Génois^ 
p. 251. 

ANNÉE 1374. 

Continuation de la lutte entre l'archevêque et le bailli de Rouen, 
p. 248 et 249. — Échec des Français près d'Ardres ; le comte 
de Saint-Pol est fait prisonnier, p. 249 et 250. — Siège de 
Saint-Sauveur le Vicomte par Tamiral Jean de Vienne, p. 250. 
— Destruction d'une bande de brigands par Du Guesclin et 
Hugue Aubryot, p. 250 et 251 . — Siège et prise de Montreuil- 
Bonnin et de Cognac par le duc de Berry et Bertrand Du Gues- 
clin, p. 251-253. 



LYi SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

ANNÉE 1375. 

Reddition à la France de la forteresse de Saint-Sauveur le Vicomte, 
p. 253 et 254. — Trêve d'une année entre les deux rois de 
France et d'Angleterre, signée à Bruges (27 juin), p. 254 et 
255. — Descente en Bretagne du duc Jean de Montfort qui 
s'empare de plusieurs villes et forteresses, p. 254. — Prise et 
pillage de quatre-vingt-quatre navires anglais surpris près de 
la Rochelle par Tamiral d'Espagne (août), p. 255. — Procès 
de Du Guesclin contre les habitants de Bruges au sujet du 
payement de la rançon du comte de Pembroke, p. 255 et 25G. 
— L'archevêque de Rouen Philippe d'Alençon est transféré sur 
le siège d'Auch, et Oudart d'Atainville échange le bailliage de 
Rouen contre celui de MAcon, p. 256. — Pierre II, roi de Chy- 
pre, fait assassiner Jean d'Antioche, son oncle, p. 260 et 261. 

ANNÉE 1376. 

La trêve à Bruges est prorogée d'une année, p. 257. — Mort du 
prince de Galles (8 juin), p. 227. — Aventures d'un jeune 
homme qui prétendait être fils du roi de France, p. 257 et 
258. — Révolte des Romains et des Florentins contre le pape 
qui les excommunie et se rend d'Avignon à Rome pour les 
faire rentrer sous son obéissance, p. 258 et 259. — Mort du 
captai de Buch au Louvre, p. 259. — Impopularité du duc de 
Lancastre en Angleterre, p. 259 et 260. — Négociations infruc- 
tueuses entre plusieurs conseillers du roi de France et ceux du 
roi d'Angleterre, p. 260. 

ANNÉE 1377. 

Mort d'Edouard Itl, roi d'Angleterre (21 juin) ; couronnement de 
Richard II, son successeur (16 juillet), p. 261 et 262. — Prise 

d' Aurai en Bretagne, par Olivier de Clisson, p. 262. — Incur- 
sions des Français sur les côtes d'Angleterre, p. 262 et 363. — 
Descente de Jean de Montfort à Brest, p. 264. 



\ 

SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. ltu 

ANNÉE 1378, 

Voyage de Charles IV, empereur d'Allemagne, oncle du roi de 
France, à Paris; fêtes données à cette occasion (4 janvier), 
p. 264 et 265. — Mort de la reine de France (6 février), p. 265. 
— Mort dn pape Grégoire XI (27 mars), p. 265. — Charles de 
Navarre, fils aîné de Charles le Mauvais, fait livrer au roi de 
France, son oncle, toutes les forteresses occupées par les Navar- 
rais en Normandie, excepté Cherbourg et Mortain,p. 265-268. 
Élection du pape Urbain VI (8 avril); grand schisme d'Occident, 
p. 268. — Lutte entre Urbain VI et les cardinaux partisans de 
Clément VII, p. 269-272. — Siège de Harfleur par les Anglais, 
p. 272 et 273. — Jugement, condamnation et exécution de 
Pierre Dutertre et de Jacques de Rue, familiers du roi de Na- 
varre, p. 273 et 274. — Siège de Saint-Malo par le duc de 
Lancastre, p. 274 et 275. — Prise de Mortain par les Français, 
p. 275. — Siège de Cherbourg par Bertrand Du Guesclin, 
p. 275-278. »- Mort de Charles IV, empereur d'Allemagne 
(29 novembre), p. 278. — L'évéque de Paris envoyé en léga- 
tion auprès de Wenceslas, fils et successeur de Charles IV, re- 
çoit le plus mauvais accueil, p. 278-280. 

ANNÉE 1379. 

Arrivée à Paris de trois cardinaux, légats de Clément Vn, 
p. 208 et 28i . — Curieuse scène à la cour du roi de France 
entre le dauphin et le cardinal d'Amiens, légat de Clément Vn, 
p. 283. — Exécution d'un partisan nommé Sevestre Bude, à 
Mâcon, par le bailli Oudart d'Atainville, p. 282. — Le comte 
de Saint-Pol s'étant donné au roi d'Angleterre , Charles V con- 
fisque tout ce que ce seigneur possédait en France, p. 281 . — 
Soulèvement de Montpellier contre le duc d'Anjou (25 octobre), 
p. 281 et 282. — Lutte entre les Flamands et le comte Louis 
de Flandre, p. 284. — Incursions des Espagnols unis aux Écos- 
sais en Angleterre, ibid, — Emprisonnement des enfants du 
comte de Foix, coupables d'avoir voulu emprisonner leur père, 
ibid. _ Descente du duc Jean de Montfort en Bretagne, 
p. 287. 



LTm SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

ANNÉE 1380. 

Incursions et ravages des Anglais à Étaples et snr toute la côte de 
Picardie, p. 285. — Clément VII fait la guerre aux Romains, 
ibid. — Mort de Du Guesclin (13 juillet), p. 285 et 286. — 
Descente des Anglais à Calais ; ils pénètrent jusqu'en Bretagne 
et en Guyenne, p. 286 et 289. — Guerre civile en Flandre ; 
lutte entre Gand et Bruges, p. 286 et 287. — Mort et funé- 
railles de Charles V, roi de France (16 septembre), p. 287-289, 
Siège de Gand par le comte Louis de Flandre (20 août-li no- 
vembre), p. 289 et 200. — Sacre de Charles VI à Reims 
(4 novembre), p. 290 et 291. — Soulèvement des Parisiens c[ui 
obtiennent la révocation des nouveaux impôts (1 S novembre), 
p. 291 et 292. — États de Normandie à Rouen ; vote d'une 
aide ou subside sous forme de fouage par les États assemblés 
à Paris (décembre), p. 292-294. — Siège de Nantes par les 
Anglais, p. 294. 

ANNÉE 1381. 

Le duc de Bretagne fait hommage de son duché à Charles VI 
(15 janvier), p. 296. — Défaite des Gantois (13 mai), et siège 
de Gand par le comte de Flandre et les habitants de Bruges, 
p. 294. — Jugement, condamnation et emprisonnement de 
Hugue Aubryot , prévôt de Paris, à la requête de l'Université, 
p. 294 et 295. — Lutte entre TUniversité de Paris, favorable 
au pape Urbain VI, et le duc d'Anjou, partisan de Clément Vil, 
p. 295 et 296. — Conquête du royaume de Naples par Char- 
les de Durazzo dit de la Paix sur la reine Jeanne qui fait aban- 
don de ses droits au duc d'Anjou, p. 296 et 297. — Soulève- 
ment à Rouen contre de nouveaux impôts que veulent lever 
les ducs, oncles du roi (octobre 1381), p. 297-299. 

ANNÉE 1382. 

Révolte dite des Maillotins à Paris (1" mars), p. 299 et 300. — 
Charles VI entre par la brèche à Rouen et abolit la commune, 
p. 300 et 301 . — Il fait la paix avec les Parisiens (fin d'avril), 
p. 302. — Défaite des habitants de Bruges (3 mai), et prise de 
cette ville par les Gantois, p. 302 et 303.— Entrée de Charles VI 



SOMlfAIRE CHRONOLOGIQUE. 

à Paris, p. 803. — Le dnc d'Anjou est sacré par Clément Vn 
roi de Naples et de Sicile à Avignon, puis il quitte cette ville 
et marche contre Charles de la Paix (30 mai), p. 304. — Nou- 
velle sédition à Rouen contre l'impôt sur les draps et les 
boissons (1"août), ibid, — Charles VI marche sur les Fla- 
mands (18 août), les bat à Rosebecque (27 novembre), fait 
lever le siège d'Oudenarde et entre dans Bruges, p. 305-308. 

ANNÉE 1383. 

Rentrée du roi à Paris y en abattant les portes et arrachant les 
chaînes (11 février); exécution des principaux meneurs ; réta- 
blissement des impôts et subsides ; rémission générale (1 *' mars) , 
p. 308-31 1 . — Descente des Anglais en Flandre (23 avril) ; ils 
battent les Flamands à Dunkerque (25 mai), p. 311. -* Char- 
les VI accourt en Flandre contre les Anglais (7 septembre) et se 
fait livrer Bruckbourg au moment même où Oudenarde tombe 
au pouvoir des Gantois (17 septembre), p. 311 et 312. 

ANNÉE 1384. 

Mort du comte de Flandre (6 janvier), p. 313. — Mort du duc 
Louis d'Anjou en Sicile (10 octobre), ibid, 

ANNÉE 1385. 

Double mariage des enfants de Bourgogne avec ceux de Bavière 
(12 avril), p. 313. — Mariage de Charles VI avec Isabeau de 
Bavière (17 juillet), ibid. — Prise de Damme par Charles VI 
(27 août); rupture des écluses par les Gantois; le roi de 
France licencie son armée (12 septembre), p. 312. — Le pape 
Urbain VI, assiégé par Charles de la Paix , est délivré par les 
Géncûs et se rend à Gènes, puis de là à Rome, p. 313. 

ANNÉE 1386. 

Charles de la Paix périt en Hongrie de mort violente (6 juin), 

ibid. 

ANNÉE 1388. 

Guerre entre les ducs de Gueldre et de Bourgogne ; campagne 
de Charles VI contre le duc de Gueldre qui fait sa soumission 



Lx SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. 

(7 septembre et 8 octobre), ibid, -^ Grands préparatifs d'une 
expédition projetée en Angleterre que le mauvais temps em- 
pêche de réaliser; retour du roi en France, p. 313 et 314. 
— Charles VI prend en main le gouvernement et congédie 
ses oncles, les ducs de Berry et de Bourgogne (novembre), 
p. 314. 

ANNÉE 1389. 

Trêve entre la France et l'Angleterre (18 juin), ibid. — Voyage 
de Charles VI à Avignon (30 octobre ), ibid, — Mort du pape 
Urbain VI (1 5 octobre) ; élection de Boniface IX (2 novembre), 
ibid. 

ANNÉE 1390. 

Croisade du duc de Bourbon contre Tunis (fin de juin), p. 314 
et 315. — Boniface IX sacre roi de N aptes le fils de Charles de 
la Paix, p. 315. — Trois chevaliers français provoquent pendant 
un mois en combat singulier tous les chevaliers anglais, ibid. — 
Grandes joutes à Londres ; le damoiseau de Hainaut, en ac- 
ceptant les dons du roi d'Angleterre, indispose contre lui le roi 
de France, p. 315 et 316. — Mort de Jean, fils de Henri de 
Transtamare, p. 316. -^ Démarches des Allemands à la cour 
de France et près de l'Université de Paris pour mettre fin au 
schisme, ibid. Démarches des Anglais auprès de Charles VI, 
partisan de Clément VU en faveur de Boniface IX, ibid. 

ANNÉE 1391. 

Guerre entre le comte d'Armagnac et Galeas Visconti de Milan, 
comte de Vertus ; défaite et mort du comte d'Armagnac à 
Alexandrie (25 juillet), p. 317 et 318. — Mort du comte de 
Foix (12 août), p. 318 et 319. — Guerre en Espagne entre les 
juifs et les chrétiens, p. 319. — Guerre entre Bajazet I" sul- 
tan des Ottomans, et Sigismond, roi de Hongrie, p. 319 et 
320. -* Conférence du duc de Bretagne avec Charles VI à Tours 
(fin de décembre), p. 320* 

ANNÉE 1392. 

Naissance du dauphin Charles, depms Charles VH (6 février), 
p. 321 .—Guerre civile à Gand entre les partisans du pape Bo- 



SOMMAIRE CHRONOLOGIQUE. ua 

niface IX et ceux de Clément Vil, ibid. — Trêve prolongée à 
Amiens d'une année (mars), ibid, — Mort du comte de Savoie, 
ibid, — Tentative d'assassinat dirigée contre Olivier de Clisson 
par Pierre de Craon (13 juin), p. 322. »- Le duc de Bretagne 
refusant de livrer le meurtrier de son connétable, Charles VI 
marche contre cette province (juillet) ; il est atteint de folie au 
moment où il traverse la forêt du Mans (5 août); prières pour 
son rétablissement ; le duc de Bourgogne s'empare du gouver- 
nement, p. 323-325. — Éclipse de lune (1*^ septembre), 
p. 325. — Les ducs de Berryetde Bourgogne font arrêter les 
principaux conseillers de Charles YI et en général tous les of- 
ficiers des finances, receveurs des aides et grenetiers, p. 325 
et 326. — Défaite des Turcs sous les ordres de Bajazet par les 
chrétiens ayant à leur tête le roi de Hongrie, p. 326. — Guerre 
entre Louis II d'Anjou et Ladislas de Naples ; défaite de ce 
dernier et d'Othon de Brunswick, son allié, p. 326 et 327. — 
Ambassade envoyée à Paris par Boniface IX et prières par tout 
le royaume de France pour la cessation du schisme, p. 327. — 
Jugement, condamnation et destitution d'Olivier de Clisson, 
connétable de France, p. 329. 

ANNÉE 1393. 

Mascarade à la cour; plusieurs compagnons du roi périssent dans 
les flammes (29 janvier), p. 327-329. — Philippe d'Artois, 
comte d'Eu, est fait connétable, p. 329. — - Trêve entre la 
France et l'Angleterre prolongée d'une année (avril), p. 329.—* 
Conférence des Français avec les envoyés du roi d'Angleterre 
(27 mai), p. 331. — Nouvel accès de folie du roi (mi-juin), 
p. 335. — Guerre entre le duc de Bretagne, Pierre de Craon, 
d'une part, Olivier de Clisson, le comte de Penthièvre, le sire 
de Beaumanoir, de Tautre, p. 329-335. — Guerre entre Ray- 
mond de Touraine et Clément YII, p. 335 et 336. — Guil- 
laume de Vienne est confirmé dans rarchevêché de Rouen, 
p. 336. — Un médecin ramené d'Italie par le duc de Bourbon 
rend la santé au roi, ibid. 



CHRONIQUE 



DES 



QUATRE PBËMIËBS VALOIS 

(1327-1393) 



CHRONIQUE 



DES 



QUATRE PREMIERS VALOIS. 



(1327-1393.) 



Ce sont les croniques et accidens depuis le roy Philippe 
de Vallois jusques à Charles le Bienamé. 

Philyppe de Vallois se saizi du royaume de France 
de Tacord et voulenté des princes du dit royaume, il 
ala à Rains et fut sacre et couronné roy en Tan mil 
trois cens \ingt sept. Cestui roy Philippe donna au 
conte d'Evreux son cousin l'eresse de Navarre à 
femme. Laquelle ouït de son dit seigneur trois filz et 
deux filles. L'aisnë des filz ot nom Charles, le second 
PhilippeSy le tiers Louys. L'aisnée fille ot nom Blanche 
qui puis fust femme du dit roy Philippe et fut nommée 
la royne Blanche. 

En Tan mil trois cens \dngt huit, Louis de Bavière 

manda au pape qu'il Falast couronner à empereur à 

Romme. Et le pape lui manda qu'il luy envoieroit 

ung légat pour le couronner. Louis de Bavière fut si 

oultrecuidié et si mal conseillié qu'il fit ung autre pape 

et se fit couronner par icelluy à empereur. Et fut celui 

pape G^rdelier de Tordre des Frères Myneurs et fut 

i 



2 CHRONIQUE 

appelle Nichole. Icestui antipape créa d'autres cardi- 
naulx. Et depuis, celui antipape vint à mercy au pape 
et fut mis en prison. Et Louis de Bavière qui estoit 
excommenié requist au vray pape à estre absoulz. 
Mais il ne le fut pas pour ce qu'il ne le requist en 
fourme deue. Et aussi le roy Philippe lui estoit en 



nuisance ^ 



du roy Philippe tint à surreptice et, par ce que 

l'en donna jugement ou arrest contre le dit Robert 
d'Artois^ il s'en ala en Angleterre au roy Edouartet lui 
donna à entendre que le roy Philippe le desheritoit de 
la couronne de France. Quant le roy Charles son on- 
cle mourut^ il estoit le plus prochain hoir masle de la 
couronne. Les Anglois se tindrent à ceste opinion^ 
car Anglois ce que ilz pensent ilz veuUent qu'il soit 
fait. Et à une assamblée qui pour ce fait fut faicte 
crièrent : « Par saincte Mare, nous ferons nostre roy 
roy de France I n Et des lors print Edouart le tiltre de 
roy de France et d'Angleterre. Et adonc envoya le roy 
Edouart, par l'acort et voulenté de ses barons nobles 
et des gens de ses bonnes villes, defBer Philippe de 
Valloiz roy de France. Et lui manda le roy Edouart 
que il ne le tenoit à roy et que à tort et à desraison il 
s'estoit fait couronner. Adonc, quant le roy Philippe 
sont que par son serourge Robert d'Artois la chose fii 
ainsi comme vous avez ouy raconter, il fit bannir Ro- 
bert d'Artois. Et trois filz qu'il avoit de la seur du roy 
Philippe furent mis en prison eu Chastel Gaillart. Dont 
l'un ot nom Jehan et l'autre Charles, le tiers Louis qui 
gistaux Jacobins à Rouen. 

i. Lacnne d*one ligne dans le mt. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 3 

En Van mil trois cens vingt neuf, Philippe de Vallois 
roy de France fit faire et fut faitte très bonne mon- 
noye de fin or et de fin argent du poids et aloy de son 
besael le roy saint Louis. La royne Jehenne de Bour- 
goingne ot ung filz qui ot nom Philippe ^ et fut ne au 
bois de Vincennez ; et comme elle gesoit il vint une 
tempeste au dit bois où il avoit malignes esperis. 
Icestui filz ot à femme la fille du roy Charles et fut 
depuis duc d'Orléans. En Tan mil trois cens et trente, 
fut maistre Pierres Rogier archevesque de Rouen , qui 
puis fut cardinal, et depuis fut fait pape et fut nommé 
pape Clément sixte. En Tan mil trois cens trente et 
deux, le dimenche après la Saint Michiel, Philippe de 
Yalloiz, roy de France, fist Jehan son aisné filz cheval- 
lier. Et le dit Jehan fist quatre cens et plus de 
jeûnez hommez nobles nouveaulx chevalliers. Et en 
fîit faitte très solennel feste à Paris ou près. Et y fu- 
rent Jehan roy de Boesme et Philippe roy de Navarre, 
avec grant quantité de princes, comme ducs, contes et 
barons et autres nobles sans nombre. Et en celle sep- 
maine mesmez, les prelas, ducs, contes et barons pour 
ce assemblés jurèrent tous d'une voulenté et acort au 
roy Philippe et au dit Jehan, son ainsné filz, que quant 
le cas escherroit que le dit roy Philippe yroit de vie à 
trespassement, ilz recevroient le dit Jehan ainsné filz 
du dit roy Philippe, comme dit est, à roy de France et 
lors à leur prince. Le dit roy Philippe donna au dit 
Jehan son filz la duchié de Normendie avec la conté 
d'Anjou et du Maine par ainsi que, se le dit Jehan 
aloit de vie à trespassement aincoiz qu'il parvenist à 
la couronne du royaume de France, tantost toutes 
icelles terres retoumeroient à la couronne de France. 



4 CHRONIQUE 

Et fut le dit duc Jehan très joieusement receu des 
prelas, contes, barons, nobles, bourgois de toute la 
duchié de Normendie. En ce temps, le roy Edouart 
d'Angleterre et Henry le duc de Lenclastre et Robert 
d'Artois o les Angloiz entrèrent en Escosse. Le roy 
David o les Ëscos leur \indrent à Tencontre. Là out 
moult forte bataille et furent les Escos desconfîz et le 
roy Edouart out victoire et prinst Brucs et plusieurs 
chasteatdx. Et le roy David s'enfuy lui et sa femme 
qui estoit seur du roy Edouart. Et s'en vindrent en 
France devers le roy Philippe qui moult honnourable- 
ment les receut et leur trouva estât et vivre tel comme 
à eulx appartenoit tout le temps qu'ilz furent en 
France. 

Apres ce, le roy Edouart d'Engleterre fist une très 
grant armée et passa mer et descendi en la marche de 
Flandres et courut devant Toumay et mist siège de- 
vant la cité. Et estoient avec le dit roy Edouart au dit 
siège à son aide l'empereur Louis de Bavière, le roy 
de Craco*, le roy de Poulaine*, le duc de Bavière, le 
duc d'Âusteriche , le viel duc de Lencastre, le prince 
de Gallez, le conte d'Ârondel, le conte de Glo- 
cestre, le conte de Yincestre, le marquis de La 
Lehumbre', le conte de 01enest\ le duc Jehan 
de Braban, le preux conte Guillaume de Henaut, 
le conte Jehan de Beaumont, le conte de Naso*, le 
duc de Julliers, le duc de Guelles*, le conte de 

1. GracOy Gracoyie. 

9. Poulaiae, Pologne. 

3* La Lehumbre, le Humber? 

4. Olenest, Ulster, comté du nord de TlrUnde? 

5. Naso, Nassau. 

6. Guelles, Gueldres. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 8 

Grant\ o leurs barons, chevaliers et escuiers et Robert 
d'Artois et Jehain le conte de Montfort et Jacques 
d'Ardevelle o les Flamens. 

Le roy Philippe semonst ses hostz pour venir contre 
ses ennemis. Et fut en son ayde le roy de Boesme, le 
roy de Navarre, le roy de Malogres*, le bon duc 
Jehan de Bretaingne, Jehan son filz, le duc de Nor- 
mendie, le duc de Bourgoingne, le duc de Bourbon, 
le conte d'Alençon, le conte de Harecourt, le dalphin 
de Vienne, le conte d'Eu, le conte de Flandres, le 
conte d'Aucerre, le conte de Foiz et infini nombre 
tant de chevaliers, escuiers comme de gens de bonnes 
villes et de commun peuple. Et vint le dit roy Phi- 
lippe o sa noble chevalerie et compaignie droit à 
Toumoy contre ses ennemis. Maiz comme le roy 
Edouart et sa compaignie sourent que le roy Philippe 
venoit si efTorceement, il leva le si^e, lui et les siens, 
qui estoient plus de cinquante mile bacinés sans les 
Flamens, et entrèrent en l'Empire, et le roy Philippe 
n'out pas conseil de les parsuir. 

Aprez ce, le pape tramist deux l^atz aux deux roys 
de France et d'Angleterre, et out trevez entre les deux 
roys. 

En Van mil trois cens trente et trois, le pape Jehan 
introdit tous roys et princes crestiens generalment à 
faire voiage et passage en saint voiage d'oultremer, 
conquérir la Saincte Terre sur les Sarrazins, et establi 
et ordonna sur tous roys et princes crestiens Philippe 
de Valloiz roy de France estre en icellui voiage chief 



1. Granty Gand. 

3. Malogrety Hayonpies. 



6 CHRONIQUE 

et cappitaine de tous les crestiens. Lequel roy Philippe 
landemain de la Saint Michiel prist la crois ; avec lui 
la pristrent grant quantité de prelas, de princes, de 
barons et de nobles et autres en pré de Saint Germain 
jouxte Paris*. 

En Tan mil trois cens trente et quatre, trespassa le 
pape Jehan, et fut esleus et suceda pape Jacques du 
Four de Tordre de Citeaulx, prestre cardinal, qui fut 
appelle Benoit XII. 

En Fan mil trois cens trente et six, Louis de Bavière, 
soy portant pour empereur, requist à Benoit pape ab- 
solucion des sentences données contre lui par pape 
Jehan ; maiz sa requeste ne fut pas essaucée, pouk* ce 
qu il ne requeroit pas en forme deue. 

En cest temps, le bon duc Jehan de Bretaingne fut 
malade. Icestui duc avoit ung filz qui avoit nom mon- 
seigneur Henry et trespassa ains que son père ; de 
cestui filz demoura une fille. Geste fille fut donnée 
à mariage à monseigneur Gharles de Bloix. Or 
advint que le bon duc Jehan de Bretaingne mourut. 
Le copte de Montfort, qui estoit frère du dit duc, 
disoit qu'il devoit estre duc et qu'il estoit le plus 
prouchain hoir que la fille du filz au duc, lui qui es- 
toit frère du duc. Et en vindrent desrener pour avoir 
droit en la court du roy Philippe. Et fu jugié en son 
parlement que la femme à Gharles de Blois devoit 
estre duchesse et que la duchié appartenoit à elle qui 
estait fille du filz. Et se parti le conte de Montfort de 
court et se alia à Edouart, roy d'Angleterre, et passa 



1. Cf. Les Grandes chroniques de France ^ édit. de M. P. Pftris» io-8, 
t. V, p. 3b0, 351 et 332. 



DES QUATRE PREAUERS VALOIS. 7 

le roj Edouart en Bretaingne en l'aide du conte de 
Montfort. Et se tindrent en Taide du conte de Mont- 
fort les Bretons bretonnans. Et le roy Philippe de 
France ordonna et charga à son nepveu Charles de 
Bloiz grant chevalerie qu'il mena en Bretaingne, et là 
out moult fort guerroyé. Et se tourna monseigneur 
Olivier de Clichon contre le duc Charles de Bloiz 
couvertement et maistre Henry de Malestrait et man- 
doient la convine des François au conte de Montfort. 
Dont l'eu s'aperceut et pour ce en fu monseigneur 
Olivier de Clichon decapilé à Paris ; et le dit clerc 
fut mené parmi les rues de Paris et fu si lapidé de 
boe et d'ordure qu'il en mourust. 

Le roy Edouart se parti de Bretaingne et ala en An- 
gleterre, et d'Angleterre passa le roy Edouart en 
Flandres, et vint à Jacques d'Ardevelle, ung Flamenc 
godalier^, que les Flamens, après ce qu'ilz eurent dé- 
bouté et cachié leur droit seigneur, esleurent à sei- 
gneiu* et à conte. Et lui dit le dit Edouart et aux 
Flamens aussi qu'il estoit droit hoir de France et que 
la couronne et le règne lui appartenoit. Et pour ce 
estoit il venu à eulx pour se complaindre du tort que 
Philippe de Valloiz lui en faisoit. Adonc, dit Jacques 
d'Ardevelle aux Flamens : « Puisqu'il est droit hoir de 
France, Êûsons lui obéissance. » Et lors firent aliances 
les Flamens au roy d'Angleterre contre leur souverain 
seigneur le roy de France. Pour quoy le pape les 
excommenia, et par ceste aliance se fist et esmeut 



1. Lês Grandes ehronifuês de France diient qae Jacqaet d'ArtereM 
•▼oh épooÊé voèb bimitereite de miel. Édh. de H. P. Phrit, iii-8» t. V, 
p. 372. 



8 CHRONIQUE 

une très forte guerre en la coste de Flandres^ de Pi- 
cardie, de Normendie et de Bretaingne. 

En l'an mil trois cens trente et sept, Philippe de 
Valloiz roy de France assembla par plusieurs fois au 
Pont Audemer les prelas j les barons, nobles et gens 
des bonnes villes pour imposer et mettre sus une aide 
gênerai par tout son royaume pour le fait de sa guerre. 
Pour laquelle chose les prelas et barons , nobles et 
boui^ois des bonnes villes de Normendie se assemblè- 
rent par plusieurs foiz pour les libertés et franchises 
du pais garder. Et y furent Raoul le conte d'Eu con- 
nestable de France, le conte de Harecourt, monseigneur 
Godefroy de Harecourt, le mareschal Bertran, le sire 
de Graville et les autres barons, prelas, nobles et 
boui^ois. Et composèrent au roy Philippe et au duc 
Jehan son filz par telle fourme qu ilz donnèrent au dit 
roy et duc une grant somme de pecune, par ainsi que 
le roy et le duc les maintendroient en leurs libertés 
et franchises, selon ce que la chartre des Normans le 
contient. La somme fut levée et le roy et le duc jurè- 
rent ce tenir et garder fermement. Maiz après assez 
brief temps, le roy et le duc ordonnèrent estre mis sus 
par tout le royaume imposicions ou maletoutes et ga- 
belles pour soustenir le fait de leur guerre. Dont les 
Normans furent moult dolens de ce qu'ilz avoient 
fait quant on ne leur tenoit convenant. Et encores 
avec ce fist le roy Philippe courir fieble monnoye. 
Car ung gros toumoiz de fin aident couroit pour cinq 
soulz, qu'il avoit accordé aux Normans avoir cours, 
selon ce qu'il est contenu en leurs dittes libertés et 
franchises en la ditte duchié de Normendie, pour le 
pris qu'il couroit eu temps du règne monseigneur saint 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 9 

Louis son besael jadis roy de France, c'est assavoir 
pour douze deniers tournois la pièce, et d'autre mon- 
noye à l'equipolent^ pris pour pris. Les collecteurs 
ordonnez et députez pour le roy cueillirent en Nor- 
mendie les dictez imposicions et maies toutes. Si avint 
que monseigneur Godefiroy de Harecourt, le sire de la 
Roche Tesson et Rogier Bascon dirent , tant pour eulx 
que pour leurs enfans de Navarre, qu'il ne courroit 
nulles maies toutes en leurs terres. Pour quoy ilz furent 
adjoumës à Paris. Monseigneur Raoul Tesson et Ro- 
gier Baston chevalier y alerent et là ourent les teste» 
couppëes. Mais monseigneur Godefroy de Harecourt 
n'y ala point, ains s'en ala à refuge au roy Edouart 
en Angleterre. Pour quoy il fut banny du royaume de 
France. 

En Tan mil trois cens trente et huit, le roy Edouart 
d'Angleterre repassa mer à tout son host et descendi 
en Breban pour entrer en royaume de France. Et tan- 
tost le roy Philippe de France o son host chevaucha 
jusques à Amiens afiin que se il estoit besoing d'aler 
oultre qu'ilz fussent plus prez. Maiz pour celle foiz 
n'osa encores le roy Edouart entrer en royaume de 
France et s'en ala à Louis de Bavière pour recueillir 
par luy force et aide. Lequel Louis de Bavière Testabli 
son lieutenant de l'empire. En cet an, les collecteurs 
de l'empire s'en alerent avec Louis de Bavière et firent 
conspiracion contre l'Eglise de Romme. En cel an 
fîst pape Benoit maistre Pierre Rogiêr archevesque 
de Rouen cardinal avec cinq autres nouveaulx cardi- 
naux. 

En Tan mil trois cens quarante, le roy Philippe fist 
une armée par mer sur les Flamens. Dont estoient et 



10 CHRONIQUE 

furent chiefz Charles de La Gouvande » Hue Kerfpt et 
Beuchety noble homme de la duchié de Jennes, et 
monseigneur Pierres d*£stelant ^y Normant, aussi fors 
comme geans. Avecquez iceulx out bien mil hommes 
de la coste de la mer de Normendie et de Picardie 
avec les gens d'armes et arbalestriers. Uz singlerent 
par la mer tant qu'ilz vindrent àTEscluze en Flandres 
et là se tindrent devant TEscluze et se antrerent. Les 
Flamens vindrent sur la terre jusques au nombre de 
bien dix-huit mil. Les Francoiz leur requistrent place 
à combatre. Et jour maiz entretant vint le roy Edouart 
par mer, le conte de Hantonne, le conte de Glocestre, 
le conte de Warwich, le conte de linchole, le conte 
d'Ârondel et le conte de Lousciere o grant navire 
chargié de gens d*armes. A icelui jour estoit la vegille 
de la Nativité Saint Jehan Baptiste que la bataille fut. 
Et comme vint à Tasembler, les Genenois s'en fuirent. 
Monseigneur Pierre d'Estelant, Hue Kerest et Beuchet 
alerent de bon cueur et de bon courage contre les 
Angloix. Et se tirèrent ung pou vers la terre, dont ilz 
firent que folz. Et là commença merveilleuse bataille 
et dure. Maiz à brief raconter les Francoiz furent des- 
confiz, maiz moult très chier ilz se vendirent. Car ilz 
occirent plus de dix mil Angloiz, et y perdi le roy 
Edouart quatre contes et plus de vingt quatre barons 
et plus de cent chevaliers. Monseigneur Pierres d'Es- 
telant tint tout le derrain en ung chastel d'une barge 
où nul n'osoit ne ne povoit de lui aprocher, ne de* 
vaut lui, tant fust haotli, n'osoit nul arrester. Tout 



1. Notre chroniqueur eit le teal qn fasie mention de ce Pierre 
d'Estekmt. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. il 

enUmr de lui estoit la barge couverte de gens mors ; 
bien occist de sa main plus de cent Ângloiz. Maiz par 
force par derrière il fut mort et occiz. Hue Keret et 
Beuchet ourent les testes couppées devant le roy 
Edouart roy d'Angleterre \ De ceste desconfiture eu- 
rent Angloiz et Flamens grant joye et Françoiz dueil. 
En cest temps fîit né Lyon de Gant, filz Edouart , roy 
d'Angleterre* En Bretaingne, monseigneur Charles 
de Bloiz, comme il chevaucoit d'ung syen chastel 
pour aler à Renés, les Angloiz et Thomas Dagure lui 
firent une embûche et le souprinstrent^ et là out moult 
fort pongneys. Maiz le duc monseigneur Charles de 
Bloiz fut prins des Angloiz et mené en Angleterre ; car 
il ne fut pas rescous des François. Mais depuis fut deli- 
yré et s'en retourna en Bretaingne. 

En cest temps, avint une bonne aventure en cres- 
tienté. Car le bon roy Alphons d'Espaingne et de Cas- 
telle et le roy de Portingal et le roy de Navarre mistrent 
siège en la Guerzille '• Maiz maladie prinst au roy de 
Navarre, dont il mourut. Et po|ir lever le siège, le 
roy de Belemarine', le roy de Grenace et ung grant 
admirai du Soudent, qui avoit nom Melhedinch et es- 
toit descendu de la lignie de Salhadinc, iceulx haulz 
I»inces sarrazins vindrent en Grenade pour lever le 
siège. Et là out trop merveilleusement grant bataille 
et s'i porta comme très vaillant et preux chevalier le 
bon roy Alfons d'Espaingne. Et par la voulenté de 



i. Cf. Grandes chroniques de France,^ t. V, p. 385-387, et FroiiBart, 
éd. dn Panthéon littéraire, t. I, p. 106 et 107, Ut. I, part. x. 

2. La Guenille, Grezille, Algésiras. 

3. Le roy de Belemarine, le roi de Fez et de Maroc, de la dynattie 
des Béni -Merini. 



12 CHRONIQLE 

Dieu, les Sarrazins furent desconfiz et Melhedinc 
occiz. Et le roy de Grenade et le roy de Bellemarine 
s'en fuirent, maiz l'en prist ung des filz du roy de 
Bellemarine. Âpres la bataille , lescrestiens alerentaux 
tentes des Sarrazins où ilz trouvèrent merveilleusez 
richesses. Et si troWerent ou tref du roy de Bellema- 
rine vingt femmes avec trop grant avoir d'or et de 
joyaulx et de riches cameulx. Et de tout le trésor et le 
gaing le bon roy Âlfons d'Espaingne donna tout aux bons 
chevaliers crestiens par lesquelz avec la grâce de 
Dieu ilz avoient eu victoire. Car ilz estoient plus de 
quatre Sarrazins contre ung crestien. Apres ceste vic- 
toire, le bon roy Alfons ala au chastel de Grezille, 
lequel lui fut rendu, qui estoit inprenable, se n'estoit 
par affamement. 

L'an mil trois cens quarante ung, Henry le duc de 
Lenclastre, conte d' Albic *, ala en Guienne et ala mettre 
le siège à Saint Jehan d'Angeli, et moût efforcéement 
y tint le siège. Et en cest temps qu'il y fu, Raoul de 
Caours vint à un point du jour assaillir l'ost et moult 
y porta grant domaige ; mais tost falut qu'il s'en re- 
toumast. Car le duc de Lenclastre avoit grant gent; 
car grant foison de Gascoins s'estoient tournez An- 
gloiz. Le duc de Lencastre fit bien enforcier son host^ 
lui qui estoit ung des meillieurs guerroiers du monde, 
moult destraiht ceulx de Saint Jehan d'Angeli. Et ains 
que le duc vensist devant la ville, il y avoit ime partie 
de la ville où les murs ne valloient riens. Ceulx de la 
ville avoient requis aux riches hommes qu'ilz pres- 
tassent du leur à faire fermer et enforchier celle par- 

\. D' Albic, de Ucrby. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 13 

lie ; maiz ilz n'en vouldrent riens baillier. Dont il avint 
que le duc Henry de Lencastre fist tant donner d'as- 
saulx vers celle partie qu'il falut qu'ilz se rendeissent. 
Et comme la dicte ville de Saint Jehan d'Angeli fut 
rendue, le duc de Lencastre sceut que, par la defaulte 
des riches hommes^ celle partie des murs estoit de- 
mourëe à enforchier. Pour quoy le dit duc de Len- 
castre fit faire aux riches hommes celle partie de mur 
de la dicte ville. Et en oultre à iceulx riches hommes 
il fit comme à chevaulx charier la pierre, le mortier et 
toute la matière pour parclorre la ville. 

En cest temps, out fait une armée en France de Hue 
Rerest le jeune et Charles Dyscondore de Marant * et 
de ceulx de l'Eure' et de Dyepe et tournèrent la ma- 
rine et ardirent Hantonne % Bourc et Blâme et prins- 
trent des nefz d'Angleterre. 

Apres ce, le roy Philippe envoia Jehan son filz duc 
de Normendie et le duc de Bourgoingne en Guienne 
et alerent mettre le siège devant le chastel d'Aguilon*; 
maiz pou y firent de leur preu et honneur. Le dit 
Jehan de Normendie et le duc de Boui^oingne y fi- 
rent donner plusieurs assaulx où moult de bons che- 
valiers moururent. Et y mourut le sire de Baqueville. 
Durant le siège mourut le duc de Bourgoingne de 
maladie naturelle. En ce temps estoit le bon duc Henry 
de Lencastre en Prusse. Et comme il fut à Estone- 
vei^e, les crestiens en firent leur chief. Et là estoient 

i. Sans doute Marant^ Pat-de-Galais, arrond. de Montreail, canton de 
Campagne. 
S. La Fosse de l'Eure^ près Harflenr. 

3. Hantonne, Southampton. 

4. Sans doute Aiguillon , Lot-et-Garonne, arr. d*Agen, canton de 
Poit-Sainte-Marie. 



14 CHRONIQUE 

moult de grans seigneurs et barons d'Alemaigne. Les 
crestiens firent leur reze sur le roy de TEstone* et le 
roi de Graco *, lesquelz s'estoient aliés à grant nombre 
de mescreans pour desconfire les crestiens. Les crestiens 
assemblèrent aux mescreans qui estoient infini nombre 
et avoient grant chevalerie. Les Alemans se commen- 
cèrent si à desconfire que Testandart des crestiens 
chey à terre. Et quant ce vit le bon duc Henry de 
Lencastre, il point celle part et o sa force et chevalerie 
redrecha la baniere des crestiens. Dont par ce fait 
s'esvertuerent tant les crestiens que par la voulentë 
nostre Seigneur Jhesu Crist les mescreans fiu*ent tous 
desconfis et les crestiens ourent victoire. 

En Tan mil trois cens quarante trois, fit Philippe de 
Valloiz quinze deniers venir à trois. 

L'an mil trois cens quarante six, Edouart le roy 
d'Angleterre, avec monseigneur Godefroy de Hare- 
courtqui estoit bany de France, comme dessus est dit, 
o tout grant armée d'Angloiz, descendirent à La Hogue 
en Normendie. Le roy Philippe de France envoya en 
fi'ontiere Raoul, conte d'Eu et de Guines et connesta- 
ble, filz de Raoul de Foukarmont, conte d'Eu, qui fut 
tué aux jouxtes à Paris. Et aussi ala avec lui le conte de 
Tanquarville, le mareschal Bertran et grant baronnie 
de Normendie. Edouart le roy d'Angleterre, comme il 
fu descendu en Normendie, il chevauca à Caen. Et là 
out moult forte bataille. Mais Angloiz si furent le plus 
et furent les François desconfiz. Là fut prins Raoul 
d'Eu connestable de France, le conte de Tancarville 



1 . Ettone, Esthonie. 
S. Graco, Krakovie. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 18 

et moult de bons chevaliers. Et moult y et mors des 
gens de la ville, si que les rues estoient couvertes de 
gens mors. L'evesque de Baieux et le mareschal 
Bertran son frère se retraistrent en chastel de Caen, 
car pour lors la ville de Caen n'estoit point fermée. 

CoDune le roj Edouart ouït desconfit ceulx de 
Caen, il chevaucha jusquez à Rouen et vint devant la 
ville vers la Quesnoye, le sixiesme jour d'aoust. Et 
estoit monseigneur Godefroy de Harecourt guideur, 
conduiseur et gouverneur de Tost du dit roy Edouart. 
 Rouen estoit ja venu le roy Philippe de France le 
deuxiesme jour d'aoust. Et devant la ville ouït ung 
pongneys, et alors n'avoit point encoires assemblé le 
roy Philippe ses hostz. Le roy Edouart se parti o son 
host de devant Rouen et chevaucha vers Paris et vint 
au pont de Poissi. Et là le sire d'Âufremont, le sire 
de Revel et autres chevaliers et la commune d'Âur- 
liens et autres qui gardoient ie pont estoient. Maiz 
Anglois firent ung pont qu'ilz jetterent sur le pont 
rompu et passèrent oultre. Là furent mors ceulx 
d'Orléans. 

Le roy Philippe estoit lors à Paris où il avoit 
moult grant chevalerie, le roy de Boesme, le roy de 
Halogres, le duc d'Athenez, le conte d*Alençon son 
fi^re, le conte de Flandres, le conte de Harecourt, le 
duc de Bourbon , le conte [de] Dampmartin , le conte 
d'Aucerre et trop d'autres, tant barons que chevaliers 
et escuiers , que c'estoit merveilles de la belle^ noble 
et grant bachelerie qui fu là assemblée. 

Le roy Philippe estoit bien hastif homs. Et pour ce 
que par aucuns sagneurs que la roy ne avoit introduiz 
à parler au roy, car elle ne voulloit que le roy issist ne 



16 CHRONIQUE 

qu'il se combatist, le roy ala troiz foiz parmi Paris, 
disant et criant qu'il estoit trahi, puis parti de Paris. 
Et ala parsuir le roy d'Angleterre qui s'en aloit en 
Picardie et passa à la Blanche Taque. Et le roy Phi- 
lippe le parsuivy et ataint à la valée de Cressi. Là fu 
le roy Philippe trop hastif et ne voult croire conseil ; 
ains couru sus au roy d'Angleterre qui avoit ordonné 
par monseigneur Godefroy de Harecourt trois batail* 
les, dont Edouart, ainsné filz du roy d'Angleterre, qui 
estoit prince de Galles, out la première bataille, le conte 
de Lincole et le conte de Glocestre ourent la seconde, 
et la tierce ouït Edouart, roy d'Angleterre. 

Le roy Philippe commanda que les Genenois assem- 
blassent, roaiz ilz furent tantost desconfis et prinstrent 
à fuire vers les François qui ochirent les Genenois. 
Et lors le roy Philippe assembla aux Angloiz et là out 
très fort estour et merveilleuse bataille. Les Anglois 
archiers furent du premier embuschiés de les les haies 
et par leur trait occistrent moult de chevaulx et de 
gens. Et en ce jour fut l'occision des gens par les che- 
vaulx. Car comme les François se cuidoient rengier, 
leurs chevaulx cheoient mors. Que vous yroie la ma- 
tière prolongant? Par hastiveté et desarroy furent 
les François desconfiz. Le roy Philippe en sa hasti- 
veté se porta celui jour comme très bon chevalier et 
y fit merveilles d'armes, mais fortune tourna contre 
lui. 

En ceste bataille mourut le roy de Boesme, père de 
l'empereur, le duc de Lorraine, le conte de Blois, 
le conte de Sancerre, le conte d'Alençon, le conte 
de Flandres, le conte de Harecourt et moult grant 
quantité de grans seigneurs. Et du peuple y mourut 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 17 

une très grant multitude. Mais le roy Philippe se 
combati jusques à la nuit, ne oncques celui jour ne 
perdi le roy Philippe le champ. Et quant vint sur 
la nuit, par conseil il se retraist à Amiens. Et le roy 
Edouart se retraist ou champ ou il gaigna la despouille 
comme vainqueur. 

Le roy Edouart se partit de Cressi et chevauca droit 
à Râlais, et là mist le siège moult efforciement par la 
terre et puis par la mer. Et furent les Flamens en son 
aide. Et adonc out monseigneur Godefroy de Hare- 
court sa paix et vint au roy Philippe. Car' quant mon- 
seigneur Godefroy vit son frère occis, il ne voult plus 
demourer avec le roy Edouart, et le roy Philippe le 
retraist et mist en sa garde. 

Le roy Edouart maintint le siège devant Calais plus 
de dix mois et tant destraint ceulx de la ville qu'ilz 
n'avoient que mengier. Et à brief raconter ilz men- 
goient toutes ordures par droicte famine. 

Le roy Philippe assembla ses hostz et semont ses 
barons et chevauca vers Calais. Mais la maie royne 
boiteuse Jehenne de Boui^oingne, sa femme, qui estoit 
comme roy et faisoit destruire ceulx qui contre son 
plaisir aloient, ou du moins elle les exilloit ou leur 
toulloit le leur, iceste royne manda aux grans barons 
qui estoient avec le roy que, comment qu'il fust, qu'ilz 
ne souffrissent que le roy son seigneur se combatist^ ; 
à Monseigneur Godefroy de Harecourt et au conte 



1. Dans une note de sa précieuse édition des Grandes Chroniques de 
framce^ M. P. Paris essaye d'expliquer ces allées etyenues de Philippe de 
Valois, f On peut croire, £ût remarquer ce savant , que la grande raison 
de tontea les irrésolutions dn roi de France venoit de la crainte qu'il 
tfoit de laisser Paris à la merci des Anglois. U ne Touloit pas la quitter 



18 CHRONIQUE 

d'Aucerre, à Flacon de Revel, à ceulx le manda sur 
la hart, et puis en escript aux prelas. Et oultre tant 
avoit de paour de son mary le roy qu elle en escript 
au duc Jehan son filz. 

Le roy Philippe vint jusques à une lieue près de 
Kalais. Mais par les lettres de la roine le roy out con- 
seil de retourner, qui ne fut bon. Et donc quant 
le roy Philippe se fut mis en chemin de retourner, 
les Anglois pristrent Calais et se rendirent à la 
mercy du roy Edouart. Et quant le roy Edouart 
out prins Calais, il repassa mer et s*en retourna 
en son royaume d'Angleterre. Et le siège estant 
devant Calais, les Flamens vouldrent que leur jeune 
conte preist à femme la fille au roy Edouart d'Angle- 
terre. Mais il se eschapa et s'en vint tout droit au 
roy de France. Apres ce, l'an mil trois cens quarante 
huit, mourut la maie royne boiteuse de Boui^oingne, 
femme du dit roy Philippe. Et après ce prinst le dit 
roy Philippe à famé madame Blanche, seur du roy 
de Navarre. Et le dit roy de Navarre depuis prist à 
femme la fille du roy Jehan, filz de cestui roy Phi- 
lippe. 

En ce temps, l'an quarante huit et quarante neuf, 
fi] la très grant mortaUté. 

En l'an mil trois cens cinquante, fiit le plain par- 
don à Romme et tenoit le siège de Romme pape 
Clément Vl*°". Et en cel an trespassa de cest siècle 

UDt qu'Edouard ne s*en éloignoit pas. s On yoit pour la première fois 
par notre chronique que la funeste influence et les timides conseik de 
la Ttme Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe, causèrent en grande 
partie les lenteurs, les ajournements, Tinconsistaoce de résolutions et de 
conduite de ce prince dans tout le cours de cette désastreuse campagne. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 19 

très excellent prince et puissant Philippe de Vallois 
roy de France et mourut à Nogent le Roy; et fut mis 
en sépulture à Saint-Denis en France, le jour de la 
vigille de la decolacion Saint Jehan Baptiste. 

Après la mort de Philippe de Valloiz roy de France 
régna Jehan son Glz ainsné duc de Normendie et fut 
couronné à Rains ou dit an mil trois cens cinquante 
le jour de la Saint Michiel. En cest temps, estoit empe« 
reur de Romme et d' Alemaigne Charles de Boesme ; 
et Edouart filz de Taisnée fiUe de France, fille du roy 
Philippe le Bel, estoit roy d'Angleterre. Apres le très 
noble sacre et couronnement du roy Jehan, vint à 
Paris à très grant noble compaignie de princes, de ba- 
rons et de toutes nobles gens qui avoient esté à son 
sacre. C'est assavoir premièrement Charles le roy 
de Navarre son gendre, monseigneur Philippe de Na- 
varre, conte de Longueville, son frère, monseigneur 
Philippe duc d'Orliens, frère du dit roy Jehan, mon- 
seigneur Louis conte de Flandres et plusieurs autres 
grans seigneurs et barons. Et à la joieuse venue du 
roy ouït à Paris unes très nobles joustes de trente 
chevaUers parés des armes du duc de Bretaingne, 
lequel estoit encoires prisonnier en Angleterre. Et 
après le département de la feste, fist le roy Jehan 
décapiter ung très noble et courtois prince Raoul, 
conte d'Eu et de Guines et connestable de France. Et 
fut décapité à Paris en l'ostel de Neelle. De laquelle 
mort ce fut douleur, car c'estoit ung des plus courtois, 
des plus gracieux chevaliers de France et des plus 
larges. Nul n'osa parler de la cause de sa mort. Delà- 
quelle furent troublés grant partie des nobles de France 
ne oncques ne fut sceu du peuple la cause de sa 



20 CHRONIQUE 

mort, jasoit ce que plusieurs eu parloient et murmu- 
roient. 

En cest temps conquist le roy d' Arragon le royaume 
de Malogres et fit au roy qu'il prist coupper la 
teste. 

En cest temps vint en Bretaingne monseigneur 
Thomas de Holande' o grant nombre de gens d'armes 
d'Angleterre. Et contre lui fut envoyé de par le roy 
Jehan monseigneur Guy de Neelle. Et comme il fut 
arrivé en Bretaingne, il chevauca sur les Angloiz et out 
devant Saint Malo ung dur paleteys. Et là ouït grant 
bataille, car moult avoient les deux parties de bonnes 
gens. Ce temps durant, ot une emprinse faicte de 
trente François contre trente Anglois, et furent les 
Angloiz desconfiz. Cy est le commencement de Bertran 
de Clasquin. 

En l'an ensievant, monseigneur Charles d'Espaingne, 
qui estoit nouvelement fait connestable de France, ala 
en Poitou et mist siège devant Saint Jehan d'Angeli et 
fist viguereusement la ville assaillir. Les Anglois le 
mandèrent à Ëdouart le roy d'Angleterre, lequel le 
plus hastivement qu'il pout fist son appareil et passa 
la mer pour lever le siège. Charles d'Espaingne le 
manda au roy Jehan de France qui hastivement et 
hardiement ala secourre Charles d'Espaingne son 
connestable. Et chevauca le roy Jehan contre le roy 
Edouart, lequel ne l'attendi pas à combatre et s'en 
retourna en Angleterre. Et lors le roy Jehan retourna 
à Saint Jehan d'Angeli et fist viguereusement la ville 
assaillir^ laquelle les Anglois lui rendirent. Et avoit 

1. Thomai Holknd. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 21 

esté prinse la dicte ville par Henry de Lencastre au 
temps du roy Philippe, père du ditroy Jehan. 

Et après s*en retourna le roy Jehan à Paris, et au 
printemps ensuivant monseigneur de Beaugeu ala de 
par le roy à Saint Osmer pour porter guerre à ceulx 
de Râlais. Et leur porta si aspre guerre et si dure 
qu'Uz ne povoient riens conquester sur la terre de 
France. Les Anglois le mandèrent au roy Edouart 
qui leur envoya grant secours d'Angleterre. Monsei- 
gneur de Beaugeu fist une chevauchée devant Kalais. 
Les Anglois firent contre lui deux embusches de gens 
d'armes. Des lors que monseigneur de Beaugeu vit les 
Anglois, il leur couru sus, et furent desconfis et com- 
mencèrent à fiiire vers Calais. Adonc les parsuirent 
les François et se desrouterent. Lors saillirent les deux 
embusches et vindrent courre sur les François. Et là 
eut trop dur estour et dure bataille depuis Teure de 
prime jusques après nonne. Et là fit monseigneur de 
Beaugeu merveilles. Car non obstant que ses gens fus» 
sent desroutés, si furent par lui les Anglois des em- 
busches desconfis, et se ralierent les François et chas- 
soient les Anglois. Et lors issirent de Kalais bien deux 
cens hommes d'armes et trois cens archers, lesquelz 
estoient pour la garde de la ville. Ilz coururent fres- 
chement, efTorciement et hardiement sus à monsei- 
gneur de Beaugeu et sa gent, et lui occistrent son 
cheval soubz lui, et là fut tué et occis le bon cheva- 
lier ^ Ung varlet piéton mirencolieux qui suivoit les 
François vit la bataille et tantost le couint dire à Bou- 

1. Cet engagement est raconté dans Froissart arec des drconstaucet 
tontes différcaites et des détails beaucoup plus précis. Cf. liv. I, part. 11, 
àï.ym; édit. du Panthéon, t. I, p. 395-297. 



22 CHRONIQUE 

loingne et à Saint Osmer. Et alors y estoit le mares- 
cbal d'Andrehen qui o ceulx de sa route vint brochant 
à esperon à la bataille, et se tenoient encorres les 
François. Lors qu'ilz furent venus, les Anglois furent 
tantost desconfis. Et y ot bien de mors quatorze cens 
et des François neuf cens. Et après la bataille fist le 
mareschal emporter le corps de monseigneur de Beau- 
geu pour faire sépulture. 

Le sire de Beaugeu fut extrait du lignage aux contes 
de Flandres et du sang royal de France. Comme il fut 
fait chevalier, il voua que ja ne fuiroit pour mourir. 
Item, monseigneur de Beaugeu fut en Escosse à la ba- 
taille monseigneur Guillaume Duglas, et si leva le 
siège de Bezinc que monseigneur Lyon de Gant (ilz de 
Edouart roy d'Angleterre out assiégée. Et là fît de 
belles chevaleries tant que les Anglois se deslogerent. 
Monseigneur de Beaugeu par son très grant hardement 
fut en Tespurgatoire saint Patrice où il vit les tour- 
mens infernaux, comme le raconte Heronnet son 
escuier qui en dit moult de merveilles. Dit Heronnet 
qu il vit Burgil)us, le portier d'enfer, qui tournoit une 
roe par cent fois cent mille tours en l'espace d'ung 
jour et y avoit cent mille âmes. Il vit le pont qu'il 
fault passer aussi trenchant comme ung raseur à l'en- 
trée. Il vit les âmes en lis plains de feu et y en recon- 
gnut. Il vit le gibet d'enfer. Il vit le puis d'enfer. Il vit le 
gouffre d'enfer. Apres vindrent en paradis terrestre. 
En celle manière le raconte messire Jehan de Mande- 
ville \ chevalier anglois, qui fut par le loing du monde 

1, Voyage en Terre Sainte^ par Jeban de Mandeyille, Pan 1322. Le 
département des ms. à la Bibliothèque Impériale possède un exemplaire 
de cet ouvrage inscrit sous le nP 5586 àa fonds français . 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Î3 

en terre habitable. Monseigneur de Beaugeu si fut 
avec le conte Guillaume de Henault, frère à la royne 
d'Angleterre et nepveu du roy Philippe de France, à la 
gaengne de La Grezille, et fut à Tavangarde où le roy 
de Bellemarine fut desconfît et le roy de Grenace par 
le bon roy Alfons d'Espaigne et le roy de Navarre. Le 
sire de Beaugeu si fut à lever le siège de Montauben 
que Angloiz avoient assis. Dont monseigneur Regnault 
de Caours, le viel conte de Lisle avec le vieil Mouton 
de Blainville si desconfirent les Ânglois par la prouesse 
du sire de Beaugeu. Le sire de Beaugeu fut en la ba- 
taille contre les Sarrazins et fut aussi k recouvrer la 
cité de Constantinoble que les Sarrazins avoient assise. 
Le sire de Beaugeu fut en Prusse et y porta la baniere 
Notre-Dame et w onc ne fuy » tel fut son cry. Il fut 
oociz devant Calais, comme dit est. 

En l'an mil trois cens cinquante trois, monseigneur 
Guy de Neelle et monseigneur Robert Bertran le Jeune 
se combatirent en Bretaingne encontre les Angloiz, et 
là out une grosse besoingne ; furent occis en iceste ba- 
taille les dessus diz nobles hommes. Enquel Bertran 
failli la lignie du nom des seigneurs surnommez Ber- 
tran en Normendie. Et portoient ceulx d*icelle ligne 
en leurs armes ung escu d'or à ung lyon de sinople 
rampant couronné d'argent. 

Jehan, roy de France, ordonna et fit une feste en 
l'onneur de Nostre Dame, laquelle il fit à Saint Ouen 
jouxte Paris. Laquelle feste fut appelle e la feste de 
TEstoelle et fut faitte le jour de la Tiphanie. A laquelle 
feste les plus hauls barons de son royaume furent et 
portèrent tous par la devise du roy une estoille. Et en 
celle feste par l'ordonnance du roy furent ceulx de la 



24 CHROiaQUE 

Teste vestus de vermeil dessus et de blanc dessoubz. 
£t si furent à celle feste esleus neuf chevalliers preux 
dont Charles de Blois duc de Bretaingne fu nommé 
par le pais. 

Et quelque le bernage, les princes et les barons de 
France esloient en ceste feste, le roy Edouart, qui 
tant estoit sage et soutif à laguerre, vint à Kalais, et son 
ainsné filz le prince de Galles, et firent escheller par 
le conte de Glos et le sire d'Âncelle et monseigneur 
Jehan de Chendos le chastel de Guines, lequel fut prins 
des Anglois. 

Puis chevauca le roy Edouart d'Angleterre et Edouart 
son ainsné filz, prince de Galles, devant Bouloingne et 
ardirent la basse Bouloingne. Puis s'en ala le roy 
Edouart o tout son host à Kalais et repassa la mer 
pour cause de ceulx d'Yrlande et de ceulx d'Ecosse 
qui lui murent guerre. Et envoya son filz le prince de 
Galles contre les Yrois *, lequel se combati à eulx et 
les desconfît par le grant secours que lui fît Henry 
le Bon, duc de Lencastre, à quinze mil hommes. 

Apres ce out descort entre Henry le duc de Len- 
castre et le duc de Bezinc ' et s'entre appellerent de 
bataille et promistrent à comparoir ung jour devant le 
plus noble roy des crestiens Tung contre l'autre. F^e 
duc de Lencastre disoit que c'estoit le roy d'Angleterre. 
Et non obstant ce si se consenti il que ce fust devant 
le roy de France que la bataille se feroit, par ce qu'il 
fut dit que le roy de France estoit le plus noble roy 
des crestiens et que c'est chose notoire par toute cres- 



I. Yrois, Irlandais. 

9. Bezinc, Berwick (Buchon). 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 25 

tienté. Et par ce fut la bataille termée par l'acort du 
duc ée Lencastre, conte d'Âlbic et du dit duc de Be- 
zinc. Et vindrent à Paris et là s'apresterent et ordon- 
nèrent pour combatre en Pré aux Clers jouxte Paris 
par devant très excellent prince Jehan ^ roy de France. 
Et fut amené le duc de Bezinc en champ par les enfans 
du roy de France auxquelz le duc de Bezinc apparte- 
noit de lignage à cause de leur mere^ fille du roy de 
Boesme et seur de l'empereur. 

Âpres vint en champ le duc Henry de Lencastre et 
fiit amené en champ par noble prince Charles roy de 
Navarre, conte d'Evreux, et monseigneur Philippe de 
Navarre son frère , auxquelz le susdit duc appartenoit. 
Et comme ilz furent tous deux en champ, par leurs 
amis acort fii fait entre eulx et ne se combatirent point 
et se partirent du champ en la fourme et manière 
qu'ilz y estoient venus et alerent tous deux soupper 
avecquez le roy Jehan. Et à brief temps s'en retoiuna 
le duc de Lencastre à Kalais et le duc de Bezinc séjourna 
avec le roy de France. — Alors vint en France le car- 
dinal de Bouloingne pour traictier de la paix entre le 
roy de France et le roy d'Angleterre. 

En cest temps, trespassa pape Clément Sixte et (ut 
fait pape Innocent. 

En cest temps, meust discension à la court du roy de 
France entre le roy de Navarre, monseigneur Philippe 
de Navarre son frère contre Charles d'Espaingne con- 
nestable de France ; et y out grosses parolles dictes 
en la présence *du roy Jehan , entre lesquelles Charles 
d'Espaingne desmenti monseigneur Philippe de Na- 
varre. Et quant le dit messire Philippe ouy soy desmen- 
tir, lors il sacha son coustel et en voult ferir Charles 



26 CHRONIQUE 

d*Espaingne. Et comme le roy Jehan vit ce, il vint à 
monseigneur Philippe et le tint et si lui dit : oc Com- 
ment ! beau cousin ^ vous fault il sacher armes en ma 
chambre ? » Et lors se parti de la court Charles d'Es- 
paingne. Et comme il se partoit, monseigneur Philippe 
Navarre lui dit que oncques fîlz de roy ne iîi desmenti 
qui fiist si chierement comparé et que bien se gardast 
des enfans de Navarre. Et Charles d'Espaingne res- 
pondi qu'il ne doubtoit eulx ne leur povoir. Par tant 
se partirent de la court du roy de France le roy de 
Navarre et monseigneur Philippe son frère et alerent 
en leur terre t[u'ilz avoient en Normendie. Et alerent 
avec eulx aucuns des nobles comme le conte de Hare- 
court, monseigneur Godefroy et monseigneur Louis 
de Harecourt et le sire de Clere, car à iceulx avoit 
mauvaise voulenté le dit connestable. Et si avoit avec 
iceulx en la dite aliance le conte de Namur, monsei- 
gneur de Guerarville, monseigneur de La Fertë, mon- 
seigneur Guillaume de Melle, le sire de Preaulx et 
monseigneur Jehan de Preaulx son filz, monsei- 
gneur Robert et Guillaume Le Noir de Grainville, le 
sire d'Araines, Amaurry sire de Rony, le sire de Fri- 
quans, monseigneur Regnault de Braquemont, mon- 
seigneur Pierres de Sauqueville, et grant quanlité d'au- 
tres chevaliers et escuiers dont les noms ne sont pas 
icy retrais. Charles d'Espaingne se fia tant en son 
avoir et eu roy de France qu'il ne prisa en riens les 
menaces de monseigneur Philippe de Navarre et che- 
vaucoit desgarny de gens d'armes et vmt en la ville de 
Laigle en Normendie. Le roy de Navarre et monsei- 
gneur Philippe son frère sceurent par leur endictes 
que le connestable de France Charles d'Espaingne 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 27 

estoit à Laigle, lors chevaucerent tant que par nuit 
vindrent devant la dicte ville. Et adonc monseigneur 
Philippe de Navarre, le conte de Harecourt, mon- 
seigneur Jehan Mallet sire de Graville, le sire de Clere, 
monseigneur de Friquans, monseigneur Guillaume 
Carbonnier et monseigneur Ligier d'Aurichi, Colin 
Doublet, Gillet de Panthelu, Le Bascon de Mareul et 
Radigo avec trente hommes armés ou environ vin- 
drent en l'ostel où estoit le connestable monseigneur 
Charles d'Espaingne. Monseigneur Philippe de Na- 
varre lors vint à Fuis de la chambre où estoit logié le 
dit connestable et commença à hurter à Tuis. Adonc 
veilloit le dit connestable, car cueur sent aucunes 
fois ce que avenir lui est. Et quant il ouyt la frainte, 
il se mucha soubz son Ut, car l'ostel tout entour vit 
avironné de gens d'armes. Lors fut ouvert Fuis par 
ung de ceulx de la chambre du dit connestable. 
Adonc entrèrent ses ennemis en la chambre et alume- 
rent les torches et vindrent premièrement au lit de 
monseigneur Jehan de Meleun et puis au lit du dit 
connestable, où il fut trouvé. Dont lui dit monsei- 
gneur Philippe de Navarre : a Charles d'Espaingne, 
mal desmentis Philippe filz de roy. » Et lors s'a- 
genouilla le connestable les mains jointes devant 
monseigneur Philippe de Navarre en lui priant qu'il 
eust mercy de lui et qu'il seroit son serf racheté et 
que de son pesant d'or il se raenconneroit et oultre sa 
terre quitte lui clamoit et que outre mer s'en yroit 
sans jamais retourner. Alors dit le conte de Hare- 
court : « Sire, se de ce vous veult baillier bons hos- 
tages, ayes pitié de lui. » Mais monseigneur Philippe 
estoit tant yré et enflammé que en rien ne le voulloit 



38 CHRONIQUE 

ouir ne escouter. Et aussi vint monseigneur Pierres 
de Sauqueville au dit monseigneur Philippe de par le 
roy de Navarre son frère qui Tattendoit, lequel lui 
mandoit que hastivement il se delivrast. Lors le Bascon 
de Mareul et Radigo et quatre servans occistrent le 
dit Charles d'Espaingne connestable de France. Et 
Toccist de sa main et de son espëe le dit Bascon de 
Mareul. Car il lui lança et bouta tout oultre parmi le 
corps ; et tant engoisseusement, villainnement et ab- 
hominablement Tapareillerent qu'ilz lui firent quatre 
vingt plaies ^ Dont aucuns d'iceulx qui furent en la 
place distrent que ledit monseigneur Philippe fîit bien 
dolent qu'il n'avoit esté prins vif. Tantost que le fait 
fut accompli, ilz s'en retournèrent devers le roy de 
Navarre qui les attendoit et alerent à Evreux, et s apa- 
reillerent comme pour avoir la guerre. 

La contesse d'Âlençon, quant elle en sceut les nou- 
velles, fit enterrer le corps, et ses gens retournèrent 
à Paris et contèrent au roy Jehan le fait ainsi comme 
advenu estoit. Dont il fut merveilleusement courchié, 
car moult affectueusement l'amoit. Et jura moult 
grant serement que jamais en son cueur joye n'auroit 
jusques à ce qu il en fust vengié. 

Âpres la mort de Charles d'Espaingne, monseigneur 
Philippe de Navarre, avec lui monseigneur Godefroy 
de Harecourt alerent en Costentin et là assemblèrent 

1. L'assassinat de Charles d'Espagne est raconté ici aatrement qae 
dans toutes les autres chroniques contemporaines. Le récit de notre 
chroniqueur est le plus détaillé, le plus dramatique et yraisemblablement 
le plus exact. Cf. Froisaan, li?. I, partie II, ch. xin; édit. du Panthéon, 
1. 1, p. 301 et 303. — Les Grandes chroniques de France, édit. in-8, 
t. VI, p. 7 et 8. — Le second continuateur de G. de Nangis, éd. de 
Géraud, t. II, p. 227 et 338. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 29 

moult grant nombre de gens d'armes. Et monseigneur 
Godefroy fît emforchier les pas du clos de Costentin. 
Et pour ce fut donné en conseil au roy Jehan que 
c'estoit bon et pour le meillieur qu'il s'acordast au roy 
de Navarre. Car s'il lui mou voit guerre, il s'alieroitau 
roy d'Angleterre et ainsi yroit de mal en pis. Et donc 
le cardinal de Bouloingne traicta de l'acort et fit tant 
qu'il mist paix entre le roy Jehan de France et le roy 
de Navarre. Et eurent plaine remission tous ceulx 
qui avoient tenu le parti du roy de Navarre. Et 
pour cause de la conté d'Angoulesme, le roy Jehan 
livra au roy de Navarre la conté de Beaumont le 
Rogier, et ainsi pour ceste fois fut faicte fin de ceste 
discorde, et pour parfoumir lui le mariage qu'il lui 
avoit donné avec sa fille. 

Apres la prinse de Guines, monseigneur GuiefTroy 
de Chamy et le marescal d'Andrehen, au-devant de 
la mort monseigneur Charles d'Espaingne, furent en- 
voies en frontière contre ceulx de Kalaiz et assemblè- 
rent la chevalerie de Picardie, le conte de Bouloingne, 
monseigneur de Fiennes, monseigneur de Roye, mon- 
seigneur d'Aubegny et plusieurs autres, et alerent par 
nuit devant Kalaiz et la cuida escheler le conte de 
Saint Pol. Mais ilz furent apperceus, et fut Teschielle 
prinse des Anglois. Et lors s'en retournèrent à Saint 
Osmer et à Bouloingne. 

(Jng faulx traistre que l'en appelloit Aymeri, lequel 
avoit esté françois, se traist par devers le mareschal 
d'Andrehen et lui promist par finance qu'il lui livre- 
roit le chastel de Kalaiz à certain terme qu'il lui dist. 
Le mareschal le dit à monsseigneur GuiefTroy de 
Chamy, et lors alerent o plusieurs autres nobles au 



30 CHRONIQUE 

terme que Aymeri leur avoit dit et entrèrent dedans 
le chastel. Et lors sailli le roy d'Angleterre en guise 
d'ung simple chevalier o grant quantité d'Anglois qui 
là estoient muchiez. Et leur coururent sus et là ouït 
bataille grant et fort. Mais les François furent les plus 
iiebles et furent tous prins, le mareschal et ledit mon- 
seigneur Guieffroy et grant foisoii de bons chevaliers 
et escuiersy lesquelz furent tous délivrés par raençon 
de deniers qu'ilz paierent aux Anglois. 

Ne demoura pas long temps après que le mareschal 
d'Andrehen fut quicte de sa raençon que il chevauca 
siur les Anglois et encontra une route de bien quatre 
cens Angloiz et les desconfit. Et en celle desconBture 
fut prins le dit Aymery nommé devant, lequel fut amené 
à Saint Osmer. Et là le fit le mareschal si tourmenter 
que à grans tenailles de fer l'en luy ostoit et evrachoit 
la char et ainsi mourut de dure mort. Edouart le roy 
d'Angleterre et le prince de Gales son filz firent leur 
semonce en Angleterre le plus efTorciement qu'ilz 
peurent et passèrent la mer et vîndrent à Kalaiz o 
grant armée et allèrent assaillir une bastide que les 
Françoiz avoient faicte où estoit monseigneur Thomas 
de La Marche, monseigneur de Pommereul, monsei- 
gneur Dennequin et le bastart de Renti. 

Le prince de Galles qui avoit l'avangarde de Tost 
son père fist la dicte bastide merveilleusement assaillir. 
Et les François très bien se deffendirent. Maiz la force 
du prince fut si grant que par force il falut qu'ilz se 
rendissent ou ilz eussent esté prins, car ilz ne se po- 
voient plus tenir. Les nouvelles en vindrent au roy 
Jehan qui hastivement manda nobles et non nobles 
et chevauca contre le roy Edouart à très grant foison 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 31 

de gens d'armes, premièrement le roy de Navarre, le 
duc d*Orliens, le duc de Bourbon, monseigneur Jehan 
d'Artois conte d'£u, le conte de Harecourt, le conte 
de Tancarville, le conte de Rony et très grant foison 
de chevaliers, barons et escuiers et d'autres. Edouart 
roy d'Angleterre, qui moult estoit sages de la guerre, 
aperçut que ce n'estoit pas son avantage de combatre 
au roy de France et retourna à Kalais. Et lors lui 
manda le roy Jehan de France qu'il ne faisoit pas que 
bon guerroier ne comme gentilz homs, quant il n'a- 
tendoit la bataille. Sur ce le roy d'Angleterre lui re- 
manda que gentilz homs estoit et que de bataille ne 
lui fauldroit, car en toutes les marches de son pais 
il lui livreroit bataille assez et tant qu'il en seroit tout 
encombrés. 

Comme le roy Edouart fut à Calais, lui vindrent 
nouvelles de son pais que le gouverneur d'Escosse 
messire Guillaume Duglas avoit mis siège devant la 
cité de Bezinc' et avoit bien couru trois journées en 
Angleterre. Adonc se partist le roy Edouart de Calais 
et s'en ala en Angleterre et envoia son ainsné filz le 
prince de Gales, le conte de Richemont son frère 
pour lever les Escos. Lesquelz eurent nouvelles de 
leur venue. Et fist messire Guillaume Duglas faire une 
embusclie es bois. Et comme les Anglois entrèrent en 
bois, les Escos leur coururent sus. Là ouït grant estor 
et fort. Et lors messire Jehan d'Anselée et Edmond de 
Glos firent leurs gens tous mettre à pié. Et coururent 
sus les Anglois aux Escos et les mistrent à déconfiture. 
Et s'en fuirent ceulx qui pourent eschapper en la 

i. BezÎDCy Berwick. 



32 CHROmQUfi 

route de monseigneur Duglas et lui contèrent la force 
que le prince a\oit. Âdonc se deslogerent les Escoz et 
se mistrent en la frontière d'Escosse sur les destrois et 
les entrées de leurs pais. Et le prince de Galles vint à 
BezinCy laquelle cité il fist garnir de vitailles et rafres- 
chir de gens d'armes^ et puis s'en retourna en sa terre. 

En cest temps, le roy de Hongrie ala contre les Coi- 
mins lesquelz estoient entrés en Grèce et degastoient 
le pais, et n'y mettoient les Grecz nul remède. Icelui 
roy de Hongrie se combati contre iceulx mescreans 
Coimins oultre le fleuve du bras Saint Geoi^e et les 
desconfist, si que lui et sa gent en occistrent bien 
soixante cinq mil. Puis s'en retourna le dit roy de 
Hongrye en son pais, et lui faillirent les Grecz de con- 
venant qui lui avoient promis à rendre la cité de Cos- 
tentinoble. 

Jehan le roy de France fist une grant feste faire à 
son palais à Paris et une grant assemblée de nobles. 
Et à ceste feste dévoient estre les trois frères de Na- 
varre. Et fut le roy à conseil au devant du disner. Au- 
quel conseil fut le cardinal de Bouloingne, Pierres de 
La Forest archevesque de Rouen et chancellier de 
France, messire Jehan d'Artois conte d'Eu et le conte 
de Tancarville et monseigneur Jacques de Bourbon. 
En icellui conseil fut ordonné que en icellui jour au 
disner seroient occis les trois frères de Navarre ^ Et 



1. Notre chroniqueur est le seul qni parle de cet attentat projeté par 
trahison ; il n'en est nullement question soit dans Froissart, soit dans 
les Grandes chroniques de France. Cf. Froissart, liv. I, part. II, ch. xx, 
p. 322. — Grandes chroniques, t. VI de Téd. in-8, p. 8-12 et p. 96 et 
37. — Chronique latine de Guillaume de Nangis, éd. de Géraud, t. II, 
p. 228 et 229. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 33 

comme le conseil fut départi , par ung de ceulx qui 
fut au conseil fut dit secrètement aux enfans de Na- 
varre qu'ilz ne venissent au disner si chier comme ilz 
amoient leurs vies. Lors s'en retournèrent hastive- 
ment en leur hostel et firent armer leurs gens et s'en 
vouloient aller. £t lors (ut dit en la court du roy Je* 
han comme le roy de Navarre et ses frères s'en estoient 
retournés et faisoient leurs gens armer. Donc envoia 
le roy Jehan devers le roy de Navarre et ses frères 
monseigneur Jaques de Bourbon. Et comme le roy 
de Navarre le vist, si lui dit : « Cousin, je ne vous 
cuidoie pas mortel ennemi. Et se vous ne venissies 
comme, messagier, vous sceussies comme sont gentilz 
hommes les enfans de Navarre. » Lors se partirent et 
alerent à Evreux où là se départirent les trois frères, 
ne onc puis ne iîirent ensembles. Le roy de Navarre se 
tint garni à Evreux, et monseigneur Philippe ala en 
Costentin pour assembler gens d'armes, et monsei- 
gneur Louis de Navarre ala en Navarre. 

Âpres ce, donna le roy Jehan à Charles son ainsné 
filz la ducliié de Normendie. Et alors furent à acort 
le roy de Navarre et monseigneur Philippe de Navarre 
son frère au roy Jehan, et jurèrent paix l'un à l'autre 
sur le corps de Nostre Seigneur Jhesu Crist consacré, 
lequel fut parti en trois parties dont chacun ot sa part 
et l'usa corporelment. Et lors vint le roy Jehan à 
Rouen, et là vint à lui le roy de Navarre auquel le roy 
de France Jehan fist très grant feste. 

Apres ce, vint Charles duc de Normendie, ainsné 

filz de Jehan roy de France, à Rouen, où il fut receu à 

duc et à seigneur. Et avec lui vint le roy de Navarre, 

le conte de Harecourt et des plus graàs barons de 

3 



34 CHRONIQUE 

Normendie. Et là par le duc fut mandé à monseigneur 
Godefroy de Harecourt et à autres nobles qu'ilz venis- 
sent à Rouen pour lui faire liommaige de la terre qu*ilz 
tenoient de lui en Normendie. Lequel Godefroy 
manda au duc qu'il lui envoiast saufconduit et seurtë 
de sauf aler et sauf venir et le garantir de tous arrestz 
et encombriers. Et ainsi le fit le duc. Et lors vint à 
Rouen monseigneur Godefroy de Harecourt pour faire 
hommaige au duc. Et apporta de TEglise Nostre Dame 
de Rouen la chartre aux Normans où sont contenus 
les privilèges de Normendie. Laquelle chartre il ap- 
porta sur sa teste pardevant le duc et dit oyant tous : 
u Mon seigneur naturel, vecy la chartre des Normans. 
En la fourme qu'il est contenu dedens s'il le vous 
plaist à jurer et tenir, je suy tout prest de vous faire 
hommaige. » Sur ces paroles, le conseil du duc de 
Normendie voulust veoir et avoir la dicte chartre. Et 
monseigneur Godefroy respondi que la dicte chartre il 
avoit promis rendre et restablir présentement en la 
dicte église et qu'il lui porteroit. Mais se copie ou vi- 
dimus en voulloient, bien le pourroient avoir. Ainsi 
se parti monseigneur Godefroy de Harecourt, sans 
faire hommaige, de la court du duc et prinst congië 
du duc, disant qu'il lui convenoit estre brief en sa 
terre. Moult voulentiers l'escoutoit le duc parler et 
grant plaisir eust eu qu'il fust demouré de sa retenue 
de son conseil pour le très grant sens de lui K 

L'an de Tincarnacion Nostre Seigneur Jhesu Crist 
mil trois cens cinquante six, tint son parlement Charles 

i. Tous cet curieux détails, qui retracent d*une manière si saisissante 
la lutte de la grande féodalité , de IVsprit aristocratique et prorincial 
personnifié par Godefroi de Uarcourt contre ie pouToir royal représenté 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 35 

duc de Normendie à Rouen. Et à ce parlement fu le 
roy de Navarre, le conte de Harecourt, le sire de Gra- 
villci le sire de Clere, le sire de Preaulx, monseigneur 
du Bec Thomas, le sire de Toumebu, le sire de La 
Ferté, le sire de Berreville, monseigneur de BuiviUe le 
bon chevalier qui fit le beau coup d'armes en Turquie, 
Car il fendi ou couppa et trencha ung Turq tout au 
long parmy devant le roy de Cypre. Et aussi furent à 
cest parlement le sire de Friquans, le sire de Braque- 
mont, le sire de Blainville, le sire de Saincte Beuve, 
monseigneur de Houdetot, maistre des arbalestriers, et 
la greigneur partie des chevaliers de nom de Normen- 
die, et le maire de Rouen qui avoit nom sire Jehan 
Mustel et plusieurs des plus suffjsans et notables bour- 
gojs de la dicte cité de Rouen. 

Monseigneur Godefroy vint assez près de Rouen 
pour estreà icellui parlement; mais onc n*y voult ve- 
nir sans le sauf conduit du roy Jehan et du duc Charles 
son filz, car moult se doubtoit d'encombrier. Et par 
icellui par qui il mandoit le sauf conduit il mandoit à 
son nepveu le conte de Harecourt que, toutes choses 
laissies, il venist parler à lui. Ainsi comme l'escuier de 
monseigneur Godefroy vint au chastel de Rouen, le 
conseil estoit continué à Tendemain. Lors vint l'escuier 
de monseigneur Godefroy au conte et lui dist ce que 
son oncle lui mandoit. Adonc demanda le conte de 
Harecourt ses chevaulx pour partir du chastel. Et lors 
vint à lui Robert de Lorris, lequel lui dist : a Sire, 
monseigneur le duc n'atent fors que vous à disner. j» 

par Charies, duc de Normandie, ces détails ne se trouTent que dans notre 
chronique. Cf. HUtoire de Rouem pendant t époque communaU, par M. Ch^ 
roel, t.n, p. 173, 174 et 175. 



36 CHRONIQUE 

Et brief il lui osta son mantel et donc renvoia le de- 
vant dit escuierV Et lors assistrent à disner monsei- 
gneur le duc, le roy de Navarre, le conte d'Estampes, 
le conte de Harecourt, le sire de Graville en une table, 
et par les autres tables les autres barons, chevaliers et 
bourgois. Et comme ilz furent en my le disner, le roy 
Jehan entra eu chastel de Rouen par la porte des 
champs et vint au disner, avec lui le conte Jehan d'Ar- 
tois et Jehan de Meleun, conte de Tancarville, et le 
mereschal d'Ândrehen o plusieurs gens d'armes. Et 
lors ouy la frainte le chancellier de Navarre, lequel 
s'en yssy hors de Rouen et trouva ledit escuier de 
monseigneur Godefroy. Et doncala à lui et lui compta 
comme le roy Jehan estoit soudainement venu et entre 
eu chastel de Rouen. Lors dist monseigneur Godefroy : 
a J'en pensoye bien autant. » Et donc s'en partirent 
errant et s'en allèrent en Costentin. 

Le roy Jehan entra en la salle du chastel de Rouen et 
vinst en la table de son filz et là prinst de sa main 
le conte de Harecourt, et le roy de Navarre fist prendre 
et mettre en prison et le dit conte de Harecourt, le 
sire de Graville et ung chevalier nommé Maubue de 
Menesmares et ung escuier nommé Colinet Doublet, 
et à yces quatre fist trencher les testes dehors le chastel 
de Rouen. Et puis furent penduz au gibet l'an mil trois 
cens cinquante six, le jour de la saint Ambroise. Et 
ainçois qu'ilz fussent mis hors du chastel pour les de- 
cappiter, le roy Jehan se saizy de toutes les clefz des 
portes de la cité et les fist toutes fermer. Et avec tout 



1 . Ces intéressants préliminaires de l'attentat du 5 arril 1356 ne nous 
sont révélés que par notre chronique. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 37 

ce fit dire par les rues que chacun fermast son huis et 
que nul ne yssist hors de son hostel. 

Apres ce fait, se parti le roy Jehan de Rouen et ala au 
Pont de l'Arche. Et là vint à lui le prevost des mar- 
chans de Paris à cinq cens hommes d'armes. Puis ala 
le roy Jehan à Paris, et le roy de Navarre fut mené en 
prison à Paris et puis au chastel de Gaillart jouxte An- 
deli et puis à Crevecuer. Moult fiit blâmé le roy Jehan 
de l'occision des diz seigneurs et moult en fut en la 
malivolence des nobles et de son peuple et par espe- 
cial de ceulx de Normendie. 

Apres ce fait, le roy Jehan fit banir monseigneur 
Godefroy de Harecourt en Costentin et ailiieurs de 
tout le royaume de France comme murdrier en faus- 
seté. Et lors monseigneur Philippe de Navarre et le 
dit monseigneur Godefroy de Harecourt envolèrent 
defïier le roy Jehan et lui rendirent leurs hommai- 
ges. La terre du conte de Harecourt fut toute prinse 
en la main du roy Jehan et fut moult requise au roy. 
Et donc conseilla le duc de Bourbon au roy Jehan que 
la terre dudit conte ne fut par lui à aucun donnée ne 
des autres par semblable manière. Car il sembleroit 
que pour cause de leurs terres les eust fait mourir. Et 
donc par le conseil du duc de Bourbon ne fu pas la 
terre du conte donnée ; maiz la terre du sire de Gra- 
ville donna à monseigneur Jehan Martel qui puis la 
rendi à l'oir de Graville. 

Jehan roy de France fit mettre siège devant la cité 
d'Evreux par monseigneur Jehan Martel, monseigneur 
le Baudrain de la Heuse, amiral de France, monsei- 
gneur Jehan Sonnain avec le Besgue de Villainnes. 
Lesquelz prindrent le bourc, et là ouït grant assault et 



38 CHROIVIQUE 

grant escarmuche de Françoiz et de Navarrois, et fu- 
rent là longuement assiégés. 

Les Navarrois du chastel boutèrent le feu en la cité 
es maisons devant le chastel, et sailli le feu en la mère 
église de Nostre Dame. Et adonc entrèrent les Fran- 
çois en la cité et la pillèrent. Ung souldoier que l'en 
appelloit Jehan de Courourdain pilla Teglise de Nostre 
Dame d'Evreux, car onc François n'y voult faire vio- 
lence. Et en la fin en ouït tel mérite qu'il en fut pendu 
à un gibet en Bourgoingne. 

Par le commandement du rov Jehan, alerent au 
Ponteaudemer monseigneur Robert de Houdetot, 
maistre des arbalestriers du royaume de France, le 
seneschal d'Eu, le sire de Villequier, monseigneur de 
Plennes et grant foison de gens d'armes et d'arba- 
lestriers et pavoisiens. Et y firent les François moult 
d'escarmuches. Et fit le dit monseigneur de Houdetot 
asseoir myneeu dit chastel. 

Et ce durant, monseigneur Philippe de Navarre, qui 
tant fut en son vivant amé de gens d'armes, après ce 
qu'il ouït rendu son hommaige et defïîé le roy de 
France comme gentilz homs doibt, il passa en Angle- 
terre. Et là fu moult joyeusement receu de Edouart 
roy d'Angleterre et de Edouart son fîlz prince de Galles. 
Et là prinst le dit monseigneur Philippe l'aliance du 
dit roy et de son dit filz et du duc Henry de Lenquas- 
tre qui en sa propre personne vint en l'aide du dit 
monseigneur Philippe de Navarre. 

Quant monseigneur Philippe de Navaire ouït l'a- 
liance et la bonne amour du roy Edouart qui lui aida 
de grant nombre de gens d'armes à son congié, le dict 
monseigneur Philippe et Henry duc de Lencastre se de- 



DES QUATRE PREMERS VALOIS. 39 

partirent o leurs gens et arrivèrent en Costentin où là 
assemblèrent les garnisons englesches tant de Bretain- 
gne que deNormendie, comme monseigneur Godefroy 
de Harecourt, monseigneur Robert CanoUe, chiefdes 
Anglois de Bretaingne, et grant foison de bons cheva- 
liers et escuiers et de bons servans. Et fit scavoir 
monseigneur Philippe de Navarre à tous les cappi- 
taines des fors du roy de Navarre son frère que bien 
et hardiement se deffendissent, car il les venoit se- 
courre à vingt mille combatans. 

Au Ponteaudemer en vint ung messagier qui estoit 
maistre de nef de mer et estoit Costentinois. Et s'en 
vint entre les arbalestriers et demanda se ceuk de 
Rouen estoient là pour plus couvertement faire son 
fait. Car il avoit plusieurs fois en sa nef admené mar- 
chandise à Rouen. Ceulx de Tost lui distrent qu*ilz 
n'estoient pas à ce siège et qu'ilz estoient à Evreux. 
Et fut prins par souppeçon et enquis, et trouva l'en 
sur lui les lettres qu'il portoit de par monseigneur 
Philippe de Navarre. Pour quoy le dit messagier fut 
decappite et escartelé, puis fut pendu devant le 
chastel. 

Le siège durant, furent envoies par le roy de France 
pour enforchier le siège au Ponteaudemer monseigneur 
Louis de Harecourt, monseigneur Robert de Gère- 
mont, le Baudrain de la Heuse, amiral de France, 
monseigneur d'Angerville et grant routes de gens 
d'armes. Mais ains qu'ilz fussent venus au Ponteau- 
demer, s'estoit parti du siège le maistre des arbales- 
triersi lequel raconta ans dicts seigneurs la venue 
et l'effors de monseigneur Philippe de Navarre qui 
venoit pour lever le siège des François. Et lors retour- 



40 CHRONIQUE 

nerent tous à Rouen et contèrent au duc de Normendie 
la venue de ses ennemis. 

Et brief temps après le deslogement du dit siège, 
vindrent monseigneur Philippe de Navarre et le dit 
duc de Lencastre au Ponteaudemer et garnirent le 
chastel de gens d'armes et de vivres et de ce que mes- 
tier estoit à guerre souffrir. Et aussi firent ilz les autres 
chasteaulx. Puis chevauchèrent le dit duc de Lencastre 
et le dit monseigneur Philippe de Navarre o leur ost 
en Perche, et là prindrent la ville de Vernueil. Laquelle 
fut prinse par force d'assault. Et là se contint très 
vassaument Philippe de Navarre, car il estoit eu pre- 
mier front de la bataille eu lieu par lequel la ville fut 
prinse. Et se combatoit main à main à ceulx de la 
ville. Et par le cueur qu'il donna aux gens d'armes 
prindrent ilz par force la ville et pillèrent. Là out 
maint proudons occiz et detrenchié. Grant douleur et 
grant pitié estoit de veoir les femmes de la ville de la 
douleur qu'ilz menoient. Et pour ce firent commander 
le duc de Lencastre et monseigneur Philippe de Na- 
varre que nul ne leur meffaist. Trop grant trésor et 
trop grant richesses gaingnerent en la tour de Vernueil 
quant ilz la pristrent. 

Jehan roy de France fut moult en grant* de com- 
batre et desconfire ses ennemis et assembla très grant 
host, Charles son ainsné filz, duc de Normendie et 
daufin de Vienne, le duc de Bourbon, le duc d'Athè- 
nes, le conte de Saint Pol, monseigneur Jehan d'Ar- 
tois, conte d'Eu, monseigneur Charles d'Artois son 
frère, à qui le dit roy Jehan avoit donnée la conté de 

I. Sout-ent. : ciësir. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 4i 

Longueville, le conte de Tancarville, le conte Damp- 
martin, le conte de Rony, monseigneur Ix>uis de Ha- 
recourt, monseigneur le mareschal de Cleremont, 
monseigneur Robert de Cleremont, monseigneur 
Adam de Meullent, monseigneur de Berreville, mon- 
seigneur Jehan de Graville seigneur de Plennes, mon- 
seigneur Jehan Martel, monseigneur Guillaume Martel, 
monseigneur de La Ferté, monseigneur Amaury de 
Meullent, monseigneur de Montmorensi, monseigneur 
le Baudrain de la Heuze » amiral de France, monsei- 
gneur Robert de Houdetot, maistre des arbalestriers, 
et grant quantité de autres chevaliers de Normendie. 
Et en la bataille de monseigneur Moreau de Fien- 
nés, connestable de France, estoient les barons de 
Picardie, le mareschal d'Andrehen, monseigneur de 
Chamy, monseigneur de Roye, monseigneur d'Aube- 
gny, monseigneiu* Mahieu de Roye, monseigneur Raoul 
de Reneval, monseigneur Hue de Chasteillon, le sire, 
de Piquegny, le baron de Coucy, monseigneur En- 
guerren de Hedinc, monseigneur de Saneuze, monsei- 
gneur Amory, ung chevalier de Cypre lors cappitaine 
de Beauvaiz et moult d'autres vaillans chevaliers et 
escuiers. Et encoires avec ce estoient o le roy Jehan 
des bonnes villes de Paris, de Rouen, d'Amiens et 
d'autres cites du royaume de France des bourgois o 
grant nombre de gens d'armes. De très grant harde- 
ment et de très grant voulenté poursuy Jehan le roy 
de France ses ennemis tant qu'il vint à Tuebeuf\ Dont 
l'en veoit le feu que faisoient les dessus diz ennemis. 
Et là cria l'en alarme en l'ost du roy de France, en 

1. Tabomf, Ome, ar. Mortagne, c. Laigle. 



42 CHRONIQUE 

disant que monseigneur Philippe de Navarre et le duc 
de Lencastre venoient o leur host sur le roy. Là fu- 
rent les communes mises en ordonnance. 

Monseigneur Godefroy de Harecourt, qui à mer- 
veilles estoit sages de la guerre, envoia par coureurs 
veoir Testât du roy. Et quant il lesceut, il conseilla au 
duc de Lencastre et à monseigneur Philippe de Na- 
varre qu'ilz retournassent en Costentin et qu*ilz ne 
porroient contre le roy, considéré le grant nombre de 
bonnes gens qu'il avoit. Et donc se deslogerent les 
Anglois et s'en alerent en Costentin. 

Le roy Jehan envoia ses coureurs à Laigle, lesquels 
lui rapportèrent que ses ennemis s'en estoient partis. 
Et lors le roy Jehan et son host vint assegier BreteuL 
Et quant le siège fut mis à Bretueil par le roy Jehan , 
le Baudrain de la Heuse, amiral de France, monsei- 
gneur Robert de Houdetot, maistre des arbalestriers, 
monseigneur ie seneschal d'Eu, monseigneur Martin 
de la Heuse, monseigneur Jehan Sonnain à bien mil 
combatans alerent mettre siège à Couches et y livrèrent 
de grans assaulx et de fors. Et s'i portèrent si bien et 
tellement que le chastel leur fut rendu. Et le roy Je- 
han le fit bien garnir de gens et de vivres. 

En cest temps, vint une très grant guerre entre le 
conte de Flandres et le frère de l'empereur, monsei- 
gneur Vitelaux^, duc de Braban et de Luxembourg^ à 
cause de la ville de Malines. Et s'esmurent lesFIamens 
à si très grant nombre que l'en les estimoit et nom- 
broit à bien deux cens mille piétons et quatre mille 
hommes armés à cheval. Et vindrent les diz Flamens 

i, Vitelanx, Wencetlai. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 43 

o leur conte en Breban et vindrent devant la dicte 
ville de Malines pour y mettre siège. Monseigneur Vi- 
telauxy frère de l'empereur, qui tant estoit gentilz 
homs y ouït avec lui grant foison de gens d'armes et 
de gentilz hommes, le duc Aubert duc de Bavière, le 
conte de Henault, Guillaume (ilz Louis de Bavière, 
monseigneur Jacques de Bourbon, le prince de Julliers, 
le conte de Mons, le conte de Guelles, le conte de 
Vendemons, le conte de Sallebrusse^ et bien vingt 
mille hommes armes. Donné fut en conseil au frère 
de l'empereur qu'il se retraist, car les Flamens estoient 
quinze contre ung et que c'estoit trop fort de combatre 
contre tant de peuple, Et donc se parti monseigneur 
Vitelaux de devant Malines. Et lors les Flamens prin- 
drent la ville et Anvers et autres villes en Breban. 
Haiz depuis monseignepr Vitelaux retourna en Bre* 
ban et recouvra la gregnieur partie de sa terre. 

Cy retourne la matière du roy Jehan qui estoit de- 
vant Breteul. Lequel tenant son siège fit faire engins 
et très asprement faisoit assaillir le chastel de Breteul. 
Et merveilleusement se deffendoient bien ceulx du 
chastel et en ourent grant los et grant pris. Car onc- 
quez pour le très grant povoir du roy de France ne 
firent ne monstrerent nul failli semblant -, mais fai- 
soient souvent en l'ost du roy mainte saillie. 

Les maistres de faire engins firent ung chat de fust 
pour combatre à ceulx du chastel main à main par 
dessusT les miu^. Mais les Navarrois, comme le dit en- 
gin fut acosté aux murs de leur chastel, gettoient 
gresses et feu encontre les Françoiz qui estoient de- 

1. SâUebratte, Saarbnick. 



t 



44 CHRONIQUE 

dens, et moult asprement assailloient ceulx duchastel. 
Et tant firent par leur force que Tengin fut acosté aux 
murs du dit chastel. En icellui estoient moult grant 
foison de bonnes gens. Donc quelque les Françoiz 
entendoient à entrer par le dit engin eu chastel de 
Breteul , par les gresses et par la force du feu chey le 
pont du dit engin et ung des estages. Et là ouït moult 
des Françoiz blechiës et mors qui cheirent de Tengin. 
Entre lesquelz il y ouït bien vingt des arbalestriers de 
Rouen que blechiés que navrés et que mors et moult 
d'autres. 

Et après ce le roy Jehan , tenant encorres le si^ 
devant Breteul , fit venir son gendre Charles le roy 
de Navarre, conte d'Evreux, pour ce que par lui 
fussent rendus les chasteaux qu'il tenoit en Normen- 
die. Le dit Charles, roy de Navarre , quant il fut là 
venu, fit commandement que de ses chasteaulx vui- 
dassent les cappitaines et que ses diz chasteaux lui 
rendissent comme à leur droit seigneur roy de Na- 
varre, conte d'Evreux. Les cappitaines lui respondi- 
rent que, quant à présent, il n'estoit point roy de 
Navarre, quant il n'estoit en son povoir et en sa 
dominacion; mais à très excellent et noble prince 
monseigneur Philippe de Navarre rendroient ilz les 
chasteaux, quant ilz le verroient en son estât, car 
ainsi de lui les tenoient et non autrement. Par ceste 
fourme respondirent tous les cappitaines des chasteaux 
du roy de Navarre. Et lors par le commandement du 
roy Jehan fut remené le dit roy de Navarre plourant 
en prison à Paris, avecques lui monseigneur Friquet 
de Friquans et Gillet de Panthellu. Apres ce, de par le 
roy Jehan de France furent envolés au Ponteaudemer 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 45 

mettre le siège monseigneur le Baudrain de La Heuse, 
amiral de France, et monseigneur Robert de Houde- 
toty maistre des arbalestriers, à tout mille combatans. 
Et firent roydement assaillir et miner le chastel. Mais 
traictié fut fait des Navarrois aus diz François que par 
aident fut rendu le fort chastel du Ponteaudemer en 
la main du roy de France. Et les Navarrois o le leur, 
par le sauf conduit du roy de France, s'en alerent en 
Costentin où estoit monseigneur Philippe de Navarre. 

En celle saison, Edouart roy d'Angleterre fit guerre 
aux Escoz, et chevauca par Escosse son filz le prince 
de Galles. Mais monseigneur Guillaume Duglas lui 
garda les passages. Et là furent prinses les trêves 
entre les Anglois et les Escos, et furent jurées par les 
parties. 

Puis après ces trêves, le roy Edouart d'Angleterre 
envoia son ainsné filz le prince de Galles en Gascoin- 
gne, lequel par mer vint à Bordeaux sur Gironde. Là 
assembla grant foison de nobles hommes de Guienne, 
les enfans de Larbret, monseigneur Edmond de Pom- 
miers, le captai de Bucz, le conte de Montfort, mon- 
seigneur Guillaume d'Anselée, monseigneur Jehan de 
Pipes, monseigneur Jehan de Cbendos, monseigneur 
Hue de Carvelley, monseigneur de Lusse et Emond 
de Varvic. Adonc quant le prince ouït assemblé iceulx 
de Guienne qui tenoient son parti, il courut sur la 
terre du roy de France, gastant le pais. Et vint le 
prince courant le royaume jusques à Poitiers et par 
deçà. Le duc de Lencastre, monseigneur Philippe de 
Navarre, monseigneur Martin de Navarre dit Requis et 
Robin CanoUe partirent de Costentin pour adjouster 
leur host à celui du prince et chevaucereut amont la 



46 CHRONIQUE 

rivière de Loire. Maiz oncquez ne poureut passer, car 
tous les ponts furent rompus et bien gardez des Fran- 
çois, si qu il les fallut retourner. 

Quant le roy Jehan de France, qui encorres estoit 
au si^e devant Breteul, sceut que le prince de Galles 
couroit sa terre , il traicta au cappitaine de Breteul et 
aux Navarrois par une somme d'argent qu'il leur 
donna. Et si les fit conduire en Costentin, et ilz lui 
rendirent le chastel de Breteul. Puis fit donner congië 
le roy Jehan à ses communes de ses bonnes villes. 
Dont ce fut folie à lui et à ceulx qui conseil lui eo 
donnèrent, se disoient plusieurs. 

Le pape Innocent (ut trop couroucié de la guerre 
qui estoit entre les deux rois de France et d'Angle* 
terre ; et pour mettre paix ou acord ou trêves en espe* 
rance d'acort, il envoia en France deux cardinaulx en 
legacion, c'est assavoir le cardinal de Pierregort et le 
cardinal d'Ugel. Yces deux cardinaulx vindrent au roy 
Jehan de France pour traictier de la paix première- 
ment entre lui et le roy de Navarre. Maiz le roy Jehan 
fut lors moult troublé pour le prince de Galles qui 
couroit et ardoit son royaume, et de grant voulenté ala 
en rencontre du prince pour le combatre et assembla 
son host à Chartres. 

Et une aventure vous conteray d'une demonstranoe 
qui avint de la prinse du roy Jehan. Ung vavasseur 
estoit des parties de Champaingne ou environ riches 
souffisaument, et très preudons et dévot envers Dieu 
estoit. Ung jour ce proudomme en ses champs estoit. 
Cne voix horrible et espuan table lui dist qu'il alast 
denonchier au roy de France Jehan qu'il ne se corn- 
bâtit point contre nul de ses ennemis. De ceste aven- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 47 

ture fut le preudomme en graiit double et raconta sa 
vision à son curé qui estoit preudons et de bonne vie. 
Son curé lui dist qu'il jeunast par trois jours et qu'il 
feist penitance et puis ralast au lieu où la voix avoit 
parlé à lui. Ainsi le (ist le preudoms. Et de rechief la 
voix lui dist : n Va au roy Jehan de France et lui di 
qu'il ne combate ses ennemis. Et se tu n'y vas et fais 
ce que je te dénonce, en douleur et en peine sera le 
corps de toy. » — Le preudomme raconta à son curé 
comme la voix lui ouït dit de rechief. Le dit curé 
lexamina sur ce moult fort, puis lui dist : « Mon 
frerCy moy et toy ferons astinence et jeûnerons eâcorres 
par trois jours et si prieray nostre Seigneur Jhesu Crist 
pour toy. » Ainsi le firent. Puis après le tiers jour, ala 
le dit preudomme où la voix lui avoit aparu. Et lors 
qu'il vint là, il vit une très grant clarté cheoir ou 
descendre du ciel merveilleusement espuantable. Et 
la yoix lui dit de rechief : « Se tu ne fais sans dilacion 
oeque je te dénonce par lavoulenté du filz de Dieu pour 
le proufBt du commun peuple, soudainnement et di- 
versement mourras. » Et donc le preudomme dit apper- 
tentent à son curé parrocbial comme il lui estoit ad- 
venu. Lequel lui conseilla qu'il alast tantost son advi- 
sien denonchier, puis que c'estoit par la voulenté de 
Dieu. Le preudomme ala à la court du roy et mena 
avec lui ung syen filz et demanda lequel l'en tenoit le 
plus preudomme à la court du roy. Les gens de la court 
l'escharnirent et moquèrent de lui aucuns entre les 
autres. Ung preudomme qui servoit en la court vit le 
dit bon homme et apercust bien que c'estoit ung bon 
preudomme simple et sans malice et lui dit que, s'il 
avoit mestier de conseil, qu'il se traist par devers l'o- 



48 CHRONIQUE 

mosnier du roy. Le dit bon homme vint à l'omosnier 
du roy Jehan et lui dist qu U le feist parler au roy et 
qu'il lui avoit à dire tel chose qu'il ne diroit fors au 
roy. L'omosnier l'enquist tort qu'il lui deist ce qu'il 
Youloit dire au roy. Mais le preudoms lui dist que ce 
qu'il YOuloit denonchier, il ne le diroit fors au roy et 
que c'estoit pour son bien et proufïit. Lors quant l'o- 
mosnier vit que le preudomme ne voulloit dire ce 
pour quoy il estoit venu à court, il ala au roy et lui 
dit : (( Sire, il a ung preudomme céans qui me semble 
proudons à sa manière et \ous veult dire une chose 
laquelle il ne diroit fors à vous. » Le roy dit adonc à 
l'omosnier et à son confesseur que de par lui ilz ouïs- 
sent le preudomme auquel ilz dirent que le roy les 
avoit commis à ouir le de ce qu'il voulloit dire au roy. 
Et lui dit et monstra l'omosnier et le confesseur que 
parler au roy il ne povoit, et que ce qu'il avoit à dire 
au roy il leur povoit bien dire et que souventefToiz 
oyent le roy de confession. Donc quant le preudomme 
aperçut qu'il ne povoit parler au roy et qu'il vit et 
congnut la discreccion de l'omosnier et du confesseur, 
il leur dist son advision devant dicte. Et donc l'omos- 
nier et le confesseur le noncerent au roy. Et le roy, 
qui estoit homs de très grant courage plain, n'en tint 
conte et dit que l'en donnast de l'aident au devant dit 
preudomme. L'omosnier et le confesseur offrirent au 
preudomme de l'argent, mais il ne voult riens prendre. 
Et donc l'omosnier et le confesseur en furent merveil- 
liés et bien congnurent que le preudomme estoit de 
bon affaire et juste et bon envers Dieu. Et ainsi s'en 
partit le bon preudomme. 
Jehan le roy de France fut moult en grant désir de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 49 

oombatre et confondre ses ennemis et chevauca tant 
contre le prince que parvint à la cite d'Europe ainsi 
nommée et appellëe de très ancien temps et à présent 
est nommée et appellée Poitiers. Et furent les Fran- 
çoiz ordonnez de bataille, premièrement les mares- 
chaulx, les gueldons et puis les gens dont le roy de 
France avoit o lui grant foison et grant nombre. 

Le prince de Galles, par le conseil des seigneurs 
barons et chevalliers qiû o lui estoient, print une forte 
place à venir combatre et se hourda de son caroy. Et 
fit trois batailles dont la première fut d'archiers et y 
mist monseigneur Hue de Karvellé, monseigneur 
Emond de Warvych, monseigneur de Lusse, Nicole 
Dagome, monseigneur Jehan de Pippes et monseigneur 
Jehan Jouel. 

En la seconde bataille du prince (îirent les Gas- 
coings. Et en furent chiefz monseigneur de Larbret et 
ses frères, monseigneur de Pommiers et monseigneur 
Emond de Ponuniers^ le captai de Bucz et ceuk de 
Bordeaux. 

En la tierce bataille ouït le prince de Galles Edouart, 
ainsné filz du roy Edouart d'Angleterre, prince de 
Galles, comme dit est, seigneur d'Yrlande et d'Aqui- 
taine, duc de Cornouaille, conte d'Exestre, avec lui 
monseigneur Jehan de Montfort, monseigneur Guil- 
laume d'Anselles et monseigneur Jehan de Chendos. 

Le roy de France par ses mareschaux et son connes- 
table, pour lors le duc d'Athenez, fit de sa gent quatre 
batailles dont la première eurent ses diz mareschaux, 
le mareschal de Qeremont et le mareschal d'André* 
hen et monseigneur GuiefTroy de Chamy o leurs 
gens. 

4 



M : . CHROIVIQUS 

Et la fleocKide bataille ouït le dued'Orleatis, le conte 
de BloUy l'evesque de Chalons, monseigneur Guil- 
laume de Harecourt et moult très grant nombre de 
chevaliers et escuiers. 

La tierce bataille conduit Chaiiés ainsné filz du roy 
Jehan de France, lequel Charles estoit duc de Nofw 
mendie et daulphin de Vienne, avec lui la plus grant 
partie des contes, barons, chevaliers et escuiers de 
Normendie. 

La quarte bataille mena Jehan le roy de Francoi 
avec lui monseigneur Philippe son filz duc de Bout- 
goingne, le duc de Bourbon, le duc d'Âthenez , mon- 
seigneur Jehan d'Artois conte d'Eu, le conte de 
Tancarville, monseigneur Adam de Meleun, Pierres 
de La Forest archevesque de Rouen, Guillaume de 
Meleun, archevesque de Sens, le conte de Longue- 
ville, le conte de Ponthieu, le conte de Rogny, le 
conte d'Aucerre, le conte de Sancerre, le conte 
Darapraartin^ le conte de Vendôme, le conte de 
Ventadour, le conte de Sallebrusse, le sire de Mont- 
morency, le sire de Craon, le sire de Chasteiilon, le 
sire de Hangest et plusieurs autres tant contes, barons 
comme chevaliers et escuiers à très grant multitude. 

Les cardinaulx vindrent là pour mettre paix et acort 
entre le roy Jehan et le dit prince et alerent de l'un 
host à Tautre. Et virent bien comme les Anglois et* 
toient en forte place. Aussi monseigneur Guillaume 
Duglas qui tenoit trêves aux Anglois fut avecques \eé 
cardinaulx et dit au roy Jehan de France que ce sera 
son domaige s*il combat le prince en la place qu'il a 
pnnse. 

Mais Jehan le roi de France fut si plain de grant 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Si 

courage et de hastive voulante qu'il dist qu'il ne lai- 
roit pas fiiire les ennemis puis qu'il les avoit atains. 
Adonc furent les coureurs du roy de France mis sus 
les champs, et furent les coureurs le mareschal de 
Qermont et le mareschal d'Andrehen. Et monsei- 
gneur Guieffroy de Chamy chevauca en une bataille 
pour les secourre, se besoing en estoit. Les dessus diz 
mareschaux de France coururent par devant les ba- 
tailles du prince et adviserent Testât, Tordonnance et 
la convinne des Angloiz, puis retournèrent devers le 
roy Jehan de France. Et dist le mareschal de Clermont 
au roy que ce sera folie d'assaillir les Anglois où ilz 
sont et que Ten se logast près d'eulx si que ilz ne se 
peussent avitailler ; et lors quant ilz n'aroient vivres, 
ilz partiroient de la place. Et donc lui dist le mares- 
chal d'Andrehen : ce Mareschal de Cleremont, vous 
estes espeiné de les veoir. » Alors dist le mareschal de 
Cleremont à celui d'Andrehen : « Vous ne seres huy 
n hardi que vous mettez le musel de vostre cheval au 
cul du myen \ » Ices parolles s'entredistrent les deux 
mareschaux devant le roy. 

En ces entrefaittes, râlèrent les cardinaulx par de- 
vers le prince pour scavoir s'ilz pourraient traictier 
d'accort. Et dist le cardinal de Pierregort au dit prince 
que le roy de France avoit si grant quantité de gens 
qu'il seroit impossible chose que il ne les syens peus- 
sent arrester à lui. Donc (ist ces ofRes le prince de 
Galles au roy de France que, se il l'en voulloit laissier 
retourner à Bordeaux paisiblement sans le combatre. 



1. FroiflMrt , dans ton récit d'ailleors li complet et û pittorea({ae , n'a 
jMi tteMÛMiné cet incident. 



S2 CHRONIQUE 

il lui rendroit Kalaiz et Guinnes et tous les chasteaulx 
qui en son temps avoient esté conquis en Gascoingne 
et autres choses. Geste oflre raporterent les cardinaux 
au roy de France. Et n'en voult le roy riens escouter, 
maiz dist aux cardinaux qu'ilz s*en alassent à Poitiers. 
Adonc sonnèrent les araines en Tost du roy de 
France pour aler combatre. Et alerent les batailles des 
mareschaux premièrement assaillir les Angloiz en la 
partie où estoient tes Gascoings. Et là ouït très grant 
bataille aspre et dure, car les Françoiz assaîlloient très 
aigrement. Adonc le prince de Galles fist yessir ses 
archiers et vindrent hardiant les Françoiz et leur oc* 
cistrent leur chevaulx. Et là fut grant Toccision sur les 
chevaulx et sur les hommes, car les mareschaux de 
France furent appressës en ung trespas. Et là prindrent 
les gens des mareschaux à eulx retraire. Mais le ma- 
reschal de Cleremont, qui fut courcië des paroles dictes 
devant le roy, tint estât contre les Angloiz. Et donc le 
captai de Buch o toute sa route et monseigneur Hue 
de Karvelley lui coururent sus. Et là fut occiz le bon 
mareschal de Cleremont, car onc ne se voult rendre. 
Et en ceste bataille ouït moult de vaillans hommes 
occiz et prins. Le mareschal d'Andrehen s'i porta 
moult bien et hardiement, mais retraire l'estuet. Et 
donc quant le roy Jehan sceut la mort du mareschal 
de Cleremont, il commanda la seconde bataille pour 
combattre, laquelle avoit son frère le duc d'Orliens et 
vindrent combatre contre les Angloiz, lesquelz s'es- 
toient retrais en leur place. Adonc les Aurlierïnois les 
prindrent à assaillir moult hardiement , maiz à les as- 
saillir se desrouterent. Donc monseigneur Hue de Kai*- 
velley et monseigneur de Chendos et bien huit cens 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 53 

hommes d^armes et deux mille archiers leur coururent 
sus soudainement d'une part, et monseigneur de Lar- 
bret et monseigneur Emond de Tautre. Et à brief 
raconter les Françoiz ou Aurliennoiz furent desconfiz, 
et s'en vint le duc en la bataille de son nepveu le duc 
de Normendie. 

Adonc ala combatre la bataille au duc de Normen- 
die aux Anglois, et la vindrent assaillir les Anglois en 
la dessus dicte place et les Gascons. Et là ouït la plus 
merveilleuse bataille, la plus dure et la plus mortel 
des antres, et grant occision ouït d'une part et d'autre. 
Et fit aler le prince sa bataille sur la bataille au dit 
duc de Normendie, et de sa bataille mist le dit prince 
sept cens archiers armez derrière ses gens d'armes qui 
tiroient enmy le viz des Normans, qui moult fort les 
grevoit. Monseigneur Guillaume Duglas s'en vint au 
roi Jehan et lui dit : « Sire, vous perdes les gens au- 
jour d'huy . Car sachiez pour certain que la journée est 
contre vous et pour voz ennemis. Se vous me voulles 
croire, vous laisseres la bataille et vous logeres devant 
voz ennemis. Et je vueil perdre la vie, se ainsi le 
fiûctes, ilz se rendront à vostre mercy. Car ilz n*ont 
que mengier et vostre host est plantureux de vivres et 
si vous croistrout voz gens. Et je vous dy ce pour vos- 
tre prouffit et non pour aultre chose. Car vous et les 
haulz princes, contes et barons que voy peuvent bien 
scavoir que je ne le dy pas pour peur. Car je ne me 
peus armer contre les Angloiz, si en prenes conseil. » 

Adonc respondi le roy Jehan au gouverneur d' Escosse, 
puis qu'il avoit ses ennemis au visaige et qu'il les veoit 
si près de lui, que, se Dieu plaisoit, ja ne leur refuse- 
roit de bataille. Et commanda lors à ceulx de sa ba- 



54 CHRONIQUE 

taille gaingnier les destrois sur ses enuemis. Et donc 
passèrent une partie de ceulx de sa bataille les diz 
destrois. Mais alors fut la bataille au duc de Normen- 
die prez de la bataille du prince et de toutes ses deux 
autres batailles , lesquelles est oient toutes ensembles 
sur la bataille au dit duc de Normendie et des Nor* 
mans tant qu'ilz la firent reculer et qu'ilz s'en retrai- 
rent en la bataille du roy. Moult estoit merveilleuse 
chose et espuantable à ouir la frainte des chevaulx, 
les criz des blechiés, le son des araynes, des clerons 
et des criz des enseingnes. La frainte et la noise estoit 
ouye de plus de trois lieues loing. Et moult estoit 
grant douleur à veoir et regarder que la fleur de toute 
noblesse et chevalerie du monde se mettoit ainsi à des- 
truccioUy à mort et à martire tant d'une part que d'au- 
tre. Jehan roy de France qui moult estoit plain de grant 
hardement et de très grant courage, «adrecha alors sa 
bataille à celle du prince de Galles. Mais ainçoiz corn- 
mania à Charles sou filz duc de Normendie qu'il se 
meist en sa personne en l'arrieregarde avec la per- 
sonne du duc d'Orléans o une partie de leurs gens 
avecques ceulx de l'arrieregarde, et tout ce fut or- 
donné par conseil. Puis chevauca le roy Jehan sur 
ses ennemis. Et lors se retraistrent les Angloiz tous en 
leur place et se mistrent en leur première ordonnance, 
car ilz cuidoient avoir eu victoire. Et lors les Fran- 
çoiz assaillirent les Angloiz en leur place, et là fut 
merveilleuse bataille et aspre. Le prince fist yessir par 
unes vignes monseigneur Hue de Karvelley et mon- 
seigneur Jehan de Chendos o mille archiers et cinq 
cens combatans. Donc les archers prinstrent de tra- 
vers les Françoiz à traire, et par de costé fut la bataille 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. W 

à ceuk de Gaëcoingne où les enfans de Larbret et le 
oaptal de Buch et moaseignenr Emond de Pommiers 
estoient. Iceulx cy o leurs gens Gascons assaillirent la 
bataille du roy en front devant, et le prince o toute 
sa bataille assembla à celle du roy. Et entre une car<» 
riere et unes vignes en forclostrent le roy o toute sa 
bataille. 

Là fut merveilleuse, horrible et espoventaUe la 
bataille et mortel. Là se combatoient Francoiz très 
vassaument ; Angiois et Gascons s'i portoient bien à 
Dierveilles. Le roy Jehan fut en front de ses ennemis où 
il se combatoit trop hardiement, de coste lui le duc 
d'Athènes et le duc de Bourbon, lesquelz devant le 
roy furent occiz. Et donc vint ung Angloiz frère à 
Tevesque de NicoUe % lequel prinst le roy Jehan par 
le frain. Lors monseigneur Guieffroy de Chamy, qui 
de ce ouït grant yre que au plus noble roy du monde 
il avoit mis la main, si feri le dit Angiois d'une hasche 
de tel vertu que il par devant le roy l'abati mort aux 
piez du roy. Et en celle empain te furent mors et occiz 
devant le roy le dit monseigneur Guieffroy de Chamy, 
monseigneur Haubert de Hangest, monseigneur Jehan 
Martel et grant foison de très grans seigneurs et no- 
bles hommes. 

Va lors à celle très grande empainte que les Angiois 
et Gascons firent, s'en fuirent moult de gens de la ba* 
taille au roy Jehan. Et donc conseillèrent au roy mon- 
seigneur Jehan d'Artoiz conte d'Eu et le conte de 
Tancarville qu'il partist de la bataille, et ilz mainten- 
droient Festour et la bataille tant qu'il fust eslonguié 

1. indiol», liacQln. 



i 



56 CHRONKIOB 

de ses ennemis. Et le roy Jehan leur respondi que ja 
ne s'en fuiroit, mais tendroit place tant qu'il pourrait 
contre ses ennemis et adversaires. 

Le prince de Galles aperçut bien comme les Fran« 
çoiz tournoient à desconfiture; si commanda ses 
grelles à sonner ses clerons ou ses araines pour sa gent 
resbaudir. Et lors ferirent tous ceulx des batailles au 
prince sur la bataille au roy de France. Et le caplal 
de Bucb adreça sa bataille droit au roy et fit tant par 
armes qu'ilz abatirent les banieres au roy de France. 
Adonc quant les Françoiz qui u'avoient mais nulles 
enseingnes virent que leurs banieres estoient abatues, 
moult s*en prindrent à fuire. Mais le bon roy deraoura 
en champ viguereusement combatant et fut de coup 
d'epée navré en viaire. Maiz la bataille lui fut si con- 
traire que par force fîit prins le dit roy Jehan de 
France , monseigneur Philippe de France son filz, le 
conte d'Eu, le conte de Longueville, le conte de Tan- 
carviUe, le conte de Ponthieu, le conte de Rony, le 
conte d'Aucerre, le conte de Sancerre, le conte Damp- 
martin, le conte de Vantadour, le conte de Sallebrusse, 
le conte de Yendosme, le sire de Craon, le mareschal 
d'Andrehen, le sire de Derval, le sire d'Aubegny et 
plusieurs autres. Et merveilleuse quantité tant ducs, 
contes, barons y chevaliers, escuiers et bons ser- 
vans furent mors en la dicte bataille. Dont ce fut 
grant douleur, grant pitié et grant domaige irrépa- 
rable. 

Ains que le roy fut prins, quant il aperçut que la 
bataille estoit doubteuse, il manda à son ainsné filz 
Charles duc de Normendie que, sur quanque il amoit 
et doubtoit, il se relraist à Poitiers, combien que 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 57 

moult envys le feist. Mais il convinst qu'il obeist à 
son père, comme raison estoit. 

Bien merveilleuse chose fut de ceste bataille , car 
le roi Jehan de France avoit o lui, comme aucuns 
dient, bien cinquante mille hommes d'armes, dont il 
y avoit vingt quatre, que ducz, que contes et bien 
plus de trois cens banieres. Et en l'ost de Edouart, 
ainsné filz de Edouart roy d'Angleterre, prince de 
Galles, seigneur d'Irlande et d'Aquitaine, duc de Cor- 
nouailleet conte d'Excestre, estoient deux mille hom- 
mes d'armes à cheval, six mille archiers et quatre 
mille hommes de pié. Et fut ceste bataille le xix* jour 
de septembre, l'an mil trois- cens cinquante six. 

Quant le roy Jehan fut prins, qui poult eschapper 
si eschappa. Entre ceulx qui fuioient l'evesque Sam- 
nau s'en fuioit. Ung charetier l'aperçust et au passer 
ung fossé il le tua pour ce qu'il ne lui avait voulu 
passer une lettre pour les preneurs du roy. Les An- 
gloîs et Gascons ne firent long enchaux , car le prince 
fit retourner sa gent et restraindre, puis vint au roy 
Jehan de France et le fit desarmer, puis le mena en 
son pavillon et lui fit très grant honneur. Les gens du 
prince venoient au roy et lui faisoient la révérence, 
maiz pou de conte il en faisoit et tenoit. Et quelque 
le roy estoit avecques le prince, coururent les Anglois 
et les Gascons es tentez du roy de France où ilz con- 
queslerent tant grans richesses que c'est chose innom- 
brable avec grant foison de prisonniers. 

Le prince, après sa très grande et noble victoire, 
ioelle propre nuyt se loga au propre lieu où la bataille 
ouït esté, et souppa avec lui le roy Jehan de France. 
Et lui dit le prince ces paroles : « Beau cousin , se 



58 CHRONIQUE 

VOUS m'eussiez prins comme la mercy Dieu j*ay vous^ 
que feissiez vous de moy ? m A ce ne respondi riens le 
roy. Et donc ne lui en parla plus le prince, car pas ne 
vouUoit son cousin plus courchier qu'il esloit. 

Apres le deuxiesme jour que le prince ouït eu vio^. 
toirCy il se desloga et vint à tout son host en ordon-*» 
nance de bataille devant Poitiers. Maiz il eust conseil 
qu'il retoumast et s'en ralast à Bordeaulx. Et il si fist 
et en emmena o lui le roy Jehan de France. Et là fit 
l'en au dit roy Jehan grant révérence en la dicte, 
ville de Bordeaulx, maiz il n'en tenoit pas grant 
compte. 

On raconte cy du duc de Lencastre que, quant il ne 
poult adjouster son host avec celui du prince, il ala 
mettre le siège devant Renés en Bretaingne. Et là vint 
à lui le conte de Montfort pour qui il a voit empris le 
siège et y tint le siège l'espace d'ung an ou environ. 

Charles ainsné filz du roy Jehan de France, duc 
de Normendie et daulphin de Vienne , après la for- 
tunée prinse du roy de France son père, vint à Paris» 
Et là manda tçus les prelas, les nobles, ce qu'il en 
poult finer, et des notables bourgois des bonnes villes 
de France, pour remédier en l'aflaire de la prinse du 
roy son père. Et à icellui parlement furent pour lors 
les plus puissans du royaume. Et là monstra le conseil 
du roy et de son filz le duc de Normendie aus dessus 
diz prelas, nobles et bourgois qu'ilz se avisassent sur 
le fait de la négoce du royaume. Les diz prelas, no- 
bles et bourgois distrent qu'ilz se conseilleroient, 
et ce qu'ilz trou veroient à faire au prouffit du roy et de 
sa délivrance ilz rapporteroient. Et lois Airent com- 
menchiës les trois estas. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 59 

Les diz trois estas furent à* conseil pour le fait du 
royauine ., et eurent les diz trois estas une mesniez 
consideiacion chacun par soy, laquelle ilz s'entredis- 
trent. Et puis parla de par les diz trois estas maistre 
Jehan le Coq evesque de Laon et dist au duc de Nor- 
mendie : « Très redoubté seigneur, les trois estas du 
royaume. Testât de Teglise, Testât des nobles et Testât 
des bourgoiz ont eu adviz sur Testât du bien commun 
et de la délivrance du roy vostre père, nostre droit 
et souverain seigneur. Sur quoy ilz ont délibère que 
c'est le proufBt du royaume que toutes imposicions 
choient et toutes nouvelles subvencions. Car par les 
maleiçous qui en sont encourues a esté une cause en 
partie de la prinse du roy. 

Item, les desus diz estas ont délibéré qu'il coure 
forte monnoye en vostre pais de Normendie et Dal- 
phinë et eu royaume du roy vostre père. Item, ce fait 
et accompli, ilz vous feront trente mille hommes 
d*armes à délivrer le roy nostre seigneur. Item, les 
diz trois estas ont délibéré que tous les officiers du 
roy vostre père rendent compte de ce qu'ilz ont reçeu 
et gouverné ; et s'aucun a mal fait, qu'il en soit pu- 
gny.n Bon commencement eurent, mais mal fînerent. 

La voye que les diz trois estas avoient ordonnée 
desplut moult au conseil du roy et du duc; mais les 
diz trois estas vouldrent acomplir ce qu'ilz avoient 
empris. De leur auctorité firent faire monnoye, la- 
quelle fut bonne et de bon aloy. Pour lors vint Char- 
les de Blois à Paris pour avoir secours à lever le siège 
de Renés. Mais il failli pour la discordance qui fu en- 
tre le conseil du roy et du duc et des trois estas. Et 
pour la cause des subvencions abatre par especial. 






60 CHRONIQUE 

les bonnes villes vouidrent maintenir et soustenir Tor- 
donnance des trois estas de ce qu'ilz avoient mis sus. 
Et fut le souverain d'icellui fait le prevost des mar- 
cbaus de Paris et par conséquent aucuns prelas, au- 
cuns nobles et bourgoiz aussi. Et firent maint consille 
à Paris et approchèrent les officiers de rendre compte, 
et par paour d'eulx s'en fuirent aucuns qui estoient 
moult puissans bors du royaume. 

En cest temps que les trois estas avoient emprins 
le gouvernement du royaume , monseigneur Pbilippe 
de Navarre fit une armée très grant et vint jusquez 
devant Paris. Et pour lors estoit son frère le roy de 
Navarre en prison eu cbastel de Crevecueur en Pi* 
cardie. Monseigneur Pbilippe de Navarre , qui avoit 
grant nombre de gens d'armes prez de Paris, manda 
au duc de Normendie bataille et qu'il Tattendroit là 
où il estoit. Puis aprez il escript aux trois estas lettres 
aimables et doulces paroles \ et qu'il estoit en leur 
commandement et obéissance et que, toutes foisqu'ilz 
auroient besoin , ils les aideroit et secourroit envers 
tous ceulx qui leur seroient en nuysance , et si leur 
prioit qu'ilz voulsissent mettre peine à la délivrance 
de son frère le roy de Navarre. Moult plust aux prin- 
cipaulx des trois estas le mandement de monseigneur 
Pbilippe de Navarre , et lui rescrirent que à leur po- 
voir aideroient à acomplir ce que il leur requeroit. Et 
atant s'en parti monseigneur Pbilippe de Navarre et 
s'en retourna o ses gens en Costentin. 

i. Cette lettre, adressée aux États par Philippe de NaTarre, cet 
aTauces qa*il leur fit sont autant de renseignements précieux qui ont 
échappé à tous les historiens tant que notre chronique est restée in- 
connue. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 61 

Par l'ordonnaDce des souverains des trois estas, 
Fevesque de Laon et le prevost des marchans de Paris, 
furent envoyés certainnes gens par les dessus diz, les- 
quelz délivrèrent le roi de Navarre et vindrent au 
chastel de Crevecueur ^ Et là estoit Pierres Gilles 
bourgois de Paris o plusieurs autres qui par force 
rompirent les portes et huys du dit chastel et en mis- 
trent hors le roy de Navarre, lequel ilz amenoient jus- 
ques à Amyens. Et là vindrent le sire de Piquegny et 
Charles Troussac de Paris et moult d'autres. En la 
dté d'Amiens fut le dit roy de Navarre joyeusement 
receUy et là prescha au peuple le dit roy de Navarre de 
très douces paroles en se complaingnant à eulx des 
adversités qu'il avait eues es prisons. Et moult l'eurent 
agréable moult de gens tant prelas, nobles et citoiens 
des bonnes villes, et estoit acompaignié de moult 
haulz hommes. 

En la nuit que le dit roy de Navarre fut délivré et 
mis hors de prison, il avoit au Pontheaudemer grant 
gamiscMi de gens d'armes françoiz. Icelle nuit les An- 
glob entrèrent en la ville et y boutèrent le feu de plu- 
sieurs pars. Là ouït grant bataille par devers la ville et 
moult viguereusement se deffendirent les Françoiz. 
Les mareschaux du duc de Normendie , monseigneur 
Jehan Le Bigot, monseigneur Nicole Marcdargent, 
monseigneur Martin de la Heuse, filz du Baudrain, 
monseigneur Mathieu de Pommereul et moult de bons 
chevaliers et escuiers se retraistrent en une maison 
en la ville. Et iceulx nobles hommes moult grande- 



i. n y a ici une enear. Au moment de ta déliTranoey le roi de Na- 
nm n était plos à GrèreGoar; il ayait été trantCM à Arleoz. 



62 CHRONIQUE 

ment se defTendirent contre les Angloiz. Monseigneur 
Jehan Jouel, Poulehay et Pippes, qui estoient chie£t 
des Angloiz, livrèrent trop grans assaulx aus diz Fran- 
çoizy et firent bouter le feu en la maison de toutes 
pars tant qu'ilz la firent embraser en plusieurs lieux. 
Si que les Françoiz ne pourrent la fumée souffrir, et 
convint qu'ilz se rendissent aux Ângloiz par certaine 
somme d'argent qui fut nombrée. 

Quant les Angloiz eurent pilli^ le Ponteaudemer^ 
ilz boutèrent le feu en la ville et puis s'en partirent, 
et firent une grande course par Normendie, et prin* 
drent moult de prisonniers eu dit pais. Les Angloiz 
qui estoient partis de Mgr Philippe de Navarre, le* 
quel ne vouloit pas alors personnelment guerroier, 
iceulx Angloiz à une route où ilz estoient bien six cens 
combatans, s'en vindrent à Honnefleu en la fin de 
Seyne et prindrent la ville et la pillèrent. Et si prin* 
drent ceulx de la ville excepté ung pou qui eschappe- 
rent en nefe et vaisseaulx qui s'en fuirent à Harefleu 
et moult s'en noierent. Moult fut le pais troublé de la 
prinse de Honnefleu pour l'empeschement de la ri- 
vière de Seyne qui gouverne le royaume en la plus 
noble et puissant partie. 

Les nouvelles en furent tantost espanduez, et en- 
voierent ceulx de Rouen au duc pour avoir secours et 
aide. Adonc fut trop grant discordance entre le duc 
de Normendie et son conseil contre les trois estas» 
Car pour lors n'avoit le duc point de finance, car les 
diz trois estas avoient la gouvernance des bonnes 
villes et du peuple. Et lors monseigneur Robert de 
Cleremont, de par le duc, et monseigneur Louis |de 
Harecourt, de par le pais de Normendie, alereni à 



DES QUATRE PREIHERS VALOIS. 63 

Rouen, et là assemblèrent les gens d'armes, et fi- 
rent là deux armées. La première fut par la rivière 
en laquelle furent les arbalestriers de Rouen, de 
Harefleu, de l'Eure, de Moustiervilliers et de la coste 
de la mer depuis le chief de Caux jusques à Dyepe. 
Et avecquez iceuU envoia le prevost des marchans 
souldoiers. Ceulx qui alerent par la rivière de Seyne 
vindrent devant Honnefleu, et là gardèrent la riviei*e 
contre les Angloiz. Monseigneur Louis de Harecourt 
et monseigneur Robert de Cleremont, o grant nombre 
de gens d'armes , et avec eulx des bourgois de Rouen 
deux cens glaives fournis, vindrent et chevaucerent 
devant Honnefleu par la terre. Et comme ceulx qui 
estoient en la rivière virent Tost de la terre, ilz vin-<^ 
drent assaillir par leur navire viguereusement les An- 
gloiz, et cuidoient que ceulx de la terre feissent ainsi. 
Et assaillirent ceulx des vaisseaulx tant longuement 
que la mer se retraist. Et en demoura aucuns de leurs 
vaisseaulx assec qui par les Anglois furent ars, et ceulx 
de dedens mis à mort par les diz Angloiz, voiant 
ceux de la terre. 

Par le commandement de Mgr Robert de Cleremont 
se logèrent ceulx de la terre devant Honnefleu, et y 
livrèrent ung grant assault, et alerent les gens d'armes 
par les fossez combatre aux Angloiz. Par son barde* 
ment fut là occiz Mgr de Pommiers. Tout le jour dura 
l'assault, et lors furent sonnées les retraictes, et se re* 
trairent ceulx de la terre en leurs logeis. 

Icelle nuit aussi comme au premier somme, issirent 
les Anglois de Honnefleu et vindrent bouter le feu es 
logeiz de l'ost. Dont les François furent moult ef- 
fraies, et aussi unes npuvellez vindrent en leur host 



64 CHRONIQUE 

que Mgr Philippe de Navarre venoit secourre Honne- 
fleu. Et lors se parti le sire de Preaulx de Tost, lequel 
s'en vint devers Mgr le duc de N or mendie^ et ep mur- 
mura l'eo grandement sur luy. Puis tantost se deslc^ 
l'ost de la terre de devant Honnefleu, et après ceulx 
de la rivière exceptes ceulx de Harefleu et de l*Eure 
qui y demourerent pour garder la rivière. Moult &i» 
soient grans huées les Angloiz de Honnefleu sur les 
Françoiz au deslogier et crioient : iv Âlez vous en, 
Jacques Bonhomme , reposer, ou , se vous n'y alez , 
tost nous vous y ferons aler. » 

Cy après raconte comme, aprez ce que le roy de 
Navarre fut délivré de prison, il s'en vint à Paris moult 
grandement accompagnié de nobles hommes comme 
monseigneur de Coussi, monseigneur l'eritier de Hare- 
court, monseigneur de Piquegny, monseigneur Âmaury 
de Meullent, monseigneur du Melle, monseigneur de 
Préaux, l'eritier de Graville, le vicomte de Kesnes, 
monseigneur de Saquanville , monseigneur de Rony, 
monseigneur d'Âraines, monseigneur de Tournebut, 
monseigneur de Clere, monseigneur Robert et mon- 
seigneur Guillaume de Graville , et monseigneur Re- 
gnault de Braquemont et moult d'autres nobles hom- 
mes clers et bourgois. Le prevost des marchans de 
Paris o grant quantité de bourgoiz ala au devant de 
lui à sa venue. Et fut receu le dit roy de Navarre à 
Paris comme s'il feust seigneur de la cité et y délivra 
les prisonniers à sa bien venue. Et puis il prescha au 
peuple au Pré aux Clers et se complainst à eulx de sa 
prinse et comme en prison il avoit esté villainement 
tenu, lui qui estolt roy couronné et si très noble 
comme de la droite lignée royal de France. Et là se 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 65 

adjoustereot à lui les gouverneurs des trois estas et 
firent ensemble aliances jurées. 

Âprez ce, ala le roy de Navarre à Rouen et fit des- 
pendre du gibet de Rouen le conte de Harecourt, le 
sire de Graville, Maubue de Menesmares et Colin 
Doublet. Et furent en bières portés à très grant ré- 
vérence en la mère église de Nostre Dame de Rouen 
où ilz furent mis en sépulture très honnourablement 
et haultement en la chappelle des Innocens de celle 
église, ainsi comme à si nobles hommes appartenoit. 
Et comme à Amiens et à Paris, prescha le dit roy de 
Navarre en Tettre de Saint Ouen à Rouen, et n'v se- 
jouma que bien pou, maiz tantost s'en retourna à Pa- 
ris. Et fist rendre au filz ainsné du conte de Harecourt 
toute sa terre. Et pour demourer à tous jours amy du 
duc, fu pour lors donnée à mariage au dit hoir de 
Harecourt la seur de la ducesse de Normendie, fille 
du duc de Bourbon, laquelle estoit la plus belle créa- 
ture de femme que Ten sceut en France, excepté 
madame Jehanne de Navarre. 

Jehan le noble roy de France, tant qu'il fut à Bor- 
deaux, print trêves au prince de Galles jusquez à trois 
ans, et se fit fort le prince à les faire tenir pour le roy 
d'Angleterre son père. Et donc fut -mené après ce le 
roy Jehan à Londres en Angleterre où le roy Edouart 
fit grant honneur au dit roy Jehan tousjours, ne onc, 
tant qu'il fut prisonnier en Angleterre, il ne fut des- 
train en prison. 

Charles, l'ainsné filz du roy Jehan de France, duc 
de Normendie et dalphin de Vienne, pour ce que par 
les gouverneurs des troiz estas il ne povoit jouir du 

royaume ne de son pays à son plaisir, il ala par devers 

5 



« 



66 CHRONIQUE 

son oncle l'empereur d'Alemaingne, et y ala très gran- 
dement et noblement accompaigné. L'empereur son 
oncle. le reçut très reverammeut et vint contre son 
nepveu au dehors de la cité de Mez en Lorraine. Puis 
vindrent Toncle et le nepveu en la dicte cité de Mez 
en Lorraine. Et le jour de Noël tint l'empereur estât 
impérial et tint court planiere aux Françoiz. Et l'en- 
demain^ le duc de Normendie festoia son oncle l'em- 
pereur et les haulz princes et barons d'Âlemaingne. Et 
leur donna de beaux dons, et puis s'^n retourna le 
duc à Paris par le conseil de l'empereur son oncle. 

Pour résister contre les Navarrois furent en fron* 
tiere messire Robert de Cleremont, le Baudrain de la 
Heuse, amiral de France, o quin2fe cents hommes 
d'armes et six vingt archiers, et se tindi*ent à Saint Lo 
en Costentin et es fors Françoiz. Mgr Godefroy de 
Harecourt, Mgr Pierres de Saquanville, maistre Ro- 
bert Porte, evesque d'Avrenches, firent une chevau- 
cée sur la terre du roy de France, puis retournèrent 
en clos de Costentin. Mgr Robert, Mgr le Baudrain de 
La Heuze et Mgr du Melle passèrent les guez de Saint 
Clément ^ et entrèrent en clos de Costentin et parsui- 
rent les Navarrois. Âdonc Mgr Godefroy de Harecourt 
fit sonner ses araines pour combatre les Françoiz et 
mist pié à terre et cuida que ceulx qui estoient o lui 
feissent comme lui. Maiz quant Mgr Pierres de Sa- 
quainville et maistre Robert Porte aperçurent la force 
et la puissance des François, ilz s'en fuirent. Quant 
Mgr Godefroy vit de toutes pars ceulx de son parti 
fuire, il fit le signe de la croix et dist : ce Au jour d'uy 

1 . Saint-Clément, CaWadoi, arr. de Bayenx, c. d'Iaigny. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 67 

en suaire d^armes sera mon corps ensevely. Doulx 
Dieu Jhesu Crist, je tent à mourir en defTendant et en 
vengant la cruelle mort dont à tort el sans raison on 
a fait mourir mon sang villainement. » Puis se afleu- 
tra contre une ente et prist son glaive et dit : « A I Dieu 
Jbesu Cristy je te mercye de Tonnourable mort que tu 
m'envoyez. » Le Baudrain, Cleremont et les autres 
nobles hommes estoient rengiés en bataille devant lui 
et luy disoient qu'il se rendeist. Et donc leur dist 
llgr Godefroy de Harecourt : « Par Famé de Aelis 
ma mère, jà le duc ne me tendra vif. » Donc luy cou- 
rurent sus huit hommes et ne sçay quans archiers. 
Haiz très efforcëement et viguereusement se defiendi 
tant que de sou glaive en navra très fort les aucuns, 
maîz en la fin fut mort et occiz le dit monseigneur 
Godefroy de Harecourt ^ 

Monseigneur Philippe de Navarre ce jour estoit 
venu en Costentin, o lui bien sept cens Angloiz et 
cinq cens archiers, et vint très hastivement pour com* 
batre les François, et encontra les fuians qui lui dis- 
trent que monseigneur Godefroy estoit mort. 11 par- 
8uy les Françoizy maiz ilz estoient ja passez les guez, 
fors que environ de sept à huit vingt qui furent tous 
que mors, que noyés, que prins. Monseigneur Phi- 
lippe de Navarre fit emporter le corps de monsei- 
gneur Godefroy de Harecourt en Tabbaye de Saint 
Sauveur le Vicomte en Costentin où il fut mis en 
sépulture bien et deuement. 

Puis que monseigneur Godefroy de Harecourt fut 

1 . Ce récit de la mort de Harcourt , pour n'être pas austi détaillé que 
la namtioB de Froifaart, n*ett pat moins dramatique. Cf. Froissart, 1. 1, 
paît. Uy ch. UT. 



68 CHRONIQUE 

mort et occiz, monseigneur Robert de Cleremont, 
mareschal de France, vint à Paris par devers le duc 
de Normendie et le mareschal de Cbampaingne. Et 
lors advint à Paris que Jehan Baillet, trésorier du roy 
de France, fut tué d'ung homme à qui il devoit ar- 
gent, et s'en fuy icelui en Teglise de Saint Marry à 
Paris. En laquelle église le dit mareschal de Clere- 
mont le print de fait et de force; et fut icellui homme 
tout droit mené pendre au gibet et pendu. Et si 
comme Ten le menoit, le dit monseigneur Robert de 
Cleremont disoit que ainsi feroit on des plus grans et 
des plus suflisans de Paris, et moult fouUoit les diz 
bourgoiz de sa parole et menaçoit. 

Le prevost des marchans de Paris et Tevesque de 
Laon et Charles Troussac et ceulx qui s*entremettoient 
de la gouvernance de par les trois estas si firent à 
Paris une assemblée de ceulx de la ville de la plus 
grant partie des plus puissans, tant de corps que d'a- 
voir, et vindrent tous armés au palais du roy. Et là 
en la présence du duc de Normendie et en sa propre 
chambre occirent et mistrent à mort monseigneur Ro- 
bert de Cleremont, mareschal de France, et le mares* 
chai de Champaingne et ung avocat que l'en appelloit 
maistre d'Arcy. Icestui avocat souventefToiz es con- 
seulx parloit contre les estas. 

Adonc ouït grant double le duc de Normendie et 
dist au prevost des marchans : a Prevost, sont cil mes 
ennemis; ay je garde d'eulx. » Et donc lui dist le 
prevost : (( Sire, ilz sont voz bien vueillans, car ilz ne 
sont cy venuz fors que pour vostre proflit. » Et lors 
lui bailla le prevost son chapperon rouge party d'as- 
sure. Et lors les dessus diz bourgoiz de Paris traine- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 69 

rent les diz mareschaux , cil de Cleremont et cil de 
CbanpaiDgnei en la court du palais, puis s'en parti- 
rent. Et alors cuiderent les gouverneurs des trois estas 
avoir paisiblement le gouvernement du royaume de 
France. Et lors en l'assemblée d'eulx convint que le 
duc de Norroendie, ainsné filz du roi Jehan de France, 
jurast à tenir ce qu'ilz feroient. Quelques les trois 
estas estoient en leur puissance, le sire de Friquans, 
lequel a voit esté prins avec le roy de Navarre, s'es- 
cbappa de Chastellet par l'acointance et promesse qu'il 
fit à ung varlet du geaulier. Et fut par le dit varlet 
mise et appliquée une corde d'une des tours des pri- 
sons, comme se par là fut eschappé. Maiz comme 
qu'il en avenist, délivré fut de Chastellet et s'en vint 
devers monseigneur Philippe de Navarre. 

Charles , duc de Normendie et dalphin de Vienne, 
ainsné filz du roy de France, ne poult veoir , souffrir 
ne accorder que les gouverneurs des troiz estas eus* 
sent le gouvernement ne l'administracion du royaume 
de France. Et pour ce aussi qu'il ne se tenoit pour 
asseur de son corps, il se parti de Paris par maltalent 
et mal content des superintendens des trois estas et de 
ceulx de Paris. Quant il fust parti, il s'en vint droit au 
marché de Meaulx qui est très forte place,* et là fit 
venir la duchesse et assembla des nobles o lui en la 
dicte place. I^s gens de Meaulx cuiderent prendre 
ledit marché et s'en mistrent en fait et y donnèrent 
assault, maiz riens n'y firent. Et yssirent aucuns des 
gens du duc qui pristrent aucuns des gens de la ville 
qu'ilz firent mourir. Le duc bailla adonc la duchesse 
à garder au conte de Foiz. 

Apres ce que le duc se fut parti de Paris, le prevost 



70 CHRONIQUE 

des marcbans et ceulx de Paris prindrent le Louvre 
en leur main et y mistrent ung cappitaine. Et alors 
Pierres Troussac *, Pierres Gilles et Pierres GuifFart*, 
Jossien de Masoon *, o moult de gens d'armes, tous 
de Paris, alerent de Paris à Meaulx et Guidèrent pren- 
dre la forteresse du dit marché de Meaulx. Maiz le 
conte de Foiz, qui le gardoit pour le duc, yssi contre 
ceulx de Paris et se combaty à eulx sur le pont de 
Meaulx. Là dist Pierre Gilles villanies de madame la 
duchesse, dont il fit que faulx et mauvaiz. Et quant 
ceulx de Paris virent qu*ilz avoient failli à prendre le 
dit marché de Meaulx, ilz s'en retournèrent à Paris. 
Alors se prindrent à doubter les generaulx des trois 
estas, et firent à Paris une manière d'aliance, et firent 
aux puissans de Paris porter fermailletz d'argent , et 
estoient iceulx sermentés aus diz généraux des trois 
estas. 

Cependant par les trois estas le roy de Navarre as- 
sist une forteresse d'Angloiz nommée Fresne, et lui 
envolèrent gens de bonnes villes armez par lesquels 
les Ângloiz furent destruis, car leur forteresse et eulx 
furent prins. Apres ce, (Charles le roy de Navarre et 
conte d'Evreux, o lui le jeune conte de Harecourt, le 
sire de Piquegny, le viconte des Kesnes, le sire de Bas- 



i. Pierres Troasiac. Lisez : Charles Toussac. Cet échevin de Parité 
qui parait avoir été un personnage fort éloquent pour son temps, diri- 
gea avec Marcel la commune de Paris de 1355 i 1358. H fut décapité 
en place de Grère, ainsi que Joceran de Maçon, le 2 août 1358. 

2. Pierres GuifBut. Lisez : Philippe Giffart. Échenn de Paris comme 
Toussac, Giffart fut tué aux côtés de Marcel dans la journée du 31 juîl* 
let 1358. 

3. Jossien de Maçon. Lisez : Joceran de Maçon. Écheyin de Parîsi 
comme les deux précédents. 



A»^ 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Ti 

queyille, monseigneur Ferry de Piquegny, le sire 
d'Estouteville^ le sire de Friquans, monseigneur Re- 
gnault de Braquemont et moult d'autres nobles hom- 
mes de Normendie et Picardie alerent mettre siège de- 
vant le chastel de Longueville en Caux y que tenoit 
monseigneur Charles d'Artoiz o la conté par le don 
du roy Jehan à lui fait après le banissement de 
monseigneur Philippe de Navarre. Et tint tant le 
roy de Navarre le siège devant le dit chastel qu'il le 
prist. 

En cest temps \ s'esmurent les Jacques parmy Beau- 
voisin , et commencèrent vers Saint Leu de Cerens ' 
et vers Cleremont en Beauvoisin. Entre eulx estoit 
ung homme bien sachant et bien parlant, de belle 
figure et fourme. Cestui avoit nom Guillaume Charles. 
Les Jacquez en firent leur chief. Maiz il vit bien que 
c'estoient gens de petit fait, pourquoy il fit reffuz 
d'en avoir le gouvernement. Maiz de fait les Jacques 
le prindrent et en firent leur gouverneur avecques 
ung homme qui estoit hospitalier, qui avoit veu des 
guerres. Aussi en avoit veu Guillaume Charles qui 
leur disoit qu'ilz se tenissent ensemble. Et quant les 
Jacques se virent grant assemblée, si coururent sus 
aux nobles hommes et en occistrent plusieurs et en- 
ocres firent ilz pis comme gens desvez et forcenez et 
de petit ensient. Car femmes et enfans nobles mis- 
trent plusieurs à mort, dont Guillaume Charles leur 

1. Cette partie de notre chronique relatiye à la Jacquerie a été déjà 
publiée dans TouTrage intitulé : Histoire de la Jacquerie d'après des docu" 
ments inédits^ par Siméon Luce. In-8, Paris, 1899, chez Durand, 
p. 226-231. 

2. Saint-Leu de Cerens , Saint-Leu d*£sserent , Oise , arr. de Senlitf, 
c. de Creil. 



72 CHRONIQUE 

dist souventeffolz qu'ilz excedoient trop grandement, 
maiz onc pour ce rien n'en laissèrent. 

Lors Guillaume Charles vit bien que la chose ne 
povoit ainsi remaindre ; car s'ilz se departoient, les 
gentilz hommes leur courroient sus. Donc envoya des 
plus sages et des plus notables devers le prevost des 
marchans de Paris et lui escript qu'il estoit en son 
aide et aussi qu'il lui fut aidant et secourant, se be- 
soing estoit. De ce furent les generaulx des trois estas 
joyeulx , et escriprent à Guillaume Charles qu'ilz es- 
toient du tout prestz à luy faire secours. Iceulx Jac- 
ques vindrent jusques à Gaillefontaines \ La contesse 
de Valloiz qui là estoit se doubta d'eulx et leur fit 
beau semblant et leur fit donner des vivres. Car ilz 
avoient acoustumé par les villes [et] places où ilz pas- 
soient que les gens, femmes ou hommes , mettoient 
les tables es rues, et là roengoient les Jacques et 
puis passoient oultre, ardans les maisons aux gentilz 
hommes. 

Adonc les gentilz hommes vindrent devers le roy 
de Navarre à refuge et lui requirent comme il vousist 
mettre remède et peine que ces Jacques fussent rues 
jus, desconfiz et mb à mort et lui distrent : « Sire, 
vous estes le plus gentil homme du monde. Ne souf- 
fres pas que gentillesse soit mise à néant. Se ceste 
gent qui se dient Jacques durent longuement et les 
bonnes villes soient de leur aide, ilz mettront gen- 
tillesse au néant et du tout destruiront. » Lors 
s'acorda Charles roy de Navarre qu'il leur aideroit 
contre les Jacques. Et là lui promistrent les gentilz 

1. GaillefonUine, Seine-Infériearey arr. de Neufchâtely c. de Forges. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 73 

hommes que contre luy jà ne seroient et en prist 
leur foy. 

Quant le roy de Navarre ouït la foi prinse des gen- 
tilz hommes que ja en ses afTaires ilz ne seroient 
contre lui, il se parti de Longueville avec les gentilz 
hommes et Angloiz environ bien quatre cens comba- 
tans. Et vint chevaucant sur les Jacques en Beau- 
voisin et vint devant les Jacques prez de Cleremont 
en Beauvoisin. Et là fit des gentilz hommes de France 
deux batailles dont il conduit Tune et le sire de Pique- 
gny et le viconte des Kesnes l'autre, et Robert Sercot 
conduit celle des Angloiz. 

Les Jacques sceurent bien que le roy de Navarre et 
les gentilz hommes venoient sur eulx. Lors leur dist 
Guillaume Charles: « Beaux seigneurs, vous scavez 
comme les gentilz hommes viennent sur nous, et sont 
grant gent et duiz de la guerre. Se vous me croyes, 
nous yrons empres Paris et là prendron aucune place 
et si auron le confort et Taide de ceulx de la ville. » Et 
lors crièrent les Jacques que jà ne fuiront et qu'ilz 
sont assez fors pour combatre les gentilz hommes. 
Hz se fioient trop en eulx pour ce (]u'ilz se veoient grant 
nombre. Guillaume Charles et Tospitallier rengerent 
les Jacquez et firent deux batailles et en chacune 
mistrent deux mille hommes. Et ceulx qui avoient 
arcz et arbalestes mistrent en front devant, et par de- 
vant eulx mistrent leur charroy. Une autre bataille 
firent de leurs gens à cheval où il mistrent bien six 
œns hommes dont le plus estoient armes, et furent 
par deux jours ainsi là rengiez. 

Le roy de Navarre et les gentilz hommes dont d'au- 
cuns sont retraiz cy les nomz, c'est assavoir monsei- 



7^ CHRONIQUE 

gneur Louis de Harecourt, monseigneur de Piquegny, 
monseigneur d'Aubegny, le baron de Coussi, monsei- 
gneur Hue de Chasteillon, monseigneur de Roye, 
monseigneur Matbieu de Roye, monseigneur Raoul 
de Renevaly monseigneur de Preaulx, monseigneur 
Mouton sire de Blainville, le preux cheralier monsei- 
gneur de Buyyille, monseigneur Guillaume du Melle, 
le viconte des Kesnes^ monseigneur d*Ennequin, mon- 
seigneur de La Fertë, monseigneur de Basqueville, 
monseigneur Friquet de Friquans» monseigneur Re- 
gnauk de Braquemont, monseigneur Ferry de Pique- 
gny, monseigneur de Montmorency, monseigneur de 
Chantemelle, monseigneur Hue de Villers, monsei- 
gneur d'ivry, monseigneur de Saquainyille, monsei- 
gneur de Clere, monseigneur de Toumebut, monsei- 
gneur de Fontaines, monseigneur Lohier de Trye, 
monseigneur de Berreville, sire Pierres de Gisors, Le 
Noir de Graville, monseigneur Guillaume Le Bigot, 
monseigneur Guillaume aux Espaules, monseigneur 
Jehan de Bellengues, monseigneur Nicliole Paennel, 
dit Hutin, le seneschal d'Eu nommé Malesmains, Jac* 
quemars de Fiennes o plusieurs autres nobles et Ro- 
bert Sercot qui guidoit les Angloiz ; tous yces nobles, 
avec moult d'autres dont les noms ne sont pas icy 
retraiz, tant qu'ilz estoient bien mille hommes d*ar- 
mes, vindrent en lacompaignie du roy de Navarre par 
devant les Jacques, lesquelz de grant visaige et ma- 
nière se tenoient en ordonnance et cornoient et busi- 
noient et haultement cryoient Mont Joye, et portoient 
moult d'enseingues paintes à fleur de liz. 

Le roy de Navarre manda à trevez au chief d'eulx 
qu'il veusist parler à lui. Guillaume Charles y ala àim- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 75 

plement, car il ne demanda nulz hostages. Et quelque 
il vint au roy de Navarre^ pour ce que les Jacques fu- 
rent sans chief, Robert Sercot o toute sa bataille prist 
les Jacques en travers et leur rompi une de leurs ba- 
tailles à force de glaives. Et à la radeur des chevaulx 
en celle venue rompoient et abatoient les Jacquez par 
devant eulx. Adonc furent les Jacques tous esperduz 
pour leur cappitaine qui n*estoit point avecquez eulx^ 
et furent d'eulx mesmes tous desconBz. Et en mis- 
treni les Ângloiz moult à mort. Puis vint l'autre ba- 
taille des gentilz hommes qui vindrent courre sus à 
l'autre bataille, et la rompirent aux glaives et à la 
force de leurs chevaulx. Et les barons et seigneurs 
dessus nommez moult yréement pristrent à occire 
les Jacques. Ceulx qui estoient de cheval du costé des 
Jacques^ quant ilz virent ceulx de leur costé qui tour- 
noient à desconfiture, ilz s'en fuirent, et s'en sauva la 
greigneur partie. Monseigneur Friquet de Friquans et 
monseigneur Regnault de Braquemont les parsuirent 
à tout cent glaives et en occistrent bien ung cent. 

Charles le roy de Navarre, o toute sa bataille qui 
estoit moult grande, se fery sur les Jacques de pié et 
les mistrent tous à mort, excepté ung pou qui se tap- 
fireni en ung champ de blé qui par nuy t s'en fuirent. 
Si en occist on moult en ce blé, maiz le champ estoit 
bien grant. Aprez ce que les Jacques furent desconfis, 
le roy de Navarre ala à Cleremont en Beauvoisin, et 
là fit décapiter le cappitaine des Jacques. Une route 
de gentilz hommes où estoit le Baudrain de la Heuse, 
monseigneur Guillaume Martel, monseigneur Jehan 
Sonnain, monseigneur Jehan Le Bigot et le bailli de 
Caux, en leur route bien trois cens glaives, lesquelz 



76 CHRONIQUE 

aloient en Taide du roy de Navarre contre les Jac- 
queSy et ilz ourent ouyez nouvelles que les Jacques 
estoient desconfiz^ si s'en devallerent en la fin de 
Beauvoisin où avoit aucunez routes des Jacques. Et 
assemblèrent les diz gentilz hommes Normans o ceulx 
d'Amiois et de Bray. Et trouvèrent emprez Poiz* une 
route de Jacques, lesquelz aloient à la grant route que 
Guillaume Charles gouvernoit. Par les gentilz hommes 
dessus diz furent mis tous à mort sans mercy plus de 
treize cens. Puis chevaucerent les diz gentilz hommes 
à Gerberray ' monseigneur de Beausaut avecquez eulx^ 
monseigneur le chastellain de Beauvaiz et monsei- 
gneur de Boulainvilliers qui là adjousterent avecquez 
eulx o bien sept cens glaives et quatre vingt et diz 
archiers. Quant ilz furent assemblés, si se combatirent 
entre Ray* et Gerberray une autre route de Jacques et 
là en occistrent bien huit cens, et en ung monstier en 
ardirent bien trois cens. Puis vindrent à Gaillefon- 
taines où madame de Yalloiz estoit et luy firent moult 
d*ennuy pour ce qu'elle avoit donné des vivres aux 
Jacquez, comme ilz disoient , et là occistrent bien 
mille paisans. Ainsi furent les Jacquez desconfiz et 
destruiz en Beauvoisin et es marches d'environ. En 
Brie, le conte de Roussi en occist grant foison et fît 
pendre à leurs huis. Ainsi furent tous destruiz. 

Cy raconte que, après la desconfiture des Jacques, 
une route de gentilz hommes cuiderent prendre la cité 
de Senliz et gaingnerent une des portes de la ville et 



1. Poixy Somme, arr. d*Amieni, chef-liea de canton. 
S. Gerlieroy, Oise, arr. de Beanyais, c. de Songeons. 
3. Roje, Somme, arr. de Montdidier, chef-lien de canton. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 77 

entrèrent dedans. Haiz ceulx de la ville se combati- 
rent à eulx tant efforciemeut qu'ilz gettoient dessus 
les gentilz hommes eaue bouillant. Et des plus aida- 
bles et mieulx defTensables de la ville vindrent hardie- 
ment à tout charettes par devant eulx et les boutèrent 
sur les gentilz hommes de telle force et vertu qu'ilz 
les classèrent hors de la ville \ 

Aprez celle mesmes destruction des Jacquez, comme 
les gentilz hommes s'en retoumoient, une très grosse 
route s'en vint à Buchy * à ung jour de marchié où là 
se rafireschirent et burent et mengereut et de plusieurs 
choses parlèrent. Entre lesquelles parlèrent de la cite 
de Rouen et tant que nouvelles en vindrent à Rouen. 
Dont le peuple murmura très fort et furent les bour- 
ffjiz en grant soupechon de monseigneur Jehan Son- 
nain qui estoit pour lors cappitaine du chastel de la 
dicte ville. Car Teu disoit que par le dit chastel dé- 
voient les gentilz hommes par nuy t venir pour pillier 
la ville. Et lors pour celle cause Jacques Le Lieur 
et les bourgoiz de Rouen alerent armés vers le dit 
chastel pour y mettre des gens de la ville affin d'estre 
en greigneur seurté. Ceulx qui estoient eu dit chastel 
ne vouldrent souffrir que nul de la ville y entrast ne 
fut avecquez eulx en fort*. 

Adonc assaillirent ceulx de Rouen le chastel et 
moult eflbrcéement tous jours tant de jour en jour et 
plus fort de nuit, depuis le lundi jusques au mercredi 



1. Cf. Chronifu latine de G, de Nangit^ éd. de Génud, t. Il, p. 267 

et ses. 

1 Bachy, Seine-Inférienrey arr. de Rouen, chef-lieu de canton. 
3. Cf. Chémel, H'utoin de Rouen pendant C époque communale ^ t. Il, 
p. iM407. 



78 CHRONIQUE 

que le chastel leur (ut rendu^ eo disant qu'ilz le pre- 
noient en le gardant eu nom de leur souverain sei- 
gneur le duc de Normendie. Mgr Jehan Sonnain porta 
guerre à ceulx de Rouen, et fut en son aide ramiral 
de France I le Baudrain de la Heuze, monseigneur 
Guillaume Martel et moult grant foison de g^itilx 
hommes. Lesquelz à ung dimenche aussi que après 
mynuyt vindrent assaillir ung petit forbourc que Ten 
appelle Martainville, ceuU de dedens ce forbourc se 
deiTendirent vertueusement tant qu'ilz eurent secours 
de ceulx de Rouen qui issirent et poursuirait les gen- 
tilz hommes environ de cinq à six cens honmnes ar- 
mes de la ville. Et les parsuirent en ordonnance bien 
une lieue loing, puis s*en retournèrent tous par or^ 
donnance ensemble ainsi comme ilz y estoient aies. 
Car les gentilz hommes chevaucoient très fort et es- 
toient bien montés. Et Fandemain, le dit Baudrain, 
amiral de France, et monseigneur Guillaume Martel, 
à grant route de gentilz hommes, revindrent assaillir 
Rouen par le costé du pont de Seyne. Ceulx de Rouen 
yssirent contre eulx et vindrent à Saint Sever, et 
moult vertueusement se deffendirent, et escarmouce- 
rent moult longuement les ungs contre les autres, tant 
que les gentilz hommes se retraistrent. Et ceulx qui es- 
toient yssus de Rouen contre eulx s'en retournèrent. 
Pour la dicte prinse du chastel, fut moult aspre la 
guerre entre les gentilz hommes et les citoyens de 
Rouen. Et moult domagerent les gentilz hommes les 
héritages du plat pais à ceulx de Rouen, et ardirent 
leurs manoirs, et par semblable autresi leur firent 
ceulx de Rouen. 

Les bourgoiz de Rouen envolèrent par devers le 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 79 

duc leur seigneur deux frères prescheurs pour scavoir 
si c'estoit par son vouUoir que les gentilz hommes les 
guerroient, et que son chastel n'avoient pas prins 
pour lui nuyre, mais pour ce qu*ilz se doubtoient du 
cfaastellaio qui estoit estrange homme, et qu*ilz sont 
prestz de mettre le chastel en sa main et qu'il y mette 
iing chevalier du pais. Car tous jours, depuis qu'il fut 
rendu, l'ont gardé et gardent en son nom comme le 
syen et sa yille. 

A ce les reçut le duc, et, par le contenu es lettres 
qu'ib lui envoierent, tint leurs raisons justes et pour 
causes moult évidentes. Car pas ne Tavoient fait 
comme ennemis, maiz seulement pour eschiver aux 
perilz. Et aussi que la garde du chastel fut transportée 
de la main monseigneur Jehan Sonnain. Tandis que 
ceulx de Rouen avoient envoyé au duc leur seigneur, 
monseigneur le Baudrain de La Heuze et monseigneur 
Guillaume Martel, monseigneur Jehan Sonnain, o 
plusieurs gentilz hommes, vindrent à ung vendredi 
assaillir Rouen par la plus loingtaine porte de la ville, 
nommée la porte Saint Hylaire, et là occistrent aucuns 
de la ville qui estoient en la barrière. Tantost ceulx 
de Rouen, avec leur maire et cappitaine, yessirentaux 
champs, et en yessi bien plus de six mUle de pié et 
sept cens de cheval armés et en ordonnance comme 
de combatre. Et parsuirent les gentilz hommes qui 
s'en fuioient jusques au ^ qu'ilz ardirent et 

pois s'en retournèrent à Rouen. 

Puis ne demeura gaires que les deux frères mineurs 
apportèrent les lettres du duc comme il vouUoit que 

I. n y a ici nne lacniie d'un mot dans le mi. 



80 CHRONIQUE 

paix fut faicte entre les gentilz hommes et ceulx de 
Rouen y et que monseigneur de Tonne ville fut cappi- 
taine du chastel de Rouen. 

Charles, ainsné filz de Jehan le roi de France, duc 
de Normendie et dalphin de Vienne, pour porter 
guerre aux bourgois de Paris, assembla tant de gens 
d'armes comme il poult finer tant par prières que par 
soldées, c'est assavoir le conte duc de Braban, son 
oncle, le conte de Foiz, le conte de Sallebrusse, le 
conte de Roucy, le conte de Yendemons, le conte 
de Rony, le conte des Mons et le conte d*Au- 
cerre, monseigneur Louis de Harecourt, monseigneur 
d'Ëstouteville, monseigneur de Blainville, monsei* 
gneur de Berreville, monseigneur d'Aubegny, mon- 
seigneur Guillaume Martel, Le Besgue de Villaines, 
l'Archepreslre, monseigneur Jehan et Bureau de la 
Rivière et moult très grant foison de autres nobles 
hommes dont les noms ne sont pas icy retrais. Aiceulx 
nobles hommes pour plus les atraire à son aliance 
leur octroya le duc le pillage de Paris. Pour quoy les 
nobles hommes et les gens d'armes furent plus en* 
clins de servir et aidier à monseigneur le duc. Et es* 
ploita tant qu'ils vindrent devant Paris et vindrent 
paleter à la bastide à ceuh de Paris. 

Ceux de Paris, pour la doubte qu'ilz avoient du 
duc de Normendie, ainsné filz de leur droit seigneur, 
avoient mandé à secours le roy de Navarre, lequel à 
leur besoing les vint secourre. Puis prindrent à soûl- 
doiers ceux de Paris les purs ennemis de leur droit 
seigneur le roy de France, les Angloiz, lesquelz au 
mandement d'eulx vindrent à Paris en leur aide. Et 
furent aucuns d'eulx logiez au palaiz du roy de 






DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 81 

France, comme monseigneur Jamez Pippez, Jacques 
Sandon, Jacques Plantin, monseigneur Jehan Jouel, 
Thomas Rain et monseigneur Zilles. 

Monseigneur le duc de Normendie fit son host ap- 
prochier de Paris, et vint devant Saint Anthoine. Les 
Angloiz et les gens du roy de Navarre et les archiers 
yssireut contre Tost au duc de Normendie, et là ouït 
paleteiz. Apres midi les Angloiz yessirent de Paris et 
alerent au pont de Charenton que gardoit Le Besgue 
de Villaines. Et là ouït une forte escarmuche et aspre, 
et vint de Paris bateaux d'armée. Et furent ceulx du 
pont si fort assailliz qu'ilz recuUerent contre ceulx de 
Paris. Apres ceste besoingne, les Angloiz grant partie 
estoient yessus hors de Paris pour faire une chevau* 
cie. Et par une commocion qui fut par entre ceulx de 
Paris, ilz tuèrent tous les Angloiz qui estoient demou- 
rés en la ville, dont plusieurs avoient esté bleciez 
pour les deffendre. Et en eurent tort ceulx de Paris 
de les occire, en cas quMlz estoient venuz à leur man- 
dement et pour eu\x aidier. 

Le roy de Navarre, pour apaisier cetdx de Paris, 
parla au commun de la ville et leur dist qu'il faisoit 
venir ung grand secours et qu'il les delivreroit de 
leurs ennemis. Et leur monstra par belles paroles et 
doulces comme le prevost et ses bourgoiz voulloient 
leur bien parfait, et que à deffendre la noble cité de 
Paris d'estre pillie et robée de gens estranges met- 
loient grant laboiur. Maiz depuis que ceulx de Paris 
ocdstrent les Angloiz en la ville, ne s'i tint le dit roy 
de Navarre se pou non . Et se tenoit et estoit en la ville 
de Saint Denis, en attendant le bon chevalier son 
frère monseigneur Philippe de Navarre, conte de 

6 



' ^-V 



82 CHRONIQUE 

LongueviUe et de Beaumont, qui assembloit en Cos- 
tentin les garnisons d'Angloiz et de Navarrois de Bre- 
taingne et de Normendie. 

Le duc Charles de Normendie, o ses gens d'armes, 
estant devant Paris pour porter guerre à ceulx de la 
ville, le maistre du pont de Paris deut faire provision 
de bateaux au duc pour avoir entrée en la cité de Pa- 
ris. Et pour celle cause firent les bourgoiz de Paris 
décapiter icellui maistre du pont. Et comme le bour- 
rel vouUoit coupper la teste, il lui vint une maladie 
soudaine. Alors les Angloiz, pour la cause que ceulx 
de Paris avoient de leurs compaignons occiz sans for- 
fait qui estoient venuz en leur mandement, comme 
devant est dit, en leur aidance, guerroierent ceulx de 
Paris, et à bonne et juste cause, au dit des gens d'ar- 
mez. Car raison est, soit à droit ou à tort, se gens 
d'armes aventureulx sont d'une partie et à sa re- 
queste, icelle partie doit par loiauté d'armes ses soul- 
doiers aventureulx encontre tous et de tout mal ga- 
rantir et deffendre et de tous perilz comme soy 
mesmes garder. Pour ceste cause, fut prins le pont 
de Saint Cloud des Angloiz; par quoy domagerent 
moult le pais d'entour Paris. Et par le prevost des 
marchans et à sa requeste, le roy de Navarre et au- 
cuns de ses gens vindrent avec ceulx de Paris, les- 
quels estoient yssuz pour combatre les Angloiz. Et 
donc dit le roy de Navarre au prevost qu'il feist sa 
gent tenir en ordonnance. Moult bien le firent ceulx 
de cheval, maiz ceulx de pié ne firent pas le comman- 
dement, et s'espandirent par les courtilz, mengans 
par les arbres les fruitages. 

Les Angloiz, qui estoient rusez de la guerre, apper- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 83 

curent la maie ordonnance de ceulx de pie de Paris 
et leur coururent sus radement. Ceulx qui n'estoient 
en ordonnance estoient legiers à desconfire. Moult en 
occidrent les Angloiz et moult s'en noierent en Seyne. 
Et ceulx qui estoient de cheval s'en retournèrent à 
Paris. Et Charles le roy de Navarre o toute sa bataille 
vint à Saint Denis. Et à Saint Denis se tint le roy de 
Navarre pour attendre son frère monseigneur Philippe 
de Navarre, qui très grant nombre de gens d'armes 
amenoit avec luy, c'est assavoir monseigneur Robert 
Kanole, monseigneur Hue de Karvelley, monseigneur 
d'Ansellée, monseigneur Martin Requis, avec eubc est 
garnisons d' Angloiz de Bretaingne et de ' Normeudie. 
Par la voulenté de Nostre Seigneur Jhesu Crist et 
par droicte inspiracion divine, aucuns bons preu- 
doimnes notables bourgoiz de Paris ourent regret et 
recours à leur droit seigneur, monseigneur le régent 
le royaume de France, Charles, duc de Normendie et 
dalphin de Vienne, ainsné filz de Jehan roi de France, 
c'est assavoir, sire Jehan Maillart et sire Pépin des 
Essaits. Yceulx assemblèrent aucuns des plus puis- 
sans et preudes hommes bourgoiz de Paris et leur 
monstrerent le péril en quoy la ville estoit pour la 
guerre qu'elle faisoit à son droit seigneur, et comme 
monseigneur Philippe de Navarre, qui tant estoit en- 
treprenant et bon guerrier par sus tous chevaliers, et 
des gens d'armes qu'il amenoit o lui par le mande- 
ment de son frère le roy de Navarre plus de dix mille 
hommes d'armes; et comme, s il venoit à Paris o le dit 
roy de Navarre et ses gens d'armes aussi, la cité de 
Paris seroit destruicte, pillée et gastée. Et encorres 
avoient d'autre part leurs ennemis par leur fait mes- 



84 CHRONIQUE 

mez, monseigneur Jamez de Pippes qui estoit à Che- 
vreuse' à bien huit cens combatans, lesquelz se met- 
troient avec la route du dit monseigneur Philippe de 
Navarre. Dont il vendroit tel inconvénient que Paris 
en seroit désert et destruit du tout a et nous morz oc- 
ciz et decouppez. Si vault mieulx et si est raison et 
droit que nous recevons et appelions avec nous en 
suppliant nostre dit seigneur le duc de Normendie. 
Lequel comme nostre chief nous gardera comme ses 
membres et sa cité deflendra de ses ennemis et les 
noz comme son propre heritaige. » Pour icestes rai- 
sons et autres, se osterent, désistèrent et partirent 
ceulx de Paris d'avec le prevost de Paris et ses adhe- 
rens, et se tournèrent avec le dit Maillart et Essars. 

Une principal cause qu'il plus tost fit tourner le 
commun de Paris contre le prevost de Paris, si fut 
pour la deffaulte de vivres qu'ilz avoient en la dicte 
cité et par especial de pain. Car nulz vivres ne leur 
povoient venir ne ne povoient avoir pour la très grant 
quantité de gens d'armes qui estoient autour d'eulz 
tout entour la ville, tant de Tost monseigneur le duc 
de Normendie comme de Tost au roy de Navarre el 
des Ângloiz aussi qui prenoient vivres sur le pais 
d'entour. 

Âdonc, quant le dit Jehan Maillart et Pépin des Es- 
sars apperçurent que ceulx à qui ilz avoient parlé se 
traioient à leur opinion, si firent scavoir à monsei- 
gneur le duc de Normendie que à son bon plaisir, 
quant il vouldroit, ilz le mettroient dedens Paris. Et 



1. Chevreute-, Seinc-et-Oise , arr. de Rambouillet, chef-lieu de 
canton. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 85 

pour plus Ten faire certain, le dit Jehan Maillart et le 
dit Pépin des Essars vindrent o grant quantité de 
bourgoiz et de peuple à la bastide Saint Anthoine, 
et là coururent au prevost des marchans de Paris sus 
et à cinq bourgois qui o lui estoient. Pierres* Guiflart 
et Jean de Lisle se deHendirent, car ilz estoient de 
grant courage. Et comme on assailloit le prevost, il 
disoit : « Pour quoy me vouliez vous faire mal? Ce que 
je faisoye, je faisoye pour vostre bien comme pour le 
myen. Et ains que j'enprinse riens, vous me feistes 
jurer que l'ordonnance que les trois estas avoient or- 
donnée je maintendroye de mon povoir. » Ainsi fina 
le dit prevost. Et fut là à la dicte bastide occiz lui et 
les bourgoiz dessus diz qui gardoient la bastide à 
rencontre de monseigneur le duc de Normendie et 
son host. Et après ce qu'ilz furent occiz, ilz furent 
devant Saincte Katherine du Val des Escolliers. Au- 
cuns des bourgeoiz, qui estoient conseillers du dit 
prevost des marchans de Paris, s'en fuirent et se re- 
trairent hors de la ville. Et Charles Troussac, qui es- 
toit très advenable hooune et bien parlant, et Jose- 
ran de Mascon, Pierres Gilles et le cappitaine du 
Louvre, iceulx furent décapités en Grève à Paris. Le 
cappitaine du Louvre et Pierre Gilles ourent les lan- 
gues tranchées, pour ce qu ilz avoient dit villaines 
paroles de monseigneur le duc de Normendie, de 
madame la duchesse aussi. 

Apres ces choses ainsi faictes, vint monseigneur le 
duc de Normendie, dalphin de Vienne, ainsné filz du 
roy de France, à Paris, et fut receu très haultement 

1. Pierres. Lifez : Philippe. 



86 CHRONIQUE 

et joyeusement. Et crioient ceulx de Paris à sa venue : 
<c Mont Joye Saint Denis au duc de Normendie nostre 
droit seigneur! » Et aincoiz qu'il entrast en Paris, il 
donna congié à son host pour ce qu'il ne voulloit pas 
mettre les estranges souldoiers à Paris. 

Monseigneur Philippe de Navarre vint pour lors 
à Saint Denis à son frère le roy de Navarre, maiz à 
Temprinse de son frère vint trop tart. Et vindrent 
chevaucant à tout leur host par devant Paris, maiz 
nul ne yessi de Paris contre eulx. Et pour ce qu'ilz 
virent qu'ilz ne pourroient riens faire et qu'ilz avoient 
failli à leur emprinse, ilz s'en retournèrent, le roy de 
Navarre à Mante, el monseigneur Philippe de Navarre 
o son grant host retourna en Costentin. 

Nostre seigneur Jhesu Crist et sa benoicte doulce 
mère garantirent la noble cité de Paris d'estre déso- 
lée, pour les sainctes prières et oroisons qui en icelle 
leur sont données. Car selon tout humain regart, con- 
sidéré Testât en quoy ilz estoient et la très grant puis- 
sance des gens d'armes qui entour eulx avoient esté, 
et la voulenté des princes et de leurs gens, tant de 
l'une partie que d'autre, ilz ne povoient, se ne fust 
par inspiracion divine et la miséricorde de Dieu, que 
la dicte cité ne fust ou eust esté pillie, destruictc et 
degastée, et les gens occiz, que Dieu ne voult, la 
syenne grâce et mercy. 

Lors, le chancellier de Navarre fut prins à Paris, et 
fut mis en garde au palaiz, et fut requis de Tevesque. 
Et comme l'en le vouloit livrer à son ordinaire , el 
qu'il fut yessu du palais, aucuns de ceulx de Paris le 
mistrent à mort et l'occîstrent. 

En Caux, quant la guerre fut ouverte contre le roy 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 87 

de Navarre, le Baudrain de la Heuse, amiral de France, 
et les gentilz hommes du pais et ceulx de Rouen firent 
une chevaucie à Longueville et coururent la terre des 
Navarrois ; la ville de Longueville piUerent, et les Navar- 
pois qu*ilz trouvèrent dehors le fort pristrent et aucuns 
occistrent. Moult fut grieve au pais de France et cruelle 
la g^erre d'entre le roy de Navarre et monseigneur le 
duc de Normendie. Car moult de gens en furent mis 
à mort, mainte pucelle corrumpue, mainte preude 
iemme violée, mainte bonne personne destruicte et 
gastëe, mainte église, mainte ville et mainte maison 
arse et bruie, et maint enfant en devindrent orphelins 
et povres mendians. 

Les Ângloiz qui estoient venus avec monseigneur 
Philippe de Navarre, pour ce qu'ilz avoient failli à 
leur proye de Paris, pour eulx recouvrer, ilz s'espan- 
dirent par deçà Seyne vers la coste de Seyne et de la 
rivière d'Aize, et prindrent plusieurs forteresses qu'ilz 
obtîndrent longuement, la ville de Crael ^ et le Chas- 
lel Chaumont' en Veuguessin, Latainville •, Joy*. Ro- 
bert Canolle remena une grant route d'Ângloiz en 
Bourgoingne, et prindrent et pillèrent la cite d'Âu- 
cerre et le pais. Monseigneur Regnault de Braquemont 
et Robert Sercot, à tout une autre route d'Ângloiz et 
de Navarrois, chevaucerent vers Picardie, et prin- 
drent le chastel de Poix et oblindrent. Puis furent en 
segrete chevaucie et alerent à Saint Valéry sur Somme, 
et le eschelerent et le prindrent et obtindrent. 

1. Creil, Oise, arr. de Senlis, chef-lieu de canton. 

S. Chaumont, Oise, arr. de Beanvais, chef-lieu de canton. 

3. Lattainyille, Oise, arr. de Beauvais, c. de Chaumont. 

4. Jouy-ftoos-Telle, Oise, arr. de BeauTais, c. d'Auneuil. 



88 CHRONIQUE 

Monseigneur Philippe de Navarre out la plus grant 
rouie et guerroya en la Basse Normendie. Il prist la 
ville et Tabbaye de Bernay et la 6t emparer, et y mist 
bonne garnison de gens bien deflensables. Il prist 
Tuesbuef * et Escbaufibu% MarbeuP et le fort d'Auvil- 
lier. A brief parler, nul n'osoit pour lors en plains 
champs arrester contre luy. Une route de Navarrois 
vindrent courre emprez Rouen et en forcèrent saint 
Denis de Thibout\ Mais ceulx de Rouen n'eurent cure 
de telz voisins et alerent assaillir le dit fort moult 
hardiement, puis s'en retournèrent pour autres af- 
faires pour celle foiz. Et les Navarroiz laissèrent le 
fort et s'en alerent par nuyt. 

Clharles le duc de Normendie, régent le royaume 
de France, fut moult désirant d'avoir Meleun que te* 
noit en douaire la royne Blance, seur du roy de Na-- 
varre et de monseigneur Philippe son frère, pour ce 
que par Tempeschement de Melun ne venoient aucuns 
vivres à Paris par la rivière de Seyne du pais d'amont. 
Et lors d'une route d'Angloiz fut prins Beczoisel'. 
Si manda monseigneur le duc sa bachelerie de 
Caux et ceulx de Rouen pour y mettre le siège. Maiz 
il ouït conseil qu'il ne povoit bonnement de ça l'esté; 
pourquoy il envoya les nobles de Caux et ceulx de 
Rouen. Et alors qu'ilz estoient à Paris, vint monsei- 
gneur Philippe de Navarre, le jeune conte de Hare- 



1 . TuboBof, Orne, arr. de Mortagne, c. de Laigle. 

2. EchaufTour, Orne, arr. d'Argentan. 

3. Marbeufy Eure, arr. de Looviers, c. du Nenbourg. 

4. Saint-Denia-le^Thiboult y Seine-Inférieure, arr. de Rouen, canton 
de Dametal. 

5. Becoiseau, château près Mortcerf, Seine-et-Marne, canton de Rozoy. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 89 

court, monseigneur Martin de Navarre dit Requiz, 
monseigneur Friquet de Friquans, monseigneur Re- 
gnauU de Braquemont, monseigneur Jehan Joue! à 
bien trois mille combatans par devant Rouen. Et 
prindrent aucuns de la ville de ceulx qui estoient yssus 
pour escarmuchier contre eulx, puis s'en retournèrent 
à Mante. Et de une^ que firent les gens de monsei- 
gneur Philippe de Navarre, prindrent monseigneur 
Amaury de Meullent et desconfîrent ceulx de sa 
route. 

L'an mU trois cens cinquante huit, n^onseigneur 
Philippe de Navarre, qui pour lors tenoit les champs 
par les hoirs de Piquegny il vint assaillir le chastel 
de Gamaches *. Et là fit de sa propre main monsei- 
gneur de Harecourt chevalier. Du chastel de Gama- 
ches fut moult asjtre l'assault et fort. Et très grande- 
ment se defTendirent ceulx du chastel, tant que ceulx 
de Piquegny et le viconte des Resnes firent sonner la 
retraite pour ce que monseigneur Philippe tenoit Tas- 
sault, puis se retournèrent à Aumalle* où ilz se re- 
trairent. 

Les Picars furent moult en grant de chassier les 
Angloiz de Saint Valéry qui estoit une forte ville dessus 
la rivière de Somme. Monseigneur Moreau de Fiennes 
connestable de France et le conte de Saint Pol, par la 
permission des bonnes villes de Picardie, firent une 
grosse armée de nobles et des bonnes villes et allèrent 
mettre le si^e à Saint Valéry. Les Anglois estoient 
bien fors à Saint Valéry, car ilz estoient bien six cens 

1. Sont-ent. : attaque. 

î. Ganaches, Somme, arr. d'AbbeTille. 

3. Amnale, Seine-InfMeure, arr. de Neafchfttel, chef-liea de canton. 



90 CHRONIQUE 

combatans. Ilz yessirent bien de la ville quatre cens 
Ângloiz et grandement debatirent le logement des 
Françoiz^ et là otdt ung dur escarmucheiz. Le conte 
de Saint Pol faisoit Tavangarde des Françoiz à bien 
cinq cens bommes à cbeval et mille hommes à pie. 
Le dit conte de Saint Pol s'y porta si bien et si vas- 
saument, lui et ceulx de sa route, qu'ilz rebouterent 
les Angloiz, vousissent ou non, dedens Saint Valéry. 
Et se logaje dit conte en Tabbaye de Saint Valéry. Et 
le connestable de France sur la montaingne de Tautre 
se loga qui avoit grant foison gent de la ville. Et fit 
son host fossier tout entour et laissa une grant route 
sans logeiz où le guet estoit. Puis fit le connestable 
drechier trois engins qui jettoient en la ville. Maiz les 
Ângloiz ravoient ung engin très bon qui dépeça ung 
des engins des Françoiz. * 

Le connestable de France, pour double de monsei- 
gneur Philippe de Navarre, manda au Baudrain de La 
Heuze, amiral de France, qui estoit lieutenant de 
monseigneur le duc en Caux, qu^il veusist aidier à 
maintenir le siège de Saint Valéry. Monseigneur le 
Baudrain de la Heuze, amiral de France, fit sa se- 
monce. Et ala avec lui le cappitaine de Rouen, Jac- 
ques Le Lieur, bourgois de la dicte ville, o cent glai- 
ves, cinquante arbalestriers et cinquante archiers de 
la ville mesmez. Et de Caux assembla le dit amiral, 
le sire d'Est ou te ville, le sire de Berreville, le sire de 
Préaux, le sire de Blainville avec leurs routes, tant 
qu'ilz furent bien cinq cens glaives, sans ceulx de 
Rouen et des autres bonnes villes de Normendie de 
par deçà la rivière de Seyne. Et esploitterent tant 
qu*ilz vindrent à Saint Valéry. Et comme ceulx de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 91 

kunt Valéry les virent de loing venir, ilz Guidèrent 
|ue ce fut monseigneur Philippe de Navarre ; et de la 
oye qu'ilz en eurent, ilz yessirent bien cinq cens 
xmibatans pour assaillir le guet. Et se vindrent bouter 
K>udainement en guet de Tost du connétable, lequel 
aisoit pour le jour monseigneur de la Bauce qui 
noult vaillaument se defTendit. Maiz il fut tantost avi- 
*onDé des Angloiz qui à leurs glaives Foccistrent et 
noult de ceux du guet. Les autres s'en fuirent en Tost 
niant : ce A Farme!. Trahy! trahy! Les Angloiz sont 
mtrés en Tost. i> Adonc s'armèrent par tout Tost et 
tonnèrent les arainez des nobles hommes et des bon- 
les villes de tournay, d'Amiens, d'Abbeville, d'Arras, 
le Hedinc S de Bouloingne et de Dourlens. Et y vint 
tout Tost du connestable où le guet avoit esté descou- 
St. Le conte de Saint Pol o une partie de sa geut fut 
ftvant prest que Tost du connestable et vint combatre 
les Angloiz comme ilz retournoient. Et là ouït ung 
fortestour, maiz les Angloiz se retraistrent en la ville ; 
car ils veoient bien qu^ilz ne povoient lors riens gai- 
gœr sur les Françoiz. Atant s'aprocherent les Nor- 
mans qui tenoient le parti de monseigneur le duc de 
Normendie. Et comme ceulx de l'ost les virent venir, 
ilz 86 mistrent en arroy d'eulx combatre et defTendre, 
car ilz cuidoient que ce fut monseigneur Philippe de 
Navarre. Mais il vint au devant d'eulx leurs coureurs 
qui dénoncèrent à ceulx de Tost que c'estoit les nobles 
hommes de Caux et ceulx de Rouen qui les venoient 
aidier, dont les Picars furent moult liez et moult res- 
baudis. Alors, quant les Angloiz virent que ce n'estoit 

1. Hetdin, Pas-de-Calais, arr. de Montreuil, chef-liea de canton. 



92 CHRONIQUE 

pas monseigneur Philippe de Navarre, si furent moult 
amatiz, car en la ville n'avoient point d'eaue douice, 
et se mouroient tous leurs chevaulx de soif. Le con- 
nestable leur avoit fait parler par ung chevalier pri- 
sonnier de rendre la ville plusieurs foiz. Et comme • 
ceulx de Normendie furent venuz , on livra assauk et 
escarmuches aux Ângloiz. Et si fit l'en une myne et 
lever engins qui jettoient par jour et par nuyt en la 
ville de plusieurs parties. 

Une nef qui venoit de Costentin, qui leur apportoit 
aucunes choses nécessaires et qui les venoit conforter 
et leur apportoit nouvelles que monseigneur Philippe 
de Navarre les venoit secourir, icelle nef fut apperceue 
des Françoiz. Et envoia Fen du Crotay ' deux vais- 
seaux d'armëe qui la rachasserent à la terre. L*en ren- 
voia monseigneur de Blainville, ceulx de Rouen et de 
Dyepe et du bailliage de Caux à Cayeu pour deffendre 
qu'elle n'arrivast. Les Ângloiz cuiderent qu'ilz ne fus- 
sent point secourus. Pour ce qu'ilz n'oient nulles nou- 
velles de monseigneur Philippe de Navarre, tramis- 
trent le dit chevalier prisonnier pour traictier au con- 
nestabie et au conte de Saint Pol qu ilz rendroient la 
ville, maiz qu'ilz s'en allassent leurs biens saufz. A ce 
furent ilz receuz, car l'en avoit ouy certaines nouvelles 
de monseigneur Philippe de Navarre qui les venoit 
secourir à grant quantit<^ de gens d'armes. Et fut fait 
traictié par entre le connestable de France aux Ângloiz 
qu'ilz emporteroient leurs biens hors la ville. Et par 
ce traictié les Ângloiz se partirent de Saint Valéry. Et 
à la quantité qu'ilz en yessoient, le connestable met- 

1. Le Crotoy, SomnM, arr. d'AbbeTille, c. de Rne. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 93 

toit des Françoiz en la ville. Et fit le connestable livrer 
navire aux Angloiz pour passer de la Somme pour aler 
à Calaiz. Et lors quant les communes de Picardie vi- 
rent que les Angloiz estoient plus de demy passez^ 
à oeulx de derrière coururent sus et en occistrent bien 
trois cens. Et pristrent à force leur pillage, ne oncquez 
pour le connestable de France n'en vouldrent riens 
laissier à faire. Dont le connestable fut grandement 
yrésy car il les prist à conduire à sa seurté tant qu'ilz 
fussent passés. 

Ce jour que les Angloiz partirent de Saint Valéry , 
vindrent les nouvelles que monseigneur Philippe de 
Havarre, lequel estoit parti de Mante avec lui quinze 
cens glaives et bien sept cens archiers tous gens de 
fiuty venoit pour secourir ceulx de Saint Valéry. Maiz 
il oay nouvelles comme la ville estoit rendue à mon-* 
seigneur Moreau de Fiennes, connestable de France. 
Lors passa ledit monseigneur Philippe de Navarre la 
rivière de Somme, ardant et courant le pais. 

Le connestable de France et le conte de Saint Pol 
et monseigneur le Baudrain de la Heuse, amiral de 
Hrance, à tout leur host, passèrent Somme et costierent 
monseigneur Philippe de Navarre. Et s'entre atain- 
drent les deux hostz empres le Mont Saint Eloy ^ Par 
le conseil des Angloiz, le dit monseigneur Philippe 
prist une forte place pour atendre à combatre Tost 
des Françoiz. Le connestable, le conte de Saint Pol et 
Famiral de France vindrent par devant monseigneur 
Philippe de Navarre^ lequel o son host estoit rengié 
pour combatre et avoit mis sa gent en trois batailles. 

i. Le Mont SainUËloy, Pas-de-CalaJB, arr. d*Arrai. 



94 CHRONIQUE 

Et les Françoiz firent quatre batailles, deulx, des com- 
munes ; et en chacune bataille avoit cinq mille hom- 
mes. Et es deuk autres avoit bien deux mille hommes 
d'armes. Et furent les Françoiz par ung jour rengiés 
par devant monseigneur Philippe de Navarre. Et fu- 
rent les nobles hommes Françoiz en moult d'opinions, 
à savoir s'ilz combatroient le dit monseigneur Philippe 
de Navarre. Mais les plus sages de la guerre disoient 
que ce seroit folie de l'assaillir, car il estoit en trop 
forte place, et si avoit grant foison de gens d'armes 
et archiers et tous gens de fait. Et d'autre partie, les 
nobles hommes Françoiz ne s'osoient asseurer es 
gens de commune. Ainsi avoient peur les ungz des 
autres, car ceulx du costé monseigneur Philippe de 
Navarre avoient grant doubte des Françoiz pour la 
grant quantité. Geste besoingne peult l'en comparer 
au roy Salhadinc qui par sa grant puissance et sa- 
pience conquist la saincte cité de Jherusalem et toute 
la saincte terre, dont toute chrestienté fut moult trou- 
blée. Et pour la reconquérir alerent le roy de France 
Philippe le Conquérant et Richart^ dit Cueurde Lyon, 
roy d'Angleterrre, duc de Normendie, prince d'Aqui- 
taine et d'Yrlande, conte d'Anjou et de Mayne, oultre 
mer. Maiz par maladie convint le dit roy de France 
retourner en France. Et le dit roy lUchart o son host 
et des chevaliers de France demourerent par delà. 
Quant Salhadinc le soudent sceut que le roy de France 
estoit retourné et party , il semont tous les Sarrazins 
de son povoir. Et furent si très grant quantité de gent 
que on ne les povoit nombrer ne esmer. Et à tout ce 
grant infmi peuple mescreant vint le dit Salhadinc 
contre les Crestiens. Le roi Richart, o son host et les 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 95 

nobles chevaliers de France, quant ilz sceurent que 
le roy Salhadinc venoit sur eulx, par le conseil du sire 
de Chavegny, ils prindrent ung destroit en très 
forte place, et là attendirent le roy Salhadinc. Et 
quant il vit la bonne ordonnance des Crestiens , lui 
qui estoit ung des sages hommes du monde, et il cong- 
Dut par ses tomelieux les banieres du roy Richart 
et des chevaliers de France, il dit à ses hommes : 
« Retournons, voyez vous ce tantet de gens là ? Se 
tout le monde estoit devant eulx pour combattre, si 
ne seroient ilz ja desconfiz. d Par raison évidente fit 
ain$i le connestable. Car quant il ouït avisé la belle 
ordonnance de monseigneur Philippe de Navarre et 
de ceulx de sa route , par le conseil des nobles hom- 
mes qui o lui estoient et qui au fait d'armes se con- 
' gnoissoient, fît le dit connestable son host partir de 
devant monseigneur Philippe de Navarre, et s'en re- 
tournèrent les Françoiz. 

Monseigneur Philippe de Navarre fit une chevaucie 
droit à Amiens et assailli le bourc d'Amiens, pour ce 
que ceulx d'Amiens avoient occiz de leurs boui^oiz 
pour le roy de Navarre. Ceulx d'Amiens à leur povoir 
dépendirent leur bourc contre monseigneur Philippe 
et sa route^ et se combatirent par une journée les 
ungs contre les autres. Monseigneur Philippe fit par 
trois lieux assaillir le bourc d'Amiens. Le sire de Pi- 
quegny et messire Regnault, le sire des Resnes leur 
livreront assaut par une part. De l'autre partie fut 
monseigneur Jehan Jouel et les cappitaines des An- 
gloiz qui donnèrent bataille et grant assault, et get- 
toient feu gregoiz par dessus les maisons. Monsei- 
gneur Philippe de Navarre, le conte de Harecourt, 



96 CHRONIQUE 

monseigneur Pierres de Saquainville , monseigneur 
Friquet de Friquans, EUdigo et le Bascon de Mareul 
aussi livrèrent bataille et assault à ceux du bourc, si 
que par force d'armes prist monseigneur Philippe de 
Navarre le bourc d'Amiens. Et là fut moult grant Too- 
cision de gens. Ceulx d'Amiens se retrairent en la cité, 
maiz qui que vouit n'y entra pas. Car à l'entrée les 
gens de monseigneur Philippe en occistrent moult, 
puis pillèrent le bourc et Tardirent. Et puis s'en re- 
tourna monseigneur Philippe à Mante. 

Âpres ce, prist trievez monseigneur le Baudrain de 
la Heuse, amiral de France, aux Navarroiz eu pais de 
Caux depuis Andelle jusques à la mer. Et fut monsei- 
gneur Louis de Harecourt à les conformer, lequel fut 
institué par dessus tous lieutenant du duc de Normen- 
die par toute la duchié. A cause des paz et destroiz 
que le roy de Navarre avoit sur Seyne par amont Paris, 
le pont de Melun qui estoit en la main de la royne 
Blance qui tenoit le parti de ses frères, et au dessoubs 
de Paris le pont de MeuUent et le pont de Mante, 
pour quoy par la rivière de^yne riens ne povmt 
monter ne avaler pour venir à Paris, dont Paris estoit 
moult grevé et moult portoit à ceulx de Paris grant 
domaige, car tous vivres estoient merveilleusement 
chiers à Paris et moult y soufïroit le peuple grant 
mesaize; pour quoy, monseigneur le duc de Nor- 
mendie, régent le royaume de France, assembla moidt 
grant foison de gens d'armes avec ceulx de Paris , et 
ala mettre le siège devant Meleun , et prist la ville, et 
par dedens le chastel assiega madame la royne 
Blance. Eu chastel avoit moult de gens d'armes de 
par le roy de Navarre et de par monseigneur Phi- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 97 

lippe son frère, lesquelz avoient la saizine du chastel, 
comme monseigneur Guillaume Carbonnel, mon- 
seigneur Ligier ' d'Aurrissi et les filz monseigneur de 
Gainville. Iceulx avoient la dominacion du chastel de 
Meleun. 

Monseigneur le duc fit moult eflforciement assaillir 
le dit chastel de Meleun et y (it drechier pierr[er]es qui 
avoient esté apportées de Paris qui gettoient de jour 
en jour et de nuit aussi. Des bacheliers et des gens 
d'armes avantureulx avoient souvent de belles escar- 
muches devant le chastel de Melun. Et se defTendoient 
ceulx de dedens bien viguereusement contre ceulx de 
dehors. Monseigneur Philippe de Navarre passa de 
Cesarbourg en Costentin en Angleterre pour amener 
secours. Et alors Edouart le roy d'Angleterre apres- 
toit son navire pour venir guerroier le royaume de 
France. Et son filz le prince de Galles estoit aie es 
marches d'Irlande sur le conte [d'jAdrian qui s'estoit 
voulu rebeller. Monseigneur Philippe parti le plus 
tost qu^il poult pour ataindre le prince pour estre avec 
lui s'il y avoit bataille. Maiz le conte d'Adrian vint à 
obéissance au priuce. Et quelque monseigneur Phi- 
lippe estoit avec le roy d'Angleterre et avec le prince 
de Galles son filz, (ut le roy Jehan de France estrecié 
de prison, et fut mis eu chastel de Wyndezore. Et 
donna Ten congié à la greigneur partie de ses gens, et 
oe lui demoura que pou de sa famille. Et s'en vin- 
drent les gens du roy Jehan en France, lesquelz dis- 
trent à monseigneur le duc l'appareil que le roy d'An- 
gleterre faisoit à venir sur le royaume de France et 



1. Léffier d' 



98 CHRONIQUE 

qu'il n'avoit oncquez fait si grant armée. Monseigneur 
le duc fit traictier à la royne Blance, et par la promo- 
cion de madame la royne Jehenne. Et fut Tacort tel 
entre monseigneur le duc régent et madame la royne 
Blance que, pour Melun et la terre qu'elle tenoit en 
France et en Brye, qu'elle auroit Vernon, Neaufle* et 
le Neufchastel de Lincourt en Normandie, à la valeur 
qu'elle tenoit ce qu'elle avoit. A ce fut d'acort la 
royne Blance et rendi Melun à monseigneur le duc, et 
on lui entérina bonnement ce que on lui avoit en con- 
venant. Et ala la dicte royne Blance demourer à 
Vernon . 

En ce temps, trespassa à Rouen monseigneur Guil- 
laume de Flavencourt, archevesque de Rouen, lequel 
avoit esté archevesque d'Aux*. Et après lui fut arche- 
vesque de Rouen monseigneur PhiUppe d'Alençon, 
lequel estoit pardevant evesque de Beauvaiz. Et le 
chancellier de France surnommé de Dormans fut eves- 
que de Beauvaiz. Et pour lors fut retourné monsei- 
gneur Philippe de Navarre d'Angleterre, avecques lui 
monseigneur Guillaume d'Ansellée, monseigneur Hue 
de Karvellé à deux mille combatans et bien sept cens 
archiers. Maiz monseigneur Philippe ouït nouvelles 
que monseigneur le duc et sa seur avoient fait paix et 
acort. Et les Angloiz s'espandirent par le royaume de 
France, par Bourgoingne, par Soissonnoiz, par Nor- 
mendie et par les marches, pillant, robant et courant. 

Les Angloiz de Honnefleu passèrent Seyne et vin- 
drent en Caux et premièrement à l'Eure. Le Baudrain, 



1. Neaufles-Saint-Martiiiy £ure, arr. des ÀDdelys, c. de Gisors. 
S. Auch. 



DES QUATRE PREBflERS VALOIS. 99 

amiral de France, est oit à Harefleu, lequel vint contre 
les Ângioiz qui avoient couru TEure et occiz de ceulx 
de la ville qui par fol hardement yessirent contre les 
Angioiz et très hardiement et bien s'i combatirent. 
Et les Angioiz qui avoient plus gens asses que ceulx 
de l'Eure les avoient reculez jusques à leur monstier. 
Et adonc vint Tamiral et ceuix de Harefleu et Mons- 
tierviller secourre ceulx de l'Eure. Maiz ains qu'ilz 
vensissenty estoient ceulx de TEure en leur fort, et les 
Angioiz retraiz le plus en leur navire. L'amiral les par- 
suy jusquez à la mer, et puis retourna à Harefleu. 

Guillaume Lé Noir de Graville (it venir Navarrois 
et Gascons eu chastel de Graville. Geste chose fit sa- 
voir madame de Graville à ceulx de Harefleu et à 
l'amiral, lesquelz moult efforciemeut vindrent mettre 
siège au chastel de Graville et l'assaillirent si vertueu- 
sement que Guillaume Le Noir se rendi sauve sa vie. 
Et ad ce le prist l'amiral et les nobles hommes pour 
sauver Tonneur de son noble Ugnage. Et la très bonne 
dame de Graville ala à Harefleu et y mena son noble 
filz l'oir de Graville. 

Renommée qui partout voile apporta en France 
comme le roy d'Angleterre et son filz le prince de 
Galles venoient eu royaume de France. Par quoy ma 
dame la royne Jehenne, icelle bonne créature envers 
Dieu et le monde, si traictade paix entre monseigneur 
le duc de Normendie régent le royaume de France et 
le roy de Navarre par monseigneur Regnault de Bra- 
quemont et monseigneur de Friquans, pour cause que 
le roy d'Angleterre et son filz le prince de Galles ve- 
noient en France. Car se monseigneur le duc et le roy 
de Navarre avoient guerre ensemble, le royaume de 



100 CHRONIQUE 

France seroit en péril d'estre perdu, et que le roy 
d'Angleterre ne le conquist par l'avantage des fortz et 
des pontz du roy de Navarre qu'il a en France. Et 
pour éviter à ce grant péril et plus efTorciement résis- 
ter contre le dît roy d'Angleterre et le prince son filz, 
fut Tacort fait entre le duc de Normendie régent et le 
roy de Navarre. 

Cest accord fut fait à Pontoise, Tan de grâce mil 
trois cens cinquante neuf en la fin d'aoust. Et jurèrent 
à tenir paix monseigneur le duc de Normendie, régent 
le royaume de France, et le roy de Navarre. Et par 
Facort mist le roy de Navarre les Ângloiz hors du pais 
de pardeça Seyne du costé de Caux et de Picardie. Et 
vuiderent les Ângloiz tous les forts qu'ilz tenoient es 
diz pais et es marches d'environ. Et par ce traictié 
ourent ceulx qui avoient tenu le parti du roy de Na- 
varre leur paix absolutement. 

Edouart le roy d'Angleterre et le prince son filz 
ainsné, duc de Lenquastre, et les enfans du dit roy 
d'Angleterre à très grant host passèrent la mer et vin- 
drent à Calaiz, puis entrèrent eu royaume de France. 
Et coururent jusques à la rivière de Somme, dont 
moult de nobles hommes en gardoient les pas. Maiz, 
non obstant ce, le roy d'Angleterre, o tout son host, 
la passa et chevauca jusques à la cité de Rains 
qu'il assiega. Ceulx de Rains s'estoient pourveus 
pour résister à sa venue et avoient leur ville moult 
bien garnye de ce qui est nécessaire pour guerre 
soustenir. Et moult vertueusement se deflendirent 
contre la très grant puissance du roy Edouart d'An- 
gleterre. 

Les Bourguegnons, pour la très grant paour qu'ilz 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 101 

ourent du roy Edouart et des Ângloiz, vindrent à son 
siège de Rains parler à lui pour raençonner leur pais. 
Et si n'avoîent eu oncquez guerre de cest temps 
comme les autres pays, comme Normendie, Bretain- 
gne, Picardie, Ângou, Poitou, Guienne, Touraine et 
le Mayne. Maiz les Bourguegnons firent de par le con- 
seil des Flamens, comme l'en dit. Si n'avoit le roy 
Edouart aucune voulenté d'aler en Bourgoingne. Maiz 
quant ceulx vindrent pour leur pais raençonner de 
leur propre voulenté, le roy Edouart leur acorda 
raençon pour deux cens mille moutons de roy de fîn 
or qu'ilz Iny paierent. 

Tant comme le roy d'Angleterre guerroioit le 
royaume de France personnelment, ung bourgoiz de 
Paris nommé Martin Piedoue, comme on lui imposa, 
mist gens d'armes dedens Paris pour grever ceulx par 
qui le prevost des marchans et les bourgoiz de Paris 
avoient esté mors, pour ce que cestui Martin leur ap- 
partenoit de lignage. Pourquoy icellui Martin fut pris 
et examiné, et pour celle cause fut le dit Martin déca- 
pité à Paris. 

Par icelle saison, les Angloiz asprement guerroians 
le royaume de France, de plusieurs pars si passèrent 
la rivière de Seyne, les ungs à Honnefleu, les autres 
par le pais d'amont. Monseigneur Robert Sercot, qui 
avoit une grosse route d' Angloiz de cinq cens glaives 
et trois cents archiers, vint en la Haulte Normendie et 
ala à filangi ' en Normendie et prist la ville et la ren- 
força. Car pour ce qu'elle estoit de grant garde et il 
avoit en la ville petit peuple, Bt une partie des murs 

i . Blangy, Seine-Inférieure, arr. cîe Neufchâtel, cbef-lieu de canton. 



102 CHRONIQUE 

abattre. Et une autre partie de sa route, où il avoit 
bien trois cens combatans de toutes genz, prindrent 
empres Rouen BetencourtMUonseigneurde Blainville, 
qui estoit lieutenant de monseigneur Louis de Hare- 
court, lequel estoit par devers monseigneur le duc, si 
assembla la bachelerie de tout le pais de Caux et ceulx 
de Rouen et chevauca à Betencourt. Avec les gens 
d'armes s'assemblèrent les gens du plat pais d'entour, 
et tous vindrent à Betencourt. Et comme ilz furent là 
venuz, ilz livrèrent ung grant assault que commencè- 
rent ceux de Rouen. Parmi ung grant vivier les ale- 
rent assaillir les autres gens d'armes aussi. Et en icel- 
lui vivier, estoient les bons paisans jusquez à braiez. 
Trop bien là le firent. Car ilz leur apportoient bois 
d'ung tailleys tant qu'ilz en emplirent une partie du 
vivier et pardessus le boiz mistrent estrain par quoy 
les gens d'armes passoient par dessus, et vindrent là 
combatre main à main aux Angloiz. Et dura Tassault 
ou bataille depuis nonne jusques à une lieue de nuyt. 
Très bien s'i portoient les nobles hommes de Caux. 
Car parmy ung pal de pieux ilz se combatoient de 
leurs glaives aux Angloiz qui trop hardiement se def- 
fendoient. L'assault encorres durant, vint monsei- 
gneur Louis de Harecourt, grant cappitaine de toute 
Normendie, et vint à l'assault avec les autres. Et tan- 
dis que les gens d'armes assailloient, les gens du plat 
pais mistrent le feu en la granche et es salles. Âdonc 
fut la retraicte sonnée de par monseigneur Louis de 
Harecourt, dont ceulx du plat pais furent moult do- 



1. Bootancourt, Oise, arr. de Beauvais, à quelque distance du Vieux 
Rouen. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 103 

leDs. Et demeurèrent bien mille hommes desarmés 
en ung clos près des Ângloiz. Et les gens d'armes s'a- 
lerent logier es villages et es hameaulx d^entour Be- 
tencourt. 

Les Ânglois laissèrent la nuyt Betencourt et alerent 
à Blangi et monseigneur Robert Sercot, maiz oncques 
ne firent mal aux bonnes gens du plat pais. Dont 
Dieu leur fit grant grâce, car ilz les eussent tous de- 
couppés s'ils fiissent venuz sur eulx. Et l'andemain 
bien matin, dirent les diz gens du plat pais que les An- 
gloiz avoient lessié Betencourt. Âdonc fit monseigneur 
Louis de Harecourt aler tout l'ost au Neuf Chastel de 
lincourt, et de là alerent devant Blangi. Et avec les 
Françoiz vindrent bien deux cens glaives de Navarroiz 
de leurs forteresses de Caux. Les nobles hommes de 
Picardie et ceux d'Âbbeville et du pais estoient venuz 
devant Blangi et s'estoient logiez en l'abbaye de Sery^ 
Et depuis le second jour de la venue de monseigneur 
Louis de Harecourt, vint le conte de Harecourt son 
nepveu et monseigneur d'Estou te ville à grant com- 
paignie de gens d^ armes. Et ce mesmez jour fut Blangi 
assailli par trois parties. Ceulx de Picardie assaillirent 
de leur costé et monseigneur Regnault de Braque- 
mont. Et les Navarroiz assaillirent par devers Gama- 
ches. Et l'ost de Normendie, de monseigneur Ix>uis de 
Harecourt et du conte de Harecourt assaillirent de la 
partie de devers Foukarmont % et furent o ceulx cil 
de Rouen. A l'autre costé furent Normans, monsei- 
gneur le Baudrain de la Heuze, amiral de France, 



1 . Sery, à un quart de lieue N. O. de Blangy. 

3. Fouearmont, Seine-Inférieure , arr. de Neufchâtel , c. de Blangy. 



lOd CHRONIQUE 

monseigneur de Blainville et monseigneur d'Estoute» 
ville o les Cauchoiz. 

La ville de Blangi assaillirent moult efTorciement 
les Françoizy monseigneur le conte de Harecourt qui 
estoit jeune de Taage de quatorze ou quinze ans. Pour 
sa hautesse des plus suflBsans s'estoient mis soubz sa 
baniere, laquelle fut portée d'ung bon homme d'ar» 
mes et fut ce jour là plus avant des autres. Le dit 
conte, quant il vit sa baniere montée la douve des fos- 
sezy il ala es fossez. Si tenoit l'en à bien esprouvé qui 
se osoit tenir sur les fossez sans devaller, tant efTorcie- 
ment gettoient les Ângloiz grans pierres, et fort et es- 
pessement traioient 1 Apres le jeune conte de Hare- 
court devallerent moult de haulz hommes et de bon- 
nes gens d'armes pour prouesse faire et honneur con- 
quester. Maiz en présent vint ung chevalier à monsei- 
gneur Louis de Harecourt de par le roy de Navarre qui 
lui mandoit qu'il serait Tandemain avecquez eubc et 
que l'en l'atendist à assaillir. Et donc .fist monseigneur 
Louis de Harecourt sonner la retraicte des gens d*ar- 
mes. Et fut le conte de Harecourt à grant peine re- 
trait et mis hors des fossez, car une pierre Tavoit 
blechié en la jambe. En ce dit assault moult ouyssiez 
hautement crier « Harecourt » pour l'amour du jeune 
conte qui avoit un tel hardement. 

Le roy de Navarre à grant foison de gens d'armes 
vint en l'abbaye de Sery, avecquez lui monseigneur 
de Piquegny et ses frères, le viconte des Kesnes, mon- 
seigneur de Friquans et monseigneur Guillaume Le 
Noir de Guerarville o bien cinq cens combatans. Et 
en îcelle nuyt se parti monseigneur Robert Sercot de 
Blangi et vint à L'Isle Adan et le print et enforça et 



DES QUATRE PREBOERS VALOIS. 105 

le tint moult longuement. Le roy de Navarre, le jour 
que les Angloiz s'en alerent, vint à Blangi pour Tas- 
saillir. Mai il n'y trouva pas Robert Sercot ne nulz 
de ses gens. Puis départi Tost et ala chacun en son 
fort, et le roy de Navarre retourna à Mante. 

Edouart le roy d'Angleterre et son filz le prince de 
Galles tenans leur siège à Rains firent faire moult d'en- 
gins et des pierres pour domagier ceulx de Rains. Et 
fit faire le roy d'Angleterre deux chatz de fust dont il 
fit mener Fung au costé de la porte de Paris, et l'autre 
fut de l'autre costé. Et fit crier l'assault. Et firent les 
Angloiz quatre batailles dont les troiz assauldroient 
et la quarte garderoit Tost, les paveillons et toutes 
les troiz batailles ordonnées pour assaillir. Ouït la pre- 
mière le prince de Galles, la seconde ouït le duc de 
Lancastre, et la tierce ouït le conte de Richemont et 
monseigneur Thomas de Hollande et monseigneur 
d'Ansellée. Le roy d'Angleterre avoit une route de 
gens d'armes pour aller veoir comme les batailles se 
porteroient. 

Ceulx de Rains et les nobles hommes qui estoient 
dedens se rappareillerent moult curieusement pour 
eulx defTendre contre les Angloiz et firent ung chastel 
pour combatre contre les chatz de Tost. L'assault 
commencèrent les Angloiz par ung jour matin, et 
vint le prince de Galles assaillir par le costé devers 
Paris. Et moult livra grant assault par icelle partie, 
car en sa route estoient plus de deux mille archiers 
qui moult espessement traioient et si fort que iml ne 
s osoit découvrir par dessus les murs. Maiz les gens 
d armes qui estoient dedens Rains avoient bons ba- 
dnés à visière, parquoy ilz povoient plus seurement 



106 CHRONIQUE 

le trait attendre. Et gettoient par dessus les Angloiz 
grans pierres et moult viguereusement se deflen- 
doient. 

Le prince par les paisans de la contrée que Ten 
avoit prins fit venir bois et mesrien, et d'icelui fit bien 
emplir vingt toises des fossez, et dura Tassault tout le 
jour. IjCs nobles qui estoient dedens la cité firent une 
saillie contre Tost du roy d'Angleterre. Et vindrent 
sur le dit merrien et bois par une poterne et getterent 
gressesy feurre et feu sur le dit merrien qui par ces 
choses moult asprement ardist et aluma. Les archiers 
du prince moult asprement traioient à ceulx de Rains 
et moult en navrèrent. Edouart le roi d'Angleterre 
chevaucoit par les batailles et resbaudissoit ses gens 
et leur donoit cueur d'assaillir. Et ne fina Fassault 
jusques à la nuyt. Et par toute la saison de Thyver 
maintint le roy d'Angleterre le siège devant la cité de 
Rains. 

En cest temps, les Angloiz de Honnefleu multi-* 
plièrent tant d'Alemans que d'eslrangiers qu*ilz ve- 
noient guerroier la royaume de France. Thomas 
Hurcz et Jehan de Marie à une route d'Anglois vin- 
drent à Honnefleu ; puis s'espandirent courant parNor- 
mendie pour prendre aucun fort. Et avisèrent la place 
du vieil chastel qui estoit chastel du temps du roy Artur, 
et n'y habitoit ame. Les Angloiz se boutèrent en ce 
vieil chastel et Temparerent en petite saison, et est 
de présent la place nommée Orival, et siet sur une 
haulte roche assise sur la rivière de Seine à trois ou 
quatre lieues de Rouen près Ellebeuf sur Seine. Près 
d'icelui lieu prindrent les diz Angloiz moult de petis 
bateaux qu'ilz amenèrent par devant le fort et la dicte 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 107 

ville pillèrent. Car avecquez eulx vint Thomas Kain à 
grosse route d'Ângloiz, dont le pais fut moult effraie 
de leur venue. Ceulx de Rouen ^ qui n'avoient cure de 
telz hostes à voisins^ si firent une armée en gallies et 
en fousseset vindrent par nuyt devant Orival. Les 
Angloiz si gardoient leur navire ; maiz ceulx de Rouen 
vindrent sur eulx et coupperent les cordes des ba- 
teaulx, et là ouït une forte escarmuche. Les Angloiz 
ne s'osoient tenir en leurs bateaulx, car ilz n'estoient 
point duiz de la rivière. Par quoy ceulx de Rouen 
leur hosterent leurs bateaux excepté deux ou trois 
que les Angloiz avoient mis sur terre. 

Les garnisons des Angloiz qui estoient en Normen- 
die firent une chevaucie. Ce furent ceulx de Honne- 
fleu, ceulx d'Auvillier, d'Echaufou et de Tuebeuf 
d'environ quarante cinq glaives et huit vingt archiers 
et cinquante talevachiers. Monseigneur I^uis de Ha- 
recourt fit sa semonce hastivement pour rencontrer 
les Angloiz. A lui vindrent moult de nobles hommes, 
le Baudrain de la Heuse, amiral de France, monsei- 
gneur Jehan Le Bigot, monseigneur Regnault de 
Braquemont, monseigneur Guillaume Martel, monsei- 
gneur Jehan Sonnain, le seneschal d'Eu, monseigneur 
Martin de la Heuse, monseigneur Jehan et monsei- 
gneur Guillaume de Brenchon, monseigneur Richart « 
Mangart, monseigneur de Harencvillier, monseigneur 
Nichole Marcdargent, Jehan de MeuUent, La Heruppe 
et plusieurs autres. Et estoient en la route du dit mon- 
seigneur Louis de Harecourt douze vingt glaives et 
bien soixante archiers, tous gens d'eslite. Et comme 
monseigneur Louis de Harecourt ouït fait sa semonce 
ainsi bastive, le roy de Navarre lui fit scavoir qu'il 



108 CHRONIQUE 

vouloit aler asiegierles Anglois en ung fort qu'ilz 
avoient prins sur la marche de sa terre et du duc, et 
qu'il y alast avec lui. Maiz monseigneur Louis voult 
ains combatre les Ânglois et se parti de Rouen. Et 
emmena des filz de bourgoiz aucuns o lui, et s'en ala 
au Bec Hellouin, et là sceut nouvelles des Angloiz. Et 
de là chevauça à Tabbeye de Préaux jouxte le Pon- 
taudemer où il se loga. Et Tandemain ains jour monta 
à cheval pour parsuir les Ângloiz, lesquelz scavoient 
bien que monseigneur Louis les parsuivoit. Si prin* 
drent les diz Ângloiz place pour combatre en ung 
clos auprès du Faveril. Et firent deux batailles , la 
première de gens d'armes, la seconde des archiers et 
de leurs tallevachiers ; firent aussi comme une arrière- 
garde pour deffendre leurs harnoiz et leurs chevaulx. 
Monseigneur Louis de Harecourt o tout son host, 
comme par devant est dît, vint par devant les An- 
gloiz. Et au regart des Françoiz, ce ne sembloit rien 
que des Angloiz, et les cuidoient les Françoiz legie- 
rement desconfire. Le Baudrain de la Heuse et mon- 
seigneur Regnault de Braquemont distrent à monsei- 
gneur Louis de Harecourt : w Sire , se vous nous 
voulez croire, vous feres une bataille de soixante hom- 
mes d'armes à cheval qui rompront la bataille des 
Angloiz ou de leurs archiers. Et sachiez bien que 
s'ainsi le faictez, legierement vous les pourres descon- 
fire. » Monseigneur Guillaume Martel contredit celle 
opinion et dit que tous fussent à pie et que on a voit 
assez gent. Pour ce qu'il estoit moult prochain du 
duc, fut son opinion tenue, et se mistrent tous à pié* 
Adonc monseigneur Louis de Harecourt et sa bataille 
de gens d'armes alerent d'ung plain front assaillir les 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 109 

ÂDgloiz. Et estoit leur bataille plus longue deux tans 
et demi que celle des Angloiz. Les archiers des Fran- 
çoiz estoient en une des elles de la bataille, et n'eu- 
rent les Françoiz à besoingner fors que en tant comme 
itz pourpreuoient la bataille des Angloiz qui par der- 
rière eulx la bataille de leurs archiers avoient, lesquelz 
traioient aux Normans, Françoiz parmi les vis et Ten- 
droit des Angloiz. Fut la bataille des Françoiz par 
mellon. Et vindrent combatre de glaives, lesquelz ilz 
avoient couppés. Et aussi les Angloiz estoient sur ung 
pendant et les Françoiz sur un condoz. Tant efTorcée- 
ment boutèrent les Angloiz à force de glaives qu'ilz 
rompirent la bataille des Françoiz. Et lors les Nor- 
mans se cuiderent retraire. Monseigneur Jehan Son- 
nain crya : « Retraiez vous à la haie! » Et là se 
cuiderent retraire. Monseigneur Guillaume Martel 
n'oy pas que on se retraist ou espoir il ne daingna 
fuire. Et se tint fort contre les Angloiz et rompi son 
glaive, et des glaives des Angloiz fut abatu à terre et 
occiz. Comme les Normans se cuiderent retraire, les 
Angloiz furent aussi tost à la haye comme eulx crians: 
a Saint George ! n et les desconfirent par les petiz qui 
fuirent qui eurent paour d'estre prins. Monseigneur 
Louis ne l'amiral ne monseigneur Jehan le Bigot ne 
monseigneur Regnault de Braquemont et moult d'au- 
tres ne fuirent point, ains tindrent estai contre les Au- 
gloiz qui par force les prindrent. Moult fut ceste be- 
soingne mal fortunée pour les Normans. Car avec le dit 
monseigneur Louis furent prins les meillieurs gens 
d'ai-mez de toute Normendie et les plus sages de 
guerre tant Françoiz que Navarroiz. Apres la bataille, 
les Augloiz emmenèrent leurs prisonniers à Honne- 



110 CHRONIQUE 

fleu. Là fut prisonnier monseigneur Louis de Hare- 
court et moult de gentilz hommes et autres qui se 
délivrèrent par grant raençon. 

Apres la prinse de monseigneur Louis de Hare^ 
court, les nobles de Normendie et ceulx des bonnes 
villes du dit pais se assemblèrent à Rouen pour eslire 
ung cappitaine pour gouverner le pais. Et alerent au- 
cuns par devers le roy de Navarre savoir s'il s'en 
voudroit chargier soubz monseigneur le duc. Lequel 
s'excusa et dit que jamaiz du royaume ne s'entremet- 
troit. Car s'il faisoit tous les biens du monde, si dî- 
roent aucuns qu'il ne feroit fors à la confusion du 
prince et du pais. Et sans riens faire s'en revindrent 
les messagiers de Normendie. Et fut fait monseigneur 
Philippe d'Alençon, arclievesque de Rouen, gênerai 
cappitaine de toute Normendie. Ceulx de Rouen ale- 
rent à*grant armée de cheval, et par la rivière de Seine 
ceulx de pié devant le chastel d'Orival pour garder la 
rivière. Et firent en une ysle devant le dit Orival une 
garnison de gens d'armes et d'arbalestriers qui gar- 
doient la rivière de Seine pour la marchandise. 

Au devant de la prinse de monseigneur Louis de 
Harecourt, lui et les Normans avoient prins compai- 
gnie avec les Picars d'aler en Angleterre. Et non ob- 
stant la dicte prinse, les Picars vouldrent fournir l'em- 
prinse. Maiz moult perdirent grant secours en la dicte 
prinse. Car bien fut aie du pais de Normendie six 
mille hommes armés, tant gens d'armez, archiers, ar- 
balestriers que marmeaulx, tous gens deffensables, 
par quoy ceidx de Picardie furent moult plus fiebles. 
Et se tous les deux pais fussent alez ensembles en An- 
gleterre, ilz eussent bien peu getter de prison leur sei* 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 111 

gneur le roy Jehan de France. Maiz fortune estoit 
pour le temps contre le royaume et contre les Frau- 
çoiz, premièrement eu chiefet puis es membres. 

Ceulx de Picardie, premièrement monseigneur Mo- 
reau de Fiennes, connestable de France, le conte de 
Saint Pol et monseigneur Jehan de Neuville, ung vail- 
lant chevalier, et moult d'autres nobles bommez firent 
leur assemblée pour passer en Angleterre. Monseigneur 
Jehan de Neuville s'entremist très curieusement d'à- 
prester Temprinse et le voiage. Et pourchassa par les 
portz du navire, et en Normendie mesmes, par la 
coste prochaine de Picardie, assembla il gens et na- 
vire. Les communez, comme ceulx du navire, mari- 
niers, arbalestriers et archiers, prinstrent et firent leur 
cappitaine de monseigneur Jehan de Neuville. Dont 
l'en dit que le connestable et le conte de Saint 
Pol eurent envie sur lui, se leur mistrent sur les com- 
munez. 

Quant le navire fut assemblé, les Picars et ung pou 

de Normans se partirent de la coste de Picardie et 

singlereut en Angleterre et arrivèrent à la Rye. Ceulx 

d'Angleterre avoient ouy par ceulx de leur coste 

comme les Françoiz vendroient en Angleterre, et 

avoient pour ce aucuns des portz vuidéz de leurs 

biens pour la doubte des Françoiz. Les Françoiz vin- 

drent pourprenant terre pour descendre, et prindrent 

port sans avoir point d'encontre au descendre. £t 

quant ilz furent descenduz, ilz mistrent leurs gens en 

conrroy et firent trois batailles. Dont monseigneur 

Jehan de Neuville eult la première, et furent avec lui 

ceulx de la coste de Normendie, et le connestable et 

le conte de Saint Pol eurent les deux autres batailles. 



m CHRONIQUE 

Avecquez eulx furent les nobles hommes de Picardie 
et de Normendie qui furent en celle emprinse. Et quant 
ilz furent mis en bataille, ilz firent sonner leurs arai- 
nés et businer leurs clarons, et vindrent montant la 
coste pour prendre Yincelze^ Une tourbe d'Angloiz 
estoient là ranjéz pour garder Vincelze. Lesquelz vin- 
drent contre les Françoiz et traioient moult espesse- 
ment. Mais les Françoiz aloient tousjours pourprenant 
et rebouterent les Angloiz en Vincelze et en occistrent 
ceulx qu'ilz pourent aconsieurre. Et puis par force en- 
trèrent en Vincelze et s'i logèrent. Et tout le bon pil- 
lage de la ville comme vin, laynes, estain, garnaches 
et autres avoirs portèrent en leurs navires. " " 

Le chancellier d'Angleterre out à Londres nouvelles 
des Françoiz qui ainsi estoient descenduz à terre. Si 
fit venir et crier l'arriére ban d'Angleterre. Et le roy 
Jehan de France, pour doubte que les Françoiz ne le 
rescouissent, fit mener en Galles bien avant en ung 
chastel très fort où là (ut estroictement gardé et tous 
ses gens emprisonnez. Quant les Françoiz eurent prias 
Vincelze, ilz coururent aussi que huit lieues angles- 
ches sur le pais. Et prindrent des paisans du pais qui 
leur distrent que l'arriére ban d'Angleterre esloit 
mandé à Londres pour venir sur les Françoiz. Et viu- 
drent bien trois cens Angloiz de cheval coureurs pour 
veoir et esmer les Françoiz. Et prinstrent en queue 
les fourriers françoiz et en occistrent. Mais les Fran- 
çoiz se mistrent en conrroy pour combatre. Lors les 
Angloiz s'en retournèrent. Adonc ourent les Françoiz 
conseil de laissier la ville de Vincelze et se deslogerent. 

1 . Vincelxci Wincheltea, comté de Suitex, 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. ii3 

Les Aiigloiz apperçurent qu'ilz laissoient Yincelze. Si 
mandèrent de leurs gens qui estoient là bien près 
repostz. Et comme les Françoiz voulloient entrer en 
leur navire, les Angloiz leur vindrent courre sus moult 
asprement. Premièrement vindrent ceulx de cheval 
courant pour soupprendre les Françoiz qui cuiderent 
bien que ce fut Tarriereban d'Angleterre. Si se haste- 
rent moult d'entrer es nefz. llng tropel de Françoiz 
estoit demouré derrière à Vincelze pour le pillage. 
Ceulx cy furent soupprins des Ângloiz ainçoiz qu'ilz 
peussent estre parvenus aux nefz. Et en occistrent les 
Angloiz bien huit vingt, et de haste d'entrer es vais- 
seaux il s*en noya aussi plusieurs. 

Lors par le conseil de monseigneur Moreau de Fien- 
Dez et du conte de Saint Pol et de monseigneur Jehan 
de Neuville, firent leur navire singler droit à Kalaiz 
pour scavoir s'ilz pourroient prendre Kalaiz du costë 
par devers la mer. L'escherguette de Kalaiz vit le na- 
vire de loing venir et crya qu'il veoit grant navire. 
Cealz de Kalaiz s'appareillèrent pour deflendre la 
ville et vindrent sur les murs. Lors les Françoiz s'en 
retournèrent en Boulloingne, et s'en repaira chacun 
en son pais. 

Monseigneur Louis de Harecourt, qui estoit prison- 
nier fiancé à ung Ângloiz de petit estât, si promist à 
son maistre lui faire moult de bien. Son dit maistre, 
qui estoit simplez homs, et pour doubte des cappi- 
laines Angloiz qu*ilz ne lui tollissent son prisonnier, 
fuà acort à monseigneur Louis. Et comme ilz faisoient 
semblant d'aler jouer, ilz s'en vindrent sur deux cour- 
siers vistement tant qu'ilz furent hors des mains des 
Angloiz. Puis vint monseigneur Louis à Rouen, et fut 

8 



ii4 CHRONIQUE 

establi de par monseigneur le duc de Normendie lieu- 
tenant pour le duc en Normendie comme eu para- 
vant. Et monseigneur Philippe d*Âlençon s'en demist 
qui avoit este fait archevesque de Rouen. 

Cy retourne la matière à parler du roi Edouart 
d'Angleterre qui encorres tenoit son siège devant la 
cité de Rains. Comme cil qui estoit le plus sage guer- 
roier du monde et le plus soubtil apperçut qu'il ne 
pourroit pas legierement prendre la dicte cité de 
Rains y pour laquelle cause il ordonna à lever son 
siège et s'en partir. Et adonc envoierent les Bourgui- 
gnons monseigneur Jehan de Vienne pour raençonner 
la duchié, comme devant est faicte mencion^ affin que 
o son host il n'y entrast. Et fut raençonnée à deux 
mille moutons de fin or qu'ilz paierent au dit roy 
d'Angleterre. Lequel dist que ce n'estoit pas son in- 
tencion d'avoir couru en la Bourgoingne^ comme de- 
vant est dit. 

Le roy Edouart d'Angleterre, après ce qu'il ouït levé 
son siège de par devant Rains, chevauca tant o son 
host qu'il passa Seyne et vint en Gastinois bruiant et 
courant le pais. Et tant esploita que lui et son host 
vindrent en Chartrain. Et là chey sur son host et sur 
lui une très grant tempeste dont moult d'Angloiz 
moururent et plus encorres de leurs chevaulx. Ainsi 
avint jadiz eu dit terrouail à Rou, roy en partie de 
Danemarche, premier duc de Normendie, son ance- 
seur, descendu de lui par droicte ligne de père en filz 
par la succession du roy Guillaume Le Bastard, duc 
de Normendie, qui conquist Angleterre. Par quoy le 
dit Edouart roy d'Angleterre, considérant que jadiz 
les ennemis qui degastoient la terre Nostre Dame de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. H 5 

Chartres avoient là receu tourmens^ et en icelle terre 
lui cheoit sur son host tourment, le plus tost qu'il 
poult se parti du pais, et vint chevaucant par devant 
Paris. 

Alors estoit son host demi affamé, car ilz ne trou* 
voient que mengier. Et pour ce vindrent pardevant 
Paris le roy d'Angleterre et son host, c'est assavoir le 
prince son ainsné filz et ses frères rengiez comme 
pour combatre. Monseigneur le duc de Normendie, 
régent le royaume de France, estoit pour lors à Paris, 
mais pou avoit de gens d'armes au regart de Tost au 
roy d'Angleterre. Monseigneur Rifflart de Flandres, 
avec lui aucuns souldoiers, furent sur les Angloiz, 
mais pou y arresterent, car l'arrestement n'y estoit 
Dul. 

Par Tordonnance du conseil de monseigneur le 
duc de Normendie, régent le royaume de France, fu- 
rent envoies en l'est du roy d'Angleterre le conte de 
Tancarville et monseigneur Boussicaut pour traictier 
devers le roy d'Angleterre de la délivrance du roy 
Jehan de France. Et de leur première venue fut le roy 
£douart moult dur, et demanda moult grant chose. 
Premièrement il demanda la duchié de Normendie 
tout entière, laquelle il disoit estre sienne par ance- 
sourie, puis par semblable la duchié d'Acquitaine ou 
Guienne, puis la conté de Poitiers et d'Angiers, tout 
paravant qu'il tenist parole de la redempcion du roy 
Jehan. Et icelles terres et pocessions lui délivrées, il 
mettroit à raisonnable raençon le dit roy de France. 
Le conte de Tancarville et Boussicaut lui distrent que 
ce cju'il demandoit n'oseroient rapporter au régent, 
aux barons ne au conseil du régent. Et furent par 



ii6 CHRONIQUE 

plusieurs jours devers le roy d'Angleterre sans aucune 
chose faire, tant qu'ilz se vouldrent partir, et vindrent 
devers le prince de Galles pour le requérir. Le prince 
vint devers son père et parlèrent sur ce ensembles. 
Et à brief raconter il se restraint que, pour tenir paix 
au royaume de France et pour délivrer le roy Jehan, 
il auroit la duchié de Guienne^ la conté de Poitiers, 
la conté de Pontife, la conté de Guines et Kalaiz et 
toutes les appartenances appartenant aus dictes terres 
par declaracions et limitacions qui seront contenues 
en Chartres ou lettres qui de ce seront faictez. Et pour 
la raençon du roy Jehan de France, on lui paieroit 
trente six cens mille flourins de fin or nommez frans, 
la pièce pesant deux esterlins et demi d'or. 

Cest traictié fut par les dessus diz aporté à monsei* 
gneur le duc de Normendie, ainsné filz du roy Jehan 
de France, régent le royaume. Lequel, pour la déli- 
vrance de son père, comme vray filz, à son très grant 
grief et préjudice de lui et du royaume dont il estoit 
le droit héritier, nonobstant ce, pour mettre son père 
hors de prison et des mains de ses ennemis, les dessus 
dictes choses et la très excessive raençon acorda i 
paier et entériner. Pour laquelle délivrance parfour- 
nir, Tarchevesque de Sens, Je conte de TancarviUe, 
Tabbé de Clugny, monseigneur Boussicaut, et mon- 
seigneur Raoul de Gollons, de par monseigneur le 
duc et régent, furent envoiéz pour passer et acorder 
eu nom de lui le dit traictié au roy d'Angleterre. Le- 
quel traictié fut promptement juré devant Paris. 

Premièrement fut juré à tenir par le roy d'Angle- 

1. Ponthieu. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 117 

terre en sa personne, par son ainsné filz Edouart, 
prince de Galles et par Tarchevesque de Cantorbiere. 
Et de par monseigneur le duc le jurèrent les dessus diz 
traicteurs eu nom de leur dit seigneur le régent. Trop 
(ut ce traictié legierement acordé eu grant grief et pré- 
judice du royaume de France. Car Tost du roy d'An- 
gleterre n'avoit que mengier, et si n'avoit nulz vivres 
sur le plat pais. Car tout s'estoit retrait es forteresses, 
chasteaux et bonnes villes qui n*estoient pas legieres à 
conquérir. Par quoy il falloit que le dit roy d'Angle- 
terre et son host par force vuidassent et partissent du 
royaume de France, car ilz ne trouvoient que mengier, 
et si estoient ja demi affamez. Et si prejudicia trop ce 
dit traittié à la couronne de France. Car depuis qu'il 
fut tout passé et acordé, le dit roy Jehan ne vesqui 
que ung pou après. Dont ce fut grant domaige pour 
le royaume de France. 

11 est à supposer que ceulx qui firent ce dit traittié 
le firent à bonne entencion à leur adviz au bien du 
royaume et pour la délivrance du roy Jehan de France. 

Cy raconte Tistoire que, quant cestui acord fut fait, 
passé et agréé par le roy Edouart d'Angleterre, il se 
parti et se desloga de devant Paris , lui et son host 
pour aler en Angleterre, et s'en ala pour passer tout 
droit à Râlais. Son ainsné filz le prince remaint aprez 
lui en France pour faire faire et deviser les Chartres ou 
lettres de ce traictié et acort dessus diz. 

En cest temps durant, ung bourgoiz de Londres 
que l'en nommoit Henry Picart parti d'Angleterre à 
bien quatre vingt vaisseaux pour courre en France 
comme lesFrançoiz avoient fait en Angleterre. Cestui 
Henry Le Picart avoit bien en sa route diz mille An- 



as CHRONIQUE 

gloiz et vindrent arriver en Seine à la fosse de l'Eure. 
Et là priDstrent terre les Angloiz et yssirent hors de 
leur navire, car il n'y avoit sur le pais qui les contre- 
deist. Puis vindrent en conrroy rengiés et assaillirent 
le fort de TEure très efforciement tant jour que nuyt 
que le fort leur fut rendu. Car, à voir dire, ceulx de 
dedens se detfendirent moult bien, mais contre si 
grant force ne le povoient tenir. Et se partirent ceulx 
de FEure et vindrent à Harefleu. Maiz ceulx de Hare- 
fleu ne les laissèrent pas entrer en leur ville. Moult 
fut le pais esmeu de leur venue. Les nouvelles en vin- 
drent à monseigneur Louis de Harecourt, lieutenant 
de monseigneur le duc de Normendie, qui estoit à 
Rouen. Et adonc fit monseigneur Louis sa semonce 
bien en haste et manda le conte de Harecourt, son 
nepveu, qui vint là à grant compaignie de nobles 
hommes. Monseigneur d'Estoute ville, monseigneur de 
Berreville, monseigneur de Clere, monseigneur de 
Blainville, monseigneur de Basqueville, monseigneur 
d'Esneval et tous les plus haulz gentilz hommes du 
pais de Caux se mistrent en sa route et vindrent à 
Harefleu, et là furent en frontière pour garder le pais 
contre les Ângloiz. Et par telle manière gardoient le 
pais qu'ilz ne se povoient advitailler sur le dit pais. 
Car ilz chevaucoientde jour à autre comme les Ângloiz 
yessoient sur terre aucune foiz. Maîz les Ângloiz ne 
povoient rien conquester, car la route de monseigneur 
Louis et du conte estoient tousjours à costé d'eulx qui 
ne les laissoient advitailler, et moult en occistrent des 
Ângloiz. Comme ilz estoient sevrés de leur host pour 
quérir vivres, ilz leur couroient sus. 

Et quelque Henry Ije Picart estoit encorres à TEure, 



DES QUATRE PREmERS VALOIS. iiO 

vindrent les nouvelles de la paix à monseigneur Louis 
deHarecourt et aussi d'autre partie aux Angloiz. Et s'en 
ala et passa en Angleterre le prince de Galles es nefz 
que Henry Le Picart avoit amenées, après ce que les 
Chartres du traitctié ourent esté devisées et escriptes 
en la fourme et manière qui ensuit. 

Cy dit ristoire que, quant le roy d'Angleterre fut 
retourné en Angleterre, il fit délivrer le roy Jehan et 
vint à lui et lui dit : « Beau frère de France, moy et 
vous sommes, la mercy Dieu, en bon acort. » Et s'en- 
treacolerent et baisèrent les deux roy s. Au devant, le 
roy Edouart n'avoit oncquez appelle le roy Jehan ne 
8on père roys de France. Et après briefve saison vint 
à Kalaiz le roy Jehan et le roy Edouart et son fîlz le 
prince de Galles. Là vindrent à eulx les barons de 
France et les prelas. Et principalment vint devers le 
roy de France monseigneur le duc de Normendie, dal- 
pbin de Vienne , son ainsné filz, avec lui monseigneur 
le duc d'Orliens frère du roy Jehan , monseigneur 
d'Angou, monseigneur deBerry, filz du dit roy o tous 
les plus nobles du royaume de France , tant du sang 
royal que d'autres et semblablement des autre gens des 
bonnes villes du dit royaume pour veoir et visiter leur 
souverain seigneur le roy Jehan de France. 

A la court du roy d'Angleterre vint monseigneur 
Philippe de Navarre. Et le jour qu'il vint, dounoit le 
roy d'Angleterre disner au roy Jehan. Et sur leur dis- 
ner vint monseigneur Philippe de Navarre contre le- 
quel le roy Edouart se leva. Et à icelui disner requist 
le roy Jehan au roy Edouart ung don. Et le roy 
Edouart lui respondi : « Beau frère, il n'est chose dont 
je vous escondisisse, hors mon honneur et mon deshe- 



L 



120 CHRONIQUE 

ritement. » Et lors lui respondi le roy de France : 
ce Ce que je vous requier n'est riens de ce. » Donc dit 
le roy d'Angleterre : w Beau frère et je le vous donne. » 
Et lors l'en mercia le roy de France et lui dit : « Icellui 
don est tel que mon cousin le conte de Flandres qui 
cy est ait paix à vous comme moy. » De ce fist le roy 
d'Angleterre triste chiere et dit au roy de France : 
« Beau frère y c'estoit la chose du monde que plus 
enviz eusse fait, car c'estoit m'entente de le guerroier 
de tout mon povoir. Et estoit l'omme du monde que 
je pensoye à plus grever. Maiz puis qu'il vous plait, je 
le vueil et acorde vostre requeste. » 

Par ceste manière, fut fait l'acort et la paix du conte 
de Flandres par devers le roy d'Angleterre. Et l'an- 
demain Jehan le roy de France donna à disner au roy 
d'Angleterre. Et à celle feste furent les enfans de 
France et le duc d'Orliens, et y furent avec le dit roy 
d'Angleterre y son ainsné filz le prince de Galles et 
tous ses frères. Et comme l'en vouloit le roy d'Angle- 
terre asseoir, ne vit pas monseigneur Philippe de Na- 
varre. Lors dist par ceste manière au roy de France : 
ce Beau frère de France^ il fault que vous me donnes 
ung don, et je le vous requier. » Donc dit le roy de 
France : « Beau frère, dittez ! » Lors dist le roy d'An- 
gleterre : « Beau frère , je vous prie que beau cousin 
Philippe de Navarre ait sa paix avec vous. » Et donc 
dit le roy de France : w Beau frère, pour l'amour de 
vous, je le vueil. » Lors fut mandé monseigneur Phi- 
lippe de Navarre. Et comme il vint pour faire la ré- 
vérence au roy d'Angleterre, le roy Edouart lui dist : 
« Beau cousin, aies par devers beau frère de France 
qui vous a donné paix. » Et lors vint monseigneur 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i2i 

Philippe de Navarre par devers le roy de France , et 
le tenoit le dit roy Edouart par la main, lequel dit au 
roy de France : « Beau frère, je vous livre le plus 
loial chevalier qui oncquez passast la mer pour venir 
à ma court, n Et là s'entrejurerent paix à tenir le roy 
de France et monseigneur Philippe de Navarre. Et 
tant comme depuis vesquirent, ilz furent bons amis 
ensemble^ et bien gardèrent la paix l'un à Vautre. 

Ainçoiz que le roy de France partist de Calaiz, fu- 
rent livrés les hostages au roy d'Angleterre pour le dit 
roy Jehan de France, c'est assavoir les deux fils du 
roy monseigneur Louis, conte d'Ângou, monseigneur 
Jehan conte de Poetiers, le duc d'Orliens frère du dit 
roy Jehan, le duc de Bourbon, le conte d'Alençon, le 
conte de Bloiz, le conte de Saint Pol, le conte de Ha- 
recourt, le conte de Porcien, le conte de Valentinois, 
le conte de Brene, le conte de Vandeb \ le conte de 
Feres', le conte de Beaumont', le sire deCoussi,le sire 
de Fieules, le sire de Préaux, le sire de Saint Venant, 
le sire de Guencieres\ le dalphin d'Auvergne, le sire 
de Hangest, le sire de Montmorency, monseigneur 
Guillaume de Craon, monseigneur Louis de Hare- 
court, monseigneur Jehan de Ligny. 

Item, furent bailliez en hostage pour le dit roy Jehan 
de France, c'est assavoir quatre bourgoiz de Paris, 
deux de Rouen, deux de Thoulouse, deux de Bains, 
deux de Tours, deux de Lyon, deux de Bourges, deux 
de Chalon, deux de Troye, deux de Chartres, deux 

1. Vaudemont. 
î. Forez. 

3. Le Ticomte de BeaumoDt. 

4. Garencièret. 



iSS CHRONIQUE 

d'OrleaDSy deux de Compiengne, deux de Caen, deux 
de Saint Osmer, deux d^Arras, deux de Lysle, deux 
de Toumoy, deux de Beauvaiz, des plus suffîsans des 
dictes villes et cités. Et si furent encorres en hostage 
monseigneur d'Estouteville, monseigneur de Roye et 
monseigneur de La Roche. 

Puis fut délivré le roy Jehan de France. Et le roy 
Edouart repassa la mer et euvoia ses hostages en An- 
gleterre. Le roy de France vint en son royaume et 
vint droit à Paris où il fut très solempnelment receu. 
Etestoit Paris encourtiné moult richement. Et estoient 
les citoiens vestus de robes pareilles. A son encontre 
fut monseigneur le duc de Normendie, dalphin de 
Vienne, et moult de haulx princes et barons de France. 
Le roy de Navarre vint à Tencontre du dit roy Jehan 
à Saint Denis eu France, et là fist la révérence à son 
seigneur le roy de France. Maiz il ne vint pas à Paris 
où le roy Jehan fut très joieusement receu. Et avoit 
à Paris, quant le roy Jehan y entra, fontaines qui ren- 
doient vins de plusieurs manières. 

Apres ce que le roy Jehan fut venu de prison, fîit 
fait ung grant concilie pour avoir voie de paier la 
raençon du dit roy qui se montoit, comme devant est 
dit , trente six cens mille frans flourins de fin or. Et 
fut acordé à icelui parlement par les prelas, par les 
nobles et aussi par les bonnes villes, pour paier la 
dicte somme de la redempcion du roy, que jusquez à 
six ans courroit en France Timposicion de douze de- 
niers pour livre et la gabelle et le treiziesme du vin, 
et sur le plat pais cinq solz pour feu à mettre hors les 
ennemis du royaume de France. Et pour les diz An- 
gloiz ennemis mettre hors, comme par le traictié avoit 



DES QUATRE PREBOERS VALOIS. iS3 

esté promis de par le roy d'ADgleterre^ demoura en 
France monseigneur Thomas de Hollande, lequel fist 
vuider la plus grant partie des forteresses anglesches 
que les diz Angloiz tenoient en France et en Normen- 
die. Et en ce faisant lui sourvint une maladie à Rouen 
dont il mourust. Et fut enterré aux Frères mineurs à 
Rouen la sepmaine d'aprez Noël, l'an de grâce mil trois 
cens soixante. Icestui monseigneur Thomas de Hol- 
lande avoit espousée une des plus belles dames du 
monde et moult noble. Apres le trespassement de son 
dit seigneur, moult de nobles chevaliers qui moult 
avoient servi le roy d'Angleterre et le prince son filz 
en leurs guerres, vindrent requerre au prince qu'il 
hii pleust à pa[r]ler à la contesse de Hollande. En 
especial ung des haulz hommes et nobles d'Angleterre 
Dommé monseigneur de Brocas , très bon chevalier, 
qui moult grandement avoit servi le prince et pour 
lui tant en ses guerres que autrement avoit moult tra- 
vaillié, requist le prince qu'il lui pleust tant faire qu'il 
eust la dicte dame et contesse pour lui à femme et 
qu*ii en parlast à la dicte dame. 

Le prince pour le dit chevalier parla à la dicte dame 
de Hollande par plusieurs foiz . Car moult voulentiers 
aloit pour soy déduire veoir la dicte dame qui estoit 
sa cousine et souventeffbiz regardoit sa très grant 
beauté et son très gracieux contenement qui mer- 
veilleusement lui plaisoit. Et comme une foiz le prince 
parloit à la dicte contesse pour le dit chevalier, la 
contesse lui respondi que jamaiz espoux n*auroit. Et 
elle, qui moult estoit soubtille et sage, par plusieurs 
foiz le dit au prince. « Ha! A! se dit le prince, belle 
cousine, eu cas que vous ne voulez marier à mez 



L 



i24 CHRONIQUE 

amis, mal fut vostre grant beauté dont tant estes 
plaine. Et se vous et moy ne nous apartenissons de 
lignage, il n'est dame soubz le ciel que j'eusse tant 
chiere comme vous. » Et alors fut le prince moult 
soupprins de l'amour à la contesse. Et lors prinst la 
contesse à plourer comme femme soubtille et plaine 
d'aguet. Et donc le prince la prinst à conforter et la 
prinst à baisier moult souvent en prenant ses larmes 
à grant doulceur et lui dit : « Belle cousine, j'ay à vous 
parler pour ung des preux chevaliers d'Angleterre, et 
avec ce il est moult gentilz homs. » Madame la con- 
tesse respondi en plourant au prince : « Ha! sire, 
pour Dieu vueillez vous souffrir de me parler de telles 
paroles. Car c'est mon entente que je n'aye jamais 
espoux. Car je me suys du tout donnée au plus preux 
de dessoubz le firmament. Et pour l'aipour d'icellui^ 
jamais espoux fors Dieu n'auray tant que je vivray. 
Car c'est chose impossible que je l'aye; et pour la 
sienne amour me vueil garder de compaignie d'omme, 
ne jamaiz n'est m'entencion de moy marier. » 

Le prince fut moult en grant désir de scavoir cil 
qui estoit le plus preux du monde , et moult requist 
la contesse qu'elle lui deist. Maiz la dicte contesse, 
plus l'en veoit eschauffé, plus lui prioit qu'il n'en cer- 
chast plus avant, et lui disoit : « Pour Dieu, très chier 
seigneur, en soy agenouillant, pour la très douce 
Vierge mère, vueilliez vous en souffrir atant. » A. brief 
raconter, le prince lui dist que, s'elle ne lui disoit qui 
estoit le plus preux du monde, qu'il seroit son mortel 
ennemy. Et lors lui dit la contesse : « Très chier et 
redoubté seigneur, c'est vous, et pour l'amour de 
vous jamaiz à mon costé chevalier ne gerra. » Le 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i25 

prince qui moult fut adonc embrasé de Tamour à la 
contesse lui dit : « Dame, et je voue à Dieu que jamaiz 
autre femme que vous, tant que vous vivres, n'auroy. » 
Et présentement la fiança, puis après assez briefment 
il Tespousa. 

Edouart, le roy d*A.ngleterre, sceut comme son filz 
le prince avoit la contesse de Hollande prinse et qu'il 
Tavoit espousée. De laquelle chose il fut merveilleuse- 
ment marry et dolent et voult qu'elle fust mise à mort. 
Car moult plus hautement se fust le prince marié, et 
D 'avoit empereur, roy ne prince soubz le ciel qui 
n'eust eu grant joye, se le prince de Galles se fust mist 
en son lignage. 

La princesse sceut comme le roy d'Angleterre la 
heoit et dit à son seigneur le prince que pour Dieu 
ellefîist mise hors d'Angleterre. Car elle estoit certaine 
que le roy d'Angleterre la feroit mourir, s'il la tenoit, 
et aussi le scavoit bien le prince. Et pour ce l'en em- 
mena le prince en Guienne et vindrent à Bordeaux. 
Et là ouït elle ung filz qui fut nommé Richart qui de- 
puis fut roy d'Angleterre, car ensainte estoit ainçoiz 
qu'elle partist d'Angleterre. La dicte princesse avoit 
une fille de monseigneur Thomas de Hollande, la- 
quelle prist à femme monseigneur Jehan de Montfort 
qui puis fut duc de Bretaingne. De ce que le prince 
prist la contesse furent les Angloiz moult dolens et 
courouciés. Et de ce furent mal meuz vers le prince, 
et ne les povoit l'en plus couroucier que d'en parler 
devant eulz. 

Jehan, le noble roy de France, aprezce qu'il fut venu 
d'Angleterre à Paris, il ala en Avignon par devers le 
Saint Père pour plusieurs causes et principalmeot pour 



126 CHRONIQUE 

sa délivrance et de ses hostages plus briefmeDt expe- 
dier, et aussi en especial comme vray catholique et 
bon crestien pour les ennemis de la foy confondre et 
la Saincte Terre de Jherusalem mettre en la main des 
Crestiens. Car le dit roy Jehan avoit en voulenté et 
propos dealer en saint voiage, lequel son bon père 
Philippe de Valloiz avoit emprins quant il en fut 
destourné par la guerre qui sourdi entre lui et le roy 
Edouart d'Angleterre. Et pour ce qu'il y avoit paix jurée 
entre les deux roys, le dit roy Jehan pour acomplir 
son dit bon désir , estoit pour ce allé, comme dit est, de- 
vers le Saint Père. 

 la venue du roy de France vindrent les cardinaulx 
à rencontre de lui, et Taconvoierent depuis Ville 
Neufve jusques au palais du pape. Et là fut très sol- 
lennelment receu du pape. Car à l'entrée de son palais 
vinst le Saint Père encontre le roy de France comme 
au plus noble des roys crestiens et lui (ist le Saint 
Père très especial honneur et révérence. Tandis comme 
le roy Jehan de France fut devers le Saint Père, vint 
en Avignon Pierres le bon roy de Cyppre, lequel estoit 
ung très excellent prince, hardi et preux pour la foy 
catholique deCTendre et essaucier. D'aucuns des cardi* 
naulx fut acompaignié à venir à court par devers le 
Saint Père qui moult joyeusement le reçut pour ce 
qu'il estoit venu pour loperacion divine , pour la foy 
catholique de Jhesucrist essaucier. Et après ce que le 
roy de Cypre eust esté par devers le Saint Père , vint 
par devers le roy de France, qui moult lui fist grant 
honneur. 

Innocent, le pape de Romme, assembla son con- 
cilie pour la saincte terre de Jherusalem délivrer de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i27 

la main des Sarrazins. Et là prescha le pape le saint 
voiage au dit roy de France et au dit roy de Cyppre. 
Lesquelz par Tinspiracion divine pristrent la croix 
pour aler eu dit saint voiage. Et pour icelle cause , 
comme dit est, estoit le dit roy de Cypre venu par 
devers le Saint Père pour lui dénoncer que les Turcs 
et le prince de chevalerie du soudent avoient destruit 
aussi comme toute la plus grant partie du royaume 
d'Arménie. De laquelle chose le pape fist moult pi- 
teux reclaim , et par piteuses paroles le monstra au dit 
roy Jehan de France. Lequel pour la bonne affection 
qu'il y avoit et pour la grant nécessité qu'il veoit et 
avoity prist la croix par la main du dit Saint Père en en- 
tencion d'aler en saint voiage. Et après le service fait, le 
pape donna à disner au roy de France et au roy de 
Cyppre. Et au doys qui fut ordonné pour le roy de 
France le plus prochain du pape , le roy Jehan , ains 
qu'il fust assiz ne qu'il se seist , pria le roy de Cypre 
qu'il se seist à sa table. Maiz par nulle manière le roy 
de Cyppre ne se voult seoir avec le roy de France. Et 
comme le roy Jehan le prist pour seoir, le roy de 
Cyppre lui dit : «Très chier sires, il ne m'apartient pas 
de seoir jouxte vous qui estes le plus noble roy des 
Crestien». Car au regart de vous , je ne suys que ung 
i^ostre chevalier. » Et toutesvoyes falust il qu'il se seist 
jouxte le roy de France. 

Quant les deux roys eurent par certaine espace de 
temps séjourné avec le Saint Père, le roy de France 
s'en ala à Nimes pour les affaires du royaume. Et 
Pierres , le bon roy de Cyppre , vint en France pour 
pourchasser chevaliers à fournir son emprise, et vint 
par devers le conte de Flandres , qui le reçut moult 



128 CHRONIQUE 

hoDDOurablement. Et après qu'il fut parti de Flan- 
dres, il vint en Normendie par devers le duc de Nor- 
niendie, son cousin, qui le reçut très joieusement, et 
ala en Tencontre de lui au dehors de Rouen, et le mist 
très solennelment en la cité. Et fut le dit roy de 
Cyppre avec le dit monseigneur le duc bien par Fes- 
pace de ung mois. Puis ala veoir le duc de Bretaingne, 
et puis retourna à Rouen , et de là s'en ala et passa 
la mer, et ala par devers le roy d'Angleterre. Et fist 
le roy d'Angleterre ung grant semblant au roy de 
Cyppre. Et comme le roy d'Angleterre donna une foiz 
à disner au roy de Cyppre , il iuy dit : « N'avez-vous 
pas emprins à conquerre la Saincte Terre ? Quant vous 
l'aurez conquise , vous devres rendre le royaume de 
Cyppre que jadiz mon anceseur le roy Richart bailla 
à garder à vostre prédécesseur. » Le roy de Cyppre 
apperçut et entendi bien les paroles du roy d'Angle- 
terre et parla d'autres paroles comme se il ne l'eust 
point entendu. Puis ne demoura guaires en Angleterre 
et prist congié du roy Edouart et retourna en France. 
Jehan, le roy de France, escript à monseigneur 
Philippe de Navarre comme il avoit prins la crois , et 
que au plaisir de Dieu c'estoit son entente d'aler 
oultre mer en saint voiage de la Saincte Terre. Mon- 
seigneur Philippe de Navarre lui rescript en lui sup- 
pliant qu'il lui pleust le acompaignier d'aler avec lui 
en icellui saint voiage et qu'il le serviroit de mille 
combatans, et que c'estoit la chose de monde dont il 
avoit plus grant désir que de guerroier les ennemis de 
la foy. De la response de monseigneur Philippe de 
Navarre fut moult grandement liez et joyeux et dis! 
ces paroles le roy Jehan de France qui furent ouyes : 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 129 

(c II fut jà UDg jour que c'estoit moD mortel ennemi. 
Or est , la Dieu mercy, mon parfait amy nostre amé 
cousin Philippe de Navarre. Bien m'en dist vray 
mon frère le roy d'Angleterre, quant il fist Tacord 
d'entre moy et luy. » Puis escript à monseigneur Phi- 
lippe de Navarre le roy de France comme il le fai- 
soit malstre et gouverneur de toutes ses gens à icelle 
emprinse d'aler sur les mescreans Sarrazins^ ennemis 
delà foy. 

Cy raconte l'istoire après à parler de monseigneur 
le duc d'Anjou, filz du roy Jehan, que, comme il eust 
esté en hostage en Angleterre par l'espace de demi an 
et plus, il requist licence par devers le roy d'Angle- 
terre de venir ung jour en France. Le roy Edouart 
d'Angleterre ne lui en voult donner cougié. Dont le 
duc d'Angou ouït moult graut despit que lui, qui 
estoit filz du plus noble roy crestien, estoit tenu en telle 
subgection. Pour laquelle chose, le dit duc d'Angou 
fist tant et moult secrètement qu'il eust une nef, et se 
parti celéement d'Angleterre, et s'en vint en France en 
sa terre. Et de sa venue tant fist segretement que 
monseigneur le duc de Berrv, son frère, ne monsei- 
gneur le duc d'Orléans, son oncle, n'en sceurent riens. 
Edouart, le roy d'Angleterre, fut moult yrésde ce que 
le duc d'Angou s'estoit parti d'Angleterre, et fist aux 
barons de France si estrechier leur prison qu'ilz n'a- 
voient fors la cité de Londres. Puis manda le dit roy 
Edouart à monseigneur Jehan Jouel, qui avoit et tenoit 
plusieurs fors en Normandie, qu'il guerroiast en France 
ea son propre nom comme Jehan Jouel. Et fut une 
guerre couverte. Monseigneur Jehan Jouel prist lors à 

guerroier en France et par especial en Normendie et 

9 




130 CHRONIQUE 

garny ses forts moult grandement et pilla le pais, si 
qu'il falut que les gens des villes du plat pais d'entour 
se raençonnassent àluy. 

Le roy Jehan de France soult comme son filz le duc 
d'Angou s'en estoit venu en France de Angleterre. 
Pour quoy vint à Paris et en fut très grandement cou- 
roucié. Car le dit roy Jehan a voit semons ung très 
grant parlement auquel vindrent les grans barons de 
France, le conte de Flandres et monseigneur Philippe 
de Navarre. Et comme le dit monseigneur Philippe 
vint au dit parlement, le roy se dreça contre lui et le 
fit asseoir contre lui. En icellui parlement, fut traictié 
de l'emprinse du roy d'aler oultre mer, et par avant 
de délivrer ses hostages et de satifier le roy d'Angle- 
terre de sa raençon. 

En icellui parlement, fîst le roy scavoir à son filz le 
duc d'Angou qu'il y fii[s]t, maiz il se fist excuser. Néant- 
moins le dit monseigneur d'Angou fit demander sauf 
conduit de venir à son père le roy Jehan, pour ce qu'il 
se doubtoit que le roy son père ne le voulsist détenir 
prisonnier. 

En Angleterre, ouït une très grant mortalité de mort 
moult hastive. En icelle mortalité, mourust très grant 
quantité de gens et des hostages grant foison, c'est 
assavoir monseigneur le conte de Saint Pol, monsei- 
gneur de La Roche, monseigneur de Préaux de qui 
monseigneur Jehan de la Rivière espousa sa fille^ 
heresse de la terre de Préaux, laquelle après le tres- 
passement d'icellui monseigneur Jehan de la Rivière 
fut mariée à monseigneur Jacques de Bourbon. Et des 
bourgois des bonnes villes de France moururent 
d'icelle mortalité grant partie des hostages. Et par 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 131 

especial y moururent les bourgoiz de Paris et ceu]x 
de Rouen, sire Amaury Filleul et sire Jehan Mustel, qui 
estoient pour le roy de France en hostage. 

Cy après dit que il vint une armée d'Angleterre qui 
estoit d' Angloiz à monseigneur Jehan Jouel, et estoient 
bien quatre cens glaives. Monseigneur Jehan Jouel si 
fist une chevauchie et prinl le fort d'Auvillier. Puis 
vint devant Bernay et se loga devant le fort. Monsei- 
gneur Philippe de Navarre lui manda qu'il vuidast 
et qu'il . n*avoit cause de faire guerre. Monseigneur 
Jehan Jouel ne fist rien pour le mandement du dit 
monseigneur Philippe. 

Adonc manda monseigneur Philippe de Navarre 
tous les nobles de Normendie et ceuk de Rouen. Car 
le dit monseigneur Philippe avoit de par le roy Jehan 
lettres patentes à seel pendant en las de saye et cyre 
vert que tous fussent prestz pour venir à son mande- 
ment comme au propre ban du roy. Pour quoy les no- 
bles et gens des bonnes villes vindrent au mandement 
du dit monseigneur Philippe de Navarre, lequel che- 
vauca. contre monseigneur Jehan Jouel qui pas ne Tat- 
tendi à combatre, et lors donna congié à ses gens. 

En iceste chevauchie, avint que monseigneur Phi- 
lippe de Navarre estoit au Bec Thomas où il attendoit 
ceulx de Rouen, qui là vindrent à lui en la compaignie 
de monseigneur de Blain ville et des nobles de Caux. Et 
avec eulx venoient marchans portans vivres. Et alors 
n'avoient point de vin se pou non en Tost, fors mon- 
seigneur Philippe de Navarre à qui il fut dit que les 
gentilz hommes n'avoient que boire. Monseigneur Phi- 
lippe fist crier que tous vensissent mengier avec lui, et 
Gst mettre les nappes en ung gardin, et là furent les 



132 CHRONIQUE 

chevaliers et escuyers venuz. Monseigneur Philippe 
n'avoit que deux barilz de vin qu'il fist getter en une 
fontaine qui estoit en ce gardin et dist : « Beaux sei- 
gneurSy or faisons liement et prenons à grë, car à pré- 
sent je ne vous puis plus de vin aisier. » Des seigneurs * 
et gens d'armes fut icellui soupper très parfaictement 
prins en gré. A la très grant et bonne chiere qu'il fist 
aux gens d'armes celui jour lui prinst la maladie de la 
mort d'une froidure qui le prinst après le chault. 

Apres cestechevauchie, ledit monseigneur Philippe 
de Navarre, le bon chevalier, qui tant paramoit 
l'amour des gens d'armes, par sa grant doulceur et cour- 
toisie, dont en son temps par deçà la mer n'avoit plus 
courtois de lui ne plus sages jeûnez homs de son estât, 
il vinst à Vernon et là acoucha malade, et fut tant la 
maladie grief^e qu'il en mourust. Moult estoit madame 
la royne Blance couroucie de veoir la mort de son frère 
qui tant parestoit plain de grant hardement avec sa très 
haulte noblesse, et moult piteusement le pleingnoit. 

Monseigneur Philippe de Navarre, quant il fut 
apressé du mal, il se fit confez moult dévotement. Et 
moult fut regretant Jehan le roy de France disant : 
u Ha! hal Jehan, très redoubté et souverain seigneur, 
départir me convient de la très haulte emprinse que 
vous m'avieez octroiëe du saint voiage d'oultre mer. 
Celui seigneur qui y voult p[r]endre char humaine vous 
doint fournir vostre voiage ! » Puis redist monseigneur 
Philippe de Navarre après ung souppir : « Ha ! beau 
frère Charles de Navarre, moult s'esveilleront encontre 
vous voz ennemis après ma mort, et moult se pene- 
ront de vous troubler par devers Jehan le noble roy de 
France. » Apres ce que monseigneur Philippe ouït oe 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 133 

dit^ ne paria se pou dod. Et lui bailla Ten ses derrains 
sacremens et rabsolucion « a pena et culpa » qu'il 
avoit requiz qu'elle lui (ust leue. Puis getta le derrain 
souppir et trespassa moult dévotement. Ses seurs ma- 
dame la royne Blance et madame Jekenne de Navarre 
faisoient le plus merveilleux dueil du monde, criant : 
(c Hëlas ! Dieu, que fais tu, qui nous hostes nostre bon 
frère et nostre espoux? Espoux voirement, car par lui 
estions gardées et soustenues. Or avons nous tout 
perdu. » Nul ne les povoit conforter. Et par le con- 
seil de madame la royne Blance, le corps de monsei- 
gneur Philippe de Navarre fut mis en sépulture en la 
cité d'Evreux, en la mère église de Nostre Dame, 
ainsi comme à si noble et si hault homme appartenoit. 
Jehan le roy de France fut moult dolent de la mort 
de monseigneur Philippe de Navarre, et en fist faire 
très grant service et grandes omosnez pour prier 
Dieu pour lui. 

Le Saint Père pape Innocent trespassa de cest 
siècle. Et après ce les cardinaux, comme de ce est 
acoustumé, furent en consistoire pour eslire et nom- 
mer pape. Mais ilz ne peurent estre d'acort. Et pour 
la cause du descord d'entre eulx furent enfermés et 
enserrés jusquez à tant qu ilz eussent nommé ung 
pape et esleu. Les cardinaulx furent tous d'acord 
qu'ilz s'en mettroient en Telection de trois d'eulx, 
c'est assavoir monseigneur le cardinal de Bouloingne, 
le cardinal [de] Pierregort et le doyen des cardinaulx. 
Tceulx cardinaulx ne povoient estre d'acort. Car cha- 
cun y vouUoit mettre ung syen parfait amy, car estre 
ne le povoient. Et donc, par la grâce du Saint Esperit, 
advint que le cardinal de Bouloingne dist aux austres 



f34 CHROiaQUE 

deulx cardinaulx : « Nous ne poYons estre d'acort de 
faire ung de nous cardinaulx Saint Père. Et il y a ung 
bon preudomme qui est abbé de Marcelles. C'est ung 
vaillant et suffisant homme. Je lui donne ma voix. » 
Les autres esleuz cardinaulx distrent à une voix sans 
le descorder ne debatre : « Ainsi le voulions nous. » 
Ainsi (ut il pape esleu et fut mandé. Il vint et fut con- 
sacré à Saint Père, et (ut appelle pape Urbain. Et pa- 
ravant en son propre nom estoit appelle domp ou 
frère Jehan Grimouart, et estoit homme de bonne vie 
et saincté. 

Cestui pape Urbain (ist moult de bien aux clers et 
leur donna les bene(ices de saincte église. A aucuns 
clers mal lettrés, qui par faveur des grans princes 
avoient plusieurs et grans bénéfices, le pape Urbain 
leur recouppa leurs grans prouvendes et en donna aux 
bons clers qui en avoient pou. 

Cy raconte du roy Jehan de France qui, pour la ve- 
nue de son fîlz monseigneur d'Angou, pour ce que en 
nulle manière il ne voulloit enfraindre le traictié de 
lui et du roy d'Angleterre, estoit moult desplaisant. 
Et adfin que on ne peust dire que par lui feust en rien 
Tacort corumpu, et aussi que le roi Edouart ne estre- 
chast aux^ hostages leur prison, le dit roy Jehan de 
France passa là mer en Angleterre, et s'en ala en sa 
propre personne restablir prison pour son filz. Car le 
dit monseigneur d'Angou par nulle voye, pour doubte 
de aspre prison, ne voulloit retourner en Angleterre. 
Et ainçoiz que le dit roy Jehan partist de France, il fit 
et establi son lieutenant et régent le royaume son 
ainsné filz duc de Normendie et dalphin de Vienne. 
Puis passa, comme dit est, la mer et ala en Angleterre 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 435 

pour apaisier et salifier son frère le roy d'Angleterre 
de ce que monseigneur d'Ângou son fîlz s'estoit parti 
d'Angleterre sans sa liœnce. Moult soult grant gré le 
roy d'Angleterre à son frère le roy de France de ce qu'il 
le vit si plain de loiautë. Et bien grandement s'en tint 
content du fait du duc d'Angou pour la très grant foy 
et loiauté du dit roy Jehan de France son père. Moult 
souvent disoit le roy Ëdouart d'Angleterre que 
oncquez si loial prince n'avoit veu comme estoit son 
frère Jehan le roy de France. 

En cest temps que le dit roy Jehan fut seconde foiz 
en Angleterre, monseigneur Jehan Jouel , chevalier 
angloiz, fit guerre en Normendie et en Chartrain. Et 
en une chevaucie qu'il fit par France, il vint devant 
une forteresse qui estoil nommée Rouleboise. Et prist 
le chastel fors la tour en laquelle madame de Roule- 
boise avec autres nobles dames et gentilz hommes se 
retrairenty et moult bien la deffendirent. Mais mon- 
seigneur Jehan Jouel consentit que la dame et autres 
damoiselles fussent mises dehors de celle tour. Et 
quant elle fut dehors ^ il fit mettre la dame et les 
autres en une charette , et lors fit enfondrer la tour 
et assaillir d'icelle partie. Pourquoy de la tour par 
nulle voie n'osoient getter de celle partie, car ilz 
eussent getté sur leur dame et mise à mort. Et par ce 
prinst monseigneur Jehan Jouel le dangon de Roule- 
iDoise, et puis en envoia la dame et sa compaignie. 

De la prinse du chastel de Rouleboise vindrent les 
nouvelles à monseigneur le duc de Normendie, ré- 
gent le royaume, comme dit est, qui moult hastive- 
nent y envoia des gens d'armes pour rescourre le 
chastel, maiz ilz vindrent trop tart. 



436 CBROMQUE 

Et pour résister et garder la rivière de Seine, monsei- 
gneur le duc régent fit faire une armée de galioz à nage 
pour garder la dicte rivière et conduire la marchandise. 
Et furent en ceste armée grant partie de joennes 
hommes (ilz de bourgoiz de Rouen avec des arbales- 
triers de la dicte cité de Rouen. Et comme ilz deurent 
approchier de la dicte place, ilz se mistrent en ung 
lieu couvert jusquez au vespre. Puis vindrent devant 
le chastel et descendirent à terre sans faire noise et 
vindrent assaillir ung moustier que les Angloiz enfor- 
çoient. Et tant efforciement l'assaillirent que par force 
le prindrent. Lors yssirent plus de trente Angloiz 
lesquelz furent occiz de ceulx de Rouen excepté six 
qu'ilz prindrent à raençon. Et pour le jour qui venoit 
ilz se trairent en leurs galioz pour ce que les Angloiz 
du chastel estoient plus que eulx, car ilz n*estoient pas 
lors plus de trente jeunes hommes d'armes sans les na- 
geurs et autres gens d'armes mal armés. Et en ame- 
nèrent leurs prisonniers et avec ce amenèrent tous les 
basteaux que les Angloiz avoient prins. Et firent iceulx 
des galioz une petite bastide pour garder la marchan- 
dise. Maiz les Angloiz renforcèrent le dit moustier et y 
mistrent garnison. Et monseigneur d'Yvry, monsei- 
gneur de Blaru, monseigneur Guillaume Carbonnier, 
monseigneur Ligier d'Auricy et ceulx de la Bastide et 
ceulx de Mante vindrent assaillir le dit moustier et le 
prindrent. 

En icelui an courant la date mil trois cens soixante 
trois, furent les plus grans gelées et le gregnieur yver 
que l'en eust oncquez veu ne ouy parler de plus de 
cent ans au devant. Et furent les rivières si fort enge- 
lées que les Angloiz à grosses routes passèrent à cheval 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 437 

la rivière de Seine et coururent en Veuguessin et em- 
menèrent plusieurs prisonniers en leurs fortz et rap- 
passerent par dessus la dicte rivière de Seine. Et pour 
résister contre eulx monseigneur le duc de Normendie 
fit faire une grande armée dont monseigneur Raoul de 
Reneval fut cappitaine^ avec lui monseigneur de Blain- 
irille, l'amiral de France, monseigneur d'Âubegny, 
avec eulx moult de nobles hommes, afiin que les diz 
Anglciz ne passassent plus la rivière de Seine. Puis 
après le froissement des glaces les dessus diz nobles 
liommes firent une chevaucie par devant le fort de 
monseigneur Jehan Jouel. 

Monseigneur le duc de Normendie, pour rebouter les 
ennemis du royaume, manda monseigneur Bertran de 
Qacquin, lequel admena une grosse route de Bretons 
avec de bons chevaliers^ monseigneur Yvain Charuel^ 
monseigneur Olivier de Mauny, monseigneur Jacques 
de La Houssaye, Roulant de La Chenaye, La Barre, 
avec maint bon homme d'armes. En la route de mon- 
seigneur Bertran de Clacquin se mist le conte d'An- 
ecrre et son frère le Vert Chevalier, à belle route de 
gens d'armes. Par le mandement de monseigneur le 
duc de Normendie, vint avecquez le dit monseigneur 
Bertran la chevalerie de Normendie et de Picardie, 
premièrement le mareschal de Normendie, le baron 
de La Ferté, monseigneur de Blainville, monseigneur 
le Baudrain de La Heuse, amiral de France, monsei- 
gneur de Basqueville, monseigneur d'Yvry, monsei- 
gneur de Blaru, monseigneur Jehan de la Rivière, sei- 
gneur de Préaux à cause de sa femme, monseigneur 
Regnault de Braquemont, monseigneur de Friquans, 
monseigneur de Betencourt, monseigneur le senes- 



i 38 CHRONIQUE 

chai d'Eu, monseigneur de Clere, monseigneur d'En- 
nevaly en leur route maint bon homme d'armes de 
Caux et de Normendie. Secondement, vindrent les 
chevaliers de Picardie , monseigneur d'Ennequin , 
maistre des arbalestriers, monseigneur d'Aubegni, 
monseigneur Raoul de Reneval, monseigneur Mahieu 
de Roye, monseigneur Hue de Chasteillon, le chastel- 
lain de Beauvaiz et le viconte des Kesnes. Tous iceulx 
nobles hommes et leurs mesnies vindrent avec mon- 
seigneur Bertran de Clacquin, et s^assemblerent à 
Mante les seigneurs, mais leurs gens n'y enstrerent pas. 

A Pasques l'an mil trois cens soixante quatre, furent 
les dessus diz nobles à Mante où ilz firent leurs Pas- 
ques. Et l'andemain vindrent mettre siège devant le 
chastel de Rouleboise^ Et là vint le Besgue de Vil- 
laines, et se logierent devant le dit chastel. Et entour 
leur host firent fossez et hayez les diz Françoiz qu'ilz 
ne fussent soupprins. 

L'un des cappitaines des Angloiz, nommé Gaultier 
Strot, avec lui ung archier, le samedi de cluses 
Pasquez sur la relevée, comme les vendeurs de cui- 
sine appareîlloient leurs chars pour vendre l'andemain 
en l'osty cestui cappitaine yssi de son fort par ung lieu 
couvert, avec lui son archier, et vint en l'ost et prinst 
une haste de char et navra le vendeur. Car comme le 
dit Gaultier Strot le prenoit, le dit bonhomme lui dit 
qu'il n'emporteroit pas son haste sans aident et lui 
voult rescourre, parquoy il fut navré. Et lors s'en prist 
Gaultier Strot à venir vers son fort. Le paisant com- 
mence à crier : a Haro 1 haro ! celui là m'a navré et si 

1 . RolleboUe, Seine-et-Oije, arr. Mantes, c. Bonnières. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 139 

m'a hostë par force mes derrëes. » Aucuns le prindreot 
à suivir^ et lors saillirent des Angloiz jusquez à vingt, 
que gens d'armes, que archiers, qui rebouterent ceulx 
qui suivoient Gaultier Strot et en navrèrent aucuns de 
leur trait. Et en ce faisant bien douze ou quinze 
Aogloiz yssirent semblablement de leur fort et prin- 
dreot ung troppel de marchans qui apportoient vivres 
en Fost, et eulx et ce qu'ilz amenoient emmenèrent 
dedens leur fort. Par quoy ceulx de l'ost s'armèrent et 
vindrent assaillir le chastel, et là ouït ung fort assault 
qui dura jusque au vespre. Et vindrent ceulx de Tost 
avaller les fossez et se combatirent aux lances à ceulx 
du chastel. Et les Angloiz se deffendirent viguereuse- 
ment et gettoient grosses pierres sur les Françoiz. 
Monseigneur Bertran et le conte d'Aucerre assaillirent 
ceubL du chastel par devant le pont, et pou s'en fallu 
qu'ilz ne gaingnerentlepont. D'autre partie furent les 
Normans et les Picars qui moult vassaument se por- 
tèrent, maiz pour ce que jour failli remaint Tassault. 

Âpres cestui assault, le dimeuche premier d'après 
Quasimodo, monseigneur Bertran de Clacquin manda 
toutes ses gens qui vivoient sur le pais en Veuguessin 
et aillieurs. Et icelle nuit fit faire deux embusches. 
li'une fut devant Mante où estoit monseigneur Olivier 
4ie Blauny, Roulant de La Chenaye, monseigneur de 
Forquon, La Barre, en leur route huit vingt hommes 
d'armes. Et au matin, comme la porte fut ouverte et 
les gardes n'estoient pas encoires tous venuz, les Bre- 
tons saillirent sur le pont comme une charette yssoitde 
de la ville et coururent sus aux gardes de la perte, et 
gaingnierent la porte, et de plain front coururent 
f^noi la ville. Ceulx de Mante furent ainsi soupprins. 



i 40 CHRONIQUE 

Aucuns s'en fuioient par dessus les murs, les autres par 
eaue ; les autres si fuioient aux églises. Par quoy ceulx 
de la ville furent pilliez des Bretons. Des lors qu'ilz 
ourent gaigné le pont et la porte, ilz firent un signe 
que monseigneur Bertran congnut. Et ala à Mante 
avec lui monseigneur Yvain Charnel, avec eulx grant 
route de gens d'armes. Et fit crier par la ville que nul 
ne meffeist à femme ne à enfant, maiz la ville avoit 
ainçoiz este pillie. Aucuns des bourgoiz de Mante 
comme Jacquez Pétrel, trésorier du roy de Navarre, 
maistre Jehan de Haincourt, Jehan Doubler et plu- 
sieurs autres si s'en fuirent à MeuUent et se mistrent eu 
dangon de MeuUent. 

Par semblable manière, monseigneur Jacquez de La 
Houssaye, avec lui bien quatre vingt Bretons, prist le 
fort de Yetheuir, et fut pillié comme Mante. Apres ce 
que Mante eust esté prise et pillie des Bretons, Tost de 
devant Rouleboize se desloga. Monseigneur de La 
Ferté se mist en fort de Roony ', et les autres gens 
d'armes s'en alerent. Puis aussi trois jours après ce 
que Mante ouït esté pillie et prinse, comme devant est 
dit, monseigneur Bertran et le conte d'Aucerre et leurs 
gens assaillirent MeuUent. Et pour garder Mante, 
demeura monseigneur Yvain Charnel et le Vert Che- 
valier, frère au conte d'Aucerre, o bien deux cens 
hommes d'armes. 

Monseigneur Bertran de Clacquin et le conte d'Au- 
cerre vindrent à MeuUent et l'assaillirent moult effor- 
ciement. Car ceulx de la viUe se deffeudirent moult 



i. Vétheuil, Seine-et-Oise, arr. Maotes, c. Magny. 
2. Rofiiy-fiir-Selne, Seine-et-Oiie, c. et arr. Mantes. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i41 

vertueusement, et furent par eulx trébuchiez ceulx qui 
montoient es eschielles dedens les fossez. Ceulx qui 
estoient en la tour, tant comme l'en assailloit la ville, 
se garnirent de vivres, de blës, de ferines et de chars. 
Et de tous vivres qu*ilz povoient avoir portoient et fai- 
soient porter aux femmes et à ceulx de la ville qui 
n'estoient point sur les murs. 

De l'autre paitie de Seyne, vint à MeuUent monsei- 

gneur le baron de La Ferté, monseigneur Baudouin 

d'Ennequin, maistre des arbalestriers , monseigneur 

d'Yvry, monseigneur de Blaru, monseigneur Jehan de 

La Rivière, monseigneur de Basqueville et monseigneur 

de Betencourt, en leur route bien trois cens glaives. Et 

quant aucuns se virent avironnez de tant de gens 

d'armes, si s'espuanterent et ourent paour que, s'ilz 

estoient prins par aucune aventure, que l'en ne les 

meist à mort. Si ouvrirent les portes à monseigneur 

Bertran et au conte d'Âucerre. Et lors entrèrent ilz en 

la ville, et fut courue et pillie comme Mante avoit esté. 

Monseigneur de La Ferté et ceulx de sa route s'en 

xetournerent quant ilz virent que la ville eust esté 

prinse. 

Ceulx de devant Rouleboize, gens d'armes et arba- 
lestriers , qui estoient de par la ville de Rouen , qui 
tout river avoient gardé la rivière, se deslogerent par 
ce qu'ilz n'avoient nulz vivres et n'en pouvoient de 
nulz finer. Car Yernon estoit ennemi du royaume pour 
lors. Et le faisoit garder madame la royne Blance 
moult eflbrciement pour doubte des Bretons de Mante. 
Monseigneur Bertran, quant il ouït prins Meullent, 
il y mist garnison pour la garder et pour asseoir ceulx 
de la tour qui à merveilles estoit forte et comme im- 



142 CHRONIQUE 

prenable par assault. Puis après ce que monseigneur 
Bertran ouït prins Mante, MeuUent, Yetueil et autres 
places, il le manda à monseigneur le duc de Normendie 
qui tantost vint à Pontoise. Et là vindrent à lui les 
nobles hommes. Puis chevauca le dit monseigneur le 
duc à MeuUent. Et comme il passa par devant le dan* 
gon, les bourgoiz de Mante qui estoient dedens com- 
mencèrent à getter pierres moult fort et disoient de 
villaines paroles de monseigneur le duc. Donc ilz 
firent que folz et mauvaiz, et moult chierement depuis 
le comparèrent. En Meullentne fit monseigneur le duc 
lonc séjour, maiz grosse garnison mist devant le dan- 
gon, et si fit venir des mineurs qui jour et nuit minèrent 
la dicte tour. Puis vint monseigneur le duc à Mante 
où là il print le serement de ceulx de la ville et lui 
jurèrent feaulté. Et pour la paix et seurté de ceulx de 
Mante, il fit vuidier les Bretons de Mante, et en (lit 
cappitaine monseigneur d'Yvry. Les mineurs qui mi- 
noient la tour de Meullent minèrent si fort et si par- 
fondement que la tour print à enfondrer. Par quoy à 
briefvez paroles il convint que ceulx de dedens se 
rendeissent, ou ilz eussent este agraventez de la tour. 
Et furent les diz bourgoiz de Mante menez à Paris, et 
là furent ilz décapités. 

Cy raconte Tistoire du noble roy Jehan de France 
qui, pour la cause monseigneur d'Angou, s'e^toit aie 
restablir en Angleterre. Dont le roy d'Angleterre dist par 
plusieurs foiz, loant la bonne foy et loiauté de son bon 
frère Jehan le roy de France, disant que oncquez plus 
loial prince n'avoit veu que son frère le dit roy Jehan. 
Maiz la mort qui n'espargne nul prist son truage sur 
le dit roy Jehan. Et comme le dit roy Jehan se vit 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 143 

amaladiy comme vray catholique il requist les sains 
sacremens, lesquelz il receust comme bon crestien 
et fist son testament. Il donna à son filz monsei- 
gneur Philippe dit Hardi, qui fut prins avecquez lui, 
la duchié de Bourgoingne. Et comme le noble roy 
Jehan estoit malade, il disoit souvent en priant Dieu, 
disant : « Beau doulz père et doulx Dieu Jhesucrist, 
pour vostre précieux sanc vengier et vostre loy acroistre, 
me suys je croisié. Doulx Dieu, se ce n'est ton plaisir 
que par moy le voiage soit emprins, ta voulenté soit 
faicte et acomplie de moy à ton bon plaisir ! » Jehan le 
noble roy de France fina ainsi sa vie moult dévotement 
ung pou après Pasquez le .../jour d'avril l'an de 
grâce mil trois cens soixante trois. 

Edouart, le roy d'Angleterre, fut moult dolent de 
la mort du roy Jehan et lui fist faire grant solennité et 
grant service en Angleterre. Et fut le corps du dit roy 
Jehan appareillié comme il est acoustumé en tel cas à 
A très hault, si noble et si puissant prince. Et convoia 
le dit roy Edouart la litière et bière en quoy le corps 
du dit roy Jehan estoit jusques à la mer à très grant 
luminaire, puis s'en retourna le dit roy Edouart. 

Renommée, qui partout voile, vint en France de 
la mort du roy Jehan. Monseigneur le duc de Nor- 
mendie en ouït nouvelles. Et alors avoit discencion 
entre lui et madame la royne Blance qui voult tenir 
Vemon contre monseigneur le duc. Et vint monsei- 
gneur le duc devant Vemon a grant foison de gens 
d'armes. Et fut fait acort entre la royne Blance et 
monseigneur le duc. Et en firent la paix monseigneur 

i • Efpace laiBté en blanc dans le ma. 



144 CHRONIQUE 

de FriquaDS et monseigneur Regnault de Braquemoi 
Alors vint le captai de Bues en Normendie de par 
roy de Navarre, mais il ne scavoit riens de la prin 
de Mante, de MeuUent et de Vetueil ne de la guei 
source. Et lors vint à lui Tevesque de Avrenebes, 
assemblèrent les garnisons des forteresses Angloid: 
et Navarroises. Quant monseigneur le duc cuit 
acort avec la royne Elance, il vint au Goullet et là i 
çut certaines nouvelles que son père estoit trespan 
Lors fut partout sceu le trespassement du noble r 
Jehan de France. 

Adonc ala hastivement le nouvel roy à PontoÎM 
de là à Paris pour aler à Rains. Et monseigneur Bertx 
de Clacquin demoura lieutenant du roy en Norm 
die pour résister à la venue du captai. Et le i 
Charles, filz du roy Jehan, ala à Rains pour estre oc 
ronné et o lui sa mouUier. Avec lui ala Pierres le i 
de Cyppre, monseigneur d'Angou, monseigneur 
Boui^oingne et moult de haulz et nobles hommes, 
prelas et autres gens d*estat. 

Cy raconte que le captai ala à Evreux. où là asseï 
bla les garnisons. Monseigneur Jehan Jouel vint, à 
monseigneur Pierres de Saquainville , monseignc 
Guillaume Carbonnier, Guillaume Le Noir de Gravi] 
monseigneur de Gauville et son fils monseigneur f 
digo, le Bascon de Mareul et tous les cappitaines < 
fortz Angloiz et Navarroiz de Normendie. Et quekj 
les Angloiz furent à Evreux , le captai vint veoir 
royne Biance au chastel de Vernon et madame . 
benne de Navarre. Et disna avec elles le lundi i 
feries de Penthecoustes. Et au départir baisa madai 
Jehenne, car le roy de Navarre, à la requeste et prL 



DES QUATRE PREBUERS VALOIS. 145 

du prince de Galles, lui avoit acordé qu'il Tauroit à 
femme. Moult plut celui baisier au captai, car ma- 
dame Jehenne estoit une des plus belles dames de 
crestienté^ Puis se parti le captai de Yernon et se 
mist sur les champs. Et en ouït monseigneur Ber- 
tran nouvelles que ledit captai estoit sur les champs. 

Lors se parti monseigneur Bertran de Clacquin pour 
aler combatre le dit captai, avec lui le conte d'Aucerre 
et son frère filz de madame du Bec Crespin en Caux, 
monseigneur Yvain Charnel, monseigneur Olivier de 
Mauny, monseigneur Jacquez de La Houssaye, mon- 
seigneur de Porcon, Roulant de La Chenaye, La Barre, 
avec iceulx grans routes tant de Bretons que d'autres 
gens d'armes. Avec monseigneur Bertran se adjouste- 
rent des Normans grant foison , c'est assavoir les 
barons de Picardie et les nobles par grosses routes 
que avoit assemblé le dit Bertran de Clacquin, le 
viconte de Beaumont, monseigneur le baron de La 
Ferté , monseigneur de Blainville , monseigneur de 
Clere, monseigneur d'Ësneval, monseigneur de Ber- 
reville, monseigneur de Villequier, monseigneur de 
Betencourt, monseigneur le seneschal d'Eu, monsei- 
gneur de Tournebust, monseigneur de Basqueville, 
monseigneur des Ysles, monseigneur de Torchy, mon- 
seigneur Baudouin d'Ennequin , maistre des arbales- 
Iriers, monseigneur Robert de Guerarville et moult 
d'autres nobles chevaliers et escuiers dont les noms 
ne sont pas icy retraiz. 

Sur la rivière d'Eure, emprez Cocherel, fut la ba- 



1. Ce curieux incident, à la Teille de Cochert*!, nous est révélé puur 
la première fois par notre chronique. 

10 



146 CHRONIQUE 

taille des Françoiz, Normans^ Picars et Bretons contre 
le captai de Bues o ses Gascons, Àngloiz et Navarrois. 
De ambedeus parties avoit de bons chevaliers de toute 
crestientë et de bonnes gens d'armes. Ce jour que la 
bataille assembla estoit jeudi , et estoit le dix neu- 
vième jour du mois de may S ^^ estoit la Teste de Saint 
Yvez, Tan mil trois cens soixante quatre. 

Les deux parties vindrent Tune contre l'autre à pié, 
les glaives en poing ; et une route des Bretons de- 
moura à cheval avec les pages et les bagaiges. En la- 
quelle route estoient bien deux cens hommes. Et avec 
iceulx se mistrent ceulx qui avoient paour des horions. 
A l'assembler ouït grant criée d'une partie et d'autre. 
Et assemblèrent les Normans et les Picars aux Angloiz 
qui faisoient une bataille. Et monseigneur Bertran, le 
conte d'Aucerre et ceulx de leurs routes et celle du 
viconte de Beaumont qu'ilz adjousterent o eulx assem- 
blèrent aux Gascons et aux Navarrois. Là fut la ba- 
taille forte et aspre, et s'entreferoient de glaives tant 
effbrciement que c'estoit merveilles. Et ceulx à qui les 
glaives failloient ilz se combatoient de haches. Le 
captai se combatoit si vassaument qu'il resbaudissoit 
moult sa gent. Et d'autre part les Angloiz se comba- 
tirent si fort qu'ilz firent ung pou reculer les Normans 
et les Picars. Et à icelle foiz y ouït occiz de bons che- 
valiers, monseigneur le viconte de Beaumont qui estoit 
contre le captai, monseigneur de Betencourt , mon- 
seigneur de Villequier, et monseigneur Baudouin 

1 . Le jeudi 16 mai. La fête de saint Yyes est tombée le dimanche 19. 
y. Froissait, liy. I, part. Il, ch. clxx-glxxix, éd. du Panthéon , t. I, 
p. 475-483. — Grandes ehroniquêt, t. VI, p. 232. — Cont. de Aangis^ 
t. II, p. 341-344. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 147 

cl*EoDequin, maistre des arbalestriers. Et là fut mon- 
leigneur Jehan Jouel navré à mort, et monseigneur 
Pierres de Saquainville et le Bascon de Mareul y furent 
30ciz. Alors s'en vindrent les Bretons, qui o le ba- 
goaige et les pages estoient, ferir en la bataille tous 
Sraiz, et entrèrent en la bataille. Car les Gascoings, 
Inglois et Navarrois estoient moult chargiés du faiz 
jaîlz avoient de la bataille. Et se iceulx Bretons 
eussent gueres plus atargié, le captai eust eu victoire. 
UorSy comme dit est, iceulx Bretons se ferirent en 
mvers des Gascons et des Angloiz. Et donc s'esver- 
:uerent les François et pristrent à assaillir les Angloiz 
ûus efforciement que au commencement de la ba- 
bille. Lors les Bretons*, qui estoient fraiz et nouveaulx, 
juant la bataille se tourna à desconfire, car aucuns 
les gens du costé au captai s'en prindrent à fuire, et 
noult en escappa par ung petit bois qui estoit prez du 
^hamp. Quiconquez s'en fuit, le captai demoura en 
rhamp en soy combatant comme bon et preux che- 
valier, o lui environ cinquante hommes d'armes. 
Et (ut asprement assailli; et ainçoiz qu'il se voul- 
ôst oncquez rendre, il fut abatu à terre. Et lors 
log Breton , qui estoit surnommé Betin, le prist, car 
1 sailli sur luy, et fut fiancé le captai à iceliui Breton. 
fous les bons prisonniers eurent les Bretons, car ceulx 
[ui vindrent au retour de la bataille frez et nouveaulx 
i gaingnerent plus legierement. 

Âpres ceste victoire, retourna monseigneur Ber- 
ran de Clacquin en la cité de Rouen, et les Françoiz 
ivec lui y c'est assavoir Normans, Picars et Bretons^ 

I, Soii»«itendu : anAilUrent. 



i 48 CHRONIQUE 

par especial les maistres. Et amena le dit monseigneur 
Bertran le captai à Rouen et monseigneur Jehan 
Jouel, cappitaine des Angloiz , où monseigneur de La 
Ferlé avoit part, car par ses gens avoit esté prins^ ja- 
soit ce que ung Breton y clamast part avoir. Si fut 
mené au Pont de l'Arche et monseigneur Pierres de 
Saquainville aussi. Maiz monseigneur Jehan Jouel 
mourut des plaies qu*il ouït en la bataille. Et les 
autres Angloiz et Gascons furent mis à raençon. Mon- 
seigneur Bertran de Clacquin escript au roy la prinse 
du captai. Et comme le roy en ouït les lettres, il estoit 
samedi vegille de ia Saincte Trinité et Tendemain de- 
voit estre sacré. Et lors le roy tendi ses mains eu chiel 
et rendi grâces à Dieu de la bonne \dctoire que Dieu 
lui avoit donnée. Puis vint à Rains plain de grant 
leesce et aussi tous ceulx de sa compaingnie, car 
moult avoient grant doubte que le captai n'eust vic- 
toire. Et comme le roy doubt entrer en Rains, les 
citoiens vindrent en son encontre à noble compai- 
gnie, et estoient vestus de robes pareilles. 

L'an de Tincarnacion Nostre Seigneur Jhesucrist 
mil trois cens soixante quatre, le jour de la Saincte 
Trinité fut couronné, enoint et sacré à roy de France 
Charles ainsné filz du roy Jehan, avec lui sa belle et 
bonne mouUier madame la royne fille du noble duc 
de Bourbon. Apres le sacre fut le disner grant et 
noble, et après furent les joustes grandes et belles, et 
y jousta le roy de Cyppre. Et après le sacre et la feste, 
le roy se parti de Rains pour les affaires de son 
royaume, et s'en vint à Paris où il fut très joieusement 
receu et haultement. Et furent les bourgois de Paris 
vestus de vert et de blanc, et parmi la ville de Paris 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 149 

oult grant richesse de paremens, et y ouït joustes à 
Paris pour la venue du roy graudes et planieres^ es 
quelles joustes le dit roy de Cyppre jousta. 

Charles le roy de France vint, depuis qu'il oult esté 
à Paris, tantost à Rouen, et là fut très joieusement 
receu.et très solennelment. Et furent les bourgoiz ves- 
tuz de robes pareilles, de bleu et de tenné, étalèrent à 
rencontre du roy à noble et grant compaignie et à 
sons de instruraens à sa pieuse venue. Et comme il 
fut en la cité, il vint en la mère église de Nostre Dame, 
avec lui monseigneur d'Angou et monseigneur de 
Bourgoingne ses frères, monseigneur le conte d'Alen- 
çon et son frère le conte d'Estampes, monseigneur 
Jehan d'Artoiz conte d'Eu, le conte de Tancarville, 
les prelas de Normendie et la plus grant partie des 
plus haulz barons et nobles du dit pais. En la dicte 
mère église ouy le roy sa messe, et là vint à lui mon- 
seigneur Bertran de Clacquin qui amena au roy le 
captai. Et là fist le captai serement au roy par devant 
tabelions de tenir loial prison. Puis ala le roy à son 
chastel où il tint court planiere. Et à sa table fist as- 
seoir le captai. Et là présentement donna le roy à 
monseigneur Bertran de Clacquin la conté de Longue- 
ville, laquelle fut à monseigneur Philippe de Navarre. 
L'andemain de la venue du roy, fut décapité monsei- 
gneur Pierres de Saquainville qui fut prins à la bataille 
de Coclierel, lequel fut en son temps ung bon homme 
d'armes et grant sages homs, maiz à la foiz sage 
foloié. 

En ce temps se parti Pierres, le roy de Cyppre, du 
royaume de France et s'en retourna en sa terre, maiz 
de lui se taist l'istoire à raconter quant à présent. 



180 CHRONIQUE 

Charles le roy de France et duc de NonneDdie, par 
N^ l'ordonnance de sou conseil, fit à monseigneur Ber- 
tran de Clacquin, conte de Longueville, oster et vut- 
der les Bretons du pais de Caux. Et passèrent la ri- 
vière de Seyne et prindrent Tabbaye du Bec les diz 
Bretons. Maiz depuis monseigneur de Friquans la 
prist sur les Bretons, poiu* ce qu'ilz damagoient trop le 
pais. De rechief par devsgit Charles le roy de France 
jura à tenir loiaument prison le dit captai de Buch, par 
obligacion faicte et passée devant deux tabelions apos- - 
toliques et quatre imperiaulx. Puis se parti le roy de 
Rouen et retourna à Paris. Et le captai fut mené en 
prison eu fort chastel de Meaux. 

En Bretaingne sourdi une grosse guerre entre 
Charles de Bloiz, duc de Bretaingne, à cause de sa 
femme, et Jehan le conte de Montfort. Charles le duc 
de Bretaingne manda monseigneur Bertran de Clac- 
quin en son aide. Lequel ala à son seigneur et che- 
vauca o ses Bretons le long de Normendie, destruisant 
et gastant la terre du roy de Navarre et entra en Cos- 
tentin qu'il degasta en partie. Monseigneur le baron 
de La Ferté, affin que Bernay ne fust pillié des Bre* 
tons, vint à tout deux cens glaives à Bernay, et se ren- 
dirent et se mistrent ceulx de Bernay soubz sa garde. 
Et comme une grosse route de Bretons vindrent par 
devant Bernay pour pillier, ilz trouvèrent et sceurent 
que monseigneur de La Ferté estoit dedens, si se par- 
tirent et s'en retournèrent. 

Les barons de Normendie, par especial ceulx de 
Caux, monseigneur de Blainville, monseigneur de 
Basqueville, monseigneur de Clere, monseigneur Le 
Baudrain de la Heuse, amiral de France, monseigneur 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 151 

Jehan de Meleun, monseigneur Jehan de [.a Rivière, 
monseigneur de Garencieres, à grosses routes de gens 
d'armes^ chevaliers et escuiers, chevaucerent sur la 
terre au roy de Navarre. Et se adjousterent avec eulx 
moult de nobles de Picardie, monseigneur d' Aubegny , 
monseigneur Raoul de Reneval, monseigneur Mahieu 
de Roye, monseigneur Hue de Chasteillon, maistre 
des arbalestriers, le viconte de Kesnes, en leurs routes 
maint chevalier et escuier. Et tous ensembles alerent 
par devant ung fort d'Angloiz et de Navarrois mettre 
le siège. Et seoit cellui fort sur la rivière d'Eure, si 
que la dicte rivière avironnoit tout entour icellui fort, 
et estoit nomme Aquigny \ Les barons dessus diz des- 
traindrent tant cib: qui estoient dedens par pierres et 
par assaulx que les Angloiz et Navarrois rendirent le 
fort en la main des barons dessus diz. 

Alors monseigneur Philippe de France, duc de 
Bourgoîngne, avoit mis le siège devant Camerolles, 
ung fort entre Beausse et Orliens, en sa route moult 
de grans seigneurs, monseigneur Dampmartin et mon* 
seigneur Boussicaut, mareschal de France, et ceulx 
d'Orliens. Par lesquelz fut tant effbrciement assailli le 
chastel de CameroUes par force d'assauh, par pierres 
et mangonneaulx qui de nuit et de jour gettoient eu 
dit fort de CameroUes. Et d'autre part leur livroient 
ceulx de Tost monseigneur le duc de Bourgoingne 
d'asprez et fors assaulx. Le dit monseigneur de Bour- 
goingne si estoit moult souvent le premier aux as- 
saulx et moult hardiement se contenoit. Nouvelles 
vindrent alors à monseigneur le duc de Boui^oingne 

1. Acqnigny, air. et c. LouTÎen. 



i 52 CHRONIQUE 

que monseigneur Hue de Karvelley, monseigneur 
Jehan de Chendos et monseigneur Robert Canolle ve- 
noient à grande compaignie d'Angloiz lever le siège 
de monseigneur le duc de Bourgoingne. Pourquoy il 
manda à ceulx qui tenoient le siège devant Aquigny 
que errant et sans delay ilz venissent de là à lui. Et 
alors avoient tout de nouvel prins Aquigny. Et alerent 
les dessus diz chevaliers à monseigneur le duc de 
Bourgoingne, lequel avoit par force tant destrains 
ceulx de Cameroles qu il les avoit prins. Et, comme 
prince de grant justice plain, pour la punicion des 
maulx qu'ilz avoient faiz au peuple, il fit les gens qui 
estoient en dit chastel du pais de France adjoustés 
avec les Angloiz et Navarrois, tous mourir comme 
traistresy larrons. Et les Angloiz, Gascons et Navar- 
roiz furent mis à raençon. 

Jusquez assez près de Cameroles vindrent les ba- 
rons de Nôrmendie et de Picardie. Et alerent des 
haulz hommes d'entre eulx par devers monseigneur 
Philippe de Navarre qui leur fist grant joye et les fist 
retourner. Car il avoit ouy certaines nouvelles que 
les Angloiz estoient retournés en Bretaingne. Maiz ains 
que les barons de Tost des Normans et Picars par- 
tissent, fut donné en conseil à monseigneur le duc de 
Bourgoingne que Post des diz Normans yroient mettre 
le siège devant Evreux. Et lors se partirent du duc les 
diz Normans barons et s'en retournèrent à leurs gens 
et se alerent rafreschir à Chartres. Puis se partirent 
et vindrent à Evreux Tandemain de la feste Saint 
Jacques et Saint Cristofle. Ceulx de la ville saillirent à 
Tescarmuche contre les Françoiz. Et quelque monsei- 
gneur de T-a Rivière escarmuchoit contre ceulx delà ville 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i 53 

et contre monseigneur Jacques de Landuras, souverain 
cappitaine du chastel et de la ville, jasoit ce que ceulx de 
la ville eussent fait leur cappitaine d'ung des bourgoiz de 
la ville, moult fut Fescarmuche belle à prendre le siège 
devant Evreux. Laquelle fut commencie par ceulx de la 
route monseigneur Jehan de La Ville ausquelz vindrent 
aidier moult de bons chevaliers et escuiers des routes 
des autres seigneurs. Monseigneur Jacquez de Landu- 
ras, qui moult estoit sage et bon chevalier et preux 
aux armes et bien gentil homme, car il estoit cousin 
du captai, quant il vit enforchier la route des Fran- 
çoiz, il fit retraire ses gens en la ville. Maiz il n'estoit 
pas lors devant, il estoit derrière. Et là fut la force 
des Normans si grande et des Picars qu'ilz rompirent 
les barrières et esracherent. Et pou s'en fallut qu'ilz ne 
prindrent monseigneur Jacquez de Landuras qui se 
recuilli par la planche. Lors se logèrent les diz bons 
Noraians et Picars en Tabbaye de Saint Taurin jouxte 
Evreux. Et tant comme le siège y fut, ilz livrèrent 
maint assault et mainte escarmuche. 

Monseigneur de Bourgoingne, à la requeste et 
prière de ceulx de Chartres , ala mettre le siège de- 
vant Connoy, et le Ht moult fort assaillir. Car de 
Chartres vint engins et pierres qui gettoient de jour 
et de nuyt par telle manière que nul ne se savoit où 
rescousser eu fort de Connoy pour les coups de 
pierres. Tant efforciement destraint monseigneur 
Philippe duc de Bourgoingne les Ângloiz que le dit 
fort lui fut rendu. Et comme il a voit fait de ceulx 
de Camerolles, il fit semblablement de ceulx de 
Connoy. 

Cy raconte des aucuns barons de Normendie, c'est 



itik CHRONIQUE 

assavoir monseigneur de Beaumesnil /monseigneur de 
La Ferté, monseigneur de Toumebust, baron du Bec 
Thomas, et monseigneur Guillaume du Melle à tout 
leurs routes de tant comme ilz pourent fîner de gens 
d'armes, chevaliers et escuiers normans et grant 
nombre de bons servans, allèrent mettre le siège par 
devant Eschaufou, le plus fort chastel que les Ângloiz 
eussent en Normendie ne en France, hors les chas- 
teaux roiaulx que tenoit en Normendie le roy de Na- 
varre. Cestui fort d'Eschaufou ne povoit estre prins 
par assault. Et pour, monseigneur Guillaume du MellCi 
qui moult estoit sages hommes d'armes , fit establir 
une myne et fît venir mineurs du pais de La Ferté el 
de Laigle. Lors commencèrent fort à miner. Les An- 
gloiz apperçurent la myne et firent contremine. Et 
advint ainsi que les deux mines s'entrencontrerent 
et assemblèrent. Et comme les mines fiirent ouvertes, 
s'entre rencontrèrent les Angloiz et les Normans. En 
icelle mine ouït souvent de dures batailles. Et donc, 
par le conseil du dit monseigneur Guillaume du Melle, 
on refit une autre myne. Alors avoit ung Angloiz à 
Eschaufou qui avoit esté clerc et escollier, lequel avoit 
nom Hoclequin Lucas. Cestui Angloiz fit traictië aux 
Normans qu'il se rendroit à eulx, et leur rendi le fort 
d'Eschaufou, et jura qu'il seroit desormaiz bon et 
loial Françoiz. Et par son bel langage et bel contene- 
ment, le retint monseigneur de La Fertë de son 
hostel. 

Et tant comme les Normans estoient occupez es 
sièges qu'ilz avoient mis par devant leurs ennemis, les 
Gascons, avec eulx Pierron du Saut cappitaine d'icelle 
route, vindrent par ung point du jour escheler le chas- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i55 

tel de Mou1ineauIx\ Car alors le cappitaine du chas- 
tel, uDg chevalier qui avoit nom monseigneur Jehan 
de Belengues, estoit au siège à Evreux. Et quant les 
Gascons eschelerent le dit Moulineaux, il faisoit ung 
très grant bruilas. Parquoy ilz ne furent oncques 
apperceux jusques ad ce quMlz furent bien dix Gascons 
montés. Et lors commença le soleil à lever, etl'eschau- 
guette qui estoit monté pour le jour commença à 
crier : « Trahi ! trahi ! Alarme ! » Et lors les Gascons 
crièrent « Saint George ! » et coururent à la porte à 
haches et congnies. Et rompirent les serreures et ou- 
vrirent la porte et le pont et coururent sus à ceulx du 
chastel et par force les prindrent. Pierron du Saut fit 
les dames de dedens le chastel, ma damoiselle de 
Harecourt, laquelle ne youU oncques avoir espoux, et 
les autres dames conduire par les gentilz hommes 
mesmes qui estoient eu chastel avecques elles. Maiz il 
leur fit premier jurer prison. Et fut conduicte ma da- 
moiselle de Harecourt o les trois dames et damoiselles 
à Rouen. Moult fut le pais troublé de la prinse de 
Moulineaux. Ceulz de Rouen, qui moult haoient le 
voisinage de leurs ennemis, envoierent messages à 
monseigneur le duc de Bour^oingne comme il lui 
pleust mettre siège devant Moulineaulx, lequel avoit 
esté prinsdes ennemis du roy leur souverain seigneur. 
Monseigneur le duc de Bourgoingne, désirant débou- 
ter les ennemis de la terre du rov son frère, moult 
hastivement s'appliqua pour venir devant Moulineaulx, 
vrec lui le conte Dampmartin^ monseigneur le mares- 



1. MoolineanXy Seine-Inférieure, arr. Rouen, c. Grand-Couronne, 
^mm. de la Bouille. 



ir:6 CHRONIQUE 

chai Boussicaut, monseigneur de La Ferté et tous 
ceulx qui a voient tenu le siège de Eschaufou. Ceulx 
de Rouen vindrent avec monseigneur le duc de Bour- 
gongne moult efTorciement de gens d'armes, archiers, 
arbalestriers. Et firent mener grant foison d'engins, 
bricolles et pierres, et moult efTorciement emprist le 
siège. Car nul jour ne fut tant comme le siège fut de- 
vant le chastel que les engins ne gettassent et qu'ilz 
n'eussent assault et forte escarmuche. 

En cest temps entra monseigneur Louis de Navarre 
en royaume de France à grant route de gens d'armes 
servans et archiers qu'il eust du pais de Gascoingne 
et de Navarre et des forts des Anglois qu'ilz tenoienten 
Languedoc et en hault pais. A tout celLui liost vint mon- 
seigneur Louis de Navarre courant le royaume jusques 
à La Charité sur Loire. Laquelle ville fut tant efTorcie- 
ment assaillie des gens de l'ost du dit monseigneur 
Louis de Navarre que par force la prindrent, cou- 
rurent et pillèrent. Le dit monseigneur Louis de Na- 
varre, par le conseil de monseigneur Luce et par mon - 
seigneur Martin Requiz, fit vuidier le pais de vivres 
d'entour La Charité environ sept lieues, et en fit la 
ville et forteresse de La Charité très bien garnir. 

Au roy de France vindrent les nouvelles comme 
monseigneur Louis de Navarre estoit entré en son 
royaume à grant quantité de gens d'armes. Alors 
manda le roy à monseigneur de Bourgoingne et à tous 
les haulz hommes de France qu'ilz alassent encontre 
la venue de monseigneur Louis de Navarre. Par quoy 
monseigneur Philippe de France, duc de Bourgoingne, 
se parti de devant Moulineaux et leva son siège. Et 
aussi firent les nobles hommes qui tenoient le siège 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 157 

devant Evreux et se adjousterent à Tost de monsei- 
gneur le duc de Bourgongne à la Croix Saint Lieuf- 
firay *, Et de là chevauca monseigneur de Bourgongne 
contre monseigneur Louis de Navarre. Et à trois lieues 
près de La Charité se vint logier monseigneur de 
Bourgoingne o son host. 

Puis vint monseigneur de Bourgoingne par devant 
La Charité de Laire pour combatre le dit monseigneur 
Louis de Navarre. Et par devant La Charité ouït ung 
fort paleteis de Gascons, d'Anglois et de Navarrois 
contre les Françoiz. Et furent par force d'armes recul- 
lés les gens de monseigneur Louis de Navarre jusques 
dedens la ville. Et furent monseigneur le duc de Bour- 
gongne et les François par devant La Charité pour 
atendre bataille bien quinze jours. Mais de vivres 
souflfroient ilz très grant mesaize, par especial pour 
leurs chevaulx. Car le pais avoit esté tout pillié des 
gens du dit monseigneur Louis de Navarre. Et de 
l'autre partie de la rivière avoient ceulx de Tost de 
monseigneur Louis de Navarre le pais à leur bandon. 

Aucuns des routes de monseigneur de Bourgongne 
se avanturerent pour avoir des vivres et passèrent à 
ung bon guay au dessus de La Charité et alerent four- 
ragier. Monseigneur Louis de Navarre le sceut et 
envoia contre eulx ses mareschaux et bien cinq cens 
combatans qui acousuirent les François comme ilz 
retournoient et voulloient passer la dicte rivière de 
Loire. Et ja en estoit bien passé deux cens. Et comme 
les autres virent leurs ennemis qui estoient plus fors 
d'eulx de plus des trois pars, si se mistrent à passer la 

i. La Groix-Saint*Lenfroy, Eure, arr. Louvien, c. Gaillon. 



158 CHRONIQUE 

rivière et laissèrent leur proie. Là perdirent les Fran- 
çois bien mille chevaulx par defaulte de vivres. Par 
quoy il fallut, pour la defaulte de vivres par especial 
de leurs chevaulx, que le dit monseigneur de Bour- 
gpingne s'en retournast, et donna congié à ses gens et 
à ses nobles hommes. Et monseigneur Louis de Navarre 
s'en ala en Normendie lieutenant pour son frère le roy 
de Navarre. Et fit les forteresses et chasteaux de son 
dit frère renforchier et garnir de vitailles et rafreschir 
de gens d'armes. Et es chasteaux mist cappitaines en 
aucuns lieux selon son plaisir et qu'il veoit estre 
expédient. 

En cest temps mesmes, le conte de Montfort, filz du 
vieil conte de Montfort, clamoit droit en la ducliié de 
Bretaingne à cause de succession, car le vieil conte de 
Monfort estoit frère du bon duc Jehan de Bretaingne. 
Et quant le bon duc Jehan trespassa, il n'avoit nul 
hoir masle. Maiz il est bien vérité que le duc Jehan de 
Bretaingne avoit eu ung filz , lequel estoit trespassë par 
avant que son père le duc Jehan trespassast. Et de 
cestui filz du duc yessi une fille , laquelle fut mariée à 
monseigneur Charles deBloiz. Et fut au temps du roy 
Philippe jugié par arrest de parlement que la dicte 
duchié de Bretaingne seroit et appartenoit à la dicte 
fille du filz du duc Jehan , comme devant est dit. Le 
vieil conte de Montfort disoit estre hoir prochain, 
disant qu'il estoit frère du duc Jehan et qu'il estoit plus 
prochain hoir que sa niepce , et que au jour que son 
frère le duc trespassa, il n'avoit nul hoir masle yessu 
de lui. Maiz non obstant les raisons du vieil conte de 
Monfort, fut adjugée la duchié de Bretaingne à la dicte 
fille, femme de monseigneur Charles de Bloiz. Par 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 159 

quoy le dit vieil conte de Montfort guerroya tant 
comme il vesqui le duc Charles de Bloiz. Et après la 
mort du vieil comte de Montfort reprint son filz la 
guerre. Et à grant nombre de gens d*armes d'Àngle- 
terre, c'est assavoir monseigneur Hue de Karvellé, 
monseigneur Hue le Despencier, monseigneur Jehan 
de Chendosy monseigneur James de Pipes^ et Robert 
Cauolle, avec iceulx et leurs routes vint en Bretaingne 
le comte de Montfort. Monseigneur Louis de Navarre 
lui envoya grant route de ses gens à soy aider, et 
prindrent aliance par Tevesque d'Âvrenches entre le 
comte de Montfort et monseigneur Louis de Navarre. 
Puis après l'aliance prinse le dit evesque s'en retourna 
par devers monseigneur Louis de Navarre. 

Monseigneur Charles de Bloiz, duc de Bretaingne, 
pour deffendre sa terre, assembla grant gent, monsei- 
gneur Bertran deClacquin, monseigneur le conte d'Âu- 
cerre^ monseigneur de Beaumanoir, monseigneur 
Yvain Charnel, monseigneur Olivier de Mauny. Et avec 
ce y vint grant foison de gens d'armes de Normendie. 
Monseigneur Charles de Bloiz chevauca o tout son host 
encontre le conte de Montfort, et s'entre approchèrent 
les deux hostz. Et avoit monseigneur Charles de Bloiz 
plus grant nombre de gent que n'avoit le conte de 
Montfort. Et comme les deux hostz furent Tun devant 
l^autre, aucuns preudommes s'entremistrent de faire 
acort par entre le duc et le conte de Montfort. Et 
de tous les drois que le conte de Montfort clamoit en 
la duchië, il quittoit le duc Charles et sa femme par qui 
il tenoit la duchié pour la conté de Dol et trente mille 
livres de terres parmy la dicte comte. Ce traictië fut 
cipporté par devers le duc Charles lequel estoit sur le 



166 CHRONIQUE 

point de l'acorder quant par monseigneur Bertran de 
Clacquin fut le dit traictié et acort rompu. Donc ce 
desplut moult aux liaulx hommes et nobles de Bre- 
taiugne et par especial à monseigneur de Beaumanoir. 
Car alors dit le dit monseigneur Bertran, oyans tous 
les seigneurs et ceulx qui faisoient parlement de l'acort : 
ce Sire, les veoiës vous^ les ordoux gars! Hz seront 
desconfiz au jour d'uy. Je vous rendroy la duchié de 
Bretaingne nettyée de ces gars^ » Moult furent yrés et 
ourent grant despit ceulx qui estoient de par le conte 
de Montfort. Et rapportèrent les paroles de monsei- 
gneur Bertran au conte de Montfort et aux Angloiz 
qui de ce ourent grant despit. Et se mirent lors les 
Angloiz en conrroy pour combatre de trop grant cou- 
rage et approchèrent Tost de monseigneur Charles de 
Bloiz. Cellui jour estoit feste de Saint Michiel, et s'en- 
trevindreut les deux hostz courre sus. En premier 
front, du costé au duc, fut le conte d'Aucerre, avec 
lui des chevaliers de Normendie et des escuiers, car 
Normant estoit de par sa mère. Puis vint monseigneur 
Bertran du Clacquin o sa bataille et alerent combatre 
les Anglois. Charles de Bloiz duc de Bretaingne fit aler 
sa bataille contre celle de son cousin le conte de Mont- 
fort. Monseigneur de Beaumanoir et le sire de Lyon, 
avec eulx grant partie de Bretons, se tindrent indiffe- 
rens, et à leur bataille n'approchèrent point les An- 
glois. Et lors assemblèrent les batailles, et à rassembler 
ouït grant noise tant des instrumens que des cris des 

1 . On trouTe dans Froissait un récit tout difTéreot. D*aprèt ce chro- 
niqueur, ce ne fut pas Bertrand Duguesclin, mais Jean Chandot, qui 
s'opposa, de parti pris, à tout arrangement. V. Chron,^ liv. I, part, II, 
chap. cxcu, édit. du Panthéon, t. I, p. 493 et 494. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 161 

ensaingnes. Lors s'entre commencèrent à ferir des 
glaives à grant force, et s'entre combatirent de hasches 
et d'espëes très efforciement. De lonc temps paravant 
n'avoit esté plus forte ne plus aspre bataille. Car d'une 
part et d'autre estoient des meillieurs gens d'armes du 
monde et des plus ruses de la guerre. Et d'ambe les 
deux parties estoient droites gens d'armes, triés, armés 
de toutes pièces de pié en cappe, par quoy la bataille 
en estoit plus dure. 

Les Anglois apperçurent comme une grant route de 
Bretons ne se mouvoient ne de Tune partie ne de 
l'autre. Lors prindrent terre contre les Françoiz et 
firent reculer la bataille au conte d'Aucerre. Et en 
icelle empainte de la force des glaives ouït moult de 
ehevaliers et escuiers mors. Monseigneur le conte 
d'Aucerre , qui se combatoit vassaument, ouït là l'œil 
crevé. Car il estoit chut à terre; et n'eust esté ung sien 
escuier, il eust esté mort, qui crioit a Aucerre! » et 
lors fut il prins. Monseigneur le duc estoit contre son 
cousin. Là estoit moult forte et moult dure la bataille. 
Et estoit de toutes pars si forte que l'en ne scavoit qui 
auroit victoire, car moult souvent branloit tant d'un 
costé que d'autre. Maiz, à brief raconter la chose, la 
desconfiture tourna sur le duc Charles, car aucuns de 
sa bataille s'en fuirent. Car aucuns Bretons amoient 
bien chier le comte de Montfort, et iceulx s'en fuirent 
de la bataille de leur droit seigneur le duc. Adonc mon- 
seigneur Jehan de Chendos et monseigneur Hue Le 
Despencier avec le comte de Montfort coururent sus 
au duc Charles qui se combatoit comme preux, et par 
force o ceulx de leur route rompirent la bataille di| 

duc Charles. Et là furent abatues les banieres du duc 

11 



162 CHRONIQUE 

Charles de Bloiz. Et à celle foiz il fut occiz. Moult 
estoit le duc Charles bon chevalier en son temps et 
très preudomme et grant omosnier ; très humble estoit 
et moult faisoit d'abstinences, comme de vestir point 
de linge y de jeûner et de moult d'autres bonnes 
euvres. 

Quant le duc Charles fut occiz, sa bataille tourna à 
desconfiture. Et avec lui ouït mors moult de nobles 
hommes bons chevaliers etescuiers grant foison. Mon- 
seigneur Bertran et ceulx de sa route se tenoient 
encoires. Maiz la bataille et forte puissance fut lors ai 
grant que la bataille du dit monseigneur Bertran fut 
rompue. Et fut sa baniere abatue par terre, et celui 
qui la portoit mort, et Roulant de La Chenaye occiz, 
qui moult estoit bon homme d'armes. Lors fîit mon- 
seigneur Bertran prins et grant nombre de chevaliers 
et escuiers. 

Âpres la bataille fut mené monseigneur Bertran par 
monseigneur Jehan de Chendos, lequel avoit trop grant 
dueil de ce que monseigneur Bertran avoit appelle les 
Anglois guars. Pour celle cause fut mené par icellui 
par dessus les mors, et s'arresta monseigneur Jehan de 
Chendos sur la place où le duc Charles gesoit occiz, 
tout avironné de haulz et nobles hommes mors. Lors 
dist monseigneur Jehan à monseigneur Bertran, qu^il 
vausist mieult qu'il n'eust oncquez esté né, car par lui 
estoient mors tant de si haulz et nobles preudommes. 
Puis retournèrent par devant le conte de Montfort. 
Lors dist monseigneur Jean de Chendoz devant le 
conte de Montfort à monseigneur Bertran : <c Sire, veea 
les gars de Montfort! Par vous est il au jour d'uy duc 
de Bretaingne. » Et après que le conte de Montfori 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 163 

eust eu victoire, il fut receu de tous les Bretons à sei* 
gneur et fut duc de Bretaingne paisiblement. Âpres ce 
que le conte de Montfort fut duc et il ouït eu et receu 
les hommaigesy il fit tenir paix en son pais et osta de 
sa terre tous les estrangiers. Depuis, après petite sai- 
zon y fut monseigneur Rertran de Clacquin mis à finance. 
Et en paia pour le dit Bertran le roy Charles de France 
une grant partie de sa raençon, et fut délivré. 

Dncoires tenoit le captai en cest temps prison à 
Heaulx, lequel traictaau roy de France qu'il eust accort 
au roy de Navarre. Et fut fait Tacort entre le roy de 
France et le dit roy de Navarre, par ainsi que le roy 
de Navarre auroit pour Mante et pour MeuUent et la 
perte qu'il receut à Mante en or monnoyé et en 
joyaulx, la baronnie de Montpeullier et la conté de 
Lunele et par dessus ce une somme d'or. Et parmi cest 
acort fut délivré le captai sans raençon et devint 
homme du roy de France. 

Le roy Charles de France envoia monseigneur Ber<- 
tran avec des gens de son conseil devers le Saint Père, 
Et là fut ordonné par le Saint Père de mettre hors les 
compengnes de France. Et alors le bastard d'Espaingne 
envoia au Saint Père comme il lui fust en aide vers son 
firere le roy Petre, lequel, comme il le signifioit, n'es- 
toit pas bon crestien. Le Saint Père, qui congnoissoit la 
malice du roy Petre qui n'estoit pas bon catholique, 
ottroya aux messages à Henry le bastard d'Espaingne 
de mener les compengnes sur son frère. Et là firent les 
diz ambaxadeurs aliance à monseigneur Bertran. Et 
donna le Saint Père un diziesme pour paier les gens 
d'armes. Puis retourna monseigneur Bertran en France 
et parlementa à monseigneur Hue de Karvelley et 



164 CHRONIQUE 

aux autres Angloiz, et fit tant par devers eulx qu'ilzlui 
convenancerent dealer avec luy. Et aussi Charles le 
roy françoiz fit grant finance au dit Monseigneur Ber- 
tran et aux cappitaines des compengnes afiin qu'ilz 
vuidassent de son royaume. Et aussi Henry le bastard 
d'Espaingne, comte de Linstremare ou Tristremare, 
mist grant peine et grant labour à atraire à lui les gens 
d'armes. Tant bonne diligence y fut mise, tant par le 
Saint Père tant par le roy que par la pecune qu'il 
donna y que les dictes compengnes tant d'Angloiz, 
Françoiz, Normans, Picars, Bretons, Gascons, Navar- 
rois et autres gens qui se vivoient de la guerre parti- 
rent hors du royaume de France. 

Cy se taist ung pou à parler des compengnes et parle 
de Pierres le bon roy de Cyppre comme après ce qu'il 
fut parti de France où il concueilly aucuns chevaliers 
lesquelz Tensuirent, c'est assavoir monseigneur Jehan 
de La Rivière, sire de Préaux à cause de sa famé, mon- 
seigneur de Basqueville, monseigneur Jehan de Fri- 
quans, monseigneur du Puchay, monseigneur de Tail- 
lan ville, roy d'Ivetot, et moult d'autres bons chevaliers 
et escuiers dont les noms ne sont pas cy retraiz. Et 
comme le roy de Cyppre fut parti du royaume de 
France, il assembla une armée par mer et manda son 
frère monseigneur Jehan le prince de Antyoche, lequel 
avoit assemblé quatre gallies armées de Geneuoys et 
bien sept autres où il avoit des frères de Tospital de 
Rodes et d'Angloiz pèlerins bien huit vingt combatans 
sans cilz de Cyppre. Avec les dessus diz s'ajousta mon- 
seigneur le prince d'Anthyoche au roy de Cyppre son 
frère. Alors comme le roy Pierron de Cyppre ouït 
son armée adjoustée, il singla droit au royaume 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 165 

d'Alixandr[i]e et entra en la rivière du Nil qui passe 
pariny Âlixaudrie. Jehan le prince d*Ânthioelie frère du 
dit roy descendi à terre , a\ec lui ceulx de l'ospital et 
les Angloiz et des chevaliers et des escuiers de Cyppre, 
en sa route de toutes gens bien trois cens combatans, 
et allèrent par terre assaillir Alixandrie. Pour lors 
estoient en la dicte rivière du Nil trois vaisseaulx de 
Turcs qui gardoient la rivière. Et si y estoient aucuns 
autres vaisseaulx de marchans qui furent prins des 
Crestiens par force d'armes fors ung qui est oit plus 
legier que les autres qui s'en fuy en Alixandr[i]e et vint 
criant en son langaige que les Crestiens venoient 
prendre la ville. Alors furent les Sarrazins d'Alixandrie 
tous esmeuzet se coururent armer. Et adonc vindrent 
présentement Jehan le frère au roy de Cyppre et les 
Crestiens de sa route. Lesquelz assaillirent une des 
portes de Alixandr[i]e par telle force qu*ilz en rompirent 
à force d'armes les manteaulx de la porte. Adonc ouït 
là ung très pesant estour à souffrir aux Crestiens. Car 
les Sarrazins vindrent là à si grant force qu'ilz estoient 
bien vingt mille et plus, et les Crestiens n'estoient pas 
plus de trois cens. Et touteffoiz tenoient ilz pié et s'i 
portèrent à l'aide de Dieu si bien et si vaillanment 
qu'ilz occistrent en celle bataille le seigneur et cappi- 
taine de la ville d'Alixandr[i]e qui estoit là lieutenant 
du soudencde Babilone. 

A icelle heure arriva et prist terre à Alixandrie par 
la rivière Pierres le roy de Cyppre, et encontre lui cou- 
rurent les Sarrazins pour lui deveer le descendre. Maiz 
les Crestiens saillirent moult hardiement des vaisseaux 
et coururent sus aux Sarrazins de glaives et d'espées 
que, par l'aide de Dieu qui plus leur aida que les armes 



i6ô CHRONIQUE 

manuelles , ilz desconfirent les Sarrazins et les firent 
fuir, chassant et decouppant par les rues. Tout le jour 
entier ne cessèrent de Sarrazins occire par maisons et 
par les temples aux maliommeries où ilz trouvèrent 
moult de richesses. 

Aucuns Turcs s'en fuirent et racontèrent à Kayre 
en Babilone comme les Crestiens avoient prins Âlixan- 
dr[i]e. Et donc le prince et maistre de la chevalerie du 
soudenc de Babilone assembla lepovoir du soudeuc et 
vint pour combatre les Crestiens. Et avoit cestui lieu- 
tenant du soudenc en sa compaignie plus de cent mille 
Sarrazins. A tout ce grant peuple mescreant vint devant 
la ville d'Alixandr[i]e. Et pour lors le frère au roy de 
Cyppre esloit aie courre sur le pais à tout ses trois 
cens hommes d*armes. Et raconta aux Crestiens coomie 
les Sarrazins venoient sur eulx à très grant et merveil- 
leux peuple. Par quoy le roy de Cyppre ouït conseil 
qu'il feist sa gent et son conquest retraire en son na- 
vire. Car les Crestiens n'estoient pas plus de trois mille 
hommes de toutes gens. Et lors vindrent les Sarrazins 
à Alixandr[i]e9 et là ouït une moult forte et moult dure 
bataille. Car les Crestiens avoient retenu huit grandes* 
maisons moult fortes dessus la rivière^ et au devant 
avoient fait hourdeiz par le conseil de monseigneur 
Symon de Tynory et du connestable de Cyppre. Là 
rendirent les Crestiens estour aux Sarrazins, pub 
entrèrent en leur navire. Et s'en retourna le roy de 
Cyppre en sa terre. Et se le roy de Cyppre eust eu 
mille hommes et mille archiers avec ce qu'il avoit , il 
eust combatu les Sarrazins comme qu'il fust. 

Cy retourne l'istoire à raconter comme monseigneur 
Bertran de Clacquin et le mareschal d'Andreheu, mon- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i67 

seigneur Hue de Karvelley, le Besgue de Villaines et 
les cappitaiues Augloiz allèrent en Espaingne en Taide 
de Henry le bastard d'Espaingne, conte deTnstemare. 
Et en son aide fut aussi le frère du roy de Arragon . 
Encontre les compengnes vint le dit comte de Triste- 
mare et reçut monseigneur Bertran et tous les cappi- 
taines à grant honneur. Puis prindrent conseil d'en- 
trer en Espaingne. Et fut ordonne que monseigneur 
Hue de Karvelley et les Ângloiz feroient l'avantgarde. 
Le roy Petre qui bien scavoit la leur venue avoit 
mis gens d'armes sur les pas et sur les destroiz. Et 
furent les Espaingnolz desconfiz si que partie en furent 
mors et les autres s'en fuirent. Et gaingnerent les An- 
gloiz les pas et les destroiz. Puis entra Henry le conte 
de Tristemare avec les Françoiz, Angloiz et gens de 
compengnes en Espaingne. Et se rendirent à lui la 
plus grant partie des bonnes villes d'Espaingne tant 
qu'ilz parvindrent à Bures ^ Parles cités et villes les 
Angloiz et les Françoiz occioient les Juifz et les Sarra- 
zins qu'ilz trouvoient. Pour la paour des compaignes 
s'en fuy le roy Petre en Sebille* la grant , et de là ala 
requérir ayde au roy de Portuigal. Maizil luy respondy 
que contre la grant compaigne n'oseroit mouvoir 
guerre. Puis s'en retourna le roy Petre en Sebille. Par 
le royaume d'Espaingne se rendirent lés villes, bourcs 
et cités au conte Henry de Tristemare. Et fut receu en 
la cite de Bures à seigneur, et là fut couronné à roy 
d'Espaingne par l'aide des dictes gens d'armes et cap- 
pitaines des dictes gens de compaignes. Et fut cou- 



1. Burgos. 

2. Se ville. 



168 CHRONIQUE 

roDné roy d'Ëspaingne Henry le Baslard Tan de l'in- 
camacion Nostre Seigneur mil trois cens soixante 
six. Ainsi advint il jadiz en Angleterre, car le bastard 
de Normendie conquist le royaume à Tespée, et eschey 
que en icellui an couroit la date en six. L'an de Tin- 
carnacion Jhesu Crist Nostre Seigneur mil soixante six, 
fut le duc Guillaume le Bastard couronné à roy d'An- 
gleterre. Et trois cens ans ensuivant fut couronné 
Henry le Bastard à roy d'Espaingne. C'est assavoir Tan 
mil trois cens soixante six par Espaingne obéirent les 
Espaingnolz au roy Henry fors ceulx de Castelle et 
ceulx de Galice. Et ces deux pais obéirent au roy 
Petre comme bons, vrais et loiaux subges. 

Pour cause que le roy estoit cruel homme à mer- 
veilleSy aucuns ont imputé par renommée qu'il estoit 
filz d'un Juifz. Et comme laroyne fut enchainte, pour 
cause qu'elle n'avoit porté par avant que filles, l'en 
raconta à la royne que le bon roy Âlfons de Castelle 
et d'Espaingne avoit dit que, se la royne avoit de celle 
groesse une fille, que jamaiz autre porteure ne feroit. 
La royne ouït paour du roy. Et comme elle ouït enfant, 
comme les imputeurs racontent, la royne ouït une 
fille. Et alors on fist qu'elle en ouït ung filz, lequel 
estoit filz d'un Juif que l'en appelloit Zil. Et icestui 
Juif que l'en appelloit Zil, après la mort du bon roy 
Alphons et de la royne, fut tout gouverneur du roy 
Petre. Par quoi ceulx qui imputoient cest blâme au 
roy Petre l'appelloient Petrezil. Mais c'est dure chose 
à croire, car la royne, celle qui l'appelloit filz, fut très 
saincte et bonne et moult religieuse dame ; et n'eust 
jamaiz fait ung tel fol hardement envers le bon roy 
Alphons son seigneur. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i69 

En NormeDdie, en cest temps, vindrent une route 
d'Ângloiz qui prindrent une ville en marescs appellëe 
Le Homme *. Et ne povoit l'en aler en celle ville que 
par une cauchie qui avoit bien demie lieue de long. 
Par le pais prindrent ces Ângloiz à guerroier. Et lors 
par le mandement du roy de France se assemblèrent 
les gentilz hommes de Normendie, avec eulx ceulx de 
Caen et des villes et bourcs de Normendie la Basse et 
vindrent assiéger les Ângloiz. Avec les Normans vin- 
drent les Navarrois et leur furent en aide. Et furent 
les Ângloiz tellement assegiés des Normans, tant Fran- 
çoiz que Navarroiz, qu'ilz furent affamés. Et comme 
ilzfurent si affamés, ilz se vouldrent rendre à la mercy 
du roy de Navarre, maiz ilz n'y furent point receuz. 
Trois des plus notables des Angloiz se rendirent lors à 
la mercy du roy de France. Ices troiz prinst le roy de 
France à mercy. 

Les nobles Normans, c'est assavoir monseigneur de 
La Ferté, monseigneur du Melle, monseigneur de 
Toumebust, monseigneur de Blainville, monseigneur 
Frlquet de Friquans, monseigneur Regnault de Bra- 
quemont firent crier l'assault. Car ceulx de Caen, de 
Bayeux et de Saint Lo avoient fait faire grans claies et 
Eût trenchier le joncs et les roseaulx des diz marées. 
Par quoy on fust entré par les marées. Et quant les 
Angloiz apperçurent ce et qu'ilz ne se pourroient tenir, 
ilz se rendirent aux Françoiz et yssirent tous desarmés 
hors des marecz. Âdonc dit monseigneur de Friquans 
auxarchiers Françoiz : « Délivres vous tost! j> Et donc 
commencèrent à traire parmy eulx, et les communes 

i, Auj. Ile-Marie, Manche, ar. de Valogne, c. de Picauville. 



i70 CHRONIQUE 

leur coururent sus^ si que en pou d'eure furent tous 
occiz et furent là occiz plus de trois cens Angloiz. Ainsi 
(ut l'en délivré d'eulx, et qui eust ainsi fait le temps 
passé, les guerres n'eussent pas tant ioneuement duré 

Cy retourne à raconter d'Espaingne. Le roy de 
Grenade doubtatant la force des compaignes, iesquelz 
chassèrent le roy Petre de son royaume qui estoit tant 
puissant. Et pour doubte qu'ilz ne vensissent en sa 
terre le getter hors de son royaume, il manda au roy 
Henry, à monseigneur Bertran de Clacquin et aux 
autres nobles hommes et cappitaines des routes des 
compengnes que, se ilz lui donnoient trêves jusques à 
trois ans, il donrroit et paieroit autel truage comme il 
faisoit ou avoit fait au roy Petre et encoires par dessus 
il paieroit grant somme d'or pour raençonner son pais. 
De ce que le roy de Grenade manda au roy Henry et à 
monseigneur Bertran il fut receu à paier le truage et 
la raençon. Et ilz lui donnèrent trêves jusques à trois 
ans par paiant ce que dessus est dit. 

Le roy Petre, dont dessus est parlé, fut couroudé 
moult amèrement de perdre son royaume d'Espaingne 
et vint à reclam au prince de Galles et de Guienne. Et 
comme il vint devant lui, il se getta à ses piéz et roropi 
son vestement. Le prince qui scavoit bien son affaire, 
quant il le vist, le redrecha et lui promist qu'il lui aide- 
roit à conquérir son royaume. Et fist sa semonce 
moult effbrciement et assembla grosse armée de gens 
d'armes armés de toutes pièces, d'archiers et d'autres 
gens de guerre. Edouard le roy d'Angleterre envoya 
son filz le duc de Lencastre à son frère le prince de 
Galles à tout grant nombre de gens d'armes pour con- 



DES QUATEE PREMIERS VALOIS. 171 

fundre etdesconfire monseigneur Bertran de Clacquin, 
pour ce que le dit monseigneur Bertran devoit avoir 
dit qu'il combatroit le roy d'Angleterre et son filz le 
prince de Galles. Dont le dit roy d'Angleterre et son 
filz le prince de Galles avoient trop grant despit que 
ung tel homme 9 simple bachellier, se mettoit en 
aramye contre eulx. Le prince fîst grant Teste de la 
venue de son frère le duc de Lencastre, puis manda au 
roy de Navarre qu'il peust passer par sa terre. Maiz le 
roy de Navarre lui respondi sur ces paroles indiiïeran- 
ment en soy excusant que moult doubtoit les Bretons 
et que moult avoit iceulx souspechonneux. 

Monseigneur Bertran ouït nouvelles que le prince 
devoit venir sur lui. Si envoia monseigneur Olivier de 
Hauny devers le roy de Navarre affin qu'il ne lui don- 
nast passage. Et comme le roy de Navarre ung jour 
chevaucoity monseigneur Olivier de Mauny le prist, et 
fut mené prisonnier en Ârragon, puis fut délivré en 
baillant hostages en disant que indeuement avoit esté 
prins. En ses raisons le ouy le roy d'Arragon, lequel 
avoit eu sa seur à femme. Et après sa délivrance 
retourna en Navarre. Le prince fist le plus efforciement 
sa semonce qu'il poult et assembla son host à Bor- 
deaux. Et là vindrent par devers le roy de Navarre le 
roy de Malogres^ le roy Petre, le duc de Lencastre, le 
conte d'Armignac, monseigneur de Larbret, monsei- 
gneur de Chendoz, monseigneur Hue le Despencier, 
monseigneur Louis de Harecourt, le sire de Chastelle, 
le captai et le sire d'Ânsellée avecquez lesquelzle prince 
tint parlement. Et en cest parlement le roy de Na- 
varre fist acort de livrer passage au roy Petre parmy 
ce que le roy Petre promist et donna au roy de Na- 



i 72 CHRONIQUE 

varre une grant somme d'argent et avec ce la cité de 
Grong' en Espaingne. Ettandiz que le roy Petre estoît 
avecquez le prince, il envoia messagiers et ambaxa- 
deurs au roy de France pour scavoir se il le faisoit guer- 
roier. Et eurent les ambaxadeurs responce du roy de 
France que par lui ne faisoient les compengnes au dit 
roy Petre guerre ne à autres, maiz les avoit par ses 
deniers mis hors de sa terre ; et se ilz estoient allés sur 
lui en Taide du roi Henry, que ce n'estoit aucunement 
par lui. Geste responce rapportèrent les' ambaxadeurs 
Espaingnolz au roy Petre. 

Le roy de Navarre print une somme d'or du trésor 
du prince pour livrer au dit prince passage et vint au 
devant pour livrer le dit passage au dit prince et à son 
host. Monseigneur Olivier de Mauny revint en Navarre 
et envoia ung syen parent par devers le roy de Na- 
varre en message de par monseigneur fiertran de Clac- 
quin. Et comme il vint devers le roy de Navarre, il fut 
prins et mis à mort. Et tantost le roy de Navarre en- 
voia monseigneur Pierres de Landuras à quatre cens 
glaives et quatre cens Navarrois, lesquelz prindrent 
monseigneur Olivier de Mauny, et fut mis en prison 
en ung des chasteaux du roy de Navarre où il fut bien 
gardé. 

Le prince parti de Gascongne o tout son host le 
plus entier et le plus parfait de bonnes gens que on 
eust vende longtemps. Son frère le duc de Lencastre, 
le captai et monseigneur Jehan de Chendoz ourent 
la première bataille. Le comte d'Armignac, le sire de 
Larbret et le sire de Pommiers ourent la seconde ba- 

1 . Lo Grono. 



DES QUATRE PREBOERS VALOIS. 173 

taille. Et avec eulx fut mis monseigneur Hue le Des- 
pencier à mille hommes d'armes et autant d'archiers. 
La tierce bataille ouït le prince et avec lui le roy Petre, 
le roy de Mallogres, monseigneur Louis de Harecourt, 
monseigneur d'Ansellée et moult grant foison de 
nobles chevaliers et escuiers. Car en Tost du prince 
estoient bien dix mille hommes d'armes, quatre mille 
archiers et six mille servans hardiz et vaillans. Et ains 
que le prince partist de Guienne, il fist acort au conte 
de Foix par le moyen du roy de Navarre. 

Aucuns Angloizy qui estoient allés en Espaingne 
avecquez monseigneur Hue de Rarvelley, parlemen- 
tèrent ensemble secrètement d'occire monseigneur 
Bertran de Clacquin dedens son paveillon. Ung d'i- 
ceulx Angloiz dist leur convine à monseigneur Hue de 
Karvelley qui le fit assavoir à monseigneur Bertran 
secrètement. Car le dit monseigneur Hue de Karvel- 
ley ne voulloit pas estre coulpable ne consentant de la 
mort d'ung si preux et si vaillant chevalier comme mon- 
seigneur Bertran de Clacquin. Quant monseigneur 
Bertran sceut qu'ilz le dévoient ou voulloient occire, 
U fil telle diligence qu'il fist prendre aucuns de ceulx 
qui avoient sa mort pourparlée et les fist mourir. 

Monseigneur Hue de Karvelley sceut que son sei- 
gneur le prince de Galles venoit sur le roy Henry et 
sur monseigneur Bertran. Lors vint parler au mares- 
chal d'Andrehen et au Besgue de Villaines et puis 
print congië à monseigneur Bertran et au dit mares- 
olial et Besgue en leur disant qu'il ne povoit ne ne 
devoit estre contre son seigneur le prince. Puis se 
parti de Tost du roy Henry et tous les Anglois et 
vindrent jusques en Navarre. Et adonc estoit le prince 



174 CHRONIQUE 

et son host au commencement de Ntirarre^ et là leur 
donna passage le roy de Navarre. 

Comme le roy Henry, monseigneur Bertran, le ma- 
reschal d*Andrehen, le Besgue de VUlaines sceurent 
que le prince o son host estoit parti de Navarre, ilz se 
partirent de Bures et se mistrent sur les champs. Et 
ala en frontière le frère au roy d'Arragon et le Besgue 
de Villaines, le Besgue de Fayeul, monseigneur Yvain 
de la Houssaye avec les diz Normans et Bretons bien 
cinq cens glaives, et le frère du roy d'Arragon avec 
lui bien bien trois mille combatans, que Espaingnolz 
que Arragonnois, et se mistrent en lieux couvers pour 
soupprendre les gens du prince. 

Le roy Henry, monseigneur Bertran et le mareschal 
d'Andrehen ne s'eslongerent point de Bures, car là 
devoit le roy garder son pais qu'il avoit oonquiz et là 
atendre ses ennemis. Avec lui furent les Espaingnolz 
fors ceulx de Sebille et de Galice qui tenoient le parti 
du roy Petre. Et comme le prince fust en Navarre et il 
eust rafreschi son host, il se parti de Navarre, et au 
partir il ala veoir la royne et lui fist grant feste. Et lui 
donna grans pierres précieuses et moult de beaui 
joiaulx d'or qu'il avoit euz du roy Petre. Puis se parti 
le prince du royaume de Navarre et print congié du 
roy qui demoura pour garder son pais. Monseigneur 
Hue de Karvelley vint devers le prince et s'agenouilla 
devant lui et lui dist comme il venoit devers lui comme 
à son droit seigneur. Et le fist assembler le prince o 
sa route avec son avantgarde et lui enquist Testre du 
roy Henry et des Françoiz et combien ilz estoient. 
Monseigneur Hue de Karvelley lui dist : et Sire, pour 
vray, le roy Henry avoit bien quant je parti de sa 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 175 

route trente mille Espaingnolz, tant de pie que de 
cheval ; et monseigneur Bertran de Clacquin, le ma- 
reschal de Andrehen et le Besgue de Yillaines et du 
Favel ont bien deux mille hommes d'armes; et le 
frère au roy d'Arragon a bien trois mille hommes 
bons combatans de Arragonnois. » 

Apres ce que le prince ouït ouy monseigneur Hue 
de Karvellev, il fist sonner ses araines et commanda 
à ceulx de son avantgarde qu'ilz chevauchassent oultre 
et tant que Tost du dit prince vint au commencement 
des destroiz du royaume d'Espaingne. Le roi Henry 
avoit envoie ung de ses frères à tout bien deux mille 
Espaingnolz que de pié que de cheval. Adonc le cap- 
tai et monseigneur Jehan de Chendoz o toutes leurs 
batailles se mistrent à pie et pourprindrent le pas et 
les destrois. Et lors les Espaingnolz s'enfuirent, et 
donc passa tout l'ost du prince et entra en Espaingne. 
Cy se taist à parler de la guerre d'Espaingne et 
raconte comme monseigneur Louis de Navarre en- 
gaiga sa terre au roy Charles de France pour aller 
cspouser la fille de la royne de Cezille dont le mariage 
avoit este pourparlé. Monseigneur Louis de Navarre, 
pour aller en Cezille et fournir son voiage, alla par de- 
vers le roy de France et lui monstra comme il lui fa- 
loit une grant somme d'or, et que, se il lui en faisoit 
finance, il lui Uvreroit la conté de Beaumont et toutes 
les forteresses qu'il avoit en Normendie avec toutes 
leurs appartenances ; et s'il ne lui plaisoit le faire, qu'il 
^voit trouvé qui lui feroit très vouUentiers. Le roy de 
Crance ouït conseil qu'il lui feroit la dicte finance 
sdHn qu'il ne tournast devers le roy d'Angleterre pour 
^voir la dicte finance. Laquelle, s'il y fust tourné, tan- 



176 CHRONIQUE 

tost et vouUeutiers il lui eust faicte pour avoir la po- 
cession et saizine des diz chasteaux et revenue. Et fut 
faicte la dicte finance au dit monseigneur Louis par 
telle condicion que le roy de France auroit la conté de 
Beaumont et les chasteaux , Passi, Âgnet^ Breval et le 
fort chastel de Beaumont avec les revenues des terres 
jusques à six ans. Par ainsi que, se dedens les six ans 
le dit monseigneur Louis ne povoit rendre la dicte 
somme, les dictes terres et chasteaux seroient acquisez 
au roy de France. Et de ce furent faictes bonnes 
Chartres. Et ouït le dit monseigneur Louis la dicte 
somme, et le roy de France fut saizi de la terre. 

Quant le dit monseigneur Louis de Navarre ouït 
receu la dicte somme d'or, il concueiili gens d'armes 
en Costentin et print à compaignon et à gueux mon- 
seigneur Eustace d' Ambiscourt \ lequel avoit bien huit 
cens combatans. Et alors vint monseigneur Louis 
prendre congié de ses seurs^ puis se parti de Normen- 
die à bien deux mille combatans de toutes gens. Et fit 
tant par ses journées qu'il vint par devers le Saint 
Père et fut moult solennelment receu des cardinaux, 
par especial de monseigneur le cardinal de Boul- 
loingne, lequel le mena au Saint Père. Monseigneur 
Louis de Navarre, comme il fut par devers le Saint 
Père, il lui requist qu'il lui ottroiast le mariage de la 
fille à la royne de Cezille. Maiz le pape ne lui ottroia 
pas, et lors se parti d'Avignon et dit au dit cardinal de 
Boulloingne : <^ Je ne perdray pas que je puisse le 
royaume de Cezille. Se Dieu plaist, le pape n'empes- 
chera pas l'avancement d'ung tel gentilhomme comme 

1 . Eustache d*Aubrecicourt. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 177 

je suy. 9 Puis print congié de son cousin le cardinal 
de BouUoingne et s'en ala en Prouvence, et là espousa 
la fille de la royne de Cezille, et fut fait chief de la 
terre de Labour. Et très bien s'i contint au grë des 
gens de la dicte terre et s'i fit très bien amer. 

Or retourne l'istoire à parler de la guerre d'Es- 
paingne que, comme le prince fut entré en Espaingne, 
et aucuns de sa route furent espanduz pour avoir des 
vivres, et une route d'Angloiz avoit chevaucé vers la 
partie où estoit embuschié le frère du roy d'Arragon, 
le Besgue de ViUaines et ceulx de leurs routes^ mon- 
seigneur Jehan Scouet, ung chevalier Breton, apper- 
çut la chevaucie et la dénonça au frère du roi d'Arra- 
gon et au dit Besgue de Villaines. Lors vindrent courre 
sus aux Angloiz les glaives es poings. Les Espaingnolz 
leur gettoient dardes et archigaies. Et les Normans, 
les Bretons et les Arragonnois se combatoient aux An- 
gloiz de leurs glaives et de leurs hasches par telle 
vertu qu'ilz rompirent leurs batailles. Et adonc mistrent 
pié à terre les Espaingnolz, Arragonnois, Normans et 
Bretons, et vindrent de grant force courre sus aux 
Angloiz tant qu'ilz furent desconfiz. Et là gaignerent 
moult de bons prisonniers. Et en ceste bataille ouït 
bien deux mille Angloiz des gens au prince desconfiz. 

Quant le prince sceut que une route de son host avoit 

esté desconfite, il fit crier que nul ne partist de son 

host et print à chevauchier par Espaingnejusquespres 

de Bures. Le captai et monseigneur Jehan de Chen- 

doz qui avoient grant désir de ruer jus et desconfire 

monseigneur Bertran de Clacquin pour son grant lan- 

gaige et vantement furent coureurs de l'ost du prince 

de Galles de son avantgarde que faisoit son frère le duc 

il 



1 78 CHRONIQUE 

de Lenquastre, avec lui monseigneur Hue de Kar- 
velley. 

En ce temps vint Jehan de Montfort^ qui avoit con- 
quis la duchié de Bretaingne par Toutrageuse emprinse 
de monseigneur Bertran de Qacquin (car le dit comte 
de Montfort offiroit au duc Charles de Bloiz offres rai- 
sonnables que le dit monseigneur Bertran ne voult 
souffrir estre ouyes, comme dessus est dit), à Paris eu 
mois de décembre, le jour que l'en chante en saincte 
église a O sapiencia^ » Et vint pour faire hommaige 
de la duchië de Bretaingne au roy Charles de France 
et lui fit hommaige et jura feaulté , puis s'en retourna 
en sa terre. Etd*illec ala o grant route de gens d'armes 
en Bretaingne pour garder le pais, pour ce que aucuns 
gens d'armes Françoiz avoient couru la terre du prince 
de Galles. 

Cy raconte que, comme le prince de Galles ouït eu 
nouvelles de la desconfiture de ses gens, il fist Tan- 
demain chevauchier son host. Monseigneur le captai 
de Bucz, monseigneur Jehan de Chendoz, monsei- 
gneur Hue de Karvelley, N. de Hollande chevaucerent 
en Tavantgarde. Et à ung destroit pas à venir à Bures 
avoit bien sept mille Espaingnolz pour garder celui 
pas. Maiz comme ilz virent venir l'ost du prince, ilz 
s'en fuirent. Alors passèrent tous ceulx de Tost au 
prince et chevaucerent jusquesasses près de Bures. Et 
là estoit sur les champs le nouvel roy Henry et les 
Espaingnolz. Monseigneur Bertran, lemareschal d'Ân- 
drehen et le Besgue de Yillaines o leurs Françoiz 
furent devant et firent une bataille divisée des Bspain- 

1. Le 13 décembre. V. Gr. Chron,, éd. in-lî, t. VI, p. 243. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i79 

gDolz, et estoient bien deux mille hommes ains plus 
que moins. Puis après furent trois autres batailles, 
c'est assavoir celle du frère au roy d'Arragon et celle 
des deux frères au roy Henry. Et la derraine avoit le 
dit roy Henry. Et en ces trois batailles estoient bien 
soixante mille hommes Espaingnolz. 

Le prince estoit en conrroy de combatre et avoit 
trois batailles dont la première avoit son frère le duc 
de Lencastre, le captai da Bures, Chendos et mon- 
seigneur Hue de Karvelley. Iceste première bataille 
vint adjouster à monseigneur Bertran de Clacquin, et 
adreça le captai sa baniere à la monseigneur Bertran. 
Dieux I com grant noise ouït à rassembler, le son des 
araines et des autres instrumens et le cry des en- 
saingnes, que d'une partie que d'autre, fussent bien 
ouis de deux Ueues loing ! Les deux premières batailles 
assemblèrent premièrement comme dit est et se com- 
bâtirent très aigrement, car de Tune part et d'autre 
estoient la meiliieur chevalerie des Crestiens. Maiz ce 
n'estoit pas partie égal. Car en la première bataille 
du prince estoient plus de huit mille hommes, tous 
gens de fait. Et en la monseigneur Bertran n'avoit que 
deux mille combatans ou environ. Non obstant ce, ilz 
combatirent et tindrent place viguereusement, et se 
combatirent tant hardiement que on ne povoit rompre 
leur bataille. Là souffrirent les Frauçoiz grant faiz 
d'armes et grief à soustenir. Car quant les diz Fran- 
çoiz, Normans et Bretons ourent combatu des glaives, 
ilz se combatirent des hasches. Qui là cheist nient 
fust du relever. Maiz trop greva les diz Françoiz une 
bataille d'archiers d'Angleterre, bien trois mille et plus, 
qui traioient de travers leur bataille sur eulx tant as- 



i80 CHRONIQUE 

prement que a pou qu'ilz ne veoient goûte, et alors 
priodrent les Françoiz à branler. 

AdoDC le duc de Lencastre fît sonner ses instrumens 
pour resbaudir sa gent et vint courre sus aus dessus 
diz Françoiz. Et à celle empainte s'en fuy du champ le 
roy Henry et ses frères et le frère au roy d'Arragon 
et les Espaingnolz. Les archiers Anglois de la bataille 
du comte d'Ârmignac et du sire de Larbret et aussi des 
Gascons alerent sur les Espaingnolz qui estoient à pië 
et en occistrent bien onze mille, tant en la place que 
en la chasse, selonTesme des gens d'armes « Et encoires 
ce durant se tenoient les Françoiz, c'est assavoir mon- 
seigneur Bertran de Clacquin, le mareschal d'Andrehen 
et le Besgue de Yillaines et leurs routes. Et enhaitoient 
ces diz seigneurs leurs gens d'armes en leur disant que 
nul pour paour ne vousist fuire. Et de très grant cou- 
rage se combatoient aux hasches et aux glaives contre 
la première bataille de leurs ennemis. Et adonc y ren- 
voya le prince monseigneur N. d'Ansellëe à tout bien 
trois mille hommes d'armes armés de toutes pièces 
qui forcloirent les Françoiz dessus diz. Et furent avi- 
ron nez de toutes pars comme les oiseaulx entre les ra- 
seurs. Et lors fallut il qu'ilz se rendissent ou ilz eussent 
esté tous decouppés. Ainsi fut monseigneur Bertran de 
Clacquin, le mareschal d'Andrehen et le Besgue de 
Yillaines avec tous ceulx de leur route comme preux 
desconfiz par la defauUe des Espaingnolz qui s'en 
fuirent. Monseigneur Bertran, après ce qu'il fut prins, 
fut admené au prince par le captai et Chendos. Lors 
dist monseigneur Jehan de Chendos à monseigneur 
Bertran : « Dan Bertran, quant je vous prins en Bre- 
taingne, vous jurastes que vous ne vous armeriez 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. i8i 

point contre le prince^ si le roy de France ou ses frères 
n'avoient guerre contre le prince ou contre le roy 
d'Angleterre. » Lors respondi monseigneur Bertran à 
monseigneur Jehan de Chendoz, présent le prince, 
disant : « A Dieu le vou, ja dittes vous veoir! Maiz 
monseigneur le prince n'a cy point de guerre; ains 
s^est armé du parti du roy Petre. Et d'autre partie 
comme souldoier du roy Henry je me suys armé en 
son aide. Et par ce dys je que je n'ay en riens enfraint 
mon serement. » 

Apres ce que le prince ouït eu victoire, il vint devant 
Bures en Espaingne. Et se rendi la cité à lui et mist 
dedens le roy Petre, lequel (ist mourir de vi Haine et 
cruelle mort aucuns chevaliers et citoiens de la ville, 
dont il fut moult hay. Et puis après le pridce s'en 
retourna en sa terre pour ce que la princesse lui avoit 
escript que aucuns Françoiz couroient sa terre de 
Guienne. Monseigneur Bertran de Clacquin (ut admené 
prisonnier à Bordeaux. Et comme il estoit prisonnier, 
il requit estre mis à raençon et si dist oultre : « A Dieu 
le vou, le prince ne me veult mettre à raençon de 
paour que je ne lui face guerre, i> présent monseigneur de 
Chendoz et le captai. Et depuis aprez fut mis à grosse 
raençon, dont le roy de France lui aida de la plus 
grant partie. Et d'autres grans seigneurs, princes et 
autres lui aidèrent tant que sa dicte raençon futpaiée, 
et par ainsi fut deli\Té. Mais ains qu41 fut mis à raen- 
çon, lemareschald'Andrehen, le Besgue de Villaines 
et les autres nobles hommes avoient esté mis à finance 
et leurs raençonspaiées. Et furent délivrés par le com- 
mandement du prince plusieurs escuiers et nobles 
hommes sans paier raençon. 



182 CHRONIQl]E 

Henry le Bastard, nouvel roy d'Espaingne, vint 
devers le pape pour le fait du royaume en Avignon. 
Et là aussi estoit monseigneur d' Angou pour le fait du 
royaume d'Arle. 

Quant le prince fut retourné d'Espaingne et venu en 
Guienne o tout son host, il tint bien quatre mois sans 
souldoier, et sans souldoiez ses gens se vivoient sur son 
pais. Pourquoy les nobles hommes de sa terre monstre- 
rent au prince que les dictes gens d'armes destruisoient 
etmengoient son pais et qu'il lesenmeisthors. Et lors 
le prince les mist hors de Guienne. Et entrèrent les 
dessus diz gens d'armes eu royaume de France et com- 
mencèrent compaigne. Dont aucuns tenoient que 
c'estoit par le prince qu'ilz estoient entrés eu royaume 
de France. Apres ce que monseigneur le Besgue de 
Villaiues fut quitte de sa raençon et délivré, o tout ce 
qu^il poult finer et assembler de gens d'armes de Nor- 
mendie il se remist à voye pour s'en aler droit en Es- 
paingne au roy Henry. Lequel, o tant de gens comme 
il poult concueillir et finer, se mistrent luy et le dit 
Besgue o sa route sur les champs et firent forte guerre et 
aspre au roy Petre et moult recouvrèrent de pais sur luy. 

En l'an de grâce mil trois cens soixante sept, le pape 
Urbain se parti d'Avignon et ala à Marcelles passer la 
mer pour aler à Romme. Et print port à Viterbe en 
Rommanye, car la dicte cité estoit del'eglize de Romme. 
Là fist longue demeure le pape ains qu'il alast à Romme. 
Et comme le pape estoit à séjour à Viterbe, sourdist 
une discencion entre les gens de la cité de Viterbe et le 
pape et les cardinaulx pour la cause de la belle fontaine 
qui est en la dicte cité. Et se rebellèrent ceulx de Vi- 
terbe contre le pape et vouldrent courre sus aux gens 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 183 

lu pape et des cardinaulx. Maiz le bon pape par son 
jnuit sens, par belles et doulces paroUes, les appaisa. 
Pour laquelle chose fist venir son mareschal qui estoit 
» affaires du pape et de Teglize pour avoir la domi* 
iftcion d'icelle ville. Lequel à grant foison de gens 
rarmesvint à Viterbe. Et comme il fut venu à Viterbe, 
1 fit mettre à mort grant nombre des citoiens de la 
nlë, et aucuns des plus puissans il fit pendre à leurs 
liaisons et les autres decappiter. fiien leur monstra 
îguereusement le meffait qu'ilz avoient fait contre la 
lignite papal. Bien y doit prendra chacun exemple. 

Apres cestui fait, le pappe se parti de Viterbe et ala 
I Romme à grant armée pour la double des Rommains. 
El ains qu'il entrast à Romme, lui fut rendu le chastel 
le Saint Ângre de Romme oultre le gré d'aucuns des 
Kommains. Et vint le pape à Saint Pierre de Romme, 
ivec lui les cardinaulx. 

Quant le pape fut venu à Romme, tantost vint après 
MF devers le Saint Père Tempereur de Romme à moult 
{nmt nombre de gens d'armes et de nobles hommes. 
El aussi vint par devers le Saint Père le bon roy de 
Hongrie à grant foison de gens d'armes et d'autre 
partie la royne de Napples. Pour la cause de leur guerre 
l'entre le roy de Hongrie et d'elle estoient ilz venus 
ilevers le Saint Père en espérance d'avoir acort. 

Cy raconte d'un fait qui advint en France entre 
deux chevaliers, c'est assavoir monseigneur Richart 
de Beaumont et monseigneur Guillaume de Hare- 
court. Le dit monseigneur Richart de Beaumont 
lia pardevers monseigneur Galiache^ sire de Mil- 

I. Galeas Visconti, podestat de Milan. 



184 CHRONIQUE 

lent. £t eu nom du roy de France, par une faulse 
lettre seellée d'un seel contrefait du seel du roy de 
France, emprunta au dit monseigneur Galiache une 
grant somme d'or. Laquelle somme d'or après long 
temps passé fut demandée aux messagiers du roy qui 
aloient à l'empereur de Romme. Et comme monsei- 
gneur Richart de Beaumont sceut que le roy avoit 
envoies messages à son oncle l'empereur pour soy 
desoccuper, il mit sus à monseigneur Guillaume de 
Harecourt cestui fait et l'en occuppa devei*s le roy. 
Pour quoy monseigneur Guillaume de Harecourt fut 
mis en prison au Temple à Paris, mais de ce fait offrit 
gaige de bataille par monseigneur Raoul de Goussy, 
oncle du droit seigneur de Coussy, qui avoit à femme 
madame Isabel fille du roy Edouart d'Angleterre et 
seur au prince de Galles. Cestui monseigneur Raoul 
de Coussy avoit espousée la niepce de monseigneur 
Guillaume de Harecourt, lequel s'excusoit par le dit 
monseigneur Raoul de Coussy par voye de droit, di- 
sant que oncques par lui ne furent les deniers em- 
pruntez au sire de Milieu. 11 avoit à Paris ung nouvel 
prevost Bourguignon nommé Hugues Âubriot moult 
aspre justicier, lequel examina monseigneur Guil- 
laume de Harecourt, avec lui des sages conseillers du 
roy. Le fait estoit tout prouvé contre monseigneur 
Guillaume' de Beaumont. Et nyoit monseigneur Guil- 
laume de Harcourt le fait que on lui mettoit sus, disant 
qu'il s'en vouUoit deffendre comme gentilz et noble 
selon la coustume de France. En baillant son gaige^ le 
dit monseigneur Richart de Beaumont vouUoit entrer 

1 . Lisez : Richard. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 185 

en champ de bataille contre monseigneur Guillaume 
de Harecourt. Maiz le fait estoit tout clerement prouvé 
contre lui qu'il en estoit coulpable. Et pour ce le dit 
prevost et le conseil le jugèrent à estre decappité. Et 
comme il fut en Teschaufaut pour estre decappité, il 
confessa que par hayne Tavoit mis sus à monseigneur 
Guillaume de Harecourt et par jalousie de sa femme. 
Et pour cause aussi, s'ilz eussent entré en champ, 
leurs amis en eussent fait Tacort sans qu'ilz eussent 
combatu en champ de bataille. Et comme il ouït con- 
fiasse le cas, il fut décapité. Et Tandemain monseigneur 
Guillaume de Harecourt fut délivré tout à plain quitte 
el absoulz d'icellui meffait. 

En icellui an mil trois cens soixante sept, Urbain 
pape de Romme ouvry le passage du saint voiage du 
Saint Sepulchre de Jherusalem. Et fut le dit voiage 
preschié et publié par la province d'Âlemaingne et de 
France. Maiz pour les guerres estans en icellui pais et 
autres poupristrent Temprise d'icellui voiage. Pierron 
le bon roy de Cyppre, qui se disoit estre roy de Jheru- 
salem, fit une grant armée de pèlerins tant Françoiz, 
Angloiz que Geneuoiz et des gens de son royaume 
pour aler de rechief eu dit saint voiage, tant que en la 
compagnie du dit roy de Cyppre estoient bien sept 
mille combatans sans les nautonniers ou mariniers. 
Pierres, le dit bon roy de Cyppre, fit une rese sur les 
Sarrazins à tout le dit nombre de Crestiens. I<e conseil 
du soudent de Babilone, qui estoit jeune au dessoubz 
de vingt ans, envoierent un Turc bon guerroier qui 
estoit ung des amiraulx du père au jeune soudent, avec 
lui bien vingt mille Sarrazins pour garder les portz 
de la marine. Et comme les Crestiens deurent prendre 



i86 CHBONIQUE 

terre, les SarrasÎDs et les Turcs leur defteiidireDl moult 
asprement, et la ouït une forte batattlê et dure. Carie 
dit amiral du soudent avoit bien six mille bons ar* 
chiers de Turquie qui trop aigrement deflendoient les 
Sarrasins. Maiz alors, par le bon conseil des chevaliers 
Françoiz et Angloiz qui estoient rusés des guerres, 
firent partir les Crestiens en deux parties. Tune amont 
et Tautre aval près de Tripple'. Et fut en celle d'amont 
le prince d'Anthyoche et les Angloiz et prindrent terre, 
car les Sarrasins ne s'estoient point départis. Et adonc 
le roy suivy son frère le prince d'Anthyoche et adjousta 
ses gens à sa bataille et vindrent combatre les Sarra- 
sins. Les Geneuoiz etlesYenisiensavoientla première 
bataille, maiz les archiers de Turquie les mistrent à 
desconBture. Et adonc monseigneur Symon de Lan- 
duras, monseigneur de Basqueville et monseigneur 
Guy le Baveux o la bataille des Françoiz et monsei- 
gneur N. de Brouas avec luy les Angloiz et monsei- 
gneur Symon de Tynory coururent sus aux glaives et 
aux espées aux dessus diz archiers de Turquie. Et par 
la grâce et plaisir de Dieu ilz les mistrent à desconfi- 
ture. Car le prince d'Anthyoche et la chevalerie de 
rOspital les secoururent moult viguereusement, et là 
ouït moult belle besoingne. Les Geneuois et les Yeni* 
siens, qui au commencement fuirent, prindrent har- 
dement en eulx et coururent sus aux Sarrasins moult 
effbrciement. 

Le bon roy de Cyppre et l'amiral de sa terre o 
toutes leurs batailles assemblèrent à F amiral du sou- 
dent, et là ouït mouk dure bataille. Car les Sarrasins 

I. Tripoy. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 187 

estoient trois tans plus que les Crestiens. Adonc les 
mariniers, qui estoient remains pour garder les vais- 
seaulx, saillirent à terre cryant fort et huant, si que les 
Sarrasins s*en esbahirent. Et par le bien fait de Tem- 
prinse plaine de hardement que les diz mariniers et 
ceubL qui estoient remains en navire firent, furent les 
Sarrasins desconfiz. Car comme les gentilz hommes 
qui estoient au dit fait racontent, ceulx qui estoient es 
diz nefz et vaisseaulx vindrent ferir les Sarrasins au 
dos de si grant courage, force et hardement que les 
Sarrasins tournèrent en fuitte et à desconfiture par 
oeste menue gent. Lesquelz Sarrasins donnoient trop 
à faire aux nobles hommes Crestiens et puissans sei* 
gneurs. 

Ce fut par la grâce et voulenté de Nostre Seigneur 
Jhesucrist que ce fait ainsi advint, car Dieu ne voulioit 
pas que sa noble chevalerie des Crestiens fust perie 
entre les mains des mescreans, et aussi pour donner 
example aux nobles, aux puissans et bonnes gens 
d'armes qui se travailloient à confundre et grever les 
ennemis de la foy. Car Nostre Seigneur Jhesucrist ne 
veult point de boban ne de vanité. Pour ce veult il 
que les petiz feissent ou par eulx fut faicte la victoire 
affîn que les grans n'y preinssent vaine gloire. 

Et comme les Sarrasins se desconfirent, ilz s'en 
prindrent à fuire. Les gens de pié qui vindrent du na- 
vire les decouppoient par derrière, et les gens d'armes 
les assailloient par devant, si que l'amiral du soudent 
s'en fuy et partie de ceulx de cheval. Mais les Sarra- 
sins de pié furent tous mors ou prins. Là ourent les 
Crestiens grant conquest de cameulx, de paveiUons et 
de despouilles. Tous estoient riches, s'il leur fust de- 



188 CHRONIQUE 

mouré. Maiz moult eu perdireut par plusieurs aveo- 
turesy ains qu'ilz veusissent en leurs contrées. 

Les ceulx qui eschapperent de la bataille, comme le 
soudent et autres, vindrent au Kayre jouxte Babilone 
où estoit le jeune soudent et son conseil. Et distrent 
comme les Crestiens les avoient desconBz et comme 
le roy de Cyppre couroit la marine. Et lors, par le 
conseil du soudent, l'amiral d'Egypte fut envoyé pour 
garder les portz et pour résister aux Crestiens. Car les 
Sarrasins et le conseil du soudent ne doubtoieut que 
les gens d'armes des compaingnes. Car ilz avoient ouy 
parler du fait d'Espaingne par le roy de Grenade et 
par le roy de Bellemarine. Si doubtoient que le prince 
et Bertran de Clacquin ne les vensissent guerroier. 
Maiz l'ennemi d'enfer a tousjours mis discencion et 
guerre entre les roys et les princes Crestiens, par quoy 
la saincte terre de Jherusalem ne peult estre recouvrée 
sus les ennemis de la foy Crestienne. 

Une route de gens d'armes Anglois, Alemans et 
autres aloientparsuivant le roy de Cyppre. Et de ceste 
compaingnie estoit cappitaine ung nommé Philip- 
pot. Cestui Philippot avoit bien quatre cens comba- 
tans qui s'estoient mis soubz lui de plusieurs pais. Et 
comme ilz singloient par la mer, ilz trouvèrent quatre 
vaisseaulx d'armée de Geneuois et Venisiens qu^ilz 
congnurent qu'ilz estoient Crestiens. Hz s'entrefirent 
grant feste et racontèrent les ungz aux autres comme 
ilz suyvoient le roy de Cyppre, et lors ilz se mistrent 
ensemble. Maiz ung vent les desvoia qui leur fut con- 
traire. Et singlerent d'icellui vent droit à Japhé à une 
joiunée près de Jherusalem. Ces Crestiens vindrent 
prendre port asses près de Japhé et descendirent a 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 189 

terre. Alors estoit à Japhé ung Turc qui estoit cappi- 
taine du pais de par le soudent. Cestui Turc à tout 
bien deux mille Sarrasins vint pour combatre les Cres- 
tiens, et les Crestiens \indrent très hardiement contre 
les Sarrasins tout à pié rengiéz en belle ordonnance. 
Maiz les Sarrasins ne firent à eulx que lancier et pa- 
leter et ne les ossoierent atendre. 

Et par aucuns qui avoient fréquenté le pais les 
Crestiens alerent prendre ung chastel degastë que les 
Crestiens tenoient jadis eu temps Godefroy de Buyl- 
lon. Les Crestiens enforcierent le dit chastel et y mis - 
trent grant foison vivres. Et là se tindrent le dit Phi- 
lippot et ses gens la plus grant partie. Et coururent 
bien cinq lieues de terre et admenerent la proye en 
leur fort. L'autre partie des Crestiens, des Geneuoiz et 
Venisiens gardoient le navire. Le cappitaine de Japhë 
sceut comme les diz Crestiens s'estoient logiës en cellui 
vieil chastel et avoient couru la terre. Il fit tant qu'il 
cuit briefment grans effors de Sarrasins et fit tant que 
par force il print le fort des Crestiens. Et partie en fit 
mourir la plus grant et aucuns mena eu chetivoison, 
et le dit chastel fit abatre et raser au prez de terre. 
Alors que le chastel fut prins des Sarrasins, Philippot, 
le cappitaine des Crestiens n'y estoit point, mais il 
estoit venu au navire pour aucunes besoingnes parle- 
menter. 

En ceste besoingne furent bien mors trois cens Cres- 
tiens. Alors qu'ilz le sceurent, ilz partirent du port et 
singlerent contreval la marine et choisirent en mer 
navire et envoierent espier se c'estoient Sarrasins. Maiz 
ilz trouvèrent que c'estoient Crestiens et estoient Hon* 
grès. Et là estoit ung bon chevalier de l'ostel du roy 



190 CHRONIQUE 

de Hongrie. Et estoient en sa compaingnie bien seize 
cens pèlerins. Toutes les deux armées, après ce qullz 
s'entrefurent diz leurs pensées et leurs aventures , se 
mistrent ensemble. Et par le conseil de Philippot ilz 
retournèrent à Japhé. Soudainement et sans noise, par 
ung point du jour, ilz se mistrent en hable et entrèrent 
en la ville qui de celle partie estoit mal fermée. Les Cres- 
tiens entrèrent en la ville et y boutèrent le feu et occis- 
trent grant nombre de Sarrasins, car ilz furent soupprins 
des Crestiens. Si les occioient à gransmonceauUparmy 
la ville et moult enoccistrent es maisons. Là vengèrent 
bien leurs compaingnons, car pour ung Crestien mort 
il occistrent bien vingt Sarrasins. Le cappitaine des 
Sarrasins s'en fuy en Babilone et raconta le fait au 
soudent et à son conseil, dont ilz furent moult trou- 
blés. Et bailla l'en au dit cappitaine trois fois plus de 
gens que devant pour chasser les Crestiens de Japhé. 
Maiz comme il vint à Japhé, ilz estoient jà partis. Etdit 
Fistoire qu'ilz avoient ouy nouvelles du roy de Cyppre. 
Et alerent à luy qui très grant feste leur (ist, car il 
avoit ouy nouvelles d'eulx et de leurs faiz. Et des lors 
qu'ilz furent adjoustés au roy de Cyppre, le dit roy 
commanda que l'en singlast où Dieu les vouldroit 
mener, et de cest singlage vint le roy de Cyppre devant 
Sur. Adonc estoit à Sur l'amiral d'Egypte, cappitaine 
de Surie de par le soudent, car cestui amiral estoit de 
par mère oncle du soudent. Par tout le pais avoit fait 
admener les vivres es fortes cités et chastiaulx, par 
quoy les Crestiens ne trouvoient nulz vivres. 

Cestui amiral , comme il apperçut Tannée d 
Crestiens, il yessi à l'encontre à bien trente mille 
rasins dont le plus estoient montez. Et en sa compai 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. I9i 

gnie estoient le plus des meillieurs guerroiers du po- 
voir au soudent. Le roy de Cyppre et les Crestiens 
vindrent pour prendre port, maiz là ouït une très 
grant et diu*e bataille à conquerre terre. L'armée des 
Crestiens qui fut à Japhé et l'armée des hospitalliers 
tous d'un front, comme se leurs yaisseaulx fussent che- 
villiés ensemble, abordèrent bandement. Les Sarra- 
sins vindrent combatre contre eulx et getterent feu qui 
esprint leur navire. Et adonc comme au desespoir 
saillirent hors et vindrent courre sus aux Sarrasins si 
hardiement que en l'endroit d'eulx ilz rompirent leur 
bataille et les desconBrent. Et lors tous les autres Cres- 
tiens yssirent hors de leur navire; et aux glaives, aux 
haschez et aux espées conquistrent à force d'armes la 
terre. Là s'i contint moult noblement le bon roy de 
Cyppre, car au descendre cellui qui portoit la baniere 
du dit roy de Cypre fut mort. Le bon roy print la ba- 
niere que cellui portoit et la leva vassaument. Son 
firere le prince d'Antyoche s'i porta comme preux, 
maiz il fut navré d'ung dart en la jambe. Maiz oncquez 
pour ce ne voult laissier Testeur et la forte bataille qui 
dura jusques à la nuyt. Adonc ouït conseil le roy de 
Cyppre de se retraire en son navire, car pour lors ne 
povoit il à Sur riens forfaire ne conquester. Et donc 
s'en repaira le roy de Cyppre en sa terre, car il n'avoit 
que trop petit de vivres en son navire. Par quoy il fal- 
lut qu'il retournast en Cyppre, et aussi se départirent 
tous ceulx de l'armée dessus dicte. 

Cy retourne à parler du royaume de France. Mon- 
seigneur Olivier de Mauny commença guerre en Nor- 
mendie au roy de Navarre et couru sa terre eu Cos- 
tentin et pilla et mist siège devant Avrenches. Maiz le 



192 CHRONIQUE 

roy de France le manda, et laissa le siège pour venir 
au mandement du roy. 

En cest temps, les compengnes qui furent avec le 
prince de Galles et d'Acquitaine en Espaingne entrè- 
rent eu royaume de France et pillèrent tout le pais 
par où y passoient, et prenoient les gens de France à 
raençon , et firent mainte grande destruction eu 
royaume de France. 

Urbain, pape de Romme, excommenia les dictes 
compengnes et maudit de Tauclorité Saint Pierre et 
Saint Pol et tous leurs soustenans appertement ou cou- 
vertement, tous leurs aliez et tous leurs confortans ou 
qui riens leur administreroient, de tous sains sacre- 
mens de Saincte Eglise les priva, et de tous biens tem- 
poreux et espiritueulx par succession ou autrement 
eulx et leurs hoirs privoitjusquez au tiers genouil. 

Par toute Teglise du povoir de Romme fut com- 
mandé que les dictes compengnes fussent excomme- 
nies et engregies et le feu et l'iaue de quoy ilz pre- 
noient leur sustentacion et les vivres dont ilz vivoient. 
Par quoy les dictes compengnes firent trop de griefz 
et de tourmens aux ministres de Saincte Eglise, quant 
ilz les prenoient, et plusieurs en mistrent à mort. Les 
dictes compengnes vindrent parmi le royaume de 
France par Bourgoingne, et là prindrent une bonne 
ville marchande que l'en appelle Vermenton *. Puis 
passèrent Seyne et vindrent en Brie et coururent 
jusquez près de Rainset prindrent par assault Tabbaye 
d'Epernay. 

Charles le roy de France fit moult grant semonce 

i. Vermenton, Yonne, an*. d'Auxerre, ch. 1. de c. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 193 

pour combatre les dictes compengnes, c'est assavoir 
monseigneur le duc de Berry, monseigneur le duc de 
Bourgoingne, monseigneur Robert d'Alençon, conte du 
Perce, monseigneur Jehan d'Ârmignac, monseigneur 
de Larbret et ses frères, le captai de Bues, monsei- 
gneur de Beaumanoir, monseigneur Olivier deClichon, 
le comte Dampmartin , les barons de Normendie qui 
s'estoient mis soubz le comte du Perche et les ba- 
rons de Picardie soubz le connestable, le comte de 
Saint Pol et le maistre des arbalestriers. 

Le duc de Berry et le duc de Bourgoingne, avec eulx 
les dessus diz haulz hommes, alerent contre les com* 
pengnes, et lors les compengnes ramonterent en 
Bourgoingne et rappasserent Seyne. Et lors en cest 
temps furent faiz mareschaulx de France monsei* 
gneur Louis de Sancerre et monseigneur Mouton de 
Blainville. Lesquelz costioient les dictes compengnes 
en gardant les villes fermées et chastiaulx du roy de 
France. 

A Sens, comme les Françoiz poursuioient les dictes 
compengnes, meust une riote des Bretons contre ceulx 
de Sens; maizles mareschaulx les appaiserent. Comme 
les dictes compengnes vindrent à Senlis devant la 
ville, ung chevalier de Normendie qui estoit en la 
ville, nommé Lyon de HacquevUle, yssy hors à com- 
batre aux barrières pour acquérir honneur. Ceulx de 
la ville ne le recuillirent point, quant besoing fut; 
pourquoy le dit chevalier fut occis. 

Cy raconte de monseigneur le duc d'Angou qui fit 

^erre aux Provinciaulx pour le royaume d'Arleblanc 

et ala mettre siège à Terrascon par terre et par le Rone. 

Et là vint à lui monseigneur Bertran de Ciacquin tout 

13 



194 CHRONIQUE 

droit de Bordeaux où le priuce lui avoit donné eslar- 
gissement jusques à certain jour pour finer de sa 
finance. Avecques le dit monseigneur d'Angou estoit 
le mareschal d'Andrehen. 

Au dit siège vint monseigneur Olivier de Mauny à 
bien quatre cens combatans de cheval sans la piétaille 
et tous Bretons. Et s'estoit parti du roy pour cause du 
captai. Monseigneur le duc d'Angou le reçut moult 
liement. Les Françoiz coururent jusques oultre le Rone 
en la comté de Prouvence. Alors ceulx de Prouvence 
tramistrent une gallie à Terrascon, laquelle fut prinse 
des Françoiz. Lesquelz destraindrent tant ceulx de 
Terrascon qu'ilz se rendirent à monseigneur le duc 
d'Angou qui y mist cappitaine et garnison en son nom. 
Puis fut fait acort entre monseigneur le duc d'Angou 
et ceulx d'Arleblanc. Et après ce monseigneur le duc 
d'Angou aida à monseigneur Bertran de une partie de 
sa raençon. Et si lui fit faire aide tant au pappe que au 
roy de France son frère tant et si que la raençon du 
dit monseigneur Bertran fut payée. Et pria et requit le 
dit monseigneur Bertran à son cousin monseigneur 
Olivier de Mauny qu'il lui feist compaingnie o ses gens 
à retourner en Espaingne, lequel lui acorda bonne- 
ment. Et aussi concuiili le dit monseigneur Bertran 
en Bretaingne et en la Basse Normendie ce qu'il poult 
finer de gens d'armes pour mener avec lui en Espain- 
gne. Et puis se mist à chemin o ses gens et la route du 
dit monseigneur Olivier son cousin. Et passèrent par 
Navarre et tant esploiterent qu'ilz vindrent en Espain- 
gne et chevaucerent droit à Toullecte* où le roy Henry 

■ 

1. Tolède. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 195 

et le Besgue de Villainestenoieut siège, lesquelz eurent 
très grant joye de leur venue. 

Cy dit ristoire que le prince de Galles, après certain 
temps qu'il fut venu de Espaingne, voult avoir et aie- 
ver une subcide sur les Guiennoiz. Maiz les barons de 
Gascoiugne le contredirent, monseigneur de Larbret 
et ses frères, le comte d'Armignac, monseigneur Jehan 
d'Ârmignac son filz et la plus grant partie des nobles 
du dit pais. Et firent faire responce par ung archediacre 
que ce n'estoit pas la voulenté aux nobles de Guienne 
que sur eulx ne sur leurs hommes eust ne preinst le 
prince aucune subvencion. Par quoy meust rumeur 
des barons contre le prince. Et pourdoubte du prince 
le comte d'Ârmignac et le sire de Larbret vindrent au 
roy dé France comme à leur souverain seigneur et se 
clamèrent du prince. Et par la dicte clameur et do- 
leance fut le prince adjourné par devant le roy de 
France. Et y furent envoyez messages qui puis ne 
retournèrent de longtemps et ne sçavoit l'en s'ilz 
estoient mors. 

Cy raconte que le jeune comte d'Aucerre fut prins 
en Bourgoingne et de ses gens d'armes mors pour ce 
qu'il avoit pillié et couru sur la terre de la contesse de 
Flandres et mourut en prison. 

'• En cel an mil trois cens soixante huit, monseigneur 
Lyon, filz du roy d'Angleterre, parti de son pais et 
vint en France pour aler espouser la fille du prince 
Bamabo de Millen^ et vint à Paris où il fut receu très 
noblement du roy de France, de monseigneur le duc 
de Berry et de monseigneur le duc de Bourgoingne 
qui alerent contre lui et lui portèrent moult grant 
honneur. Et fut moult grandement festoie du it>y. 



196 CHRONIQUE 

AprCvSce se parti monseigneur Lyon de Paris et esploicta 
tant qu'il vint à Milieu et espousa la fille du dit mon- 
seigneur Barnabo. Maiz il ne fut gaires là qu'il mourut, 
et disoieut aucuns qu'il avoit este empoisonné des 
Lombars. 

Cy retourne à parler des compaignes, lesquelz vin- 
drent devant Paris; puis se partirent de France et en- 
trèrent en Normendie. Et parti une route des com- 
pengnes dont ung nommé Briquet estoit chief et cui- 
derent prendre Loviers. Maiz monseigneur le comte du 
Perche, monseigneur le mareschal de France, seigneur 
de Blainville, monseigneur de La Ferté, monseigneur 
Claudin de Harainvillier, marescbaux de Normendie, 
et monseigneur de Basqueville avec eulx bien quatre 
cens lances s'estoient mis paravant dedens Loviers ; et 
faillirent à la prendre par la force et deffence des dessus 
diz nobles hommes avec ceulx de la ville. Quant les 
compengnes ourent failly à prendre Loviers, ilz che- 
vaucerent à force jusques au chastelde Vire où Ten ne 
se donnoit garde d'eulx et firent une embuscbe. Et une 
partie d'eulx se mistrent en la ville et tuèrent les por- 
tiers qui gardoient la porte. Et lors vint leur embuscbe 
et entrèrent en la ville de Vire et la pillèrent et robe- 
rent, et tout homme qui se mettoit à deffence estoit 
mis à mort. Apres ce aucunes routes de compengnes 
entrèrent en Mayne. Monseigneur Mouton de Blain- 
ville, mareschal de France, ala à Vire et rafreschy le 
cbastel de Vire, puis fit tant que par une somme de 
fraus d*or les compengnes laissirent Vire. Monseigneur 
Robert d'Alençon, comte du Perce, chevauça avec 
monseigneur Louis de Sancerre, mareschal de France, 
et monseigneur Guillaume du Melle droit à une prieuré 



DES QUATRE PRE^OERS VALOIS. 197 

que monseigneur Robert Sercot cappitaine d'aucuns 
Angloîz des compengnes enforçoit. Et là fut prins et 
mis à mort. Semblablement en une chevaucie que fit 
Briquet qui restoit chief d'une compaignie des com- 
pengnes, monseigneur Guillaume du Melle le fit sca- 
voir aux mareschaulx de France, lesquelz y envoierent 
des gens d'armes qui desconfirent Briquet et occistrent. 

Cy parle du noble roy de France Charles qui ala 
jusques en Lysle en Flandres pour parlementer au 
conte de Flandres pour le mariage de sa fille et d'ung 
des fireres au dit roy, c'est assavoir Philippe de France 
duc de Bourgoingne. Et d'icelluy mariage avoientpieça 
les paroles esté portées par très noble dame la contesse 
d'Artoiz, mère du dit conte. Et en ce ouït descort, car 
aucuns des bonnes villes de Flandres vouloient que 
ung des filz au roy d'Angleterre eust la dicte fille de 
leur seigneur. Maiz le Saint Père ne le voult consentir. 
Pour le dit mariage attendi par quatre jours le dit roy 
de France en la dicte ville de Lisle. Le dit comte s'en- 
voya excuser par devers le roy pour cause d'une ma- 
ladie qu'il avoit. Puis s'en retourna le roy de France à 
Paris. 

Cy dit que la ville de Caours* se retourna Françoise 
pour la cause du descort des seigneurs de Guienne, 
des bonnes villes et du prince. Et pour ce que les An- 
gloiz n'accomplissoient pas bien le traittié et que en 
plusieurs manières l'avoient enfi^aint tant par les com- 
pengnes que par plusieurs autres meflaiz, Charles, le 
roy de France, tramist messagiers au roy d'Angle- 
terre, c'est assavoir le comte de Sallebruce , le doyen 

1. Cahors. 



i 98 CHROMQUE 

de la mère église de Paris et autres. Maiz sur ce cp*ilz 
requeroient n'eurent aucune certaine resppnce. Par 
quoy le roy de France et son conseil apperçeurent 
bien que le roy d'Angleterre estoit enneray du roy de 
France et du royaume. 

Cy parle de la guerre renouvellée en Espaingne 
entre le roy Henry et le roy Petre. Et dit que, après 
ce que le prince de Galles eust remis le roy Petre en 
son royaume après sa victoire, et que après ce feust 
retourné en Guienne et mené ses prisonniers, et le roy 
Henry feust venu devers le pape et eust trouvé mon- 
seigneur le duc d'Angou, comme devant est dit, il fut 
ainsi que le prince eust mis à raençon le mareschal 
d'Andrehen et le Bègue et leurs raençons paiées. Le dit 
Bègue, comme devant dit est, vint à la cour du pape en 
Avignon où le dit roy Henry estoit avec monseigneur 
le duc d'Angou qui moult grandement Tavoit festoie 
et soUennelment reçeu. Et s'en ala en Espaingne o le 
roy Henry et conquistrent moult de villes et forteresses. 
Et comme ilz avoient assiégé la cité de Toullette et que 
le roy Petre estoit aie quérir secours au roy de Belle- 
marine, Sarrasin, lequel lui fit grant aide de Turcs et 
de Sarrasins ; cependant monseigneur Bertran de Clac- 
quin o grant secours pour le roy Henry vint en Es- 
paingne et tout droit vint au siège de Toullette. Et 
tantost après ce qu'il fut venu, vint le dit roy Petre o 
les diz Turcs et Sarrasins. Et comme le roy Henry le 
sceut , lui , monseigneur Bertran de Clacquin , le dit 
Besgue et leurs gens vindrent en Tencontre et les com- 
batirent et desconfirent. Comme le roy Petre aperçust 
la desconfiture de ses gens, il s'en fuy et se bouta en 
ung très fort chastel assis en très haulte place nommé 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 199 

Le Moncel, et là fut parsuivy du dit roy Henry, mon- 
seigneur Bertran et Besgue o leurs gens, lesquelz mis- 
trent le siège devant le dit chastel. Et comme le roy 
Petre se vit ainsi avironné de toutes pars de gens 
d'armes, il fit par ung syen chevalier privé eu qui 
moult se fioit traictier au dit Bertran et au dit Besgue 
de Yillainesque, se il le povoient getter hors des mains 
Henry le Bastart son frère, qu'il leur donneroit et 
livreroit cent mille doubles de fin or. Ceulx convoitè- 
rent Tor et distrent aux messages que si feroient ilz. Le 
roy Petre leur fit mettre terme en une certaine nuyt 
que le dit Bertran et le dit Besgue vindrent au pie du 
chastel. Et fut mené le roy Petre en une plate maison 
soubz le chastel. Et comme les diz monseigneur Ber- 
tran et Besgue en furent partis et qu'ilz ourent reçeu 
les flourinsy ainsi comme le roy Petre s'appliquoit pour 
monter et s'en aler, le roy Henry vint et dit : a Où est 
Petre, qui se dit roy d'Espaingne et de Castelle? » Le 
roy Petre dist lors : w Traïtour, je suy le roy d'Espaingne 
et de Castelle. » Et tantost couru sus au roy Henry, 
maiz la force nen fut pas au roy Petre. Car il fut prins 
et lui fit le roy Henry coupper la teste. Ainsi mourut le 
roy Petre et le dit roy Henry demoura paisible roy 
de Espaingne et de Castelle. Lequel roy Henry donna 
au dit monseigneur Bertran de Clacquin et au dit 
monseigneur le Besgue de Villaines grans terres, po- 
cessions en Espaingne, c'est assavoir au dit monsei- 
gneur Bertran la duchié de Moulinez et les apparte- 
fiances et au dit Besgue la conté de Ribedieu et toutes 
les appartenances. 

En l'an de Tincarnacion Nostre Seigneur Jhesucrist 
mil trois cens soixante huit, le premier jour du benoit 



200 CHRONIQUE 

dimenche de l'ÂventS la royne de France ouït ung 
filz dont tous les bons Françoiz ourent par le royaume 
de France grant joye du nouvel hoir du royaume qui 
ace glorieux advenement de Jhesucrist fut né. Le qua- 
triesme jour après sa nativité fut baptisé le jour Saint 
Nicolas à grant solennité. Et fut levé de fons de ma- 
dame la royne Jehenne et du comte Dampmartin et 
de monseigneur Charles de Montmorency. Et fut le 
dit enfant nommé Charles et luy donna le roy son 
père le dalphiné de Vienne. 

Alain de Mauny, o une route de huit vingt comba- 
tansy s'en vint par Prouvence. Les Prouvincieus assem- 
blèrent bien seize cens combatans et coururent sus au 
dit Alain de Mauny, maiz les Prouvinciaulx furent 
desconfiz. 

Pierres le bon roy de Cyppre fut mis à mort et occiz 
de son propre frère le prince d'Antioche en Cyppre. 
Dont ce fut grant domaige pour toute crestienté , car 
il estoit ung très vaillant prince et qui hardiemeit 
avoit guerroyé les Sarrasins. 

Cy raconte Tistoire de la guerre recommencie entre 
le roy de France et le roy d'Angleterre. Les Angloiz de 
par le roy d'Angleterre coururent en Picardie et 
prindrent Neelle soudainement. Le roy de France et 
son conseil en ourent nouvelles, et fut envoyé en 
frontière monseigneur Hue de Chasteillon, maistre des 
arbalestriers. Puis par le commandement du roy de 
France, le comte de Saint Pol et le connestable et 
monseigneur Jehan, dit Mouton, sire de Blain ville, 
mareschal de France, alerent en Picardie pour ra- 

i. V. Gr, Chron. de France, éd. in-12, t. VI , p. 266-268. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. ÎOi 

voir Neelle qu'ilz prindrent et gaingnerent sur les 
Angloiz. 

A Pasques rail trois cens soixante neuf, les bour- 
goiz d'Abbeville se rendirent Frariçoiz. Et furent les 
Angloiz mis hors de la dicte ville sans leur faire nul 
mal en riens. Et les commis de par le roy de France y 
entrèrent et furent joieusement reçeuz de ceulx de la 
dicte ville. 

Le roy de France, à grant deliberacion de conseil, 
et par les barons, prelas et bonnes villes, fit deffier 
Edouart le roy d'Angleterre. Les commis du roy qui 
estoient à Abbeville se saisirent de la conté de Pontif 
et prindrent le ckastel de Montereul que le roy d'An- 
gleterre avoit fait faire. Le roy d'Angleterre, qui se 
sentoit ung des plus puissans princes du monde, fit 
aliance au roy d'Escosse son serourge et lui tramist 
grant somme d'or. Maiz les Escoz, par especial les 
bonnes villes, ne vouldrent estre contre le roy de 
France ne contre les Françoiz aucunement. 

Cy raconte que le roy de France fit ung grant con- 
sille à Paris et fit raonstrer au peuple comme par leur 
conseil il avoit fait deflBer le roy d'Angleterre. Et pour 
celle cause fut prins le prest sur le sel sur les riches 
hommes, et afferma le roy qu'il envoieroit raonsei* 
gneur leducdeBourgoingne son frère en Angleterre. Et 
pour ce fit le dit roy grant semonce de nobles hommes. 
Et pour fournir son fait vint le roy de France à Rouen. 
£t alors ala monseigneur Philippe de France duc de 
Bourgoingne espouser la fille et héritière du conte de 
Flandres. Et après ce qu'il ouït espousée, tantost après 
il se parti et vint à Rouen où le roy son frère estoit. 
Tant comme le roy estoit à Rouen, fut faicte une ar- 



202 CHRONIQUE 

mée des gens de Seyne de la coste de Caux et de 
Somme, lesquelz coururent en Angleterre. El d'autre 
partie le roy d'Angleterre fit une armée de barges, et 
vindrent sur la coste de Somme et prindrent environ 
douze vaisseaulx que Normans que Picars. 

Edouart le roy d'Angleterre, pour rompre le fait et 
Temprise du roy de France, affin que les Françoiz 
n'entrassent en sa terre, envoya son fîlz le duc de Len- 
castre à Callais à tout plus de quatre mille combataus 
et coururent sur la terre du roy de France. Le roy qui 
pour lors estoit à Rouen pour faire aprester le voiage 
d'Angleterre, tenoit parlement à ses bonnes villes de 
son royaume, dont il avoit des bourgois de chacune 
grosse ville et cité pour avoir finance et argent. Et lors 
pour le roy requit l'abbé de Fescamp, nommé de La 
Granche, Bourgoingnon , la mousture de chacune 
myne de blé seize deniers pour myne, et sur le bre- 
vaige tant sur le vin, sur cydre que sur cervoise, le 
sixiesme denier par dessus toutes autres subvencions 
tant gabelles que imposicions. Dont le dit abbé ouït la 
malle grâce du peuple de tout le royaume de France, 
et en fut en très grant dangier de mort. Et eust esté 
cela levé sur le dit peupple, maiz les prelas, clergié, 
nobles et bourgoiz ne le conseillèrent pas ne ne con- 
sentirent, ains le furent à plain refusans. 

Ce pendant vindrent nouvelles au roy de France 
que le duc de Lencastre estoit en Picardie et couroit la 
terre du roy. Et lors fut donné en conseil au roy que 
ce seroit le meillieur d'aler premièrement combatre le 
duc de Lencastre, maiz le roy voulloit que le passage 
se feist. Et touteffoiz voult le roy qu'il fust sceu par les 
gens de ses bonnes villes lequel estoit le meillieur et 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 203 

le plus expédient. Et pour ce furent esleus quatre prê- 
tas, douze barons et douze bourgoiz qui rapportèrent 
au roy, aux prelas et clergié, aux autres nobles et 
bourgoiz que c'estoit le raeillieur d'aler premièrement 
sur le duc de Lencastre. Adonc fut crié sur les nobles 
le ban le roy que tous nobles et tenans noblement 
alassent après le duc de Bourgoingne à Abbeville. Là 
assemblèrent les Françoiz, c'est assavoir le duc de 
Bourbon, le conte du Perche, le conte d'Eu, le conte 
de Harecourt, le connestable monseigneur Moreau de 
Fieules, le conte de Saint Pol, Tevesque de Troie, le 
viconte de Narbonne, le conte Dampmartin et moult 
de haulz et nobles hommes avec eulx en la compain- 
gnie de monseigneur le duc de Bourgoingne. Chevau- 
cerent les diz seigneurs o leurs gens contre le duc de 
Lencastre et son host. 

Ce pendant le roy de France ouït nouvelles du duc 
de Bretaingne que les Angloiz esloient venuz à Saint 
Sauveur le Viconte. Et pour ce de par le roy de 
France furent envoyez en Costentin en frontière les 
mareschaulx de France, monseigneur Louis de San- 
cerre et monseigneur Jehan de Blainville dit Mouton, 
monseigneur de La Ferté et monseigneur du Melle. 
Lesquelz assemblèrent grant foison de gens d'armes, 
par especial de Normendie. Et avec eulx s'ajouxta 
monseigneur Olivier de Clichon, et mistrent le siège 
devant Saint Sauveur le Viconte. 

En cest temps, le roy de Navarre estoit nouvelle- 
ment venu à Cezarbourg. Lequel tramist messagiers à 
son serourge le roy de France en soy offrant à lui et 
aussi requérant qu'il lui recovrast terre pour la conté 
de Longueville, Mante et Meullent, et pour ce aussi 



204 CHRONIQUE 

que la terre que on lui avoit assise à Montpeullier, le 
duc d'Angou la tenoit et possidoit. Les diz messagiers 
du roy de Navarre furent longuement à la court du roy 
sans avoir responce. Et tandis que les diz messagiers 
furent en la court du roy de France, monseigneur 
Olivier de Clichon fut par devers le roy de Navarre et 
parlementèrent ensemble. Et comme il retourna en 
l'osty il fit deslogier des Bretons toute rassemblée. Car 
le duc de Bretaingne et le roy de Navarre fermèrent 
aiiance ensemble. Alors fut levé le siège, et le vint 
monseigneur le mareschal denoncier au roy de France 
qui à merveilles en fut couroucié et dolent. Et fut 
donné en conseil au roy de France qu'il envoiast de- 
vers le roy de Navarre. Et y alerent le comte de Sal- 
lebruce et des conseillers du roy, lesquelz traicterent 
de paix. 

Cy retourne à pa[r]ler de monseigneur de Bourgoin- 
gne qui ala hostoier contre le duc de Lencastre, lequel 
avoit pris place à Tournelien * en la valée. Et vint le 
duc de Bourgoingne pardevers son frère le comte de 
Flandres, puis vint à son host. Et se logierent les 
Françoiz droit devant les Angloiz pour avoir bataille. 
Maiz le duc de Lencaslre et les Angloiz, qui moult 
estoient subtilz et rusez de la guerre, doubtans la 
grant chevalerie des Françoiz et leur puissance, s'es- 
toient si fortifiez que nul ne les povoit aprochier. Le 
duc de Bourgoingne manda au duc de Lencastre ba- 
taille; et le duc de Lencastre luy octroya par ainsi que 
la place fust eslite quatre jours devant la bataille. Et 
furent chevalliers esleuz d'une partie et d'autre pour 

1. Tournehem, Pat-de-GiUu, air. Saint-Omer, c. Ardres. 



DES QU/LTRE PREMIERS VALOIS. 205 

eslire place. Maiz atant deinoura pour ce que les An- 
gloiz se vouUoient forliffier. 

Tandiz comme le duc de Bourgoingne fut à Tourne- 
hen devant le duc de Lencastre et son host, il eust 
une rumeur entre les Francoiz et les Flamens. Et vint 
le duc de Bourgoingne départir la mellée. Et si n'eust 
este présent ad ce, ung Flamenc eust tué le comte du 
Perche. Par devant les Angloiz fut monseigneur de 
Bourgoingne plus d'un moys lui et son hostet deubt 
Fen aux souldoiers la plus grant partie de leurs gaiges. 
Et les gens du pais Picars ne leur vouUoient riens 
acroire. Pour quoy le dit monseigneur de Bourgoingne 
manda au roy son frère de l'argent pour paier les diz 
souldoiers, maiz deniers ne furent point apportés. Et 
disoit la commune renommée que c'estoit par Tabbé 
de Fescamp. Et par ce que l'argent failly, se desloga 
l'est des Francoiz, ne ne peurent les haulx hommes te- 
nir leurs gens d'armes. De quoy ce fut grant honte 
et grant domaige au royaume de France. 

Cy après raconte que les Angloiz prindrent la mère 
à la royne de France, dont son filz le duc de Bourbon 
et son gendre le comte de Harecourt alerent mettre 
siège au lieu où les Angloiz l'avoient mis, maiz ilz 
s'en retournèrent. 

Apres ce que le duc de Bourgoingne et les Francoiz 
se furent deslogiéz de Tournehen, le duc de Lencastre 
s'en vint o son host d' Angloiz courant par Picardie et 
vint passer o son host à la Blanche Taque. Et puis 
chevauca tant qu'il entra en clos de Caux et vint mettre 
le siège devant Harefleu et le fit fort assaillir, maiz 
riens n'y forfit. Car la ville estoit bien garnie, et estoit 
dedans le conte de Saint Pol et grant quantité des che- 



206 CHRONIQUE 

valiers de Caux o ceulx de la ville qui bien la deffen- 
dirent. Maiz tandiz que le duc de Lencastre estoit au 
siège devant Harefleu, il envoia ung de ses mares- 
cbaulx pour assaillir Moustiervillier\ Maiz le Bau- 
drain de la Heuse o cent hommes d'armes avec ceulx 
de la ville se deflendirent très bien. Et lors quant le 
duc de Lencastre vist qu'il perdoit son temps à tenir 
siège devant Harefleu^ il se desloga et repassa parmy 
Caux ardant et bruiant^ et s'en retourna passer à la 
Blanquetaque. Et par une embusche qu'il fit faire à 
ung de ses mareschaux, fut prins le maistre des arba- 
lestriers de France et fut mené prisonnier en Angle- 
terre. En cest temps les Geneuoiz firent ung nouvel 
seigneur et mislrent leur duc en une cage de fer en 
charte. 

Le roy d'Arragon envoia messages au roy de France 
et lui requist pour son filz la fille du roy Philippe, fille 
de la royne Blanche et seur du roy de Navarre. Et en 
la parfin fut donnée au filz du dit roy d'Arragon et 
fut espousëe à Paris par procureur. La fille du conte 
de Flandres que monseigneur le duc de Bourgoingne 
avoit espousëe fut amenée en France par son aelle ma- 
dame la contesse d'Artoiz, mère du dit conte de 
Flandres. 

En Tan mil trois cens soixante dix, de par le roy de 
France, monseigneur Jehan de Guienne, monseigneur 
de Blainville, niareschal de France, et monseigneur de 
La Ferté, o plusieurs routes de gens d'armes, alerent 
en Guienueet prindreut plusieurs forteresses, puis s'en 
retournèrent aucuns en France. En Guienne, ung 

1 . MontWillien, Seine^Infériettre, arr. le Havre, ch.*l. de c. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 207 

Breton, nommé CaruoletS prist le Chasteleraut et le 
chastel monseigneur Jehan de Chendos. Et comme 
une foiz d'aventure que le dit Garuolet o de ses gens 
chevaucoit sur le pais, le dit monseigneur Jehan de 
Chendoz semblablement chevaucoit, si a vint d'aven- 
ture d'armes qu'ilz s'entrencontrerent à l'endroit d'un 
pont. Et là ouït ung moult dur pongneys euquel par le 
trait d'un archier fut le dit monseigneur Jehan de Chen- 
doz occizy lequel eu dit pais de Guienne estoit cappi- 
taine pour le roy d'Angleterre et pour le prince son fdz. 
Cy après dit que le roy de France fit faire une armée 
par mer par son admirai, le viconte de Narbonne, de 
ceulx de la coste de Normendie et de Picardie, et cou- 
rurent sur la coste d'Angleterre. Et d'autre partie, le 
roy d'Angleterre fit une très grosse armée dont estoit 
chief monseigneur Robert Canole. Et descendi à Calaiz 
et couru le dit Canole par le royaume de France jus- 
ques près de Paris. Etsourmonta le dit Canole la rivière 
de Aize et de Marne et passa Seyne parempres Troye. 
Et revint o tout son host pardevant Paris où il Ait plus 
de six jours, et couroient les Angloiz jusques aux 
faubours où il avoit souvent pongneys, et demandoit 
bataille. Maiz le roy n'oult pas lors conseil de le faire 
combatre. Et pour ce se desloga le dit Canole et ses 
gens de devant Paris. Et comme le dit Canole fut des- 
logié lui et son host de devant Paris, monseigneur 
Bertran de Clacquin, qui par le mandement du roy 
de France retournoit d'Espaingne^ arriva à Paris et 
(ut fait connestable de France; et se demist de la 
connestablerie monseigneur Moreau de Fieules. 

1. Ktr-Loet. 



208 CHRONIQUE 

Le dit monseigneur Bertran, nouvel connestable, fit 
sa semonce des nobles et parsuy monseigneur Robert 
Canole, maiz le dit Canole estoit ja entré en Bretain- 
gne. Et du dit host Canole estoit demouré derrière 
monseigneur Hue de Karveley. Et comme il senti que 
le dit connestable les parsuioit, il s'en fuy et se desloga 
d'une ville forte où il estoit. Monseigneur Bertran fit 
assaillir la dicte ville et la prist d'assault. Et comme le 
dit connestable ouït prins la dicte ville, Taudemain il 
prist une abbaye près du Mans que les Angloiz avoient 
Tortifiée. Monseigneur Tbomas de Grantson faisoit 
Tarrieregarde de Tost des Ângloiz, lequel estoit ma- 
reschal du roy d'Angleterre, avec lui bien six cens 
combatans, et estoit en une vallée nommée Mayet. 
Monseigneur Bertran sceut par ung espie que les An- 
gloiz estoient là. Tantost il se parti du Mans o pou de 
gens d'armes et clievauca toute la nuyt. Et quant les 
Françoiz sçeurent qu'il chevauçoit, tantost et hastive- 
ment suirent le dit monseigneur Bertran. Et comme 
vint au point du jour, il aperçut les Angloiz. Et lors 
tantost se mist en conrroy et en ordonnance pour 
combatre, et de fait les combati et les desconfît. Et fut 
le ditmareschal d'Angleterre prins, et l'envoya le con- 
nestable au roy de France à Paris. 

Le roy d'Angleterre envoia son filz le duc de Len- 
castre en Guienne à grant foison de gens d'armes An- 
gloiz. Et comme il fut venu à Bordeaux, il fit sa 
semonce des nobles du pais, puis ala asseoir Chasteau 
Paon' et destraint moult fort la ville. Et du pais d'en- 
tour il fit admener les vivres à son host et si fit demie 

1. Froissart appelle ce lieu MoDtpaon. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 209 

journée du pais d'entour vuidier et essarter pour la 
double du nouvel connestable Bertran de Clacquin et 
des Françoiz. Monseigneur Jehan de Vuienne qui estoit 
en Guienne et autres seigneurs le firent scavoir au roy 
de France, lequel y envoia monseigneur Bertran. Maiz 
ains que le dit monseigneur Bertran peust venir là, le 
duc de Lencastre avoit desjk prinse la ville et les 
Françoiz qui la gardoient. 

Le prince de Galles et le captai de Bues, avec eulx 
grant nombre de gens, alerent assegier la cité de Li- 
moges. Et à eulx vint o ses gens le duc de Lencastre, 
et jurèrent le siège. Monseigneur Jehan de Vinemeur 
estoit dedens la cité qui très efTorciement la defTendoit. 
Et les Angloiz qui avoient foison d'engins les faisoient 
getter jour et nuyt. Le duc de Lencastre fist miner la 
ville, et estoit avec les mineurs, et lui en sa propre 
personne les guettoit. Le dit monseigneur Jehan de 
Vinemeur fit faire contremine. Dont il advint que les 
mineurs se entre encontrerent et coururent sus les 
ungz aux autres. Lors eschey que le duc de Lencastre 
et monseigneur Jehan de Vinemeur se combatirent 
Tun contre Tautre très vassaument. Dont dit le duc de 
Lencastre : « Qui es tu qui si fort te combas à moi ? Es 
tu comte ou tu es baron ? » — « Nennin, dist Vinemeur, 
mais je suis ung povre chevalier. >> Adonc dit le duc 
de Lencastre : « Je te prie que tu me diez ton nom 
puis que tu es chevalier, car tel porras estre que j'auray 
honneur de m' estre essayé à toy ou tel que non. » 
Donc dit Vinemeur : « Saches, Angloiz, que oncquez en 
armes ne regniay mon nom. J'ay non Jehan de Vine- 
meur. » Adonc dit le duc de Lencastre : a Monseigneur 

Jehan de Vinemeur, j'ay bien grant joye que je me suy 

14 



210 CHRONIQUE 

esprouvé contre si bon chevalier comme vous estes. 
Si sachiez que je suys le duc de LencastreS » Et atant 
remaint la dicte bataille d'eulx deux. Et les autres se 
mistrent avant, et dura Testour jusques à la nuyt. Et 
fut là blecié le duc de Lencastre d'une des estaies qui 
froissa. 

Apres ce que dit est, le prince de Galles et le duc de 
Lencastre firent efTorciement assaillir et continuelment 
la cité de Limoges, et tant la destraindrent que par 
force la prindrent. Et moult des citoiens mistrent à 
mort pour ce qu'ilz s'estoient renduz Françoiz. Mon* 
seigneur Jehan de Vinemeur et aucuns de la dicte cite 
se retraireut en ung moustier où ilz se tindrent et là 
se combatirent moult longuement. Là se contint le 
dit Vinemeur moult vassaument, maiz par la force du 
duc de liencastre ilz furent prins. 

Apres ce que la cité de Limoges fut prinse, le prince 
de Galles pour cause de maladie fut porté en une litière 
à Bordeaux, et le duc de Lencastre couru le pais. Mon- 
seigneur Bertran fit sa semonce à Bourges en Berry 
pour aler en Guienne. Et comme il parsuioit une route 
d'Angloiz, ung orage ou tampeste du temps chey sur 
les Françoiz dont ilz perdirent moult de leurs che- 
vaulx. Et lors s'estoient les Angloiz retraiz. Et donc 
retourna le dit monseigneur Bertran à Paris. 

Gy raconte que entre le roy de Navarre et le roy de 
France furent faiz plusieurs parlemens pour traictier 
de paix entre les diz rois. Et furent les conseilz ainsi 
d'acort que le roy de Navarre vendroit devers le roy 

i . Froissart n*a pas rapporté ce beau dialogue chevaleresque. Voy. 
Chron.f liv. I, part. II, chap. cccxx et cccxxx, éd. du Panthéon, t. I, 
p. 619-031 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 211 

de France. El vouiloit le dit roy de Navarre avoir ung 
des frères du roy de France en hostage, maiz nul des 
diz frères n'y vouloit aller. Pour quoy il fut ordonné 
que aucuns seigneurs, certains prelas et bourgoiz se- 
roient en hostage pour le dit roy de Navarre. Le roy 
de France vint à Vernon à grant nombre de haulz sei- 
gneurs. Et de Vernon alerent en hostage monseigneur 
Philippe d'Alençon, archevesque de Rouen , Tarche- 
vesque de Sens^ le comte d'Estampes, le comte de Sa- 
lebruce, le comte Dampmartin et le comte de Genevre, 
monseigneur de Blainville, monseigneur d'Estoute- 
ville, monseigneur de Graville et plusieurs autres 
nobles hommes et des bourgoiz de Paris et de Rouen. 
Tous les dessus diz hostages furent par monseigneur 
Bertran de Clacquin, connestable de France, conduiz 
G grant quantité de gens d'armes et sauvement menez 
à Evreux. Car pour lors les fortz de Couches et de 
Bretueil, lesquelz est oient garnis d'Anglois et de Gas- 
cons, faisoient guerre et moult grevoient le pais. Et 
comme les hostages furent à Evreux, le roy de Navarre 
se parti d'Evreux et emmena avec lui le comte d'Es- 
tampes, et tous les autres demourerent eu chastel 
d'Evreux. Et le roy de Navarre , le comte d'Estampes 
et monseigneur Bertran s'en vindrent à Vernon. Et 
comme le roy de Navarre vint devant le roy de France, 
il s'agenouilla par trois fois. Le roy de France le fit 
lever, puis s'entrebaiserent les deux roys, et fut paix 
confermée par entre eulx. 

Eu dit an mil trois cens soixante dix, le bon pappe 
Urbain retourna à Romme, et le ala quérir de par le 
roy de France l'abbé de Fescamp à plusieurs gallées 
garnies de gens d'armes. Et comme il fut venu à Avi- 



212 CHRONIQUE 

guoD, il ne vesqui guerres après et trespassa ung pou 
devant Noël. Et fut mis en sépulture en Tabbaye de 
Marcelles dont il avoit esté abbé quant il fut esleu à 
pape. En Tan de rincarnacion Nostre Seigneur mil 
trois cens soixante onze, selon Tusaige de Romme, fut 
esleu et sacré pape le cardinal de Beaufort et fut ap- 
pelle Grégoire. Et après ce le dit pape envoia le cardi- 
nal d'Angleterre légat et autres pour traictier de paix 
entre le roy de France et d'Angleterre. 

Cy retourne à parler du roy de France et du roy de 
Navarre. Car comme ilz furent d'acort, le roy de Na- 
varre manda le cappitaine de Couches et de Bretueil 
pour rendre les fors qu'ilz gardoient. Ad ce respondi 
Toncle du captai que de par le captai gardoient les diz 
fors et aussi ne les rendroient fors à lui et non à 
iautre. Et leur furent données trêves jusques à six sep- 
maines. Et le roy de Navarre et monseigneur Bertran 
alerent à Caen pour faire vuidier les forteresses des Gas- 
cons, Angloiz et Navarrois. Et comme ilz furent à Caen^ 
le roy de Navarre manda Rifïlart de Tulhay cappi- 
taine de Tury* et fit tant à luy qu'il luy promist rendre 
le dit fort de Tury. Comme RifHart fut retourné à 
Tury, il parla aux Anglois et leur dit : « Beaux sei- 
gneurs, je vieng du roy de Navarre qui m'a dit que il 
a fait paix avecques le roy de France et ne fera plus 
guerroier. J'ay prins congié de luy. Or n'y a fors de 
soy pourveoir. Car je doubte que monseigneur Ro- 
bert d'Alençon, comte du Perche, et monseigneur Ber- 
tran ne viengnent icy mettre le siège. » Les Angloiz lors 
respondirent qu'ilz yroient chevaucier sur le pais 

I. Harcourt-Thury, Gilvados, arr. de Falaise, ch.-l. de c. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 213 

pour eulx advitaillier et se partirent de Tury. Et 
comme ilz furent hors, on leva le pont et lors s'escria 
RifTIart de Tulhay : « Moult [s/c] joye Saint Denis! w 
Et dit aux Angloiz : « Ne soyez plus retournans, car 
ne enlreres en Thury. )^ 

A Penthecouste , Tan mil trois cens soixante onze, 
le roy de France tint grant court. Et y fut le roy de 
Navarre et le duc d'Angou, frère du roy de France, et 
grant nombre de baulz et nobles hommes de France. 
Et adonc fit le roy de France Tacort du dit roy de Na- 
varre et du dit duc d'Angou. Puis après ce le connes- 
table monseigneur Bertran de Clacquin ala mettre le 
siège devant Couches. A prendre le siège, les Anglois 
et Gascons firent une saillie, et là ouït grant escar- 
muche. Et furent les diz Gascons et Anglois reboutés 
par force dedens le fort, et à la retraitte blecerent 
grant foison des Françoiz du trait. Et y fut blecié le 
comte du Perche, et monseigneur Raoul Maillart oc- 
ciz. Puis resaillirent ceulx de Couches par une autre 
porte. Et prindrent des Françoiz de Tost et si prindrent 
des gens qui menoient vivres en Tost et tout menèrent 
en leur fort. 

L'abbé de Fescamp retourna de court de Romrne. 
Et retrencha Ten les garnisons, et ordonna Ten deux 
bastides devant Couches, et leva Ten le siège. Dont ce 
fut grant domaige pour le pais , car ceulx de Couches 
reprindrent à pillier et destruire le dit pais. Charles 
le roy de Navarre vint devant Couches et devant Bre- 
tueil affin qu'ilz se rendissent, mais oncques pour luy 
n'en vouldrent riens faire. 

En ce temps, madame de Bourgoingne, fille du 
comte de Flandres, acoucha d'un fiiz. 



li 4 CHROmQUE 

Cy raconte des legas du pape lesquelz, après ce 
qu'ilz eurent esté pardevers le roy de France, allèrent 
en Angleterre pour traittier de paix au dit roy d'Angle- 
terre d'entre lui et le roy de France pour mettre chres- 
tienté en bonne paix et union, et que l'en peust guerroier 
les ennemis de la foy, et que armée se fourmast et 
voiage se feist à chasser les mescreans de la Saincte Terre 
de Jherusalem, ainsi que le roy de France se sub- 
mettoit du tout en l'ordonnance du Saint Père de faire 
du descort et de la guerre qui estoit entre les diz roys. 
A cestui premier traictié fut tout à plain refusant le 
roy d'Angleterre. Item, les diz legatz distrent que le roy 
de France s'en submettoit en l'ordonnance de l'empe- 
reur. Le dit roy d'Angleterre le fut refusant. Item, les 
diz legatz distrent au roy d'Angleterre que le roy de 
France s'en mettoit en l'ordonnance de quatre roys 
Crestiens. Le dit roy d'Angleterre le fut refusant. Item, 
les diz legatz distrent au roy d'Angleterre que, de qua- 
rante personnes tant chevaliers que bourgoiz prins du 
royaume d'Angleterre et autant semblablement prins 
du royaume de France, que sur ce que ces quatrevingt 
preudommes diroient et jureroient, le dit roy de 
France s'en mettroit en leur ordonnance. De tout ce 
le roy d'Angleterre fut refusant. Atant se partirent les 
diz legatz du pape du dit roy d'Angleterre sans riens 
faire et s'en retournèrent. 

En cest temps, les bons barons de Bretaingne, 
monseigneur de Beaumanoir, monseigneur Olivier de 
Clichon, monseigneur de Laval et moult d'autres 
haulx hommes avoient mis siège à Becerel ^ comme le 

I . BéchercI, Ule-et-Vilaine, air. de Montfort, ch.-l. dec. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. «15 

connestable avoit fait à Conches. Les Angloiz» qui sont 
moult subtilz de la guerre, affin qu ilz peussent remuer 
le siège, vindrent bien sept cens combatans en Bre- 
taingne. Et fut mandé au connestable que hastivement 
alast vers le dit siège. Maiz les cappitaines de Fost 
avoient mandé les genz de Caen, de Baieux et de 
Saint Lo et de par tout le pais et les mistrent à garder 
le siège. Et ilz alerent contre les Angloiz. Et comme 
les Angloiz le sceurent, ilz s'en retournèrent en leur 
pais. Et le connestable et le comte du Perche s'en re- 
tournèrent au siège de Conches. Et comme ilz furent 
là venuz, ilz firent une escarmucbe où il ouït moult 
de gens d'armes bleciéz. Maiz le connestable tint tant 
son siège, et furent ceulx de Conches si destrains de 
ceulx des bastides que la ville et chastel se rendirent. 
Et s'en partirent les Gascons, et monseigneur le con- 
nestable y mist garnison de Françoiz. Et puis donna 
le roy de France Conches, la terre et les appartenances 
de la viconté au connestable Beriran de Clacquin. 
Monseigneur Olivier de Clichon, le viconte de Rohen, 
monseigneur de Laval, monseigneur de Beaumanoir 
et les autres barons de Bretaingne, lesquelz avoient 
tenu siège devant Becherel plus d'an et demy, eurent 
lettres du duc de Bretaingne comme le chastel meissent 
en sa main. Maiz après ce qu ilz eurent leu et entendu 
le mandement, ilz firent tant que le chastel leur fut 
rendu. Lequel ilz prindrent et receurent eu nom du 
roy de France, leur souverain seigneur. 

Cy raconte l'istoire de la guerre d'Alemaingne. En 
cel an mil trois cens soixante onze, le duc de Guéries 
et le marquis de JuUiers avoient meu guerre au duc de 
Braban, frère de l'empereur, oncle du roy de France, 



210 CHRONIQUE 

du duc d'Angou, du duc de Berry et du duc de Bour- 
goingne, frères du dit roy de France. Et estoit le dit 
duc de Guéries entré en la terre du dit duc de Bra- 
ban. Le duc de Braban donna une terre au duc de 
Julliers pour estre en son aide contre ceulx du Liège 
en la bataille de Steps où par les miracles saint Lam- 
bert le duc de Braban fut desconBt pour ce qu'il avoit 
fait destruire et destruit Saint-Lambert. 

Apres par l'espace de long temps, le duc de Braban 
toUit la dicte terre au dit duc de Julliers. Et du temps 
Louis de Bavière, le duc de Julliers, qui eust en son 
aide le comte de Henault, Guillaume, qui mourut en 
Frise, si reconquist ceste terre, et par la force du dit 
comte de Henault il desconfit les Brabançons et si fit 
une forte ville nommée Aast. 

Apres la mort du duc de Braban qui ouït nom Je- 
han, lequel ouït deux filles, dont Tune ouït le comte 
de Flandres à qui son père mourut à la bataille de 
Cressi, et l'autre fille ouït le duc Vincelaux, duc de 
Luxembourg, filz du bon roy Jehan de Behaingne qui 
aveugla lequel mourut à Crecy, et fut frère de l'empe- 
reur Charles et oncle par mère du roy de France et des 
ducs ses frères devant diz; quant le duc Vincelaux 
ouU à moullier Jehenne la duchesse de Braban et il 
fut saizi, il voult avoir Aast et semont ses amis et ses 
hommes et vint assegier la ville d'Aast et tant fit par 
sa force qu'il la reconquist. Le duc de Julliers guer- 
roya le duc de Braban, en son aide le duc de Guéries 
duquel il ouït à moullier sa seur, et vindrent à host 
bannie. Le duc de Julliers et cil de Guéries entrèrent 
en Braban et coururent le pais, ardirent, bruirent et 
prindrent prisonniers et moult domaigerent le pais. Le 



DFS QUATRE PREMIERS VALOIS. Î17 

duc de Braban manda ses amis, le comte de Saint 
Pol, monseigneur Jacques et monseigneur Robert de 
Bourbon, Guillaume et Guyon de Namur, monseigneur 
de Rochefort, le conte de Cleves, Robert Darque frère 
de l'evesque de Liège, le seneschal de Henault, le pre- 
Tost de Buillon et les Brabançons tant de cheval que 
de pie. Et vint le duc de Braban o son host en la terre 
du dit duc de Julliers. Et premièrement y entrèrent 
monseigneur Robert, o lui les Françoiz qui avoient 
Tavantgarde. 

Le duc de Julliers et le duc de Guéries, le comte de 
Nazo, le sire de Vitefaille*, le sire des Rusces, le senes- 
chal de CouUoingne, frère de Tarchevesque, o moult 
grant gent yssirent de Julliers à trois batailles. Dont le 
mareschal de Julliers o sa bataille ala devant. Mon- 
seigneur Robert de Namur o son frère et une partie 
de Françoiz alerent contre. Et là ouït dure et Bere 
bataille. Et à force d'armes furent les Allemans des- 
confiz et le mareschal prins. Ceulx qui eschapperent 
fuirent au duc de Julliers qui venoit à deux grosses 
batailles, lui et le duc de Guéries qui dist : « Où est 
la bataille au comte de Saint Pol ? Là yray ferir. S*il 
peult estre desconBt, je ne prise riep le demourant. » 
Lors s'adreça vers la bataille au duc où estoit le comte 
de Saint Pol, o lui maint noble chevalier. Et là 
commença bataille dure et pesante qui dura longue- 
ment. Et jouxtèrent corps à corps le dit duc de 
Guéries et le dit comte de Saint Pol et s'entre na- 
vrèrent mortelment. Le duc de Guéries leva sa visière, 
et ung arbalestrier le fery qui l'occist. Ung syen escuier 

i. Westphalie. 



218 CHRONIQUE 

monta derrière lui et le soustint mort ainsi qu'il 
apperoit vif. 

Le duc de Julliers, le comte de Nazo et les Rusces 
et les Vitefailliens yindrent de grant courage et à force 
ferir sur les Barbançons tant qu'ilz abatirent Festan- 
dart au duc de Braban. Et tournèrent Barbançons à 
desconfiture. Là fut prins le duc de Braban et maint 
bon chevalier prins prisonnier. La bataille de ceulx 
de TAucefrite combatirent la bataille de monseigneur 
de Namur et des Françoiz, lesquelz faisoient Tyais ' 
reculer. Le comte de Nazo vint par derrière ferir. Et 
quant Françoiz et Navarrois se virent enclos, ilz se 
rendirent. Et furent prins prisonniers tous les nobles 
chevaliers ou occiz. Monseigneur de Rochefort^ 
monseigneur de Tyns, monseigneur de Fauquemont, 
monseigneur Robert Darque y furent occiz. Monsei- 
gneur le comte de Saint Pol s'estoit mis hors de Tes- 
tour. Ung villain Rusce le fery par la teste d'une grant 
machue et Toccist. Le dit villain Rusce s'en vanta de- 
vant le duc de Julliers qui fit trainer et pendre au gi- 
bet le dit Rusce qui avoit occiz ung si noble prince. 

Le duc de Julliers mercia Dieu de sa victoire. Et 
fut son filz duc de Guéries. Lequel après certain temps 
après ceste devant dicte bataille fit sa semonce pour 
aler sur le duc de Braban. Lequel duc de Braban ouït 
en son aide le conte de Saint Pol et son filz qui lui 
appartenoient de lignage. Monseigneur Jacques de 
Bourbon^ le seneschal de Henault, monseigneur Raoul 
de Reneval et moult de nobles hommes alerent avec- 
quez le dit duc de Braban pour combatre le dit duc de 

1. AllemancU. 



DKS QUATRE PREMIERS VALOIS. ii9 

ruerles. Et ouït le dit comte de Saint Pol et Robert de 
[amur o les barons de France la première bataille. Et 
hevaucerent contre le duc de Guéries, maiz ilz ne 
irent pas suys de Barbançons. Car les Angloiz se 
listrent entre eulx et les Barbançonnois. Adonc com- 
lençala bataille dure et pesant. Et vint courre sus le 
uc de Guéries aux Françoiz. Car bien lui estoit adviz 
ue, s'ilz estoient vaincus, legierement seroient les 
litres desconfiz. Et là ouït trop merveilleux estour et 
lit et s'entre coururent sus de glaives. Et dura moult 
loguement la bataille dure et mortel, dont il convint 
lourir maint noble homme. Puis mistrent main aux 
ipées. Là se portèrent vaillanment le comte de Saint 
cl et ceulx de sa partie. Maiz la chose estoit mal par- 
e. Car le dit comte de Saint Pol n'avoit pas sept cens 
>mbatans, et le duc de Guéries en avoit plus de huit 
lille. Si ne les peurent souffrir cil de la partie au dit 
>mte de Saint Pol, et leur convint perdre place. Et 
»r8 le duc de Guéries vint sur le comte de Saint Pol. 
e comte de Saint Pol luy couru sus, le glaive au 
^ing, plain d'ire de ce qu'il veoit sa gent mourir en- 
lur lui. Et aussi le duc de Guéries et lui s'entre 
lioient mortelment. Et scavoit bien que, se le duc de 
uerles le prenoit vif, qu'il le feroit mourir en prison, 
t dit que de bonne heure fut né, se par ses mains 
m ennemy estoit occiz. Lors couru seure au duc de 
uerles. Et le duc de Guéries, comme il le congnust, 
i couru seure. Et s'entreferirent ambedeux parties 
ir tel vertu de leurs glaives que tous deux en mou* 
vent, tant s'entre frappèrent de grant yre et obéirent 
terre tous deux envers et mors. Lors fut grant la 
îëe d'une partie et d'autre. Et comme le duc de Bra- 



220 CHRONIQUE 

ban vit la bataille, il dit à ses hommes : « Qui me 
aymera, si me suyve! J'auroie plus chier estre mort 
que je ne feisse secours à ceste bonne chevalerie de 
France. » Lors se bouta en labataille, lui et trois mille, 
que chevaliers que escuiers. Maiz il ne fut ne aidé ne 
secouru de sa gent commune, maiz s'en fuirent comme 
faulx et mauvaiz. Adonc.fut la bataille forte et dure. 
Et se porta vaillanment le duc de Braban. Et fit si 
grant effbrs d'armes lui et les syens qu'il se mit en la 
bataille des Françoiz qui soustenoient pesant faiz et 
grant charge d'armes. Maiz pou leur valu. Car ung des 
filz au duc de Julliers, lequel fut duc de Guéries, les 
avironna si fort de toutes pars qu'ilz ne peurent souf- 
frir Testour. Et là furent prins iceulx haulz hommes, 
le duc de Braban, le filz au comte de Saint Pol, mon- 
seigneur Jacquez de Bourbon, monseigneur Guillaume 
et Guy de Namur, le seneschal de Braban , monsei- 
gneur Raoul de René val, le seneschal de Henault et 
moult d'autres nobles hommes. Et les emmenèrent 
prisonniers ceulx de Guéries et de JuUiers et moult 
occistrent de ceulx de pié et moult en périrent et 
noierent en la rivière de Meuse. 

En ce temps fut ars à Rouen ung herese qui se fai- 
soit appeller Jehan Dieu, lequel maintenoit moult de 
faulses opinions contre la foi catholique. 

En cel an mil trois cens soixante onze, le duc de 
Lencastre parti d'Angleterre à grosse armée et vint en 
Guienne. Et adjousta à lui le captai et vindrent mettre 
siège à Montcontour. Hz assaillirent le fort efforcie- 
ment. Ceulx du chastel le mandèrent au roy de 
France. Et comme les nouvelles en furent venues au 
conseil du roy, les conseulx furent longs pour avoir 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 221 

finance. Et ne poult promptementle connestable avoir 
deniei*s pour paiersouldoiers. Il fut ordonné qu'il au- 
roit deux mille paies. Et se parti le connestable, o lui 
grant foison de bonnes gens d'armes, et chevauça 
jusques près de Montcontour, maiz ce fut trop tart. 
Car environ quatre jours ains qu'il vensist, le duc de 
Lencastre et le captai avoient prins le fort. Âdonc 
quant le connestable vist qu'il avoit failli à secourir 
Montcontour, il fut moult yré et commanda l'assault. 
Et alerent Françoiz assaillir, maiz pou y firent. Carie 
dit fort estoit bien garny, et l'avoit le duc de Lencastre 
rafreschi de bonnes gens d'armés, d'archiers et de 
vivres, maiz depuis le prist le dit connestable Ber- 
tran. 

De la guerre par entre ceulx de Mets et le duc du 
Bar ouït une bataille empres le chastel de Montfaucon , 
et eurent ceulx de Metz victoire. Et y ouït moult grant 
estour et moult y ouït prins de nobles hommes, le 
nepveu de l'empereur et monseigneur N. du Bar et le 
seneschal du Bar et moult d'autres nobles hommes. 

Par entre le roy de Navarre et monseigneur Robert 
d'Alençon, comte du Perche, fut fait acort que le dit 
monseigneur Robert d'Alençon auroit à femme ma- 
dame Jehenne de Navarre, seur du roy de Navarre. 
Et ala ledit comte du Perche au Pontaudemer et là la 
fiança à prestre et à clerc. Et après ce le dit roy de 
Navarre et monseigneur Philippe d'Alençon arche- 
vesque de Rouen et le dit monseigneur Robert d'Alen- 
çon, comte du Perche, son frère, s'en vindrent à 
Rouen pour y faire les neupces. Et comme il furent 
partis du Pontaudemer, le doien de Therouenne se 
saizi de la ville du Pontaudemer et du chastel et eu 



222 CHRONIQUE 

mist hors les gens du roy de Navarre et sa seur, et fut 
amenée à Jumieges. Et lors hastivement le dit roy de 
Navarre, le comte du Perche^ le comie de Harecourt, 
monseigneur Jacques de Harecourt et plusieurs autres 
nobles hommes alerent au dit Pontaudemer. Et là fit 
aoort le dit doien au dit roy de Navarre et lui fit sere- 
ment de garder son dit fort loiaument pour lui et en 
son nom. Et y mist de rechief de ses gens le dit roy de 
Navarre. Et après ce le dit roy de Navarre retourna à 
Rouen et y amena madame Jehenne de Navarre sa 
seur. Et de Rouen ala à Paris pour confermer le dit 
mariage de sa seur et du conte du Perche. Maiz il ne 
plust pas lors au roy de France que le dit mariage se 
feist, dont les parties furent moult dolentes. Et se par- 
tirent le roy de Navarre et le conte du Pçrche de la 
court du roy de France et fut madame Jehenne de 
Navarre ramenée au Pontaudemer. 

Apres ce le roy de Navarre requit au roy de France 
que Montpeullier luy fust délivré, comme il le devoit 
estre pour la restitucion de Mante et de Meullent. Il 
luy fut acordé du roy de France. Et fut fait mande- 
ment de par le roy de France à monseigneur le duc 
d'Angou qu'il meist en saizine le roy de Navarre de 
Montpellier et de toute la terre et appartenances. Et 
lors après ce se parti le roy de Navarre de Paris et ala 
vers Montpellier et vint à Lyon sur le Rone. Et ala par 
l'empire en Avignon pour la double de monseigneur le 
duc d'Angou. Car par entre eulx avoit haine pour 
cause de la dicte baronnie de Montpellier. Le duc 
d'Angou disoit Montpellier estre syen et que le roy 
Jehan son père lui avoit donnée. 

Comme le roy de Navarre fut venu à Avignon, il ae 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 223 

complaint au Saint Père du dit duc d'Ângou qui à 
force lui detenoit Montpellier. Monseigneur le duc 
d'Angou, comme il sceut que le roy de Navarre estoit 
là, y ala à bien mille combatans, et fut logié en sa per- 
sonne et aucuns de ses prochains dedens le palais du 
pape. Le Saint Père fut moult désirant de les mettre à 
acort. Leduc d'Angou monstra comme il tenoit Mont- 
pellier du don de son père. Leroy de Navarre monstra 
comme le roy de France avoit baillié en assiete de terre 
Montpellier et les appartenances pour la conté de Lon- 
gueville, Mante et MeuUent. Et se le roy de France lui 
veult laissier sa terre, il ne demandoit riens à Mont- 
pellier. MouU y ouït dittez de raisons d'une partie et 
d'autre. Et fut Tacort tel en conclusion que le roy de 
Navarre auroit Montpellier, et en (ut mis en saizine et 
en possession. 

Cy après dit comme une route d'Anglois vindrent 
escheller ung fort empres Paris appelle Rochefort *, 
lequel fut prins des diz Angloiz. Les nouvelles en vin- 
drent au roy de France. Et pour lors le connestable 
Bertran et monseigneur Olivier de Clichon estoient à 
Paris, lesquelz chevaucerent appertement contre les 
Angloiz. Et comme les Angloiz les virent venir, ilz 
firent une yssue contre eulx et mistrent leurs prison- 
niers eu dangon et y laissèrent six Angloiz pour les 
garder. Monseigneur Olivier vint pour assaillir de la 
partie du dongon. Et le connestable ala vers le belle' 
du fort, et parvint le premier, et moult aigrement fit 
assaillir et eflbrciement le dit chastel. Les prisonniers 

1. Seine-et-Oiie, arr. de Rainbouillet, c. de Dourdan. 
3. Baile, mot de l'ancien français qui désigne la coar de devant atte- 
nante à une habitation. 



224 CHRONIQUE 

qui estoient eu dongon virent comme tous les Angloiz 
estoient yessus et qu'ilz n'estoient comme nul eu dit 
chastel. Hz occistrent les Ângloiz du dit chastel et du 
dit dongon et les getterent es fossez et alerent deffermer 
les portes et abatre les banieres des Angloiz es fossez 
et crièrent (c Moult [sic] Joye Saint Denis ! » Et comme 
les Angloiz se virent ainsi deceuz, eulx qui se comba- 
toient contre le connestable tournèrent tantost à des- 
confiture. Le dit connestable et le dit Clichon les 
mistrent tous à Tespée et furent tous occiz fors environ 
vingt qui furent amenez^ à Paris, desquelz en y eust 
dix sept qui furent décapités. 

L'an de grâce mil trois cens soixante douze, Tevesque 
de Paris et autres alerent en legacion devers Tempe- 
reur affin que nulz AUemans n'alassent en souldoiës 
pour le coslé et parti du roy d'Angleterre. Le cardinal 
de Beauvaiz, le conte de Sallebruce, le doyen de Paris 
et autres alerent à Calaiz pour traictier de la paix. Et 
en cestui parlement les Angloiz parlèrent plus gracieu- 
sement aux Françoiz qu'ilz n'avoient fait au devant. Et 
en ce parlement fut proposé par les Angloiz que le roy 
d'Angleterre leur seigneur estoit droit seigneur par 
droit du royaume de France, en disant ainsi et par telle 
raison. Madame Ysabel, la mère du roy d'Angleterre, 
estoit ainsnée fille du roy de France nommé Philippe le 
Bel. Et le dit roy Philippe le Bel ouït trois filz, desquelz 
trois filz ne yssi oncquez hoir masle qui vesquist. Et 
alors que le puisné des filz du roy Philippe, c'est assa- 
voir le roy Charles mary de la Royne Jehenne, trespassa 
et mourut, à icelle heure et temps le roy Edouart 
d'Angleterre estoit le plus prochain hoir masle de la 
couronne de France. Et disoient les Angloiz que par 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 225 

l'establissement qui anciennement fut fait eu temps du 
roy Hue Cappet que la couronne de France devoit 
venir au plus prochain hoir masie, pour icelle raison 
disoient leur roy le plus prochain hoir masle le jour 
de la mort du dit roy Charles. £t en oultre disoient 
les Ânglois que Fen ne doit regarder se ce n'est de la 
paitie ou costé du masle ou de la femme; maiz soit 
de par la femme ou de par Tomme on doit prendre 
et recepvoir le plus prochain hoir masle à roy. Et 
Ëdouart le roy d'Angleterre estoit cousin frereus du 
dit roy Charles. Et le roy Philippe ne lui estoit que 
cousin remué de deux genoulz plus arrière. 

Ad ce dient les Françoiz que les Angloiz errent. Car 
du temps Hue Cappet que la constitucion fut faicte, 
les femmes furent privées de la couronne de France^ 
et par ce par une raison leurs hoirs en sont privés. 
Dient les Françoiz que Philippe de Yalloiz par les ba 
rons de France, paries prelas et parles frans bourgoi? 
des bonnes villes fut fait roy de France comme le 
plus prochain hoir masle yssu du costé de l'oir masle. 
Carie père au roy Philippe de Yalloiz fut frère au roy 
Philippe le Beaux. Et estoit le dit roy Philippe de Yal- 
loiz nepveu du dit roy Philippe le Bel par père, non pas 
de par mère. Pour quoy par droit il fut sacré à roy de 
France. Cest article dirent les Françoiz» contre les An- 
gloiz avec plusieurs autres, et se partirent sans acort. 

En ceste matière ont pechié et erré aucunes gens 
tant nobles que autres. Car ilz tenoient que le roy de 
Navarre devoit estre roy de France par raison de sa 
mère, laquelle estoit fîlle du roy Louis dit Hutin, 
Tainsné des filz du roy Philippe le Bel, qui fut roy de 
France et de Navarre. Par lesquelz nobles et autres de 



226 CURONIQUE 

France fut exorté le roy de Navarre, ainsné filz d'icelle 
dame Royoe de Navarre, fille du dit roy Louis ainsnë, 
filz du dit roy Philippe le Bel , à contendre à la cou- 
ronne de France, lui disant qu'il y avoit droit. Par quoy 
les mauU descrips paravant avindrent. Dont ce fut 
douleur, ja soit ce que le roy de Navarre ne s'en meisl 
oncquez en fait; ne pour guerre qui fust par entre le 
roy de France Jehan et Charles son filz, le roy de Na^ 
varre ne print oncques tiltre sur eulx, comme fait le 
roy Edouart d'Angleterre sans tiltre de droit. D'icest 
traictië se départirent sanft acort, et s'en retournèrent 
les cardiuaulx et les autres ambaxadeurs de France. 

En cest temps ouït la royne de France ung filz , le- 
quel fut nommé Louis. Et le leva de fous le conte 
d'Estampes, monseigneur Bertran de Clacquin, cou- 
nestable de France , et monseigneur Olivier de Cli- 
chon. Et conoune l'enfant fut crestiennë, le dit monsei- 
gneur Bertran lui donna une espëe, laquelle il luy 
mist en sa main en disant que Dieu et saint Geoi^e 
le feissent bon chevalier. 

En cest temps mesmez, des Angloiz qui estoient à 
Saint- Sauveur le Vicoute en Costentin environ qua- 
rante hommes d'armes et les archiers alerent eu mont 
de Nostre^Dame de Tombehelaine et l'emparerent. Et 
pour ce que maintes gens ne scevent pour quoy celle 
^lise est appellëe Tombelaine, jadis eu temps du bon 
roy Artur, roy de la Grant Bretaingne, il est vérité, 
comme racontent les anciennes histoires de la Grant 
Bretaingne, que le dit roy Artur fit une si grant assem- 
blée de tous les roys, princes et nobles qui à luy es«- 
toient submiz pour estre et venir à lui à certain terme 
au port de Barfleu en Neusirie qui à présent est appel- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. «27 

lée Nofmetïdie. Et [lafti ledit roy \rtur de la Grant 
Bretaingne qui ores est dicte Angleterre et se mist en 
mer et arriva à très grant armée au dit port de Bare- 
fleu. Et comme il fut arrivé, il descendi à terre pour 
atendre plusieurs roys et princes ses submiz. qui à lui 
dévoient venir pour chevauchier et aler contre les Rom- 
mains qui à lui et à ses subroiz demandoient treu et h 
ires grant host venoîent contre lui. Et comme le dit 
roy Artur atendoit ses gens , y lui fut dit que ung 
grant géant merveilleux et cruel estoit de nouvel venu 
habiter en une très haulte et forte place près du dit 
port et eu dit pais. Lequel par aguet et par force 
avoitravy une très noble pucelle plaine de grant 
beaulté nommée Hélène, laquelle estoit niepce du dit 
roy Artur et de Hoel pour lors duc d'Armorique qui 
est dicte et appellée la Petite Bretaingne. Incontinent 
que le roy Artur le sceut, tout coement se mist en ung 
vaissely ô lui Biduereduc de Neustrie, son grant essan- 
son, et Kair, duc d'Angou, son grant maistre d*ostel. 
Et singlerent tant qu'ilz vindrent jouxte le dit mont 
où habitoit et conversoit le dit géant. Et là eu grant 
mont apperçurent ung grant feu, et de costé en ung 
autre plus petit mont apperçurent aussi clarté, et là 
tournèrent. Et descendi le dit Biduere et monta en 
celui petit mont pour sçavoir qui y estoit. Et comme 
il aprocha de la clarté, il ouy et vist une femme qui 
trop fort lamentoit et plouroit. Il vint à elle et lui de- 
manda pour quoy ainsi se doulousoit. Laquelle lui 
respondi : « J'ay bien cause de doulour. Car j'ay cy 
enterrée la niepce de Hoel, laplusbelle, la plusdoulce 
et la meillieur pucelle que l'en sceust ne peust trouver, 
laquelle de douleur, de paour de abhominacioti et 



228 CHRONIQUE 

de tristresse est morte, laquelle j'avoye nourrye et 
alectée. Et comme elle fut par aguet et par force ravie 
d'entre chevaliers et escuiers qui Tavoient en garde 
par ung abhominable géant qui là est en ce hault 
mont et l'aporta icy, je la suivy. Et comme ce détes- 
table monstre Toult icy aportée et se voult soulacier à 
elle, de la tresgrant paour que la dicte pucelle ouït de 
lui elle fut comme morte. Et pour ce que le dit géant 
ne poult avoir compaingnie charnelle avecquez elle, 
luy enflambë de son ort et vil pechié, moy ainsi 
vieille comme je suy me prist à force , et à grant 
tourment et martire ouït compaingnie à moy. Et tan- 
tost après ceste dicte pucelle trespassa que j'a^cy en- 
terrée comme dit est. Je vous prie, dit elle, que vous 
vous en allés; car, se par aventure il vient cy et il 
vous treuve, vous estes mort. » Biduere lors se parti 
et rapporta au roy Arlur ce qu'il avoit trouvé. Et 
adonc se mistrent en ung bastel le dit roy Artur, Bi- 
duere et Kaire et vmdrent au grant mont et montè- 
rent en hault. Et comme ilz furent montés et eurent 
aperçu le dit gueant qui se chaufToit, le dit roy Artur 
dist au dit Biduere et Kayre que luy seul yroit comba- 
tre le dit géant et qu'ilz ne approchassent aucunement, 
se besoing n'cstoit. Le dit roy Artur ala de bonne 
voulenté et grant courage combatre le dit géant qui 
moult desprisoit la petite corpulence du roy Artur 
envers lui. Et si bien et si forciblement se combati à 
lui le dit roy Artur qu*il lui couppa la teste. Laquelle 
il bailla à porter au dit Biduere, lequel Taporta en 
Tost du dit roy Artur. Apres ceste victoire s'en retour- 
nèrent joyeulx eu dit host. Et pour la mémoire et 
remenbrance de la dicte pucelle, la<|uelle de si très 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 22» 

noble et haulte ligne estoit, le dit roy Artur et Hoel 
duc de Bretaingne firent faire et fonder une chappelle 
ou église en Tonneur de Dieu et de Nostre Dame eu 
dit lieu et place où la dicte pucelle Hélène fut mise en 
sépulture. Pour laquelle chose ycelle église et lieu est 
nommé Tumbehelene. En icelle église et lieu dessus 
descript qui estoit en moult forte place se boutèrent 
les diz Ânglois et la commencèrent à fortifier. Les 
Françoiz qui estoient en celle marche en frontière, 
c'est assavoir le Besgue de Faiel, monseigneur Guil- 
laume Martel, monseigneur Guillaume de Fiamencourt 
et autres jusquez à deux mille hommes d'armes ale- 
rent à Tumbehelene et se combatirent aux Angloiz. 
Et furent les Angloiz desconfis, la plus grant partie 
mors, les autres prins. 

Apres cestui fait, ime autre route d' Anglois du dit 
fort de Saint-Sauveur le Viconte, en Costentin , alerent 
escheler le chastel de Briquebec\ Et a bien pou qu'ilz 
ne le prindrent. Ceulx du chastel aperçurent les An- 
gloiz et crièrent alarme, et abatirent les eschieles et 
firent trebuchier les Anglois es fossez. Et aucuns An- 
glois estoient jà en chastel, lesquelz furent mis à mort. 
Quant ceulx de dehors virent qu'ilz avoient failli à 
prendre le chastel , ilz s*en retournèrent. 

Monseigneur Bertran de Clacquin , connestable de 
France , et monseigneur Olivier de Clichon firent une 
cbevaucie en Guienne et pristrent ung fort nommé 
Morilon* empres Poitiers. Et là gaengnerent les Fran- 
çois de bonnes gens d'armes. Maiz en ceste chevau- 



i. Manche, «rr. de Valog^ne», ch.-l. de c. 
2. Montmorillon. 



380 CHRONIQUE 

cie perdireDt les François moult de leurs chçvaulx» 
qui oioururenl de fain. 

Eu ce temps, monseigneur Jehan de France , duc 
de Berry, fit une grant semonce de grans seigneurs, 
c'est assavoir monseigneur le duc de Bourbon , mon- 
seigneur de La Marche, monseigneur Jçhan d'Artois, 
conte d'Eu , monseigneur Bertran de Clacquin ^ mon- 
seigneur Olivier de Clichon , monseigneur Olivier de 
Mauny, et très grant nombre d'autres barons, nobles 
chevaliers et escuiei*s et bonnes gens d'armea* Et en- 
tra le dit monseigneur de Berry ep Guieqne et cou- 
rurent sur le pais, 

Le roy de France, pour domagier le$^ Anglois eo 
plusieurs lieux et en plusieurs manières et sur plu-' 
sieurs marches , fit une armée en mer d'environ q\k^^ 
torze barges et moult d'autres vaisseaulx. Et en furent 
chiefz Yvain de Galles et Morelet de Mooupor, eq 
leur route bien six ceps hommes d'arme^, sans ks 
mariniers des v^isseaulx, qui estoient bops guer- 
roiers et bardiz , et ^an^ l'autre n^eque gent^ Et par- 
tirent de la fin de la rivière de Seyne , et singlerent 
vers les ysles de Guerpesy. f^t coipme çil des y$les 
sceurent que les François fa.isoiept armée, ilz le fîrent 
scavoir au cappitaine de Saint 3auveur le Vicopte» 
Lequel y envoya hastivepiept des gens jusque^ fi qua- 
rante hommes d'armes, et autant d'archiers ou plus. 
Comme ilz fiirent venur# es ysles , ilz mistrent }s^ gept 
en conrroy sur le port. Et les Françoiz singlerent à 
plain tref vers les ysles pour pourprendre terre là oit 
estoient la gent du pais armés de telz armes comme 
ilz avoient. Et sachiez que jeunes femmes et les boi^- 
selettes des dictes ysles avoient en ce printemps de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 231 

lors fait chapeaulx de flours et de violettes et les 
avoient donnes aux jeûnez hommes, et leur disoient 
que cil se dévoient bien deiïendre qui les avoient à 
amies. Et cuidoient ceuU des ysles qu'il n*y eust eu 
navire de France que mariniers et gens d'eaue. Et 
comme les Françoiz parvindrent à pourprendre terre, 
ilz saillirent des vaisseauh et des barges très ysnele^» 
ment et viguereusement armés de toutes pièces, et 
vindrent courre sus à ceulx des ysles. Et là ouït une 
dure bataille et pesante. Yvain de Galles et Morelet 
de Mommor mistrent leur gent en deux batailles, et 
par forcée d'armes pristrent terre. Et comme cil de 
Saint-Sauveur virent ce , ilz ralierent ceulx des vsles. 
Et là ouït moult fort estour et dure bataille. Mais ceulx 
des ysles ne peurenl souffrir les Françoiz et commen* 
cerent à fuire qui mieulx mieulx» Les Françoiz en oc* 
cistrent tant qu'il en demoura plus de huit cens en 
champ , tous mors , sans ceulx qui fuirent et qui fu-> 
refit prins prisonniers. Moult y gaignerent les Fran* 
çqiz. Et après la desconfiture les Françoiz se logèrent 
auprès du chastel. Et comme ilz furent logiez, jeunes 
hommes des enfans de Paris s'estoient logiez à la vetie 
4u dit chastal et firent grant feu et se couchèrent de^ 
vapt le feu. Ceulx du chastel apperçurent leur con- 
vine. Hz ^^essirent et leur coururent sus et les tuèrent , 
occistreut et decoupperent ^ puis se reboiiterent tan- 
tost en chastel. 

Apres ce que les Françoiz eurent desconfit les An- 
glojz et c^ulx des yeles de Guernesy qui tiennent le 
parti d'Angleterre , jasoit ce que ilz soient de l'eves- 
chié de Constances qui est de Normendie, (au temps 
que le bon roy d'Angleterre Richart Cueur de Lyon 



232 CHRONIQUE 

fut trespassé , Jehan le mauvaiz roy d^Ângleterre perdi 
Normendie; et la mist en sa main tant par conqueste 
que par traictié le bon roy Philippe de France dit 
Auguste. En ycelles ysles ledit roy Philippe ne les 
Françoiz n'alerent pas. Et pour ce ont tous jours tenu 
le parti d'Angleterre jusquez à aujourd'huy) ; et comme 
ledit Yvain eust esté es dictes ysles et que plus n*y 
povoit conquester, il et ses gens se partirent des dictes 
ysles pour aler vers Espaingne pour trouver le navire 
d'Espaingne et les Espaingnolz. 

Cy se taist ung pou de Yvain et de sa route et parle 
de Tarmée au roi d'Espaingne et de l'amiral d'Espain- 
gne^ qui estoit chief de Tarmée. Vous aves ouy 
comme le roy Henry fut fait roy d' Espaingne par la 
puissance du roy de France et par les gens d^armes 
que Bertran de Clacquin et le Besgue de Villaines 
menèrent en Espaingne. Cestui roy Henry d'Espaingne 
fist une armée de vingt galées et y mist à cappitaine 
son amiral , lequel estoit moult vaillant preudomme. 
Il parti d' Espaingne et failli à trouver le navire de 
France et singla vers La Rochelle et Poitou. Et lors le 
conte de Penembroc à tout grant armée d'Angloiz ve- 
nant d'Angleterre estoit venu à La Rochelle et avoit 
mandez les haulz hommes de la terre comme mon- 
seigneur Richart* d'Angle et autres. Alors aparut le 
navire d'Espaingne. Et les virent les Anglois qui à 
merveilles en furent liez , car ilz ne prisoient riens les 
Espaingnolz. Et entrèrent les Anglois en leur navire. Le 
conte de Penembroc, qui estoit bon chevalier, se mist 



1. Lisez Gnichart. Gaichart d'Angle fat créé comte de Himtiogdoii 
en Angleterre. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. «33 

es plus grans voisseauU et les meillieurs de ses gens, 
et se mist en mer pour combatre les Espaingnolz. 
L'amiral d'Espaingne, qui estoit très sages du fait de 
la mer, vint à ses galées pour liardoier les Angloiz et 
fit paleter à eulx et traire. Et se tenoient au large de 
la mer. Puis fit Tamiral d'Espaingne retraire galées. 
Et lors les Angloiz les pristrent à huer et crier, a En- 
dallez, Endallez, failli Espaingnol, mauvais recréant! » 
Adonc leur dit le conte de Penembroc : u Ne nous 
remuons. Demain les Espaingnolz vendront à la 
plaine mer, et lors nous les forcloron et nous comba- 
trons. Car à nous n'auront point de durée , se vient à 
la bataille. » Ainsi le firent les Angloiz comme le 
conte de Penembroc a voit dit, et les Espaingnolz se 
retrairent. Adonc leur dit leur amiral : n Beaus sei- 
gneurs, se vous me crées, je vous rendroy demain les 
Angloiz desconfiz. Hz nous attendent à la plaine mer. 
Qui me croira , de la première marée nous leur cour- 
rons seure. Et vecy raison. Nos galées sont iegieres, et 
leurs grans nefz et leurs grans barges sont pesantes et 
fort chargées. Et ne se pourront remuer de basse 
eaue, et nous les assauldron et de Feu et de trait. Se 
vous estes bonnes gens, nous les desconfiron. n Ainsi 
comme Tamiral d*Espaingne le devisa il fut fait. L'an- 
demain, au point du jour et au commencement de la 
marée, la mer encorres si petite que les nefz d'Angle- 
terre ne flotoient point, les Espaingnolz les vindrent 
ressaillir fort et roide et prindrent fort à traire feu et 
gresse aux nefz des Anglois. Là ouït une trop dure 
bataille et pesant. Moult viguereusement se deflendi* 
rent les Angloiz , maiz ilz ne se donnèrent de garde 
qu'ilz virent leurs nefz toutes esprises de feu. Là fut 



234 CHRONIQUE 

horrible chose à ouir le bruit et la noise tant du feu 
comme le bruit des cheraulx qui ardoient es fons des 
vaisseauU. Le dit amiral d'Espaingoe et jusques à ùx 
galées se adrecerent à la nef de monseigneur le conte 
de Peqembroc et monseigneur Guiffart de l'Angle, ung 
bon chevalier de Poitou. Et là ouït trop grant bataille 
et trop forte. Et moult vassaument se combatirent les 
Angloiz et traioient fort contre les Ëspaingnolz. Maiz 
getterent et trairent tant eflbrciement feu et cresse en 
la nef du conte de Penembroc qu*elle fut toute esprise. 
Et quant les chevaulx qui estoient en fons de la nef 
sentirent le feu , faisoient les nefs toutes froisier et 
rompre. Lors quant le conte de Penembroc visi qu'il 
ne povoit plus durer pour le feu , il se rendl et mon* 
seigneur Guiffart de TAngle. Là fut grant destruction 
et oocision de gens et de chevaulx, tant d'ars, de 
noiéz et d'occiz du trait. Car plusieurs saillirent en la 
mer de la rage du feu qu'ilz sentoient. De ceulx de La 
Rochelle en y ouït il moult de mors et noyez qui s'es* 
toient mis en bateaulx petiz pour secourir les Aqglois. 
Lors après ce que les Ëspaingnolz ourent desconfiz les 
Angloiz et prins des plus sufHsans , ilz ardirent la plus 
grant partie du navire des Angloiz, puis eurent con- 
seil qu'ilz retournèrent en Espaiiigne '. 

Cy se taist des Ëspaingnolz et parle comme Yvain 
de Galles, qui estoit allë en Espaingne, arriva au port 
de Saint Dandier* ^n Espaingne. Et là fut moult lon- 
guement pour ouir nouvelles du navire d^ Espaingne. 

i. Yoyea^ dani Frpi^^ h réei\ anirné ie çp coinbfil niiTa) do |^ Qot 
chelle. Chron»^ liv. I, part. II , ch. ccoxLn, cccxLijn, qccxliy, éd. da 
PaothéoDy t. I, p. 636-630. 

S. Saînt-Ander, dana la Qîsoa^re. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 235 

Et fut Yvaiu de Galles par devers le roi Henry • Et des- 
pendirent les Frapçoiz tout le leur eo ^paiogne, car 
là avoit graut chierté de vivres. 

Tandiz que les Frauçoiz e^toiçut epcoires en E^ 
paingpe , viut Vaiuiral d'Espaiogue et les diz Espain-r 
gnolz et amenèrent leurs prisonniers ferrés meaiufH 
ment le conte de Penembroc et les gentilz boinipeS| et 
les autres estans çncoupplés comme chieqs en lesse en 
une corde. En ceste manière menèrent les E^pain- 
gnolz les ^ugloiz devant leur roy. Et compie les 
Angloiz veoient les Frauçoiz ^ ilz leur disoiçnt : t No^ 
ble gent de France et doulce^ se nous fussions voz 
prisonniers, nou3 ne feussoQs pas si viUainem^nt me- 
nez ne si durement traictiés^ comme nous sommez, ni 
Et comme l'amiral d'Espaingue fut venu, Tvain de 
Galles et Morelet de Montmor alçrent au roy Henry et 
lui requistrent qu'il leur voulsist délivrer navire et 
Tarmée comme il avoit promise au roy de France. 
Maiz les Espaingnolz distrent au roi Heqry : « 3ire, 
envolez nous en la terr^ desvQyOi en Grenate, en Per- 
sici oultre les destroi^ de Marroc ou ou il vpu^ plaira 
fors en Galles. Car là ne yrons noi^ point par nulle 
manière. >^ Ce fut dit à Yyain. Par quoy il se parti 
d'Espaipgne mouU yré , pour ce qu'il avait failli à son 
emprise. 

Cy parle de monseigneur H^gnier 4^ Gfimande, 
lequel fi|t cliief de huit galées qui furent ini3es sur la 
mer par le roy de France pour garder la marchandise 
et pour courir sur les portz d'Angleterre. Cestui mon-» 
seigneur Régnier de Griipande en la i^ison de l'esté 
couru par la mer et par les costez et pprts d'Angleterre 
et prist^à l'aide de ses Geueuois plusieurs nefz et moidt 



236 CHROMQUE 

portèrent de domaige aux Angloiz. Et comme le dit 
monseigneur Régnier o ses gens eurent couru la coste 
d'Angleterre vers Savins, il avint que la galée du dit 
monseigneur Régnier par une basse eaue se Frappa à 
terre y et ne se poult remuer. Lors les Angloiz qui es- 
toient sur le port vindrent assaillir la dicte galée et la 
cuiderent ardre. Maiz les Geneuois se deffendirent si 
fort de trait que nul ne povoit approchier de la galée. 
Lors le cappitaine du fort fist demander à qui estoit 
celle galée. Les Geneuoiz respondirent qu'elle estoit 
au roy de France. Donc demandèrent les Angloiz qui 
en estoit cappitaine. Et les Geneuoiz distrent que 
c'estoit monseigneur Régnier de Grimande. Lors dit 
le cappitaine des Angloiz : n Monseigneur Régnier, 
rendez la galée au roy de France et d'Angleterre!» 
Lors demanda monseigneur Régnier comme on Fap- 
pelloit. Et les Angloiz distrent que on l'appeloit 
Edouart : a Edouart! dit monseigneur Régnier de 
Grimande, le roy de France n'a pas nom ainsi; ains a 
nom Charles. A icellui rendrons la galée et non à au- 
tre. » Ainsi comme ilz parloient la marée vint. Par 
quoy la dicte galée s'en retourna o les autres en la 
mer. Et se la marée ne fust si tost venue, les Angloiz 
l'eussent prinse , car trop de gens leur croissoient. Et 
quant la saison de l'esté fut passée , les Geneuoiz et les 
dictez galées yssirent hors de la mer. 

Cy se taist des Geneuoiz et parle comme les Fran- 
çoiz , qui estoient en Costentin en frontière contre les 
Angloiz de Saint Sauveur le Viconte, firent une as- 
semblée pour aler clievaucier devant le dit chastel de. 
Saint Sauveur. Les Angloiz sceurent la convine des 
Françoiz et leur coururent sus l\ descouvert. Et là ouït 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 237 

moult dur estour. Maiz les Françoiz Furent desconfiz 
jusquez à huit vingt combatans. Et pour résister con- 
tre les Angloiz et les tenir qu'ilz ne courussent sur le 
pais, par le conseil du roy de France, monseigneur 
Robert d'A-Iençon, conte du Perche, fut envoyé en 
frontière en Costentin . 

Eu dit an , comme Yvain de Galles ouït ouye la 
responce des Espaingnolz, lui et les Françoiz de sa 
route se partirent d'Espaingne. Et fut en mois d'aoust 
en dit an. Il fut conseillië au dit Yvain qu'il singlast 
en Guienne. Et ainsi le fit et vint en Poitou et là prist 
port. Adonc estoient guerrians en Guienne monsei- 
gneur Jehan de France, duc de Berry, ie duc de Bour- 
bon, le conte de La Marche, et monseigneur Bertran 
de Clacquin, connestable de France, et moult d'autres 
nobles hommes et bonnes gens d'armes. Lesquelz par 
le conseil du dit connestable alerent assaillir le chastel 
de Chauvegny ^ Et tant efTorciement et vassaument se 
portèrent les Françoiz que par force d'armes con- 
quistrent la dicte ville et chastel de Chauvegny. Et 
comme le dit chastel de Chauvegny fut gaingnié, le dit 
monseigneur Jehan de France, duc de Berry, à grant 
compaingnie ala chevaucier les banieres desploiées de- 
vant la noble cité de Poitiers. Les bons bourgois et cy- 
toiens de Poitiers, qui estoient bons et vrais Françoiz, 
quant ilz virent les banieres des fleurs de Hz, les armes 
de leur souverain seigneur le roy de France, eulx rem- 
plis de la grâce du Saint Espirit et par la vertu divine , 
d'ung mesmes courage ilz prindrent à crier « Mont- 
joye ! » parmy la ville et cité de Poitiers , cité très no- 

i. ChauvigDy, Vienne, arr. de Montmorillon, ch.«l. de c. 



238 CHRONIQUE 

bic , siège du Saitit Père , chambre royal du roy de 
France. Comme lesdiz ciloîens de Poitiers virent mon- 
seignem* de Berry, ilz furent taeut par la grâce de 
Dieu et par la vertu de nature à eubt tourner Fran- 
çoiz. Monseigneur Bertran de Clacquin^ connestable 
de France j vint auprès de la ville et dit aux citoieùs 
qu'ilz se rendissent à monseigneur de Berry, ou si 
non ilz seroient assailliz. Leâ citoiens distrent qù^ilz 
eussent respit d'eulx conseillier, et le dit connestable 
leur donna à Tandemain. Et lors se logèrent les Fran- 
çois devant la ville. Et les citoiens eurent conseil par 
entre eulx qu'ilz se rendroient. Et mistrent hors les 
Angloiz de la cité, puis rendirent les clefz de la cité à 
monseigneur le duc de Berry. Et quant la dicte cité fut 
rendue, le dit monseigneur de Berry fit crier sur peine 
de la hart que nul ne fortfeist à ceulx de la cité. Et 
comme Poitiers Fut rendu , on le fit scavoir au roy de 
France qui en fut merveilleusement joyeulx et en 
mercya Dieu et sa benoicte mère et en fit dire des 
messes solennelles à Nostre Dame de Paris , de Rouen 
et de Chartres. Et après la prise oti rendue de la noble 
cité de Poitiers , se rendirent très grant nombre de 
villes et de chasteaulx. 

Cy après parle de Yvain de Galles et des Françoiz 
et Normans de sa route, lesquelz arrivèrent en Poitou 
et descendirent de leurs vaisseaulx et vindrent devant 
La Rochelle qui estoit pour lors Ânglesche. Et de là 
alerent h Soubize% une forte ville, et s'appareillèrent 
pour Tassaillir, et estoit jour de samedi. Nouvelles en 
vindrent au captai de Buchs qui estoit lieutenant du 

1 . Soubize, Gharente-Inféiieurey aiT. de Marennes, c de Saint-Agnant. 



DES QUATRK PRCMIERS VALOIS. 239 

prince en Guieone. Et comme il luy fut dit, il dit : 
« Or alons contre Yvain et ceulx de sa route. Ce ne 
sont point gens d'armes, ce sont gens concueillis. Hz 
seront au premier assault desconfiz. » Adonc vindrent 
les AngloiKy le captai de Bucz et le seneschal de Saiu- 
tonge qui estoit cousin du roy d'Angleterre, et le se- 
neschal de Bordeaux, le sire de Mareul, monseigneur 
Gaultier Huet et grant route d'Angloiz et de Gascons, 
les plus esprouvézd*armes qui fussent lors en Guienne. 
Et vindrent es faubourcs de Soubize où là estoit logié 
Yvain de Galles et les Françoiz. Et lors estoit plus 
minuyt. Le captai et les syens vindrent assaillir les 
François comme ilz estoient logiez. Et crioient les 
Angloiz et les Gascons : « Saint George ! » au captai 
de Bues. Et moult efforciement assaillirent les Fran^ 
çoiz, et à celle première empainte furent les Françoiz 
desconfiz, et en y ouït moult de prins. Les Françoiz 
se assemblèrent de toutes pars et vindrent au logeiz 
de Yvain de Galles et se mistrent en conrroy. Et 
avoient jà les Angloiz desconfit aucuns Françoiz et 
chassez jusques au logeiz de Yvain. Et lors les Geneu- 
ois et les arbalestriers Françoiz pristrent fort à traire 
contre les Angloiz, et moult en occistrent et navrè- 
rent. Là ouït moult dure bataille et pesant. Ung An- 
gloiz prist à crier : « Où es tu allé, faulx traistre 
Yvain de Galles, faulx regnié? Huy sera vengié le roy 
d'Angleterre et de France de toy. » Lors dit Yvain : 
(I Veez me ça! m et couru sus à T Angloiz et le fery 
d'une hasche si fort qu'il Fabati à terre, et aucuns au- 
tres Toccistrent. Et adonc apleurent Françoiz de 
toutes pars. Et là vint Morelet de Mommor et les 
Normans dont moult en y avoit de bons couibatans. 



240 CHRONIQUE 

de fors et de hardiz et de bonnes gens d'armes qui 
très bien le firent. Et là se coinbatirenl si vertueuse- 
ment crians « Nostre Dame! » que les Àngloiz pris- 
trent h reculer. Et en navrèrent les arbalestriers plu- 
sieurs de leur trait. Et moult bien se portèrent les 
Espaingnolz qui en la compaignie de Yvain estoient. 
Et avec les Françoiz coururent sus aux Angloiz moult 
viguereusement tant que les Ânglois perdirent place, 
et se commencierent à retraire. Morelet de Mommor 
et les Normans avoient forclos les Angloiz et tenoieut 
le bout d'une rue. Et comme les diz Angloiz se cui- 
doient retraire par icellui lieu , ilz ne povoient. Là 
parvint le captai et les siens qui par force furent recu- 
lez. Et là ouït moult forte bataille. Et pour ce qu'il 
estoit nuyt eschapperent moult d'Angloiz. Monsei- 
gneur Gaultier Huet et bien trente Angloiz et plus se 
boutèrent es fossés de Soubise où là se sauvèrent, 
maiz aucuns François les suyrenl qui en navrèrent et 
tuèrent bien dix. 

Le captai de Bues, quant il vit que les Angloiz fu- 
rent desconfiz, fut moult yrés. 11 tenoit une hascheet 
feroit à destre et à senestre. Il ne feroit homme qu'il 
ne portast à terre. Et empres lui estoit monseigneur 
de Mareul, le seneschal de Saintonge, et leurs gens 
qui se conibatoient aux Françoiz. Pierres d'Auvillier 
et monseigneur d'Auvillier et le gendre du Baudrain 
de la Heuse à grant route de Françoiz pristrent à crier 
<c Clacquin I Nostre Dame ! Clacquin ! » et vindrent 
courre sus aux Angloiz. Et à celle foiz furent les An- 
gloiz desconfiz. Pierres d'Auvillier, G. de Santueil, le 
sire de Magny s'adrecerent au captai pour le prendre, 
maiz le captai fery le sire de Magny de sa hasche par 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 241 

tel vertu qu'il Tabati à terre. Les Françoiz se esver- 
tuerent tant que le sire de Mareul et le seueschal de 
Saintonge se rendirent. Adonc s'adreça le dit Pierres 
d'Auvillier au captai et lui dist : « Sire, rendez vous ou 
vous estes mort. » Donc dit le captai : « Es tu gentil- 
homme? car pour mourir je ne me rendroye que à 
ung gentilhomme. » Âdonc parla le dit Pierres moult 
hardiement et dit au captai : « Gentil homme suys je, 
filz de chevalier et de dame. » Et lors se rendi le dit 
captai. Et quant le dit captai fut rendu, les Angloiz 
ne tindrent plus place; ains qui poult fuire si fuit. 
Moult furent joyeulx les Françoiz quant ilz sceurent 
qu'ilz eurent prius le captai. Et se rassemblèrent et 
reserrerent, et lors apparut le jour. Donc pristrent les 
Françoiz conseil qu'ilz assauldroient Soubize. Et 
comme ilz furent venuz devant la ville, on leur rendi 
par ainsi que les Angloiz qui estoient en la dicte ville 
et forteresse s'en yroient sans riens perdre et auroient 
sauf conduit des Françoiz. Ad ce s'acorderent les 
Françoiz. Par ainsi eschappa monseigneur Gaultier 
Huet, dont les Françoiz furent moult yrés. Ainsi se 
rendi Soubize en la main des Françoiz. Et le captai 
fut mené es barges et fut baillié à garder à monsei- 
gneur Morelet de Montmor. La prinse du captai fut 
lantost sceue. Les nouvelles en furent portées à mon- 
seigneur le duc d'Angou, monseigneur le duc de Berry 
et à monseigneur le duc de Bourgoingne, lesquelz 
estoient vers Poitiers» 

Apres ce que le captai fut prins et Soubize rendue, 
Yvain de Galles o les Françoiz et Normans de sa route 
alerent devant la Rochelle et distrent aux gens de 

la ville qu'ilz rendeissent au roy de France. Maiz ceulx 

i6 



14f CHRONIQUE 

de la ^ille respondirent qu'ilz ne se reodroient fors aui 
frères du dit roy de France. Et ce leur fut mandé, et 
vindrent à la Rochelle avecquez euU le connestable 
Bertran et leur noble bemage. Et lors leur rendirent 
les clefz de la ville les bourgoia^ de la Rochelle. Les 
diz frères du dit roy de France lui mandèrent la 
prinse du captai et de la Rochelle et au pape aussi qui 
en furent moult joyeulx. Car le pape avoit son frère 
prisonnier, et le tenoit le dit captai en prison. Iceste 
victoire eurent les Françoiz sur le captai et les Gas- 
cons et Angloiz que l'en tient à des meillieurs guer- 
roiers du monde. Laquelle ne fut pas faicte par les 
haulz et nobles hommes, maiz elle futYaicte par petite 
gent et povres hommes. Et pour ce ne doit on pas 
avoir povre homme d'onneuren despit ne le vil tenir. 

Comme le captai fut en Tabbaie où Morelet Favoit 
mené, il se desconforta moult et disoit : «Al k\ 
Guienne, tu es perdue vraiement I » Lors lui dit Mo- 
relet : ce Sire, comme dittez vous ce! Guienne n'est 
pas perdue, ains est gaingnie. » — Adonc, dit il, 
perdue est elle vraiement quant au roy d'Angleterre, 
et gaingnie povez dire quant à monseigneur le roy de 
France. » Et la cause pour quoy le captai appella le 
roy de France son seigneur est ceste. Nul ne doit ap- 
peller le roy de France son seigneur, s'il n'est de son 
lignage. Et le captai estoit à cause de sa mère du sang 
royi^l de France,' et pour ce appelloit le rpy de France 
son seigneur. 

Cy parle de la duchesse du Bar qui fut femme de 
monseigneur Philippe de Navarre, laquelle portoit 
guerre à son filz qui avoit à femme une des seurs du 
roy de France, §1 pour ce estoit prisonnière à Paris. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. t4S 

Et par uDg frère prescheur qui estoit son oonfesseur 
elle eschappa de prison et s'enfuy jusquez près dû 
Flandres , raaiz elle fut reprinse par monseigneur de 
Reneval et ramenée à Paris. 

En Tan mil trois cens soixante treize, must ung 
grant descort entre le roy de France et monseigneur 
Philippe d'Alençon archevesque de Rouen par ung 
baillif que le roy mist en Rouen oommë Oudart d*Â- 
tainville, lequel perturba la jurisdiction de l'élise 
tant en temporalité comme en espirauté en nxHjlt de 
manières. Par quoy l'officîal de Rouen excommenia le 
dit bailli, lequel prist et arresta le temporel de Tarche- 
▼esque en la main du roy et fit adjoumer le dit arche- 
iresque en parlement pour respondre ad ce que le 
procureur du roy lui vouldroit demander. Et en par- 
lement fut donné arrest contre le dit archevesque de 
Rouen, lequel respondi qu'il ne devoit point là res- 
pondre pour le fait de son arche veschié. Et pour ce 
se parti le dit archevesque et ala à la court du Saint 
Fere où il procéda contre le dit bailli de Rouen. Et 
ce pendant le dit bailli de Rouen fit moult de grief aux 
gens de l'église. Et envoia par ung vendredi environ 
la Toussains dix commissaires armés, lesquelz par 
force d'armes et violentement par devant Kofficial 
prindrent et menèrent les sergens de la court du dit 
officiai en prison eu chastel de Rouen. Puis les diz 
commissaires, meuz de mauvaise voulenté contre les 
gws d'eglize, sourcuidiez du port du bailli de Rouen 
duquel la gregnieur partie est de ses familiers , oc- 
cistreot ung chappellain de l'église Nostre Dame de 
Rouen. Le dit baiÛi les desoccupa et délivra tous fors 
celui qm avoit lait Vomicide, lequel de puis eis ftit 



î^4 CHRONIQUE 

délivré, le plaît durant entre le roy et Tarchevesque. 
Icellui bailliffit lesclers mariez aler aux veuez comme 
les bigames et les paisans lays. Celle anée la mère de 
la royne de France fut délivrée de prison par mon- 
seigneur le duc d'Angou, par monseigneur le duc de 
Bourbon et par monseigneur Bertran de Clacquin, 
connestable de France. 

En cel an mesmez, la royne de France fut malade 
par ung caraut ou empoisonnement si qu'elle en perdi 
son bon sens et son bon memore. Le roy de France 
qui moult Tamoit en fit maint pèlerinage ; et la mercy 
de Nostre Seigneur, revint en sa bonne santé et en son 
bon sens. En icellui an trespassa à Evreux de mal 
d'enfanter, comme l'en dit, très noble dame la royne 
de Navarre, seur du roy de France. 

Cy aprez parle du duc d'Angou, du duc de Berry et 
du duc de Bourgoingne, lesquelz, avecquez eulx le 
connestable de France, estoient en Guienne où ilz 
attendoient la bataille, par ce que plusieurs villes 
avoient mandé secours au roy d'Angleterre et au 
prince de Galles. Maiz ilz n'en eurent point. Et lors 
par monseigneur Louis de Harecourt et monseigneur 
de Partenay se rendirent Françoiz bien jusques à 
quatre cens forteresses tant en Poitou comme en Sain- 
tonge et es parties d'environ. Puis s'en vindrent les 
frères du roy de France à Paris, avec eulx ledit mon- 
seigneur Louis de Harecourt. Lequel paravant estoit 
en l'indignacion du roy de France par ung souppeçon 
que le roy ouït sui* lui et la royne de long temps pa- 
ravant, et du temps que la terre de Guienne fut livrée 
aux Angloiz, et paravant aussi que monseigneur le 
dauphin fust né. Le roy de France, qui bien sceut que 



DES QUATRE PREBOERS VALOIS. Î45 

sans cause il avoit eu celle folle suspicion sur le dit 
monseigneur Louis de Harecourt , le reçut moult 
agréablement et joyeusement. Et fut très bien venu à 
court, et lui donna le roy grans dons ains qu'il partist 
de Paris. Et au bon gré du roy s'en retourna le dit 
monseigneur Louis en sa terre. 

En cel an mil trois cens soixante treize, monsei- 
gneur Bertran de Clacquin, connestable de France, 
avec lui grant baronnie, ala sur le duc de Bretaingne 
en Bretaingne pour ce que le dit duc Jehan de Mont- 
fort avoit faulsé son hommaige et feaulté au roy de 
France. Et n'osa le dit duc attendre le dit connestable, 
ains passa en Angleterre et y porta son trésor. Et se 
complegni au roy d'Angleterre du dit monseigneur 
Bertran^ connestable de France, lequel avec le dit 
barnage de France entrèrent en Bretaingne. Et se ren- 
dirent les bonnes villes de Bretaingue et tous les 
chasteaulx au roy de France fors Konc* qui fut prins 
d'assault et De[r]val et Brest où estoit la duchesse et 
Robert Canolle. 

Apres ce que les FranÇoiz ourent prins Konc et que 
les forteresses, villes et chasteaux de Bretaingne furent 
renduz tous excepté Brest et Derval, les Françoiz y 
mistrent le siège et si fort les destraindrent qu'ilz 
baillèrent hostages d'eulx rendre dedans la Saint 
MichieL Le connestable et monseigneur Olivier de 
Clichon pristrent les hostages et furect menez en pri- 
son. Jehan de Montfort pourchassa de son trésor 
spuldoiers en Angleterre. Et fit le roy d'Angleterre 
grosse armée dont il fit chief le duc de Lencastre 

I. Le ÇoDcpet, Finittère, arr. de Brest, o. de Saint-Renan. 



S46 CHBONIQUE 

son filz, et partirent d'Angleterre et singlerent à 
Calaiz. 

Le dit duc de Lencastre et le duc de Bretaingne 

Jehan de Montfort coururent en royaume de France^ 

bruiant et gastant celui bon pais ; et en sourmontailt 

les rivières parvinrent jusquez près de Paris. Quant 

le roy de France sceut que les Angloiz forent descendus 

en France , les barons de France furent mandéis et 

vindrent à Paris. Et là ouït le roy plusieurs conseulx, 

à scavoir se le duc de Lencastre seroit combatu et le 

duc de Bretaingne qui estoit avec lui. Et en ces éntre*> 

faittez le duc d' Angou, le conte du Perche et le sire de 

Clichon à quatre cens combatans alerent en Bretaingne 

pour ce que le terme aprochoit de rendre Brest et 

Derval. Maiz alors Canolle avoit fortifïié et rafreëchi 

les diz chasteaux et fist responce qu'ilz né seroient 

point renduz. Lori pardevant les diz chasteaulx curent 

les hostages les testes couppëes. Puis s'en retourna le 

duc d'Ângou à Paris. Maiz le duc de Berry et le duc de 

BourgoingnCy avec eulx le connestable o grant nombre 

de nobles hommes et bonnez géàs d'armes^ estoient 

aléz devers Troyez où les Anglois estoient. 

Aprez ce que le duc d'Angoii fut retourné de htt^ 
taingne, il adjouxta son host à Tost de ses frères et har-» 
dierent les Angloiz. Monseigneur Jehan de Wièùtkb eti 
desconfit bien douze vingt hommes d'arme^ qui i'eé- 
toient e^>arti8 de Tost aux Angloiz. Et en eedbé bbe^* 
vaucie n'oult pas grant chose doilt l'en doife faire 
comptCé Le roy de France ouït en Oônseil que lés Att- 
gloiz ne fussent ^int combatuz. Leftquelz alèrentira 
Guienne sourmontant les rivières, et Tost des Fran- 
çois s'en retourna. Monseigneur Bertràn dé Glaoquio 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. t47 

après son retour s'en ala en Bretaingne, car sa femme 
estoit trespassée en Tannée de devant. 

En cel an mil trois cens soixante treize, les rivières 
furent desrivées et firent merveilleux dommaiges en 
trance. Car ilz destruirent tous les labours des valées 
idond leurs cours et emportèrent maisons et moulins 
et jompirent les pons de Seyne, de Loire, d'Aize et 
d'ailieurs. Et sourondoient les maisons des cités et 
des lonnes villes, dont les greniers de sel et moult 
d'autns marchandises furent perdues. 

Le dic de Lencastre avoit sourmcnté les rivières 
et passé o tout son host les passages ainçoiz que les 
rivières fissent sourmontées ne qu'elles fussent creues. 
Et conimtil vint à Bordeaux, il rafreschy son host. 
Car il avoitfait la gregnieur reze et le gregnieur hos- 
toiement qu^fust fait en France puis le commencement 
des guerres d>ssus dictes. Puis donna congié aux gens 
de pié et aux mal armés et retint une partie de sa 
meillieur gent,^tprist à chevaucier sur les forteresses 
Françoises. Et {rindrent les Angloiz plusieurs petites 
forteresses. 

Le duc d'Angoi, qui estoit à tout mille hommes 
d'armes pour reccnforter les frontières, refist sa se- 
monce et manda au roy Henry d'Espaingne qu'il 
venist sur le duc de Lencastre. Lequel roy Henry fit 
sa semonce le plus efbrciement qu'il poult et assembla 
bien plus de trente mile hommes, dont il y en avoit 
bien dix mille d'arbalétriers et bien huit mille hom- 
mes de cheval, dont il [ avoit bien des diz huit mille 
deux mille ohevaulx arnés et couvers. Et manda le 
roy Henry au duc d'Âng)u qu'il lui vendroit aidier à 
trente mille oombatans. Miiz alor» le duc de Lencastre 



248 CHRONIQUE 

s'estoit retrait à Bordeaux. Et donc le duc d'Angou 
manda ung contremandement au roy Henry d'Es- 
paingne comme le duc de Lencastre s*estoit retrait à 
Bordeaux et que l'en n*auroit point de bataille. Car le 
duc d'Angou avoit demandé bataille au duc de Len 
castre à Montauban. Et le duc de Lencastre responli 
qu'il avoit esté par trois mois en France, querant la la- 
taille, et que pour lors il ne Tatendroit point. Ce m^oda 
le duc d'Angou au roy d'Espaingne, lequel, coiime il 
ouït le contremandement, il départi son lost et 
retourna en Espaingne. Car o tout son dit /lost il 
estoit jà venu jusquez empres Navarre et avot requiz 
passage au roy de Navarre par sa terre de Navarre. Et 
le roy de Navarre avoit respondu qu'il le' laisseroit 
passer par les destroiz de son pais, s'il avoit bous 
bostages que l'en ne feist nul mal à son T^^is et oultre 
qu'ilz ne passeroient que trois cenz à à foiz par les 
diz destroiz. Et de ce ouït plusieurs p^lemens. Maiz 
quant le roy Henry ouït le contremandement du duc 
d'Angou, il n'en tint plus compte ne parlement, maiz 
retourna à Bures et ses gens chacio en sa terre. Le 
duc de Lencastre qui estoit à Bord^siux, pour la très 
grant mortalité qui estoit en la <ité et eu pais, se 
parti de Bordeaux et se mist o sefgens en vaisseaulx 
et singla en Angleterre. En Avigron, en icellui an et 
mois d'avril et de may, fu si tr6 grant mortalité eu 
pais quMl y mourut plusieurs cardinaux, et se parti 
pour la dicte cause le pape hoi* d'Avignon. 

En l'an mil trois cens soixmte quatorze, l'eschi- 
quier de Normendie pour k roy de France séant à 
Rouen au terme de Pasqu^s, Oudart d'Atainville, 
bailli d'icelle cité, ala en Ibstel de l'archevesque de 



DIS QUATRE PREMIERS VALOIS. 249 

Rouen Philippe d'Alençon qui lors estoit en Avignon. 
Et fit de fait et de force rompre les prisons de la ju- 
risdiction du dit archevesque pour ung qui estoit clerc 
marie prisonnier es dictes prisons. Et le mena de fait 
es prisons du roy. Et furent les officiers du dit arche- 
vesque mis en deffault eu dit eschiquier où ilz avoient 
esté adjournës parce qu'ilz ne comparurent point. Et 
fut pour cequ*ilz avoient deffendusur peine de excom- 
mice [sic] que Fen ne feist violence à l'espirituautë 
du dit archevesque. 

En cel an vindrent ambaxadeurs de Honguerie à 
Paris pour traictier du mariage de monseigneur Louis, 
le second filz du roy de France, et de la fille du roy 
de Honguerye. 

En cel an, le conte de Saint Pol [et] monseigneur de 
Chasteillon , maistre des arbalestriers firent une che- 
vaucie devant Ardre. Le duc de Lencastre, qui estoit 
venu à Kalais, le sceut et fit faire deux embusches. Et 
comme François retournoient de devant Ardre , les 
Angloiz les sourprindrent, car ilz estoient desheau- 
mëz pour le chault qui estoit moult grant, et leur 
coururent sus. Et lors les Françoiz , le plus tost qu'ilz 
pourent, se heaumerent et vindrent combatre contre 
les Angloiz y car bien veoient qu ilz ne po voient partir 
sans bataille. Lors le conte de Saint Pol qui vist 
bien que les Françoiz estoient pris en desarroy dit à 
monseigneur Hue de Chasteillon, maistre des arba- 
lestriers : t< Sire , sauvez-vous , se vous povez. Car se 
vous estez prins , nous sommez perdus. » Et lors parti 
le maistre des arbalestriers, et les Françoiz tindrent 
Testour dur et fort contre les Angloiz. Aucuns des 
PicarSy quant ilz virent que leur maistre fuioit, tour- 



S50 CBRONIQUE « 

nerent en fuite, et par ce furent left Françoiz descon- 
fiz, et le conte de Saint Pol prisonnier et plusieurs 
nobles hommes, Jacques de Harecourt, frère du conte 
de Harecourt , le chastellain de Beauvaiz , et bien en 
place de mors soixante hommes de grant pris. 

En cel an, monseigneur Jehan de Vienne, amiral 
de France , vint mettre siège devant Saint Sauveur le 
Viconte en Costentin. Et y ordonna quatre bastides, 
et là ouït plusieurs pongneys des Françoiz et des An- 
gloiz et plusieurs chevauceys. Et là ouït des deux parties 
prins des prisonniers. Dont par une chevaucie fut 
prins le nepveu de l'amiral et le (ilz au seneschal 
d'Eu. Âinçoiz que ce siège fust mis sur, les Angloiz 
du dit fort chastel de Saint Sauveur le Viconte couru- 
rent sur le pais et boutèrent le feu es faubours de 
fiaieux et de Saint Lo et accueillirent grant proye 
qu'ilz menèrent en leur fort. 

Ung bon homme d'armes et bien esprouvé en plu- 
sieurs bons faizarreslé, appelé Jehan le Bigot, avoit 
une route de bien cent combattans. On lui cassa bien 
aux gaiges quatre vingt et dix hommes. Et comme le 
dit Jehan le Bigot vit ce, lui qm estoit ung des meil« 
lieurs de la main et le plus asseuré escuier qui fust en 
tout Tost, si ouït despit que ses gens furent cassés, et 
ne voult demourei* aux gaiges de Tamiral. Et donc il se 
parti des bastides et ceulx de sa route , et si le suirent 
bien jusquez à quatre cens combatans. Et disoient 
qu*ilz yroient en la guerre de Lorayne et alerent fole- 
ment par le royaume. Comme Jehan le Bigot vit ce, 
il se parti de la grant route, car bien vit que celle geot 
foloient et ausû que pour lui ne lairroient à prendre 
sur le pais. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 251 

Les plaintes eo vindrent au roy à Paris. Et lors es- 
toit à Paris le connestable monseigneur Bertran de 
Glacquin. Et fat ordonné que ceste gent seroient 
oombatus. Et ala sur eulx le dit connétable et le pre- 
¥Ost de Paris. Et comme le confnestable approcha 
celle gent y il manda et fit scavoir secrètement audit 
Jehan k Bigot qu'il vuidast de celle route; car se où 
lui trou voit et il fut prins , il seroit destruit. Et lors 
le dit Jehan le Bigot et bien jusquez à cent hommes 
d'armes s'en alerent. Et le connestable et le prevosf de 
Paris vindrent courre sus à celle gent^ lesquelz se ren* 
dirent au connestable. Et en ceste besoingne fut le dit 
prevost nommé Hugues Aubriot fait chevalier. Le dit 
prevost fit mener celle gent à Paris j lesquelz furent à 
ung ffbet que l'en fit faire et drecier tout neuf devant 
le grant gibet de Paris que l'en nomme Montfaucon. 
Et icellui gibet fut nommé Happe Pillart. Aucuns 
d'iceulx furent noyez. Depuis ce fut monstre le bien 
de Jehan le Bigot au roy, et qu'il estoit ling des bons 
hommes d'armes que le roy euM. Et par la prière du 
covinefilable et d'autres grans seigneurs fut le dil Jelian 
le Bigot en la grâce du roy de France. 

En cel an ^ les Geneuois alerent en Gyppre et pris* 
trent le roy Jehan de Gyppré , qui avoit fait oodre son 
frère le bon roi Pieiron qui prist Alexandre. Les diz 
Geneuois le pristrètit ei titidrent en prisctb et obtin- 
drent le règne de Gyf^pre. 

En cel an mil trois cens soixante quatorze, les An- 
glois prindrent Mènl^eol Bonin *^ qui estûiit au con- 
taestâMe. Gâr lé cappitaine du dit Blontereiil avoit 

I. Montrenil-Bonnin, Vienne, arr. de Poitiert, e. de Vntiillé. 



252 CHRONIQUE 

vendu le dit fort au}L Angloiz. Mouseigoeur le connes- 
table Bertran de Clacquio , quant il sceut comme le 
dit cappitaine avoit ouvré ainsi faussement, il vint 
mettre siège à Montereul Bonin. Et tant le fit fort as- 
saillir qu'il le prist. Et quant il ouït prins, U fit de- 
cappiter le dit cappitaine. Et comme monseigneur 
Bertran de Clacquin estoit au siège à Montereul Bonin, 
le cappitaine de Bordeaux et cil de Bordeloiz à grant 
armée vindrent à grant navire en Tisle d'Erré*, et là te- 
noient bien court N. Montmor, qui estoit en ung 
chastel en icelle ysle d'Erré. Monseigneur Bertran 
pourchassa navire et vint combatre les Angloiz, et là 
ouït forte bataille et dure. Et en la parfin furent les 
Anglois desconfiz. Et rafreschi et renforça le dit chas- 
tel d* Erre monseigneur Bertran , puis retourna à La 
Rochelle. 

Apres ce le duc de Berry et le dit connestable alerent 
mettre siège devant Congniac et firent drecier pierres 
et engins et livrèrent moult forsassaulx. Et comme les 
Anglois virent le grant péril où ilz estoient, si firent 
ung traictié au duc de Berry et au connestable que , 
s'ilz n'estoient secourus dedens le mois de juing, 
qu'ilz rendroient le fort et le chastel de Congniac. Le 
duc de Berry et le connestable en prindrent bons hos- 
tages. 

En cest temps , Jehan de Montfort estoit descendu 
en Bretaingne. Dont le roy de France avoit ouy nou- 
velles et avoit mandé au duc de Berry, son frère, et 
au connestable qu'i|z laissassent tout pour aler en 
Bretaingne. E% pour ces nouvelles qu*ilz avoient 

1. Erre, tledeRé. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Î53 

du roy pristrent ilz ce traictié jusquez au terme des- 
sus dit. Et au dit terme le duc de Berry et le ditcon- 
nestable viadrent à grande et grosse puissance des 
barons de France o sept batailles. Et quant les An* 
gloiz virent qu'ilz n'auroient point de secours , ilz 
rendirent Congniac. 

En cest temps ^ estoit encoires le siège à Saint-Sau- 
veur le Viconte en Costentin. Et le maintenoit Tami- 
ral de France , comme devant est dit j avec les barons 
de Normendie et les evesques de Beauvaiz et de Cons- 
tances, monseigneur de Blainville, mareschal de 
France, et monseigneur de La Ferlé, mareschal de Nor- 
mendie, o grant nombre de nobles hommes. Et là ouït 
au dit Saint-Sauveur moult de fortes saillies et de fors 
assaulx. Les Françoiz avoient bien quarante engins, 
que ungz que autres, que grans que petis. Quant les 
Angloiz virent qu'ilz furent si fort destrains , ilz firent 
ung traictié à Tamiral et à sire Jehan Le Mercier, 
grant trésorier de France, qu'ilz rendroient Saint- 
Sauveur, s'ilz n'estoient secourus dedens le premier 
jour de juillet. Et en ou cas qu'ilz ne seroient secou- 
rus, se ilz rendoient le dit fort ehastel de Saint-Sau- 
veur, ilz auroient cinquante mille francs d'or, c'est 
assavoir quarante cinq mil frans au commun et cinq 
mil aux cappitaines. Et ce acorderent les Françoiz pour 
ce que le dit Saint-Sauveur estoit inprenable par en- 
gin ne par assault. Et à la journée que on esperoit 
qu'ilz fussent secourus, vindrent des haulz barons de 
France, le connestable, le duc de Lorraine, le duc du 
Bar et grant quantité de nobles hommes. Car on es- 
peroit que à la dicte journée avec les Angloiz fust le 
duc de Bretaingne. Et pour ce fit le roy de France 



2S4 CHROmQUB 

moult grant semonce. Car là oull bien dix mil har- 
noiz de jambes et gens d'armes armes de toutes pièces 
et bien autant ou plus de bonnes gens d'armes et 
bons combatans et grant foison d*arbalestriers. Blaiz 
les Angloiz n'eurent point de secours et eurent la 
finance qui leur avoit esté promise, et ilz livrèrent 
Saint-Sauveur en la main des Françoiz, 

Le duc Jehan de Monfort estoit descendu en Bre» 
laingne dès Pasques mil trois cens soixante quinze à 
bien quatre mille combatans et deux mille que archiers 
que servans. Et prist Saint-Maliieu, puis ala à Saint- 
Pol du Lyon et Tassailli et le prist par force. Et là fit 
grant occision de hommes, de femmes et d'enfans, et 
moult fort guerroya le pais de Bretaingne. 

Cy parleron du duc de Bourgoingne et du doc de 
Lencastre, lesquelz dès au devant de Pasquez mil trois 
cens soixante quinze estoient aies à Bruges pour traic- 
tier de la paix entre le roy de France et le roy d'An- 
gleterre et du roi Henry de Espaingne. Moult y ouh 
d'une partie et d'autre long parlement sur les des- 
cors. Et pour ce que les faiz de si puissans roys on ne 
povoit pas briefment consummer, ne sans la présence 
des roys les acors et traictiez entériner, on fit Irevtz à 
ung an, c'est assavoir pour Tan mil trois cens soixante 
quinze par entre le roy de France et se& frères et le 
roy d'Angleterre et ses filz et Jehan de Montfort soy 
disant duc de Bretaingne et aussi du roy Henry d'Es- 
paingne. Et furent ces trêves jurées du duc de Bour- 
goingne et du duc de Lencastre. Et après ce que 
Saint-Sauveur fut rendu, monseignelir Thoyias de 
Grancy et monseigneur Gaultier Huet, chevaliers an- 
glois, conduiz par monseigneur Raoul de Reneval et 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 25S 

monseigneur Enguerren de Hedinc , iceulx portèrent 
les trêves au duc de Bretaingne qui les tinst. Et se le 
duc de Bretaingne ne les eust tenuez, il estoit ordonne 
que tout le grant bemage qui estoit devant Saint-Sau- 
veur yroit sur lui. 

L'an mil trois cens soixante quinze , après ce que 
les dictes trêves furent jurëes, données et confermées, 
quatorze barges d'Angleterre pillèrent sur la mer des 
nefz d'Espaingne, Et pour lors devant les trêves leroy 
Henry avoit fait armée sur la mer. Et estoit encoires 
Tamiral d'Espaingne sur la mer. Comme il ouy nou- 
velles que les Espaingnolz avoient ainsi este pilliés 
des Angloiz, il singla o tout quatre vingt vaisseaulx 
d'armée et vint vers La Rochelle où il trouva quatre 
vingt et quatre vaisseaulx d'Angleterre qui aloient à la 
baée au sel de Poitou. Les Espaingnolz coururent sus 
aux Angloiz et les pillèrent, occistrent et noyèrent et 
gaingnerent l'avoir et le navire. Les Angloiz crioient : 
n Nous avons trevez. » Et les Espaingnolz leur di- 
soient : « Vous avez pillié et desrobénoz gens en trevez. 
Vous les avez enfraintes. » Ce fait fut eu mois d'août 
en Tan dessus dit. 

En cel an plusieurs Angloiz comme Krysoualle et 
autres cappitaines avoient pris en Bretaingne aucunes 
forteresses, non obstant que Jehan de Montfort eust 
juré les trêves. Les nouvelles en vindrent au roy de 
France qui y tramist son connestable qui pour lors 
estoit à Paris où il plaidoit en parlement contre ceulx 
de Bruges pour le parpaiement de la raençon au conte 
de Penembroc que le dit connestable avoit achatée 
aux Espaingnolz. Et d'icellui parpaiement estoient 
ceulx de Bruges pièges. Ainsi que l'en menoit le dit 



S»6 CHRONIQUE 

conte à Brugez, il mourut en chemin. Pour quoy ceulx 
de Brugez disoient qu'ilz n'estoient du dit parpaiement 
en rien tenuz de paier aucune chose. Maiz pour ce 
débat et descort le roy prist la chose en sa main et en 
ordonna à la requeste du conte de Flandres. Et le dit 
connestable parti du roy et ala en Bretaingne. Et 
comme il fut là venu^ il voult scavoir pourquoy les 
Angloiz avoient rompu les trêves. Et voult commencier 
à guerroier sur le duc Jehan de Montfort. Et comme 
il vist ce^ il desavoua les Ângloiz et dit que par lui onc- 
quez n'avoient commencé la guerre et rafferma les 
trêves au roy de France. 

En cel an fut le pape cause de la transmutacion de 
Tarcheveschié de Rouen en Tarcheveschié d'Aux pour 
monseigneur Philippe d'Alençon. Et est en Gascoin- 
gne et avec ce patriarche de*.... Et aussi fut demis Ou- 
dart d'Atainville du bailliage de Rouen, dont le peuple 
ouït grant joye. Cy parle du duc d'Angou et du duc 
de Boui^oingne, avec eulx le cardinal d'Amiens qui 
fut abbé de Fescamp, et aucuns du conseil du roy de 
France pour son parti, et le duc de Lencastre et son 
frère filz de Edouart roy d'Angleterre, avec eulx le 
conseil de leur dit père roy d'Angleterre. Et parle* 
menterent longuement pour traictier de paix et d'a- 
cort. Maiz pour ce qu'ilz ne peurrent. conclurre pour 
le fait du roy Henry d'Espaingne et pour le duc de 
Bretaingne , l'en aloingna les trevez de Pasques l'an 
mil trois cens soixante seize jusquez à ung an. Les 
trevez furent jurées, et le parlement se départi, et re- 



i. U y a ici une lacune d*un mot dam le nu. Lisex : patriarcfae de 
Aqnilée. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 257 

tourna chacun en son pais, les Françoiz en France et 
les Angloiz en Angleterre. Monseigneur Bertran de 
Oacquin esloit lors en Guienne. Ung cappitaine an- 
glois comme en trêves semont le dit monseigneur 
Bertran à disner o lui en ung chastel. Et comme il y 
aloit, on donna à entendre à monseigneur Olivier de 
Mauny que, se le connestable y aloit, il seroit prins et 
retenu et seroit en grant péril de son corps. Par le dit 
monseigneur Olivier, le connestable n'y ala pas, maiz 
vint à Paris par devers le roy de France qui là es- 
toit. 

En Tan mil trois cens soixante seize, trespassa de 
cest siècle le prince de Galles, ainsnë filz du roy 
Edouart d'Angleterre. Cestui prince fut ung des meil- 
leurs chevaliers de cest monde. En son temps il en 
avoit le renon sur tous. Duquel partie de ses fais sont 
cy retraiz en ceste cronique. De la mort de cestui cy 
prince furent merveilleusement courouciéz et dolens 
les Angloiz. Le roy de France, non obstant que le 
dit prince fust son ennemy, neantmoius pour cause 
de lignage il en fit faire obseque et service très so- 
lennel. 

En cel an eu mois d'aoust, avint eu royaume de 
France que ung jeune valeton de Taage de dix sept 
ans fut introduict qu'il estoit filz du roy de France et 
de la royne, et estoit bel enfant. Et de Soissons où ung 
chevalier le avoit fait nourrir vint à Paris. Ce cheva- 
lier l'avoit fait aprendre à estanmmer. Et comme le 
dit chevalier fut eu lit de la mort, il dit à l'enfant qu'il 
estoit filz du roy de France. Bien peult estre que ce 
chevalier estoit en frenoizie. Le dit chevalier manda 

l'enfant et lui dit devant plusieurs personnes et tabel- 

17 



§58 CHRONIQUE 

lioDS : ce Beau filz, je t'ay nourry, et sachez que tu es 
filz du roy de France. Et comme tu fuz ne, on mist eu 
lieu de toy une (ille. El dit on à la royne premier que 
tu estoiez ung filz. Apres on lui dist que tu estoiez 
une fille. Et en ces enssaingnes te recongnoistra à 
filz. » Apres la mort de cest chevalier, Tenfant vint à 
Paris et vint au Louvre et parla au moigne le gardien 
du Louvre, et lui dit qu'il estoit filz du roy et de la 
royne. Le moigne le fit savoir au prevost qui y en- 
voya de ses gens, et fut cestui enfant mis en prison eu 
Chastelet. Et pour lors le roy de France estoit à Aur- 
liens et retourna à Paris pour ceste cause. Et fut 
amené ce jeune filz devant le roy et devant la royne. 
Et trouva l'en que les enseingnes qu'il disoit n'estoient 
pas vrayes. Et aussi il ne resembloit de rien au roy ne 
à la royne. Et avec ce il ne fut pas trouvé ferme en 
parler, car il avoit esté sotement introduit. Et comme 
il vist qu'il fut réputé pour fol et ses paroles pour 
foies, il dit : a Se je ne suys filz du roy, si soye filz du 
pape. J'ayme mieulx. à faire mon mestier que mourir 
de fain en Chastellet. » Le roy commanda que on 
Tostat hors .de devant lui et qu'il fust tondu et merqué 
comme fol et sot et mené parmy Paris en cel estât. 

En cel an, se rebellèrent ceulx de la terre de Teglise 
de Romme et chassèrent les Rommains et les officiers 
du pape. Et se tournèrent aucunez cités et se aliereot 
de monseigneur Barnabo de Milieu. Les nouvelles en 
vindrent au pape qui requist aide au'roy de France, 
lequel lui fit aide de souldoiers et de deniers. Et aussi 
se rebellèrent les Florentins lesquelz le pape excom- 
p^enia et guerroya. 

En cel an, se parti de la court et conseil du roy de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 259 

France le cardinal d'Amiens qui fut abbé de Fescamp, 
et prist congié du roy, et s* en ala demourer avec le 
coliege des cardinaulx à la court du pape. De son 
alée et partement fut tout le peuple du royaume 
de France moult joyeulx. Et en cel an ala le pape 
Grégoire à Rommenye pour sa guerre contre les Fleu- 
rentins. 

En cel an y environ sept jours en septembre, très- 
passa le captai de Bucz au Louvre à Paris, lequel 
avoit esté en son temps très vaillant chevalier aux 
armez. 

En cel an, ouït es parties de Flandres si grant ha- 
bundance d'eaue venue soudainement par la mer es 
parties de Quigent, de L'Escluze, en alant tout au 
long de la mer selon la coste de Ardenbourc, que 
plusieurs plates villes furent noyées et plus de trente 
mille personnes peries. 

Cy après dist que, aprez ce que le duc de Lencastre 
fut retourné de Flandres du parlement d'avecquez le 
ducd'Ângou, que les AngloizTeurentsouppeçonneux. 
Et une partie de la cause en mut par le prince de 
Gales qui estoit pour lors malade, lequel ouït en 
doubte et en souppeçon son frère le duc de Lencastre 
qu'il ne voulsist estre roy d'Angleterre et alié du roy 
de France. Et ce mesmes fut dit au roy Edouart d'An- 
gleterre, lequel ouït son filzsouppeçonneux. Par quoy 
il avint que, après la mon du prince, le duc de Len- 
castre ne retourna puis en Flandres pour le fait du 
traictié. Par cette suspicion mut grant débat entre les 
Aâgloiz. Et ouït ung Angloiz en Angleterre, qui estoit 
seneschal de Nyorth, qui dit au sire d'Ansellée qu'il 
avoit prins des deniers d'or firans du roy de France. 



260 CHRONIQUE 

Le sire d'Ansellée en ofTri son gaige de bataille. Et 
remporta le duc de Lencastre. Et aussi ourent les An- 
gloiz souppeçonneux une partie de ceulx qui furent en 
Flandres pour traictier de la paix. 

En cel an, eu mois d'aoust, ouït ung parlement eu- 
quel ne fut rien conclud. Et y furent de la partie du 
roy de France Tarchevesque de Rouen, cousin du 
pape, le chancellier de France, le conte de Salebruce, 
maistre Nichole du Bosc, evesque de Baieux, et autres 
des conseulx du roy de France. Lesquelz s'en retour- 
nèrent à Paris o tout les trêves jusquez au rassembler 
pour traictier de la paix. Et aussi les Ânglois retour- 
nèrent en Angleterre. 

En ceste histoire, est faicte mencion comme Pierres 
le bon roy de Cyppre fut occiz par traison du prince 
Jehan son frère. Et depuis les Geneuois conquistrent 
Cyppre sur le prince Jehan. Or fut ainsi que la royne 
de Cyppre, feiîime du bon roy Pierres, fit traictië aux 
Geneuois pour le royaume de Cyppre par ung million, 
et si seroient seigneurs de Famagoste. Et aussi le 
prince Jehan se mist à raençon aux Geneuois. Par 
quoy depuis advint que, tant par le cappitaine des 
Geneuoiz que par le chancelier de Cyppre, on fit 
traictier de paix entre le prince Jehan de la royne de 
Cyppre, femme du dit roy Pierres et de ses enfans, et 
furent en ung chastel. La royne qui moult estoit vail- 
lant dame fit faire ung aguet ou garnison de seigneurs 
loiaux chevaliers. Si advint qu*il fut ordonné par les 
traicteurs pour faire Facord du prince Jehan, de la 
royne et de ses enfans qu'ilz disneroient ensemble. Le 
prince Jehan y vint mal garny. Car il fut trop oultre- 
cuidië et ne prisa en rien ses nepveuz pour ce qu'ilz 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Ui 

estoient petis enfans. La noble royne, comme le 
prince et elle, ses enfans et le cappitaine des Geneuoiz 
furent assiz à disner, elle commença trop fort à plou- 
rer. Son ainsné'filz lui demanda : a Belle mère, pour 
quoy plourés vous ?» Et donc sacha la dicte royne la 
chemise du roy leur père toute ensenglantée, icelle 
propre chemise en quoy le bon roy Pierres avoit esté 
occiz et dit : « Enfans, enfans, tant comme je voye 
que le sang du bon chevalier vostre père soit à ven- 
gier et je voye le faulx traistre qui Toccist, mon cueur 
ne cessera de plourer. » Adonc saillirent ceul\ de Ta-' 
guet et occistrent le prince Jehan d'Anthyoche en la 
présence de tous. Et ainsi fut vengie la mort du bon 
roy deCyppre, et fut au devant du commencement de 
l'an mil trois cens soixante seize. 

En Tan de grâce mil trois cens soixante dix sept, 
Edouart, le roy d'Angleterre, qui estoil ancien, fut ma- 
lade. Et comme il aprocha de sa mort, il songa par 
plusieurs foiz sa mort, puiz une foiz que on le empoi- 
sonnoit, puis que on le vouloit noyer, puis que son 
filz le vouloit occire. Cestui roy Edouart avoit fait 
mourir son père, si doubtoit que on ne feist ainsi de 
lui. Et quant il fut aproché du mal de la mort, il fit 
son hoir le filz de son aiusné fils le prince de Galles, 
comme dit est. Et après ce que le dit roy Edouart 
d'Angleterre fut trespasse de cest siècle, lequel avoit 
tant guerroie le royaume de France comme ceste his- 
toire l'a devisé eu temps des trois roys de France, 
comme dit est, il fut très solennelment et très haulte- 
ment mis en sépulture en l'abbaye de Westmonstier 
jouxte Londres. En Angleterre, ouït grant débat pour 
la couronne, car le duc de Lencastre se efforça d'estre 



Î62 CHRONIQUE 

roy. Mais les citoiens de Londres lui furent contraires. 
Et fut le filz du prince de Galles, ainsné filz du roy 
Edouart d'Angleterre, levé à roy d'Angleterre. 

Richart, le file du prince de Galles, fut enoint, sacre 
et couronné roy d'Angleterre en Teglise de Westmon- 
stier ainsi solennelmeut comme il est acoustumé eu 
dit pais à faire en tel cas. Et prist comme son ayeal 
avoit fait le tiltre du roy de France. Dont il fut mal 
conseillié. Car tant comme il portera le tiltre de France, 
paix ne acord ne sera entre les deux royaumes de 
France et d'Angleterre. Le duc de Lencastre fut fait 
régent et garde du roy nouvel, jusques ad ce qu'il 
feust en aage. Et jura feaulté au roy son uepveu par 
le conseil des barons d'Angleterre. Et Jehan de Mont- 
fort, duc de Bretaingue, fut fait connestable d'Au^e- 
terre. 

En cest temps, monseigneur Olivier de Clichon tinst 
siège devant Aurrey, en Bretaingne, tant efforciement 
qu'il le prist et le mist en la main du roy de France. 

Adonc le roy de France fit faire une armée par mei 
dont monseigneur Jehan de Vienne, amiral de France, 
fut chief. Avec lui furent moult de nobles hommes, 
c'est assavoir le sire de Torchy, le barou de La Ferté, 
le chastellain de Beauvais, monseigneur Guillaume Le 
Bigot et Jehan Le Bigot son frère. Avec eulx fut Tami- 
rai d'Espaiugue à grant nombre d'Espaingnolz et sin- 
glerent es ysles de Gerzié* et de Wych' et barrèrent le 
pais, puis singlerent à Wyncelze. Et descendirent les 
François en Angleterre et boutèrent le feu par les villes 



i. Jersey. 
S. Wiith. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. î«3 

dessus la marine et prindrent la proye. Et alors tous 
les barons d'Angleterre estoient à Londres pour le 
trespas du roy Edouart, comme dit est. L'amiral de 
France fit bouter de fait le feu en la Rye. Dont mon- 
seigneur Nicholas, sire de Torcliy, qui o moult grant 
route de bonnes gens d'armes estoit en celle armëe, 
ouït moult grant desplaisir, car il la vouloit emparer, 
tenir et enforcier, et moult s'en courouça et en dit de 
moult grosses paroles à l'amiral de France. Lors se 
retrairent les François et retournèrent à Harefleu, car 
les souldoiers avoient servi leur temps de leurs gaiges. 
Quant le navire fut venu à Harefleu, l'amiral ala à la 
court du roy devers le roy de France. Et aussi fit mon- 
seigneur de TorcIiy, maiz monseigrjeur Bureau de La 
Rivière et sire Jehan Le Mercier les mistrent à acort. 
Cestui sire Jehan Le Mercier qui estoit principal 
gouverneur des deniers du roy, et à lui estoient tous les 
receveurs et grenetiers du royaume de France obeis- 
sans, vint à Harefleu et fit de rechief singler le navire 
de France et d'Espaingne à Hantonne. Maiz comme 
lesFrançoiz cuiderent prendre port, le conte d'Arun- 
delle et monseigneur Robert Canole, à bien huit cens 
hommes d'armes et bien plus de deux mille Anglois, 
furent au port et leur deveerent le descendre. Et là 
ouït moult grant assault. Maiz les Françoiz sonnèrent 
la retraitte et singlerent selon la coste d'Angleterre. 
Et selon ce que les Françoiz singloient, les Angloiz les 
costoient par la terre. En cestui voiage ne firent riens 
les François, lors singlerent vers Calaiz . Et adonc leur 
sourt ung orage de fort temps en la mer qui moult les 
domaiga. Pour quoy le navire s'en retourna à Hare- 
fleu. Alors monseigneur de Boui^oingne et le sire de 



264 CHRONIQUE 

Clichon et moult de nobles hommes avoient assis 
Ârdres et deux autres forts qui furent prins. Puis se 
départi Tost. 

Apres ce que les François furent partis d'Angleterre, 
Jehan de Montfort^ duc de Bretaingne, à tout bien qua- 
torze cens combatanS; descendi à Breth en Bretaingne. 
D#par le roy de France fut ordonné monseigceur de 
Clichon à estre en frontière. En cest temps, le cappi- 
taine de Bordeaux prist monseigneur Emond de Pom- 
miers et le fit decappiter. 

Eu dit an, mil trois cens soixante dix sept, après le 
saint jour de la glorieuse Nativité Nostre Seigneur 
Jhesucrist, vint à Paris Tempereur de Rom me et d'A- 
lemaingne, oncle du roy de France. Avec l'empereur 
vint son filz le roy des Rommains et de Boesme et 
maint hault prince d'Alemaingne. Charles, le roy de 
France, envoia le duc de Berry et le duc de Bourgoin- 
gne, ses frères, à rencontre de l'empereur. Et comme 
l'empereur vint à Saint Denis en France, par le com- 
mandement du roy, le prevost des marchans de Paris 
à plus de mille cytoiens à cheval vestus de robes 
pareilles de couleur, alerent faire à l'empereur révé- 
rence. 

Le roy de France mesmez ala à Fencontre de Feni- 
pereur aussi comme à l'entrée de la ville. Et s'entre- 
firent l'empereur et le roy grant joye et vindrent d'une 
alée et compaignie eusenble au palais du roy de France 
à Paris. Icellui jour esloit la vegille de la Typhanie. 
Moult tint riche hostel pour ce jour le roy de France. 
Et l'audemain tint le roy court planiere à son palais e^ 
moult honoura l'empereur et son filz et tous les haulz 
hommes de sa compaingnie. Et merveilles estoit de 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. «6» 

regarder la ires grant richesse du roy de France qui 
estoit tant en drecheurs sur tables, en paremens au 
grant palaiz, en salles et en chambres et de très grans 
et nobles dons qu'il donna à Tempereur, à son (ilz et 
à leurs gens. Âpres ce que le roy de France ouït fes- 
toie l'empereur son oncle à Paris, il le mena au bois 
de Vincennes où il le festoia. Et du bois Tempereur 
ala en pèlerinage à Saint Mor des Fossés, et de là s*en 
retourna en son pais. 

Apres ce que l'empereur se fut parti du roy de 
France son nepveu où il avoit eu moult riche feste et 
noble, la royne de France acoucha d'enfant et ouït 
une fille dont elle mourut. De quoy ce fut pitié. Le 
roy de France en fit grant dueil. Et fut la dicte royne 
mise en sépulture à Saint Denis en France , et son 
cueur enterré aux Cordelliers à Paris, et les entrailles 
aux Celestins de Paris. Apres mourut une de ses filles. 
En cel an mourut le pape Grégoire à Romme et fut 
eu mois de mars. 

En l'an mil trois cens soixante dix huit, commença 
guerre entre le roy de France et le roy de Navarre. Et 
fut prins Jacques de Rue sur lequel on trouva lettres 
esquelles estoit contenu que le roy de Navarre devoit 
faire mariage de monseigneur Pierres son filz à la fille 
du duc de Lencastre et qu'il devoit livrer de ses chas- 
tiaux aux Ângloiz. Et alors estoit venu en France 
monseigneur Charles de Navarre, ainsné filz du roy 
de Navarre, lequel fut mandé du roy de France son 
oncle et y ala à sauf conduit. Et lui monstra le roy 
les dictes lettres. Et sur ce ledit monseigneur Charles 
respondi au roy de France son oncle : « Mon très 
redoubté seigneur, vous m'avez dit que monsei- 



f66 CHRONIQUE 

gneur mon père vous a faussé sa promesse en taut 
qu'il a vouUu mariage de ses eufans aux Anglois. 
Quant à ce, monseigneur mon père est roy. Il puet 
marier ses enfaus où il lui plaira et lui aussi où il 
lui plaity car il est roy. Maiz à Tautre point où l'en dit 
qu'il devoit livrer de ses chastiauh au roy d'Angle- 
terre, se Dieu plait, il ne sera ja trouvé qu'il y ait fait 
ne qu'il le face. Je suys vostre nieps, vostre seur me 
porta. » Donc lui dit le roy : « Beau nieps, je ne vous 
vueil pas tollir terre. Maiz je vueil que les chasteaulx 
soient mis en ma main. » Et pour ce par le duc de 
Bourgoingne et par le duc de Bourbon, avec euU le 
connestable Bertran de Clacquin, fut mené monsei- 
gneur Chailes de Navarre par les forteresses que son 
père le roy de Navarre tenoit en Normendie tant de 
son propre domaine que de l'assiette du mariage de sa 
femme, mère du dit monseigneur Charles, pour les 
faire rendre en la main du roy de France. Et se ren- 
dirent la ville, cité et chastel d'Evreux, Bretueil, Pacy, 
Agneit, Breval, Regnierville. Fut prins d'assault Ber- 
nay où là fut prins maistres Pierres Du Tertre. Le 
Pontaudemer ne fut pas lors rendu, car les Navarrois 
ne vouldrent. Monseigneur le duc de Bourgoingne, le 
dit monseigneur Charles et le connestable bien acoui- 
pagniés de bonnes gens d'armes alerent à Cesarbourg. 
Maiz les Navarrois estans dedens la place ne vouldrent 
rendre le chastel, et pour ce s'en retournèrent devant 
Gavray aussi comme pour faire siège. Et tant des- 
traint le connestable ceulx de Gavray que par defaulte 
de vivres ilz rendirent le dit chastel au dit monsei- 
gneur Charles de Navarre. Lequel le rendi en la main 
du dit connestable pour et eu nom de son oncle le 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Î67 

roy de France. Lequel chastel estoit imprenable d'as- 
sault de gens d'armes, de toute artillerie et de tous 
engins. Puis s'en revindrent le dit monseigneur 
Charles de Navarre et le dit eonnestable au Pontaude- 
mer. Et comme ilz furent là venuz, monseigneur 
Charles ala pourparler au cappitaine affin que on lui 
rendist la place qui estoit à lui de par sa mère, seur 
du roy de France. Le cappitaine fit dire qu'il estoit 
malade. Maiz monseigneur Charles le pressa tant qu'il 
vint parler à lui. Et dit le cappitaine que le roy de 
Navarre lui avoit baillé le chastel à garder, et que 
pour mourir ne le rendroit fors au roy de Navarre. 
Maiz se ainsi estoit que le roy de Navarre fut mort^ 
voulentiers le rendroit à monseigneur Charles de Na- 
varre. Quant le eonnestable ouït ouye la responce du 
cappitaine du Pontaudemer, il dit : a A Dieu le vou, 
gars, je vous pendroy aux carneaulx. » Et dont on 
ordonna que l'en les assauldroit. Et manda le dit 
eonnestable à Rouen que on lui envoiast deux cens 
arbalestriers et autant de gens d'armes et des engins. 
Et lors fit assaillir le dit chastel, et les engins getter 
très efforciement de jour et de nuyt tant qu'ilz enfon* 
drerent les habitacions du chastel. Et lors quant les 
Navarrois se virent si batuz d'engins, ilz ourent con- 
seil qu'ilz se rendroient. Et firent traictié par ainsi 
qu'ilz rendroient le fort à monseigneur Charles, et se- 
roient paiëz de leurs gaiges de trois mois, et si se- 
roient menez o leurs biens à saufconduit à Cesarbourg. 
Ainsi leur fut accordé. Et par ce traictié fut le Pont- 
audemer rendu, dont le chastel fut abattu et la forte- 
resse de la ville aussi. Et plusieurs autres nobles chas- 
teaulx royaulx et belles forteresses que tenoit le dit roy 



268 CHRONIQUE 

de Navarre en Normendie furent tous en la main du 
roy de France, excepté Cesarbourg et Saint Guillaume 
de Mortaing. Et tous ou la plus grant partie furent 
abatuz. 

En cel an 9 eust à Romme grant descort, après ce 
que le pape fut trespassé, à faire ung pape. Et ouït 
entre les cardinaulx grant descord. Car les Limosins 
et ceulx de deçà les mons voulloient faire pape de 
leur partie, et les Rommains et oultre montains ne 
vouidrent. Et pour cest débat fut levé à pape Farche- 
vesque du Bar qui avoit nom Berthelemieu, et nommé 
fut pape Urbain le sixiesnie. Et en cel an fut descort 
par entre le dit pape Urbain et les cardinaulx. Car 
après ce qu'il fut oint et sacré à pape le jour de Pas- 
ques à Romme, il voult depuis ce regarder sur leur 
estât y et ne voult pas qu ilz eussent si grant estât 
comme ilz avoient eu au devant. Et pour ce qu^il les 
voult corrigier et leurs bénéfices apeticier, les diz car- 
dinaulx se partirent de Romme et alerent en Vienne. 
Et ains qu'ilz partissent de Romme , dit le cardinal 
d'Amiens au pape Urbain qu'il ne le tenoit point à 
pape. Et le pape Urbain lui.respondi qu'il estoit vray 
pape et loialment sacré. Et de ce le dit cardinal le des- 
menti comme archevesque du Bar et non pas comme 
pape. 

Comme les diz cardinaulx furent venuz en Vienne, 
ilz firent conclave. Et le dit cardinal d'Amiens fit venir 
les Bretons et gens de compaigne qui estoient en Italie 
pour guerroier ceulx de Romme. Et chevaucerent les 
dictes gens d'armes jusqu'au pont de Tybre. Là es- 
toient les Rommains pour garder le psLS. Un escuier 
de Normendie nommé Tournebu qui avoit bien six 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 269 

YiDgt combatans soubz lui assailli les Rommains pre- 
mier et puis les Bretons. Et là desconfirent les Rom- 
mains et en mistrent grant foison à mort et les firent 
reculer jusques à Romme. Le peuple de Romme cou- 
rut aux armes et sonnèrent la grosse cloche et ycssi- 
rent contre les Normans et Bretons qui s'estoient re- 
traiz. Apres ce que les Romains furent retournés, ilz 
occistrent de povres clercs qui estoient venuz à 
grâces. 

Pour cest temps estoient les cardinaulx à Vienne te- 
nans conclave pour faire autre pape que cil qu*ilz 
avoient fait et sacré. Le cardinal d'Amiens, qui par sa 
subdlleté contendoit et vouloit estre pape, se traist 
vers les cardinaulx d'Ytalie et dit à chacun par soy 
qu'il lui donnoit sa voix et qu'il ne la donneroit jà à 
Limosin. Et leur conseilla qu'ilz donnassent leur voix 
au cardinal de Genève disant : a II est le plus jeune 
des cardinaulx, il ne pourroit estre pape. » Et ilz le 
creurent. Or vint à ouvrir le conclave. Les Limosius 
vouldrent faire pape Limosin. Mais les autres cardi- 
naulx ne vouldrent. Dont fu par entreulx dit que nul 
Limosin ne seroit pape. Et lors les cardinaulx d'Ytalie 
donnèrent leur voix au cardinal de Genève. Et aussi 
fit le cardinal d'Amyens, et les autres s'i acorderent. 
Ainsi fut esleu, levé et créé à pape des cardinaulx le 
cardinal de Genève. Et fut nommé pape Clément le 
septième. 

En France vindrent premièrement les bulles du 
pape Urbain, et fut receu à pape de toute crestienté 
excepté du roy de France. A Paris fut fait ung concilie 
des preslas de France et des maistres et docteurs de 
l'Université de Paris eu quel fut déterminé que le pape 



270 CHRONIQUE 

Urbain estoit vray pape. Maiz les cardioaulx ne le 
vouldrent accepter, et disoient qu'ilz avoient fait le 
premier par force et pour doubte que les Rommains 
ne les occisissent, et que le second, le cardinal de Ge> 
neve ilz tenoient à pape et que à eulx est le droit de 
Taire pape, et, quelque oppinion que les prelas ne 
r Université deissent, se est il à eulx de faire pape. Et 
à la partie des diz cardinauix se tint le roy de France. 

Apres ce, aprez la Saint Martin d'yver, (iirent ap-> 
portées les bulles du pape Clément à Paris. Et fut 
commandé par le roi de France qu'il feust tenu à 
pape, jasoit ce uqe la greigneur partie des chevaliers 
et du peupple tenissent l'autre à vray pape. En cest 
temps qu'il ouït scisme et discension en coliege de 
Romme, comme dessus est dit, par aucuns des cardi- 
naulx fut descript à Tarchevesque du Bar non pas 
comme à pape et si descrivoient comme à pape. Car 
il estoit dit du pape Urbain que selon sa significacion 
des papes qu'il estoit signifié à beuf et sans mittre et 
sans clef et que enfer l'atendoit et qu'il estoit avi- 
ronné d'estoilles merveilleuses. 

Le pape Urbain leur descript qu'ilz avoient (ait 
comme firent les disciples de Nostre Seigneur Jhesu- 
crist en sa Passion et aussi comme les Juifz. Les disci- 
ples le laissèrent : (c Circumdederunt me viri nien- 
daces, etc.... Vous qui m'avez sacré par la vertu 
divine à pape et sans mon pourchas en la présence de 
bons tabellions, si me faictes comme les faulx Juifz 
firent à Jhesuscrist nostre seigneur. Car comme ilz le 
eurent receu en Jherusalem le jour de Pasqucs flouries, 
ilz le boutèrent hors et i'occistrent. Ainsi vouliez vous 
faire. Et comme les disciples laissèrent Nostre Seigneur 



DES QUATRE PREBOERS VALOIS. 271 

Jliesuscrist, me avez vous laissié pour les délices mou- 
daines et tournez aux temporalités. Apres, beaux frères, 
vous m'avez descript que je suys signifié au beuf. Le 
beuf signifie beste débonnaire et vertueuse. Se vous 
vous radreciez vers moy, je vous seroy débonnaire. 
Quant saint Pierre ouït regnié son créateur Jhesucrist 
et ainsi pechié vers lui, Nostre Seigneur Jhesucrist lui 
pardonna. Se vous faictez ainsi comme je vous escrips 
et que vous vous radreciez, je vous pardonneray. 
Et se vous faictez comme Judas, ma sentence qui 
procède de Dieu vous jugera. Car entre vous a ung 
Judas qui tous vous tient en la voye des ténèbres. 
Âpres vous m'avez descript que enfer m'atent. Beaux 
frères, vous m'avez escript vérité. En la cité de Napples 
a une partie de la cité que l'en appelle Enfer. En icelle 
partie demeure une partie de mon lignage. Cil à grant 
joye me attendent et tout le pais. Apres, beaux frères, 
vous m'avez descript que je suys avironné d'estoilles 
merveilleuses. Bien avez descript. Je vous descry que 
les estoiles merveilleuses signifient que j'ay créé plu- 
sieurs preudommes à estre mes frères par vostre ini- 
quité. » Moult de belles raisons leur descript le pape 
Urbain. Maiz onc pour ce ne vouldrent les dessus diz 
cardinaulx eulx radrecier. Maiz tousjours obstindrent 
qu'il n'estoit point pape. 

Apres le pape Urbain descript à l'Université de 
Paris comme de la monicion des cardinaulx avoit esté 
enoint et sacré. Aussi escript il au roy de France et 
aux autres roys et haulx princes Crestiens qui tous le 
tindrent à pape excepté cil de France qui de rechief 
manda des plus notables clers de l'Université de Pa- 
ris, lesquelz lui distrent que le pape Urbain estoit 



272 CHRONIQUE 

vray pape. Et non obstant ce, le dit roy de France 
tint le parti des dessus diz cardinaulx et tint le cardi- 
nal de Genève à pape. 

Le pape Urbain créa plusieurs prelas d^Ytalie à 
cardinaulx. En France, il tramist le chappel à monsei- 
gneur Philippe d'Alençon, qui fut archevesque de 
Rouen, puis patriarche. Il ala à Romme où il fut gran- 
dement receu et joyeusement des Rommains. Pour 
lors le derrain pape nomme Clément et ses cardinaulx 
alerent à Foudres où le conte de Foudres les receut 
le mieulx qu*il poult. Et quant le dit pape Clément 
sceut que monseigneur Philippe d'AIençon fut avec le 
pape Urbain^ il en fut moult dolent et donna ses bé- 
néfices. 

En cel an mil trois cens soixante dix huit, devant 
Harefleu , le jeudi devant Penthecouste, vint par mer 
le conte d'Arondelle à plus de cent nefz d'armée et 
vint à plus de deux mille combatans assaillir Hare- 
fleu. En la ville estoit monseigneur de Blainville, ma- 
reschal de France, qui alors n'avoit pas plus de cent 
lances de la chevallerie de Caux qui très vassaument 
deffendirent Harfleu à porte ouverte. Et là ouït belle 
escarmuche et fort estiqueis de glaives et fort assault 
d'une partie et d'autre de trait. Là le fit bien monsei- 
gneur le mareschal, monseigneur de Basqueville, 
monseigneur d'Auseboc, monseigneur de Harmen- 
ville, monseigneur de Remes et ses enfans. Et moult 
d'autres bons chevaliers de Caux se combatoient vail- 
lamment. Maiz le conte d'Arondel vint à deux si 
grosses batailles qu'il fallut que les dessus diz Fran- 
çoiz se retraissent dedens Harefleu. Et à la retraicte 
le firent bien les dessus diz Françoiz chevaliers et es- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. ' 273 

cuiers de Caux. Monseigneur Guillaume de Taleville 
et plusieurs autres y souffrirent grans fais d'armes. 
Les arbalestriers ourent là moult graiit mestier et 
moult navrèrent d'Ângloiz. Lors fut la retraitte son- 
née et s'en retournèrent les Angloiz en leur navire. 

Apres ceste besoingne, es feries de Penthecoustes, 
le conte d'Arondel yessi de son navire et vint à ba- 
taille rengie devant Harefleu et demanda la bataille et 
où estoit le connestable et qu'il le attendroit à com- 
batre. Monseigneur de Blainville ne accepta pas ne ne 
prist jour de bataille. Maiz il le manda au connestable 
lequel lui escript et manda qu'il preist jour de bataille 
et place à sept lieues de la mer et là leur livreroit on 
bataille. Maiz les Angloiz ne le voudrent accepter. 
Comme les Angloiz se retraistrent en leur navire, 
monseigneur de Graville, monseigneur de Basqueville, 
monseigneur de Beausaut avec le dit mareschal et 
bien huit vingt lances desdiz chevaliers et escuiersde 
Caux parsuirent les Anglois jusquez en la mer. Et là 
ouït trois chevaliers Anglois qui firent beau fait d'ar- 
mes à recueillir leur gens. Et entrèrent les derrains 
en leur navire, puis se retrairent les diz Anglois et se 
boutèrent dedens la mer. 

En cel an mil trois cens soixante dix huit, la foire 
du Lendit séant, furent décapités maistre Pierres Du 
Tertre et Jacques de Rue, officiers et familliers du roy 
de Navarre. Et ains qu'ilz fussent décapités, ilz furent 
jugiés comme atains en parlement. Et fut pour ce 
qn'ilz dévoient livrer des chasteaulx que le roy de Na- 
varre tenoit en Normendie aux Angloiz. Maistre Pierres 
Du Tertre disoit en ses raisons que quant il fut prins 
il estoit en sauf conduit dii connestable de France, et 

48 



274 CHRONIQUB 

aussi que le roy Jehan le avoit baillië au roy de Na- 
varre à le servir contre tous hommes. Maiz il ne fut 
point ouy en celles deffenses et fut jugië au dit parle- 
ment à Paris à estre décapités. La cause pour quoy fu- 
rent décapités Jacques de Rue et maîstre Pierres Du 
Tertre si comme l'en dit fut telle. Premièrement, qu'ilz 
dévoient empoisonner ou faire empoisonner monsei- 
gneur Charles de Navarre pour ce qu'il ne vouUoit, 
depuis qu'il (ut Françoiz, que on esmeust guerre au 
roy de France. Et fut empoisonné le dit monseigneur 
(Charles de Navarre de une poison telle de flux de 
ventre que onc médecins ne fizicien ne poult sçavoir 
remède. Item, que la roy ne de Navarre fut par eulx 
empoisonnée en ung baing pour ce qu'elle soustenoit 
les Françoiz, et le distrent à Ferrando. Maiz je ne dy 
pas que ce eust fait faire le roy de Navarre, car il l'a- 
moit moult. Item, quant le dit monseigneur Charles 
de Navarre eust esté avec le roy de France son oncle, 
le dit Jacquez de Rue et le dit maistre Pierres Du 
Tertre dévoient empoisonner ou faire empoisonner le 
roy de France et ses frères et le dit monseigneur 
Charles de Navarre. Et pour ce furent ilz coudampnéz 
à estre décapités pour les faiz dessus diz tant comme 
d'empoisonnement que pour les autres choses devant 
dictes. Le roy de Navarre descript au roy de France 
que quelconque chose que on lui meist sus onc ne le 
pensa ; ne onc l'avancement de la mor de son seigneur 
et frère le roy de France et ses frères onc ne pour- 
pensa. 

En cel an, les Turcs et Sarrasins es parties d'Chîent 
coururent sus la mer et prindrent plusieurs Crestiens. 

En cel an, le duc de Lencastre mist siège devant 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 275 

Saint MaloUy lui et le conte d'Arondel, et fut eu mois 
d'aoust. Monseigneur Bertran deClacquin connestable 
de France fit sa semonce et chevauça sur les Angloiz» 
Et pour lors le conte d'Arondel s'estoit mis sur le pais 
à bien trois cens hommes et plus. Le dit connestable 
courut sus aux Anglois et les soupprist ; et pou s'en 
fallu que le conte d'Arondel ne fut pris. Et furent les 
Anglois desconfiz, et y ouït prins de bons prisonniers. 
Apres ce, le dit connestable attendi monseigneur de 
Clichon ; et, comme ilz furent adjouxtës^ ilz ne furent 
pas quinze cens lances. Et les Anglois estoient plus de 
trois mille hommes d'armes et autant ou plus d'ar- 
chiers. Et avec ce le duc de Lencastre attendoit le 
duc de Bretaingne. Le connestable se parti de Saint 
Mallou et ala à Paris pour parler au roy pour pour- 
veoir à lever le siège de Saint Mallou. Dedens Saint 
Mallou estoient bien trois cens hommes d'armes qui y 
eurent bon mestier^ car le duc de Lencastre leur livra 
ung grant assault. Et si bien se deffendirent ceulx de 
Saint Mallou que les Angloiz y perdirent plus de six 
vingt hommes d'armes. 

En cel an y fut mis le siège à Saint Guillaume de 
Mortaing par monseigneur de La Ferté, monseigneur 
de Tournebu , monseigneur de Torchy et par autres 
barons et nobles de Normendie. Et tant destraindrent 
cil du chastel que le chastel fut rendu , prins et abatu 
de tous poins. 

Apres ce que tous les chasteaulx et forteresses que 
le roy de Navarre tenoit en Normendie furent rendus 
ou prins et mis en la main du roy de France, excepté 
Cesarbourgy le dit roy de France fit abatre tous iceulx 
chasteaulx et forteresses. Et puis en cel an mesmes eu- 



276 CHRONIQUE 

voya le dit conneslable de France o grant nombre de 
gens d'armes, d^arbalestriers, d'engins, de carpeii- 
tiers, de maçons, de pionniers et de mineurs pour 
mettre siège devant Cesarboui^. Monseigneur Beitran 
de Clacquin, connestable de France, monseigneur de 
Blainville mareschal de France, monseigneur de La 
Rivière, le seneschal de Renault et tout Tost appro- 
chèrent de Cesarbourg. Les Anglois et Navarrois 
avoient fait une grosse embusche. Le frère du dit con- 
nestable, le sire de Mauny, le sire de La Roche et plus 
de soixante dix, que chevaliers, que escuiers, vindrent 
courre devant Cesarboui^ et passèrent Tembusche. 
Et les Navarrois leur coururent sus. Là furent soup- 
prins, car Tost estoit encoires loing. Là furent prins 
monseigneur Olivier de Clacquin, frère du dit connes- 
table et le sire de Mauny et bien soixante, que cheva- 
liers, que escuiers. 

Apres yessirent de Cesarbourg en bataille bien six 
cens Anglois. Et en la mer estoient quatorze barges 
d'armée d'Angleterre. Le connestable de France et 
l'ost se logèrent en l'abbaye au dehors de Cesarbourg. 
Pour lors que l'en vint mettre siège devant Cesar- 
bourg, il faisoit merveilleux froit, et enfondoient les 
chevaulx, et aussi y avoit grant defaulte de vivres. De 
laquelle s'estoit fait fort sire Jehan Le Mercier de four- 
nir l'ost de vivres. Comme on fut venu à Cesarboui^, 
chacun tendy à soy logier. Là eurent trop de povreté 
et de mesaize la menue gent tant de fain que de froit, 
et tant qu'il fallut que l'ost deslogast. Maiz ainçois 
que on se deslogast, les Anglois qui virent les François 
au froit et au vent qui tendoient à eulx logier, comme 
monseigneur Charles de Navarre et sire Jehan Le 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 277 

Mercier furent venuz, les Anglois et Navarrois yessî- 
rent de Cesarbourg et vindrent bouter le feu en Tost. 
De la partie des logeis au dit sire Jehan Le Mercier on 
cria alarme et s'arma Tost. Et donc se retrairent tan- 
tost les diz Anglois et Navarrois, car monseigneur de 
Clichon sourvinst en Tost à tout bien n^ille combatans. 

Par ce qu'il n'estoit pas saison ne temps convenable 
à prendre siège et aussi les gens ne les chevaulx n'a- 
voient pas asses vivres, il fallut que Tost se departist. 
Et fit l'en bastides en l'abbaye où demoura monsei- 
gneur Guillaume de Bordes o une route de gens d'ar- 
mes du dit bost. 

Apres ce on fit ung concilie à Caen. Et là fut le con- 
nestable et sire Jehan Le Mercier et le conseil du roy 
pour avoir sur le pais de Normendie une aide ou sub- 
cide pour paier les gens d'armes. Et quelque on estoit 
en icellui parlement, ceulx qui estoient demourës es 
dictes bastides se deslogerent, car ilz estoient pou 
pour résister contre ceulx de Cesarbourg. Le connes- 
table fut trop marry que le siège estoit rompu. Si ad- 
vint que le connestable fut ung jour avec les generaulx 
ou trésoriers; il demanda où estoit sire Jehan Le Mer- 
cier, et on lui dit qu'il estoit avec les dames. Le con- 
nestable lors dit et appella sire Jehan Le Mercier or- 
deux gars, traistre et larron au roy de France, et que 
par son deffaultle fait du siège estoit rompu. Et ce 
que le connestable avoit dit fut reporté à sire Jehan 
Le Mercier en la présence de monseigneur N. du Bosc 
evesque de Baieux et d'autres seigneurs du conseil du 
roy. Dont sire Jehan Le Mercier fuit moult yrés et do- 
lent; puis respondi comme subtil : « Je scay bien que 
le connestable a dit ces paroles par yre et courouj^ 



278 CHRONIQUE 

qu'il a de sod frère, de monseigneur de La Roche, du 
sire de Mauny et des autres bons chevaliers et escuiers 
qui ont esté prins. Mais, se Dieu plaist, je m*en excu- 
seroy tant et si avant par devant le roy que j'en seroy 
excusé deueoient. » En cest concilie de Caen fut or- 
donnée une grosse taille à cueillir sur le pais de Nor- 
mendie dont lé peuple fut moult grevé. 

Apres ce que le siège de Cesarbourg fut levé, ung 
grand cappitaine du roy de Navarre nommé Ferrando, 
lequel estoit en prison à Caen, fut amené en prison eu 
chastel de Rouen en la grosse tour. 

En cel an mil trois cens soixante dix huit, trespassa 
de cest siècle l'empereur de Romme et d'Alemaingne, 
oncle du roy de France, eu dit an qu'il avoit esté a 
Paris. Et fut cestui empereur ung très grant sages 
homs et conquist plus l'empire par sens que par ar- 
mes. Son filz le roy des Rommains fut esleu des Aie- 
mans à estre empereur. 

Apres ce que le dit empereur fut trespassé, le roy 
de France tramist en legacion maistre Aymery de Mi- 
gnac, evesque de Paris, à son cousin le nouvel empe- 
reur à celle fin qu'il tenist à pape le pape Clément, le- 
quel avoit ^té créé à pape, comme devant est dit. Les 
prelasd'Alemaingne comme l'archevesque de Mayence, 
l'arche vesque de Coulloingne, l'archevesque de Trêves, 
l'evesque de Liège, l'evesque de Cambray et autres, en 
la présence de la plus grant partie des barons d'Ale- 
maingne, respondirent à l'evesque de Paris qu'îk es- 
toient bien merveilles comme le roy de France sous- 
tenoit le cardinal de Genève à pape, considéré que de 
tous temps le roy de France après l'empereur est le 
souverain prince des Crestiens. Et oultre fut dit à l'e- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 279 

vesque de Paris que, ce ne fust par Tamonr du roy de 
France duquel il estoit messagier, ils le redarguassent 
de hérésie disant que c'est chose notoire que le pape 
Urbain avoit esté sacré et beney à pape du gré et con- 
sentement des cardinaulx. Et eu cas qu'il avoit esté 
sacré par les diz cardinaulx, ilz ne le povoient par 
droit déposer ne débouter, se ce n'estoit qu'il fut he- 
rese ou bougre*. Mais pour ce que les diz cardinaulx 
virent que le dit pape Urbain leur voult diminuer 
leurs estas et leurs revenues, par ce et par la commo- 
cion d'aucuns des cardinaulx comme cil de Genevre, 
cil de Therouenne, en especial cil d'Amiens qui des- 
menti le pape Urbain, le cardinal de Limoges et cil de 
Saint Eustace et aultres iceulx cardinaulx, comme fut 
dit à i'evesque de Paris, levèrent indeuement à pape 
le cardinal de Genevre. Quant I'evesque vit que si 
grans prelas et si puissans furent contre lui, il ne fut 
pas asseur et ouït doubte. Et en oultre estoit à la court 
de l'empereur le duc d'Austriche qui avoit guerre au 
sire de Coussi, et le duc de Guéries et cil de Julliers 
qui de long temps ont esté ennemis du roy de France. 
Et cecy fut denoncié au jeune empereur par le duc de 
Braban, lequel monstra aussi au dit empereur comme 
richement, haultement et joyeusement son père et lui 
furent receuz du roy de France à Paris. Et lors prist 
l'empereur les legas et messagiers du roy de France en 
son sauf conduit. Et après le parlement on ala disner. 
Et en icellui disner ouït trois tables d'onneur. En la 
plus haulte fut l'empereur, trois archevesques et les 

1. Bougre, Manichéeoy de la Bulgarie , qui était une des contrées 
d'Europe, où la doctrine de Mauès s'était d*abord et surtout répandue. 



280 CHRONIQUE 

ducs. Et la plus notable après furent les evesqués et 
les contes. En la tierce après fut l'evesque de Paris et 
ceulx qui avec lui estoient commis de par le roy de 
France et envoyés avec lui en la dicte legacion. Et fu* 
rent les Françoiz assis par eulx^ dont Tevesque de 
Paris fut moult esmerveillié. Et ne fut oncquez si 
joyeuk le dit evesque comme quant il se vit hors du 
povoir aux Âlemans. Et tout ce il raporta au roy de 
France et à son conseil. Moult furent merveilliés le 
dit evesque 9 les dénonciateurs et légats du roy de 
France de ce qu'ilz furent assis à par eulx. Mais ce fut 
pour deux raisons, la première pour le pape que les 
Françoiz tenoient, et en ce erroient comme teuoient 
les diz Àlemansy la seconde pour ce qu'il y avoit 
à la court de l'empereur des princes d'Alemaingne qui 
estoient ennemis du roy de France. 

En Tan de grâce mil trois cens soixante dix neuf, 
vindrent à Paris trois cardinaulx de par le pape Cle- 
ment^ Et prescherent et firent preschier devant le roy 
de France et devant le peuple que le pape Clément 
estoit vray pape et que le pape Urbain n*estoit pas 
pape. Le roy de France fut de leur acord, car le dit 
pape Clément estoit de son lignage. Maiz les clercs de 
rUniversité de Paris ne le furent pas ne le peuple. Les 
prelas tindrent l'opinion du roy affin qu'ilz ne perdis- 
sent leurs bénéfices. Et les autres princes de Crestienté 
comme roys, ducs, contes, barons, nobles et peuple 
de toute Crestienté, furent pour lors contre les diz 

1. D*aprè4 Froissait (liy. II, ch. XLYni) et les Grandes chroniques de 
France (t. VI, p. 452 et 457), le cardinal de Limoges d*abord, puis les 
cardinaux de Poitiers et d'Aigrefueil, furent députés à la cour du roi de 
France par le pape Clément. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 281 

cardiuaulx et leur dit pape Clément, excepté ceulx de 
France les aucuns. 

En cel an, ouït bataille en mer des Ânglois aux 
François. Et furent les Anglois desconBs. Et y oull 
bien quatre vingt prisonniers et autant de mors, et fu- 
rent les prisonniers admenés à Hareflen. 

En cel an, le conte de Saint Pol qui moult est no- 
bles homsy qui avoit esté long temps en prison en 
Angleterre, pour soy délivrer sans paier raençon, 
pour mauvaiz conseil qu'il crust, se alia avec le roy 
d'Angleterre. Et vint le dit conte en Henault pour avoir 
souldoiers et pour faire aliance au duc Aubert son 
cousin. Le roy de France sceut comme le dit conte de 
Saint Pol s'estoit trouvé avec le roy d'Angleterre. Si 
fit prendre toute sa terre et tous ses chasteaulx, et fut 
tout mis en la main du roy de France. 

En cel an, du pais de MontpeuUier se rebellèrent 
les gens pour ce que le duc d'Angou voult alever une 
subcide sur le dit pais de MontpeuUier. Ceulx de 
MontpeuUier occistrent les denunciateurs et lesmessa- 
giers du dit duc d'Angou. Le duc d'Angou fit graut 
assemblée de gens d'armes et de compengnes pour 
aler sur ceulx de MontpeuUier. Et vint le duc d'Angou 
jusques en Avignon au pape Clément qui luy fit grant 
révérence, et envoia deux cardinaulx à MontpeuUier 
pour traictier de la paix. Lesquels distrent à ceulx 
de MontpeuUier que le duc d'Angou veuoit à grant 
force, et que, se Uz ne faisoient acord, la cité seroit 
en très grant péril d'estre destruicte. Tant parlemen- 
tèrent les diz cardinaulx que par une somme de de- 
niers d'or cil de MontpeuUier eurent leur paix et 
en livrèrent hostages. Et lors entra le duc d'Angou 



282 CHRONIQUE 

à MoDtpeuUier, et vindrent ceulx de MontpeuUier à 
mercy à luy. 

En cel an, ung Breton, nommé monseigneur Sèves- 
tre, fut décapité à IVlascon. Et le fit décapiter Ou- 
dard d'AtainvUle, pour lors bailly d'icellui lieu. Cestui 
Sevestre avoit aidé à conduire le pape Clément en 
Avignon de Rommenye. Et pour celle cause deman- 
doit au cardinal d'Amiens pour lui et pour cil de sa 
route trente mille frans. Le dit cardinal, qui estoit 
venu devers le roy de France à Paris auquel il fît tant 
de plaintes de cestui Sevestre, disoit qu'il Tavoit voulu 
prendre et détenir et qu'il avoit pillié eu royaume de 
France et bouté feu et fait bouter. Par quoy il (ut 
mandé au bailly de Mascou qu'il le feist décapiter. Et 
pour lors estoit venu le dit monseigneur Sevestre a 
Mascon pour pourchasser sur le dit cardinal la somme 
d'or dessus dicte. Comme le dit Oudart d'Atainville 
sceut que le dit monseigneur Sevestre estoit à Mascon, 
il assembla des gens d'armes et prist le dit monsei- 
gneur Sevestre, et le fît decappiter en la ville et ung 
syen compagnon^ Car dehors la ville ne le eust il osé 
faire, pour les routes des gens d'armes dont il estoit 
chief. Et quant les dictes roules de gens d'armes 
sceurent que le dit monseigneur Sevestre fut occiz, fu- 
rent moult yrés et tous forcenés. Et pour celle cause 
fîrent des maulx tant entour Mascon que ce fut pitié, 
car ceulx le comparèrent qui n'y avoient coulpe. 

Comme le dit cardinal d'Amiens estoit par devers le 



I . Sur ce Seyeftre Bude et certain motif penonnel de U haine qae kn 
portait le cardinal d* Amiens, Toy. FroiMart, liy. II, oh. u, éd. du Fuh 
théon, t. II, p. 65. 



D£S QUATRE PREMIERS VALOIS. f83 

roy de France à Paris, aucuns de la court ennorterent 
monseigneur le Daulphin que le dit cai*dinal avoit ung 
deable prive qui lui disoit les choses passées et avenir. 
Dont il advint que , comme le dit cardinal vint une 
foiz devers le roy de France, monseigneur le Daul- 
phin y estoit. Et comme il vist le dit cardinal venir, 
il commença à seingnier par plusieurs fois et à dire : 
a Chassies ce dyable, fuyés ce dyablel » De ce fut 
trop yrés et dolent à merveilles le dit cardinal. Et 
pria au roy qu'il Teist tant à mon dit seigneur le Daul- 
phin qu'il deist qui luy avoit dit que le cardinal avoit 
ung dyable privé. Monseigneur le Daulphin respondy : 
« Tout le monde le dit, » et que pour Dieu le roy n*a- 
prochast point de lui, ne onc n'en voullu dire autre 
chose ; ne pour beau parler ne pour menace ne voult 
oucques dire qui luy avoit dit\ l'antost après, le dit 
cardinal prist congié du roy de France et s'en retourna 
en Avignon pour demourer avec le pape Clément. 

En cel an, les Bretons, lesquelz s'estoient renduz au 
roy de France, vouldrent avoir duc et ne vouldrent 
pas sans moyen' estre au roy de France comme est la 
duchié de Normendie. Et pour ce furent fais plusieurs 

i. Le Dauphin avait déjà dix ans à cette date. Froissait n'a pas 
fait mention de cette piquante anecdote, où se voit si bien quelle 
fat toujours la crédulité et la faiblesse d*esprit du fils et du successeur 
de Charles le Sage. Le rédacteur des Grandes Chroniques de France, le 
chancelier Pierre d'Orgemont, qui vivait à la cour, dut avoir connais- 
sance de ce fait; mais il n'avait garde de lui donner place dans son 
œuvre. Le roi, son maître, fut sans doute surpris et péniblement affecté 
d*one telle aventure. Pour nous, elle est un présage de la tragique scène 
de la forêt du Mans, et nous y voyons poindre, treize ans à l'avance, la 
folie de Charles VI. 

S. Sans moyen, c'est-à-dire sans milieu, sans intermédiaire, direc- 
tement. 



284 CHRONIQUE 

parlemensy car aucuns voulloient que monseigneur 
H. de Blois Teust duc de Bretaingne. Et ad ce ten- 
doient fort le duc d'Angou, le sire de Clichon et mon- 
seigneur Bertrau de Clacquin, conneslable de France. 
Maiz la plus grant partie des Bretons voulloient avoir 
à duc Jehan, le conte de Montfort, qui ja fut leur duc. 
Et en son aide estoit le conte de Flandres, son cousin. 
Pour ce fait et pour la paix d'entre le roy de France 
et le roy d'Angleterre, furent fais plusieurs parlemens 
tant à Saint Osiner et en la marche comme en la 
marche de Bretaingne. 

En cest temps et en cest an^ le conte de Flandres 
voult alever ung subcide dessus ses hommes. Maiz 
les Flamens se esleverent et se rebellèrent tant qu'il 
fallut que le conte vuydast de Flandres et cil de sod 
hostel. Et se mistrent les diz Flamens sur les champs 
et estoient bien cent mille. Et alloientde Gant à Bruges 
et à Yppre et mandèrent le conte qui estoit à Lysle. 
Et leur jura le dit conte à les tenir franchement et 
partant se appaiserent. Et après ce le conte ala à Pa- 
ris devers le roy de France. 

En cel an, les Espaingnolz firent grant armée sur la 
mer et singlerent en Escosse. Les Escos se mistretit en 
leur aide. Et leur livra passage monseigneur Guillaume 
DuglaSi et coururent en Angleterre etardirent et brui- 
rent le pais, et y firent grant domaige en celle partie. 

En cel an, les enfans au conte de Fois vouldrent 
faire mourir leur père et l'empoisonner. Leur père le 
sceut; il fit prendre ses filz et leur fit cognoistre toul 
le fait, et puis les fit mettre en chartre. Aucuns 
distrent que ce fut par la promocion du roy de Na- 
varre, leur oncle. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 285 

En Tan de grâce mil trois cens quatre vingt, le par- 
lement du traictié et accort d'entre le rov de France 
et le roy d'Angleterre estant et séant, les Anglois ar- 
dirent en la coste de Picardie Ëstaples* et autres 
villes. 

En cel an, le conte de Fondres et N. de La Salle et 
les souldoiers Normans, Bretons et autres pour le 
pape Clément se combatirent aux Rommains et en 
mistrent à desconfiture plus de quatorze cens que mors 
que prins. 

En cel an 9 trespassa de cest siècle monseigneur Ber- 
tran de Clacquin, connestable de France, devant ung 
chastel appelle Chasteau Neuf de Landon où il avoit 
mis le siège. Et duquel chastel les Anglois qui le te- 
noient lui apportèrent les clefs du dit chastel grant 
pièce après qu'il l'oult assiz pour la très grande renom- 
mée et double qu'ilz avoient de lui en son paveillon 
où il estoit couchié malade au lit de la mort'. Et les 
reçut eu nom de son souverain seigneur le roy de 
France. Auquel après Dieu et la Vierge Marie sa mère 
et leur très saincte compaignie il se recommanda et 
aux dux et frères du dit roy et à tout le noble sang de 
France et geueralment à tous nobles, prelas et peuple 
de tout le dit royaume de France. Et bientost après, 
les sains sacremens eux et receus moult dévotement, 
fina ses jours et rendi son esprit à Dieu. Il trespassa 
en ce dit an mil trois cens quatre vingt, eu mois de 
juillet*. De sa mort fut moult grant domaige au 

\ . Étaples, Pat-de-Calaifl, arr. de Montrenil, ch.-l. de c. 
3. Cf. Froiftsart, Ut. II, ch. lxit, t. II, p. 03. — Le* Grandet Chroniques 
de France^ t. VI, p. 466, ch. orz. 
3. Le 13 juUlet. 



286 CHRONIQUE 

royaume de France. Et en fut le roy moult dolent et 
couroucé. Car pour lors et eu temps les Angloi 
estoient descendus à CaUais les plus fors que pieça des- 
cendissent et estoient esméz à plus de quinze mille 
combatans. Et y estoient grant partie des barons 
d'Angleterre. Hz chevauoerent sur le royaume et se 
logèrent de coste Therouenne. Là pristrent deux pe- 
tites forteresses qu'ilz abatirent. Puis se deslogerent et 
coururent sur le royaume de France, sourmontant les 
rivières jusques en Soissonnois, puis de là jusques à 
Troye en Champaigne, comme avoit. fait au devant le 
duc de Lencastre o tout son host. Car là cuidoient du 
duc de Berry, du duc de Bourgoingne^ du sire de 
Coussy, du mareschal de Sancerre, du mareschal de 
Blain ville et des barons de France avoir la bataille. 
Maiz ilz n'estoient pas eiicoires assemblés , et si ne 
eust pas le roy de France conseil qu'ilz fussent com- 
batus. Les diz Anglois passèrent Seyne et chevau- 
cerent vers la rivière de Loire et jusquez en Bretaingne 
et en Guienne. 

En cel an, le duc de Braban, oncle de l'empereur 
et du roy de France, et le duc Aubert vindreot à Pa- 
ris pour faire la paix au conte de Saint Pol, lequel 
estoit départi de avec les Anglois et estoit eu Tempire 
es parties de Henault. Eulx disoient que ce que le dit 
conte de Saint Pol avoit fait n'estoit fors pour soy dé- 
livrer de prison. 

En cel an, le conte de Flandres vint à Yppre à 
Faide de ceulx de Franc et de cil de Bruges, et là fit 
decappiter plusieurs de ceulx d'Yppre. 

En cel an mesmes, ouït très grant guerre entre les 
Flamens les ungz contre les autres à Bruges, et puis 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Î87 

reoult forte guerre de ceulx de Bruges contre ceulx de 
Gant. Et furent ceulx du Franc avecquez ceulx de 
Broges, et mistrent gens sur les champs les ungs 
contre les autres Et se combatirent et en eurent 
du pirs ceulx de Gant. Apres ceulx du Franc et de 
Bruges Tindrent devant Gant k bien cent mille honmies 
armés, comme Ten dit. 

En cel an et en ce temps, Jehan de Monlfort vint 
en Bretaingne, lequel par les Bretons qui desiroient 
avoir duc fut receu de partie des Bretons à duc et à 
seigneur. Et pour ce fait vint par devers le roy de 
France monseigneur de Clichon, lequel en amena avec 
soy bien mille glaives. 

En ce dit an mil trois cens quatre vingt, le quin- 
ziesme* jour du mois de septembre, trespassa de cest 
siècle Charles le roy de France, filz du roy Jehan de 
France, à Beaulté sur Marne au bout du bois de Vin- 
cennes. Et comme le dit roy se senty griefment ma- 
lade, sa crestienté le remort de ce qu il avoit soustenu 
le pape Clément qui fut cardinal de Genevre contre 
le pape Urbain. Et dit que, se le pape Clément ne ob- 
stenoit deuement le Saint Siège, en tant comme il le 
avoit soustenu, et se pechié y avoit, il en crioit à Dieu 
mercy. Et oultre il se rapportoit et creoit du tout en 
l'ordonnance de saincte Eglise et eu gênerai concilie 
de toute Crestienté. Moult estoit sages et bien moral 
et bon justicier d'onneur et d'estat; larges fut à don- 
ner grandement ; par son grant sens atrait à soy et 
sourmonta grant partie de ses ennemis. Il conquit et 

1. Le 16 septembre, d'après les Grandes Chroniques^ t. VI, p. 469, 
ch. CTx, et aussi d*après riuscription qui se lisait sur le tombeau de 
Cbarles Y dans Téglise de Saint-Denis. 



288 CHRONIQUE 

assembla grant trésor. Moult ama ses officiers et moult 
les accroissoit. Il avoit sa plaisance à faire nobles édi- 
fices. Il fît moult de bien en plusieurs églises en son 
royaume, comme à Nostre Dame de Paris et à Nostre 
Dame de Rouen donna il grans rentes en son vivant. 
Il ordonna que son cueur seroit en terre au cueur de 
la dicte église de Nostre Dame de Rouen. 

Comme il fut en la maladie de la mort, il fitabatrele 
subcide des feux qui couroit par son royaume sur le 
peuple y dont le peuple estoit moult grandement 
grevé'. Le corps du dit roy, comme il fut trespassé, 
fut ouvert, enbasmé et ordonné comme il est accous* 
tumé de faire aux roys de France et fut apporté à Pa- 
ris. Et comme le corps deubt partir de Saint Anthoine 
à venir à Paris, là estoit tout le clergié de Paris, les 
frères du roy et grant foison de barons. L'Université 
de Paris, le recteur et les maistres des quatre Facultés 
vouldrent aler devant au plus près du corps du roy 
devant le chappitre de Nostre Dame de Paris et le 
chappitre de la Saincte Chappelle du palais du roy. 
Làsourdiung grant débat dont le prevost de Paris, 
Hugues Aubriost, ungs homs crueux, lui et ses ser- 
gens armés, coururent sus aux clers , et en navrèrent 
plusieurs, et bien plus de trente six en mistrent en 
prison. Les clercs n'estoient pas armés, si furent pour 
ce jour les plus fiebles*. Adonc fut crié de par mon- 
seigneur le duc d'Angou par son commandement que 



1 . Cette ordonnance, qoi se trouvait parmi celles de Charles VI dam 
le mémorial E de la Chambre des comptes de Paris, fut enveloppée 
dans l'incendie du 27 octobre 1737, avant que Secousse en eût pu 
prendre copie pour la faire entrer dans son excellent recueil. 

3. Cf. Grandes Chronique*^ t. VI, ch. cix, p. 460 et 470. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 289 

aucuns ue feissent rumeur. Lors fut apporté le corps 
du dit roy à Nostre Dame de Paris où il fut aiusi re- 
ceu comme il est acoustumé. Et randemain il fut porté 
à Saint Denis où il tut sevelis et mis en terre , et son 
service très solennelment fait. Et auprès de sa sépul- 
ture ou tumbe estoit et est la sépulture de son bon 
connestablcy monseigneur Bertran de Clacquin, en 
son temps duc de Moulines , conte de Burgues en Es- 
paingne et conte de Longueville en Caux. 

En cel an, le jour de la Saint Denis, fut fait le ser- 
vice du dit cueur du roy à Rouen. Et fut mis le dit 
cueur eu très noble sépulture eu milieu du cueur de 
la dicte église de Nostre Dame de Rouen. Et furent 
au dit service Tarchevesque de Rouen et autres pre- 
las, abbés, monseigneur de Blainville, mareschal de 
France, monseigneur de La Rivière et les autres exce- 
cuteurs et officiers du roy. Et n*y ouït nul des fleurs 
de lis. A très grant révérence fut mis le dit cueur en 
sépulture. 

Or retourne à parler des Anglois comme, après ce 
que les ducs d'Angou, de Berry et de Bourgoingne et 
les grans seigneurs de France qui parsuioient les An- 
glois se furent partis des routes pour venir à Paris 
pour la mort du roy, tous les gens d'armes françoiz 
se départirent. Et ainsi s'en alerent et passèrent les 
Ânglois, comme devant dit est. 

En cest temps le conte de Flandres, cil de Bruges, 

cil de Yppre et cil de Franc furent à siège devant 

Gant qui est une très forte ville. Et cil de Gant se def- 

fendirent très effbrciement. Et moult souvent yssoient 

cil de Gant couti*e leurs ennemis et leur portoient 

grant domaige. Comme cil de Gant se virent assiégés 

19 



290 CHRONIQUE 

de leur seigneur et du peuple de Flandres, les gros se 
doublèrent du menu peuple et parlèrent aux menus 
comme cil de Bruges les vouUoient efTacier et la ville 
de Gant du tout destruire et déserter. Lors fut le menu 
commun en plus grant voulenté que les grans d'eulx 
defTendre. Adonc quant les clievetaines de Gant sceu- 
rent la voulenté du commun, ilz firent faire d'un 
acord plusieurs feux parmy Gant et firent crier par 
Gant, a Trahy! Trahy 1 » Ceux de Tost qui estoient à 
la porte devers Bruges d'icelle part coururent et en-* 
trerent dedensGant. Cil de Gant avoient fait une em- 
busche de plus de douze mille hommes armés Et se 
combatirent à ceulx de Tost et en occistrent plus de 
cinq mille. Et les rebouterent les autres hors de leur 
ville. En ceste guerre des Flamens nulles gens d'armes 
qe s'i vouUoient bouter, car nul n'y estoit prins à 
raençon. 

En cest temps que le siège estoit devant Gant, le 
conte de Flandres fit dire à ceulx de Tost comme par 
droit il devoit estre au sacre du roy de France, et que 
c'estoit le droit au conte de Flandres, car le conte de 
Flandres est un des pers de France. Maiz les Flamens 
ne vouldrent souffrir qu'il laissast leur host durant le 
dit siège devant Gant. Le conte de Flandres et cil de 
Gant furent d'acort que le conte tendroit cil de Gant 
en leurs franchises et libertés. Et lors entra le conte 
de Flandres en Gant où il fut receu très grandement. 
Et cil de Tost se deslogerent et s'en alerent chacun en 
son repaire moult doubteux de ceulx de la ville de 
Gant. 

En cel an mil trois cens quatre vingt, à ung jour 
de dimenche apfes la Toussains, fut le noble jeune 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 191 

roy de FraDce, nommé Charles^ filz du roy Charles de 
France, sacré, enoint et couronné à Elains à très grant 
et très haulte solennité, très haultement et très noble- 
ment acompaignié des ducs ses oncles etdesplushauU 
et nobles barons de France, Et y ouït feste très grant 
et très planiere. Âpres le sacre et couronnement du 
dit roy, à celle belle compaignie de ses diz oncles, le 
duc d'Ângou, le duc de Berry, le duc de Bourgoingne 
et le duc de Bourbon et les contes, barons et nobles 
de France, le dit nouvel roy de France se parti de 
Rains et s'en viqt à Paris où il fut receu très haulte- 
ment. Et furent cil de Paris, à sa joyeuse venue, ves- 
tus de blanc et de vert. 

Apres ce que le roy fut venu à Paris, aucuns nobles 
et ceuU de Paris ne vouldrent plus que les subveb- 
cions, comme de Timposicion de douze deniers pour 
livre, la gabelle, le quatriesme et le treiziesme, cou- 
russent. Et vindrent cil de Paris requerre au roy et au 
duc d'Angou comme les subvencions cheissent, et que 
tout le peuple en estoit essilliéz et mis à povreté. Le 
chancellier nouvel respondi que Tandemain on leur 
en donueroit responce. Et comme le dit chancellier 
s'en aloit et partoit du palais, une grant quantité de 
peuple le prist et luy crioit en demandant qu'ilz 
eussent response se les maies subvencions estoieot 
cheutes. Ce chancellier par aventure doubta et leur 
respondi que le roy et monseigneur d'Angou voul- 
loient que tout cheist. Et donc menèrent le dit chan-> 
cellier par les boictes où l'on cuilloit les dictes sub* 
venqiqns. Apres, cil de Paris amenèrent le prevost des 
marphans au palais pour avoir confirmacion comme 
le^ diQtes subvencions estoient abatues. Et la avoit 



292 CHRONIQUE 

plus de vingt mille hommes vestus de btaDc et de vert. 
Mouseignem* le duc d'Angou, de Benry et de Bour- 
goingne et monseigneur de Clichon, lequel fut fait 
nouvel connestable, et le chancellier et grant nombre 
de grans seigneurs vindrent à la pierre de marbre au 
palais. Et là fut dit à ceulx de Paris que le roy vouloit 
que toutes sucides obéissent et fussent abatues. Donc 
crièrent très haultement cil de Paris : « Noël ! Noël ! 
Planté 1 Vive le roy de France! Montjoye Saint- 
Denis !» Et à ceste assemblée et criée fîit crié : <c Aux 
Juifzl Aux Juifz! Aux Juifzl » Adonc ala Ten sur 
eulx, et furent pilliés les Juifz, et ung de leurs eves- 
ques occiz. Maiz le roy y envoia hastivement monsei- 
gneur le duc de Bourbon, disant que le roy preooit 
tout en sa garde tous les Juifz de son royaume. Et par 
les autres villes du royaume furent mis les Juifz en la 
sauvegarde du roy. Apres ce que les maies subven- 
cions ou imposicions furent abatues, il fut acordé et 
ordonné que Ton feroit certaine aide au roy pour la 
defTence de son royaume, et que les provinces et pais 
y pourverroient, et la provision devers le roy et mon- 
seigneur le duc d'Angou, de Berry et de Bourgoingne 
et le conseil rapporteroient. 

Aprez ce les Normans firent ung parlement à Rouen 
où là furent partie des prelas et barons de Nor- 
mendie, c'est assavoir Tarchevesque de Rouen, Guil- 
laume de Lestrange, Nichole du Bosc, evesque de 
Baieux, conseiller du roy, et moult d'autres gens d'é- 
glise, tant abbés que autres, monseigneur Philippe 
d'Artois, filz du conte d'Eu, le conte de Harecourt, 
monseigneur Jacquez de Harecourt, monseigneur 
d'Estouteville, monseigneur de Blainville, monseigneur 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 293 

de Hambuye, monseigneur de Beaumesnil, monsei* 
gneur Nichole Paynel, monseigneur d'Enneval, mon- 
seigneur de La Fer té, et moult d'autres nobles et des 
bourgois notables des bonnes villes. En icestui parle- 
ment, par fourme de adviz, furent aucunes choses ra- 
menteuez par aucuns qui pour lors ne sortirent point 
leur effecty comme Estieune du Moustier, cappitaine 
de Harefleu et visamiral, lequel parla et dit que c'es- 
toit la meillieur voye que de avoir douze deniers ou 
huit deniers pour livre. Maiz tout le peuple et grant 
partie des nobles distrent : « Rien, rien. » Et se fai- 
soit cestui parlement en palais de Tarchevesque de 
Rouen. Et furent tous d'acort qu'ilz feroient comme 
ceulx de Paris. Et tenant ce dit parlement, vindrent, 
de par le roy et le duc d'Angou, monseigneur Estienne 
de La Grancke et maistre Jehan Pastourel, conseillers 
du roy. Lesquelz ambaxadeurs exposèrent comme, 
pour la provision et deffeuce du royaume, il falloit 
huit mille hommes d'armes, et oultre pourveoir à 
Testât du roy. A brief raconter, il fut respondu aus 
diz aml^axadeurs que on yroit à Paris, et que la pro- 
vince de Normendie feroit comme les autres pro- 
vinces. Et fut prise journée au jeudi avant Noël. Et là 
à Paris furent fais plusieurs parlemens de toutes les 
provinces du royaume de France, où furent prelas, 
nobles et gens des bonnes villes de toutes les pro- 
vinces du dit royaume, pour avoir adviz ensemble. 
Et fut en cest temps ordonné à cueilUr ung aide pour 
la provision et deffense du royaume, c'est assavoir par 
fourme de feux, dont le plus grant paioit pour sep- 
maine deux sous six deniers, et les autres, selon leur 
faculté ou possibilité, au dessoubz^ dont le mendre 



i^k CHRONIQUE 

on mendres paioient ^ ... Et estoient en ceste aide corn- 
prins variés, servans et chamberieres ou meschinez 
gaignans louier. Et se cuilloit ceste aide par certaine 
hommes ad ce commis selon les paroisses, et apor- 
toient les deniers à ung receveur gênerai ad ce or- 
donné selon les dyoceses. 

En cest temps, les Angloîs, qui avoient couru 
comme dit est par le dit royaume de France, mistrerit 
le siège devant la cité de Nantez en Bretaingne. 

En Tan de grâce mil trois cens quatre vingt et ung, 
ouït une bataille en Flandres de ceulx de Gant contre 
le conte de Flandres et cil de Bruges. Et furent cil de 
Gant desconfiz bien six mille qui estoient sur les 
champs, dont la greignieur partie furent mors. Âpres 
ceste bataille^ le conte de Flandre vint devant Gafnt, 
et y fut deux jours et une nuyt, e( puis s'en parti. Le 
dit conte avoit en sa compaignie en la dessus dicte 
batallè bien sept cens bons hommes d^armes, tant de 
ses nobles comme Anglois, Alemans et Brabançons, 
par lesquelz principalment en ceste dessus dicte ba- 
taille furent desconfiz ceulx de Gant. En l'esté, revint 
le conte de Flandres devant Gant pour mettre siège, et 
avec lui ceulx de Bruges. 

En celan, fut Hugues Aubriost, prévost dû roy à 
Paris, par l'Université reprins de hefesie, de botlgre- 
rie, d'estre sodomite et faulx crestien. Et fut faicte 
par le pourchas de l'Université vraye informâcion 
contre le dit prevost. Par laquelle il fut trouvé que le 
dit prevost avoit fait plusieurs horribles et abhomi- 
nables fais, coxame de habiter aux feiïunes bestial- 

f • LacoDe d*an on denx mots dan» le ms. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. Î95 

ment contre nature, d'avoir eu compaingnie aux 
JuifVez chamelmenty comme d'enfans de Juifz qui 
avoient esté crestiennés de les rendre aux Juifz, comme 
d'avoir corrompuez femmes, puis avoir fait pendre les 
maris, pour estre sodomite et non tenant la lo.y cres- 
tienne. Desquelles choses, par juste et vraye informa- 
cîon, le dit prevost de Paris fut ataint et prouvé coul- 
pable. Maiz, pour Tamour et honneur du roy et dei 
ducs d'Angou, de Berry et de Bourgoingne, ses oncles, 
qui grandement le soustenoient, fut icellui prevost 
respité d'estre ars, comme cil qui Tavoit trop abho- 
minablemeut deservi. Et fut jugié par Tevesque de 
Paris et par l'Université de tenir prison chartrée. Et à 
le dampner avint que Tevesque de Paris fit ung ser- 
mon où il dit en la fin que tous ceulx qui ne creoient 
que le cardinal de Genevre fust vray pape estoient 
hereseset scismatiques. Apres le dit sermon, le dit 
Hugues Aubriost si jura à tenir sa penitance et sa pri- 
son, sur peine d'estre ars sans mercy. Pour le fait de 
cestui Hugues Aubriost, eurent moult des suffisans 
clers et maistres de l'Université de prières, puis dé 
menaces par monseigneur Jehan de Vienne. Aprez la 
predicacion de l'evesque de Paris, se firent plusieurs 
assemblées générales de l'Université de Paris. Et fut 
déterminé par toutes les quatre Facultés que c'estoit 
contre Dieu, contre droit et contre raison et erreur à 
toute crestienté qu'il soit deux papes. Car il n'en doit 
estre que ung, ne, tant comme il soit dedx papes, ilz 
distrent que aucun ne seroit tenu à herese ne à cisma* 
tique qui ne croirroit le pape Clément estre pape. De 
ce se courouça grandement le duc d'Angou contre 
l'Université,' et les fit menacier et mander par l'ami- 



Î96 CHRONIQUE 

rai de France, Jehan de Vienne^ et par plusieurs 
grans seigneurs^ comme ilz tenissent à pape le pape 
Clément. Et de fait en fit le dit duc d'Angou pour ce 
fait mettre ung suffisant et vaillant clerc en prison. 
Dont l'Université cessa à lire et à faire le fait de Tes- 
tude, et autres bons clers se trairent arrière pour 
doubte du duc d' Angou et aucuns prelas adherens et 
soustenans le dit pape Clément. En cest temps, ne 
ouït point de beneiçon au Lendit pour le descort de 
rUniversité. Car le duc d'Angou, par sa force, ne 
souffri que l'Université procedast à faire concilie gê- 
nerai. 

En cel an, Jehan de Montfort refu saizi de la duchié 
de Bretaingne, et en vint de rechief faire hommaige 
au roy de France, accompaignié de moult de nobles 
hommes. 

En cel an, Charles de La Paix, parent au roy de 
Honguerie, conquist sur la royne de Cezille grant 
partie de sa terre. Et en cel an le roi d'Arménie perdi 
son royaume par le soudent et par les Turcz, et fut sa 
femme prise et mise en prison, et le dit roy s'en vint 
en France. Et fut aussi en Angleterre pour avoir 
aide, puis s'en retourna à Paris. Et en cel an excom- 
munia le pape Urbain Jehan le roy d'Espaingne, filz 
du roy Henry. 

Cy retourne à parler de monseigneur Charles de 
La Paix, qui conqueroit grant partie de la terre à la 
royne Jehenne, royne de Cezille, de Napples et de 
Jherusalem. Ceulx d'Avignon eureïit doubte de la 
puissance de monseigneur Charles de La Paix, qui te- 
noit le parti du pape Urbain, et vindrent devers le 
pape Clément et lui distrent : a Nous doubtcos la 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 297 

puissance de monseigneur Charles de La Paix et qu'il 
ne viengne nous guerroier pour vous. Si y vueilliés 
pourveoir, car nous ne voulions pas estre destruis. 
Et se par aventure avient qu'il viengne sur nous, nous 
obéirons à luy. » Par ce fut délibéré par le pape Qe- 
ment et par les cardinaulx que, se leurs ennemis ve- 
noient en Avignon ou es parties, qu'ilz yroient à Lyon 
sur le Rone. 

En langue d'oc, a vint que les citoiens de Beziers 
furent rebelles contre le duc d'Ângou ou de Berry, 
par quoy on mist à mort moult de ceulx de Beziers 
qui s'estoient rebelles contre ledit duc d'Angou, oncle 
du roy de France. 

La royne Jehanne de Cezille, comme elle vit qu'elle 
perdoit ses terres et n avoit povoir de résister contre 
le dit monseigneur Charles de La Paix, elle descript 
par certains messages à monseigneur le duc d'Angou 
qu'elle lui delessoit toute sa terre, maiz ce fut à 
tort. Car monseigneur Charles de La Paix, par force 
d'armes, conquist Napples. Et là ouït mainte grosse 
besoingne et mist en son obéissance le royaume de 
Napples. Et sur ce le duc d'Angou se parti de Paris 
pour les causes dessus dictes, et s'en ala à Avignon et 
en Prouvence pour aler oultre en Cezille à grant 
quantité de nobles hommes de France et de bonnes 
gens d'armes. En cel an, au devant de Noël, Richart, 
le nouvel roy d'Angleterre, prist à femme la seur de 
l'empereur de Romme et d'Alemaingne, et fut menée 
en Angleterre. 

En cel an mil trois cens quatre vingt et ung, le duc 
de Berry et de Bourgoingne vouidrent avec le conseil 
du roy de France mettre sus l'imposicion de douze 



298 CHRONIQUE 

deniers pour livre avec les autres subvencions. Dont 
il advint que, le jour saint Mathias, le lundi, premier 
jour de la quarantaine, aucuns du menu commun de 
la cité de^ Rouen s'esmeurent contre les boui^oiz et 
gens d'estat pour ce que on vouloit par le roy mettre 
sus Timposicion. Et pour celle cause vindrent iceulx 
mal avisez et mal conseilliez es hostelz d'aucuns des 
notables bourgoiz de la dicte cité, et rompirent es diz 
hostieux ou maisons huis et fenestres, Imches, coffres, 
parois, verrières. Et pristrent, ravirent et pillèrent et 
emportèrent, cassèrent et enfondrerent les biens d'au- 
cuns d'iceulx bourgoiz. Et pour la doubte d'iceux mal 
conseilliez, se absentèrent d'aucuns des plus notables 
bourgoiz d'icelle cité. Lesquelz, par contrainte, tant 
pour la doubte de leurs femmes et enfans que de leurs 
hostieulx et biens qu'ilz avoient en la dicte cité, dont 
ilz estoient menacés de iceulx à tout perdre, fallut 
qu'ilz venissent à obéissance. Et firent iceulx mal con- 
seilliés, par aucuns jours ensuivans, très grosse assem- 
blée en Tettre de Saint Ouen en la dicte cité. Es quelles 
assemblées firent de fait apporter en la dicte place la 
lettre de la rente que prenoient les doyen et chappitre 
de Teglise Nostre Dame de Rouen sur les revenues des 
halles et moullins d icelle cité, du don du roy Charles 
derrainement trespassé. Et oultre en icelle place iceulx 
malconseilliés vouldrent de fait désister et faire renon- 
cier les religieux, abbé et couvent de Saint Ouen de 
Rouen à tous procès et plaidoieries qu'ilz avoient vers 
la ville, et avoir d'iceulx religieux quictance générale 
de tout ce qu'ilz pourroient demander à la dicte ville. 
Apres ces clioses ainsi faictes, el plusieurs ordonnan- 
ces non vaillables par eux Csûctes, fut conseiliié d'en- 



DES QUATRE PREmERS VALOIS. 299 

voyef devers le roy de France, pour apaisier et excu- 
ser les bon» citoiens envers lui et son conseil. Et pour 
ce fairCy enf la compâignie de raonseignear de Blain- 
ville furent ordonnées certaines personnes de la dicte 
ville^ tant clers, advocas comme boui^ois noublés. 
Lesquelz, poW la grânt tribulacion qui estoit en la 
court du roy^ s*eD retournèrent sans aucune chose 
faire. 

En cel an, à dfig jour de samedi, premier jour de 
mars, eti la cité de Paris, s'esmeut aussi le comun 
pour ce aussi que on voulloit ipettre sus Timposicion 
et les autres subcides. Et coururenf iceuh menus gens 
sur ceulx qui avoient esté impositeuts et en occistrent 
aucuns. Et aussi âlerent sus aucuns officiers du roy 
touchant les dictes imposicions où ilz firent moult de 
excès et rompirent, pristrent et pillèrent ce qu'ilz peu- 
rent de bon avoir et hostelz d'iceûlt officiers. Puis 
vindrent et rompirent les prisons du roy de Clifastellet 
et délivrèrent les prisonniers et derompirelit et depie- 
cerent les registres^ actes et chartres qu'ilz trouvèrent 
eu dit Chastéllef touchans le roy et sa juridiscion et 
touchans parties. Puis alerent en Tostel de Tevesque 
de Paris et semblablement laissèrent aler les prison- 
niers qui y estoient et les délivrèrent. Entre les autres 
prisonniers de la dicte court ilz délivrèrent Hi^uea 
Aubriost, lequel avoît esté prevost de Paris, comme 
devant est dit. Et de fait le menèrent par k vUle de 
Paris avec euh, puis se pàHi le dit Hugues d'iceulx et 
s*en ala hors de Paris. 

Apres ces choses ainsi advenues^ le roy de France 
qui estoit enfant, avec lui le duc de Bourgoingne, son 
oncle et sod oônseil, se partirent du bois de Vin- 



300 CHRONIQUE 

cennes et vindrent au Pont de l'Arche à quatre lieues 
de Rouen où iiz furent une partie du quaresme. Et là 
furent aucuns des bourgois de Rouen devers le roy 
pour excuser les bons bourgois et citoiens de la dicte 
ville de Rouen. Et après ce que le roy et monseigneur 
de Bourgoingne et le conseil du roy eurent esté très 
bien infourraés du dit fait ainsi advenu en la dicte cite 
de Rouen, ilz se tindrent bien contens des bourgois 
et gens d'estat d'icelle ville. Et pour ce que chacun 
doit avoir son louier de sa mérite, furent prins ceulx 
qui furent et peurent estre trouvés les plus coulpables 
d'icellui meiïait à Rouen, et furent mis en prison. Et 
d*iceulxy par l'ordonnance du roy et de monseigneur 
de Bourgoingne et du conseil du roy, en furent déca- 
pitez six. Et des autres qui estoient en prison furent 
menés douze eu chastel de Fontainez Le Bourg % qui 
est à Tabbé et couvent de Fescamp. 

Âpres ce, se parti le roy du Pont de l'Arche, et avec 
lui son oncle le duc de Bourgoingne, et moult de no- 
bles hommes, avec lui son conseil, pour venir à 
Rouen. Et à sa joieuse nouvelle venue alerent les ci- 
toiens hors de la ville bien deux lieues pour recevoir 
le roy joyeusement et aconvoier en sa cité. Et estoient 
des citoiens bien six cens à cheval et plus. Et estoient 
les diz bourgoiz et moult d'autres de la cité tous ves- 
tus de robes pareilles de couleur, c'est assavoir de 
couleur asurée et de vert, dont l'asure estoit à destre. 
Le roy fut à Rouen très haultement receu, et fit grâce 
planiere par toute la cité, et y fut et séjourna toute la 
sepmaine peneuse, et puis se parti aprez Pasques. 

I. FonUme-le-Bourg, Seine-Infâricare» arr. de Rouen» e. de Oèrei. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 301 

Ainçois que le roy entrast à Rouen, il falut que les 
gens de la ville portassent leurs arnieures au chastel 
de Rouen. Laquelle chose ilz firent bonnement. Et si 
furent les manteaulx de la porte de Martainville par où 
le roy entra en la dicte ville ostëz et mis jus. £t si 
prist le roy la mairie, la jurisdicion, corps et com- 
mune de la dicte cité en sa main, puis entra et vint en 
la ville la vigile de Pasquez Flouries. Le roy estant à 
Rouen, fut par les barons et prelas et bourgois de Nor- 
mendie acordëe l'imposicion eu cas que les autres 
provinces du royaume de France l'acorderoient. 

liC jour de Pasques mil trois cens quatre vingt et 
deux, tint le roy de France court planiere en son 
cliastel de Rouen aux nobles de Normendie. Et là fut 
fait capitaine de Rouen monseigneur Guillaume de 
Bellengues. Et Tandemain du jour de Pasques le roy 
se parti de Rouen. Et le vendredi ensuiant furent ren- 
duez les armeures à ceulx de Rouen qu*iiz avoieat 
baillies par bonne obéissance. Et le lundi d'après Qua- 
simodo, des douze qui furent menés au chastel de 
Fontaines le Bourg, ains que le roy entrast en Rouen, 
comme dit est, en furent six penduz au gibet de 
Rouen, et les autres six ramenés en prison au chastel 
de Rouen qui puis par la grâce du roy furent délivrés. 
Et n'estoient tous iceulx que gens de petit estât et de 
malle vie. 

Le roy et le duc de Bourgoingne, avec le conseil du 
roy, après ce qu'ilz furent départis de Rouen, ilz allè- 
rent à Compiengne pour mettre sus le fait de l'imposi- 
cion et la plus grant partie des nobles de Picardie. Et 
aucuns des bonnes villes d'icellui pais acorderent 
l'imposicion . 



30S IÇHR0NIQU9 

Âpres ce^ le roy et monseigneur de Bourgoingne 
avec le conseil alerent à Meleun pour ce que Paris 
acordast Timposicion. Maizpar vpie nulle ne s'i voul- 
drent acord^r, et firent par aultre composicioii. Et 
par ce furent pour lors paix et acort entre le roy et 
eulK. £t se départirent les gens d'armes que le duc de 
Bourgoiqgne tenoit sans avoir aucun pillagf de Paris 
ne de Rouen. En laquelle chp^ ilz avoient grant 
espérance et s'i' attendoient. Pour laquelle espé- 
rance et attente ^ aucuns nobles envolèrent en places 
vuides et foraines des charettes vuides où il n'avoit 
que ung pou d'estrain ou feurre aHin de avoir, char- 
gier et emporter aucun pillage dç l^ dict^ ville, si le 
cas s'oCFroit, 

En cel an mil trois cens quatrevingt et deu^, le jour 
de Saincte Croix en may, chevauciereqt cil (le Gant 
contre cil de Bruges, et cil de Bruges yessirent contre 
cil de Gant. Et là ouït une dure et forte bataille. Maiz 
ceulx de Bruges furent desconfis. Puis entrèrent de 
fait cil de Gant en Bruges où il reoult une forte ba- 
taille et dure par toute la nuyt. Et là ouït très horrible 
occision de ceulx de Bruges qui dura jusques au di- 
menche environ tierce. Et lors conquistrent çil de 
Gant la ville de Bruges et la très grant richesse 4^ cU 
de Bruges, sans que cil de Gapt mefleiasent aux fem- 
mes ne aux enfans, ne que en la dicte ville de Bruges 
preinsent ne meffeissent aux derrées ou marchandises 
qu'ilz sceussent qu'ilz fussent aux François ne à autres 
marchans forains. Mais iceulx de Gant obtindrent et 
demourerent en la dicte ville de Bruges, cpipnie seî^ 
gneurs et conquesteursd'icelle ville, sans contradieioD 
aucune, tant comme il leur pleut. Car le conte qui es- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 303 

toit en la dicte bataille de la première desconfiture 
s'enfuy à petite compaignie pour soy sauver, et se 
eschappa et s'en vint en la conte d'Artois qui i^ouvel- 
lement lui estoit echeue de par sa mère. Et furent en 
icelle première bataille et desconHture tous les gentils 
hommes qui avec le dit conte estoient, tant François, 
Anglois comme de PEmpire. 

Apres ce que cil de Gant eurent séjourné à Bruges 
tant comme il leur pleut, ilz se partirent et s'en retour-: 
nerent à Gant en bonne ordonnance et arroy, et em- 
menèrent aveceulx en grant charroy etsommaige leur 
très grant et innombrable conquest. Et comme ilz fu- 
rent venus à Gant, mistrent leur dit conquest tous 
d'ime mesme voulenté et acord en la maison com- 
mune de la dicte ville pour eulx aidier en commun en 
leurs nécessités et affairez. 

En ce dit an et en ce dit mois de may, ung pou 
après, la terre trembla très fort, c'est assavoir au mer- 
credi et vendredi devant la Penthecouste. 

Le jour de la benoicte Trinité eu dit an, vint le roy 
de France à Paris» et y fut grandement receu. Maiz 
aucuns de ses conseilliers n'y osèrent entrer pour le 
fait des imposicions qu'ilz conseilloient estre misez 
sus. Puis bien brief vint le roy à Maubuisson pour ce 
que à Pontoise avoit ung parlement de Normans sur 
le fait de faire aide au roy. Là fut déterminé que Nor- 
mendie feroit le paiement de six cens glaives et deux 
cens arbalestrlers. Et de voit estre la finance prinse sur 
le vin et les menus bevrages et sur les draps pour paier 
les dictes gens d'armes. Et le proposa Estienne du 
Moustier, capitaine de Harefleu. Mais comme le capi- 
taine de Rouen et les bourgpis de la ville qui avec lui 



304 CHRONIQUE 

estoient au dit parlement furent retournés, et ilz rap- 
portèrent ce à Rouen, il fut debatu d'aucuns. 

En cel an, le duc d'Ângou qui estoit devers le pape 
Clément pour aler sur monseigneur Charles de La Paix, 
en la fin du mois de may le dit pape Clément le sacra 
et couronna à roy de Cezillci de Napples, prince de 
Kalabre et de Puille. En son aliance et aide, fut le 
conte de Savoye, puis se parti d'Avignon pour aler 
conquerre. Monseigneur Charles de La Paix manda au 
duc d'Angou que, si noble prince et de si noble li- 
gnage comme il estoit filz du roy de France aloit sur 
lui sans le dédier, ce n'estoit pas fait de gentil homme, 
et que bien sceut le duc d'Àngou que Charles de La 
Paix le attent comme son ennemi et lui livrera bataille 
à jour nommé. 

A Rouen, advint en celui an, le premier jour 
d'aoust, qu'il estoit Vendredi jour de marchié en icelle 
ville, que on voult mettre subvencion sur les draps. Le 
peuple en especial de draperie, comme variés et ou- 
vriers d'icellui mestier se esmurent, et furent en la 
halle abatus les buffets et le marchié brisié. Pour quoy, 
le bailly et cappitaine d'icelle ville firent aucuns drap- 
piers emprisonner. Et le vendredi ensuiant, furent les 
buffets relevés en la dicte halle aux draps. Et vint le 
bon mareschal de France monseigneur de Blainville 
en la dicte halle parler aux drappiers. La subvencion 
des bevrages, sans débat ne contradicion, fut cueillie 
et levée paisiblement en la dicte ville de Rouen. 

En Tan dessus dit, eu mois d'aoust, le roy de France 
vint à son palais à Paris à la pierre de marbre, avec 
lui son oncle le duc de Bourgoingne, et moult de haulz 
barons. Et dit le roy au peuple qu'il feist assembler, 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 305 

car il yroit en Guienne pour le profit du royaume et 
leur recommanda son frère. Et le duc de Bourgoingne 
son oncle, qui estoit gouverneur du royaume, fit la 
plus grant semonce et la greigneur assemblée qu'il 
poult pour aler en Flandres. Et y mena le roy de 
France en sa propre personne, avec lui ses haulz bar- 
rons de France, son connestable, ses marescliaulx et 
les nobles de son royaume. Et aussi vindrent grant 
bachelerie de nobles, tant d*Âlemaigne et Henault 
comme de Braban, en Taide du conte de Flandres. 

Le roy de France et monseigneur de Bourgoingne, 
avec eulx les diz barons et nobles de France, chevau- 
cerent droit en Flandres contre les Flamens et Philippe 
Dardevelle leur chiefqui tenoit siège devant Oude- 
narde et avoit tenu depuis la desconfiture et conqueste 
de cil de Bruges. 

Le duc de Berry, oncle du roy de France, comme 
il sceut que le roy estoit allé eu Flandres, il se départi 
de Guienne où il estoit et s'en vint par Paris, et de là 
s'en ala en Flandres avec ses gens au roy de France 
son nepveu. Pour lors les Flamens parlementoienl de 
traictié, mais le conte de Flandres et le duc de Bour- 
goingne ne vouidrent consentir cellui traictié. Dont 
fut ordonné que le connestable et les marescliaulx, 
avec la chevalerie de Picardie et de Bretaigne et partie 
de celle de INormendie, chevaucerent pour gaignier 
passage sur les Flamens. Car le conseil du roy de 
France avoit retenu la plus grant partie des plus grans 
seigneurs, tant du sang de France que autres, pour 
estre avec le roy en sa bataille. Le connestable et les 
marescliaulx et leurs batailles chevaucerent sus les 

Flamens qui gardoient les pas du pais de Flandres et 

20 



306 CHRONIQUE 

se ferirent dessus. Puis vint le conte de Saint Pol et le 
sire de Coussi et leurs batailles, et tous ensembles cou- 
rurent sus aus diz Fia mens qui gardoient les diz pas- 
sages et là ouït forte bataille. Maiz les Flamens s'en- 
fuirenty et furent tous desconfis, et en furent bien 
cinq mille occiz. Et les autres s'enfuirent à la grosse 
bataille où estoit Philippe Dardevelle, avec lui plus 
de trente mille Flamens. Apres ce le roy de France o 
tout son host entra en Flandres, et vint près de la 
grosse bataille Philippe Dardevelle jouxte Rosebeke. 
Et comme les François virent si grosse gent de Fla- 
mens, de toutes leurs gens ne firent que deux ba- 
tailles. Donc par le conseil du conte d*Eu, le roy de 
France et sa bataille fut à cheval en l'arriére garde 
avec lui les plus haulz seigneurs. Apres on fit par le 
conseil du Bègue de Villaines une bataille de fors var- 
iés. Lors le connestable, monseigneur Olivier de Cli- 
chon, avec lui les Bretons, monseigneur Louis de 
Sancerre et monseigneur de Blainville, dit Mouton, 
avec les Normans, alerent combatre les Flamens. Et 
là, en celle avantgarde et première bataille, ouït fort 
estour merveilleux et pesant. Puis l'en fit d'autre par- 
tie ferir les forts variés. Adonc Philippe Dardevelle 
dist que l'en forcloist les François. Adonc vint la ba* 
taille de Tarrieregarde la plus grant partie, et lors fu- 
rent Flamens férus et assaillis de trois parties. Car ilz 
u'avoient que une seule bataille, laquelle ilz avoient 
faicte en triangle comme ung trepié. Et lors firent les 
Françoiz tant d'armes que les Flamens furent descon- 
fis. Et là fut occis Philippe Dardevelle, filz de Jacquet 
Dardevelle, et plus de dix huit mille Flamens. Qui se 
peust sauver si se sauvast. En la chasse les François 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 307 

en occistrent taut que les champs estoient couvera 
de mors. Quant les François ourent Flamens des- 
confisy ilz retournèrent en champ pour avoir la proye 
et les armeures. Par entre les mors, l'en trouva 
plus de trois mille Flamens vifz qui furent tous occis. 
Philippe Dardevelle fut apporte mort devant le roy 
de France, et fut despoilliéy et avoit les chausses four- . 
rées de gris, il fut moult regardé de ungs et d*autres. 
Le conte de Flandres, qui à merveilles le haioit, le fit 
pendre à ung gibet ou à ung arbre. Dont les gens 
d armes le blasmerent, disant qu'il estoit mort hon- 
nourablement en bataille. Pour ce fut il depuis des- 
peudu. Cil de Gant que Philippe Dardevelle avoit 
laissiés au siège de Oudenarde, quant ilz sceurent la 
desconfiture de leurs gens, se deslogerent et alerent à 
Gant, et bien jusques à six mille alerent à Bruges. Mais 
ceulx de Bruges ne les vouldrent recevoir. Dont une 
partie alerent à Balleul avec autres Flamens. Les 
François le sceurent et les assaillirent, pristrent et oc- 
cistrent. Et furent desconfis, et eu mourut bien de 
cinq à six mille. 

Apres la desconfiture de la grant bataille de Rose- 
beke, alerent les François à Courteray et pristrent la 
ville , pillèrent et ardirent pour les espérons dorez 
qu'ilz gardoient en la dicte ville de une victoire qu'ilz 
avoient despieça eue sur les François afiin de mémoire. 
Et pour ce à celle fois leur fut rémunéré. Puis vin- 
drent les François à une riche plate ville nommée 
Poupelingues qu'ilz pillèrent semblablement et partout 
où ilz aloient. 

Apres celle mesmez desconfiture, ceulx de Bruges 
se mistrent en la mercy du roy de France, et lui firent 



308 CHRONIQUE 

présent de cent mille frans et de vivres. Aussi fit Yppre 
selon son povoir et autres villes de Flandres. A tous 
ceulx qui estoient de la partie Philippe Dardevelle et 
qui lui avoient aidié que le conte poult tenir il leur fit 
coupper les testes. Ceulx de Gant se vouldrent rendre 
sans moyen au roy de France, mais le duc de Bour- 
goingne le contredist. 

Puis se parti de Flandres le roy de France et s*en 
ala àTournay où il fit sa feste de la solennité de Noël, 
et après la solennité fut déterminé que le roy retour- 
neroit à Paris. Car quant le duc de Berry passa par 
Paris, quant il vint en Flandres, cil de Paris lui reqiiis- 
trent que le roy retournast à Paris. Et le dit monsei- 
gneur de Berry leur promist qu*il leur ameneroit le 
roy. Si fit il, maiz ce fut à leur grant confusion. 

Cy dit que le roy approcha de Paris et fut mandé 
aux bourgois de Paris que le roy vouloit qu'ilz se 
meissent du tout en son obéissance comme avoient 
fait cil de Rouen. Ceulx de Paris furent à conseil, et 
fut monstre au commun le mandement du roy. Hz 
distrent qu'ilz vouloient faire du tout la voulenté du 
roy leur seigneur. Ce fut rapporté au roy et à son con- 
seil. Lors vint le roy o tout son host à Saint Denis. Et 
le dimenche après la Typhaine fut ordonné que le roy 
yroit et entreroit à Paris. A icellui jour, vindrent au 
devant du roy et entrèrent en Paris les mareschaulx 
de France, le connestable et Tamiral à tout quinze 
cens hommes d'armes rengiés en ordonnance, comme 
s'ilz deu-ssent combat re les glaives espoingz. Apres vint 
le roy de France, le duc de Berry, le duc de Bour- 
goingne et le duc de Bourbon, ses oncles, à grant foi- 
son de contes, barons et nobles tous armés. Et puis 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 309 

vint Tarrieregarde et tous armés de toutes pièces en 
bacinésy les glaives es poings en ordonnance comme 
pour combatre ^ comme dit est. Ainsi entra le roy à 
Paris et fit crier sur peine de lahart que nul ne pillast 
et aussi que cil de Paris rendeissent leurs armeures, 
laquelle chose ilz firent. Et furent les chaennes aba- 
tues et ostées et les chouquets ars. 

Comme les diz gens d'armes entrèrent en Paris, les 
chevetainesy comme le connestable, les mareschaulx 
et l'amiral et autres, se logierent es fortes places et lia- 
bitacions de Paris, les ungs eu Chastellet, les autres 
eu Petit Chastellet de Petit Pont, les autres en la porte 
ou bastide Saint Antboiue et aucuns au Louvre. Le 
roy fut logië en son palais, et les ducs et grans sei- 
gneurs en leurs hosteiz. Au Temple aussi ouït logié 
des diz gens d'armes. Le roy, ses oncles et le conseil 
firent prendre très grant nombre des plus puissans et 
nobles bourgois de Paris, et les fit mettre en prison 
eu Chastellet, Tandemain que le roy entra en Paris, et 
estoit jour de lundi. L'andemain, trois des diz bour- 
gois de Paris furent décapités. Puis, l'autre lundi en- 
suiant, ou en décapita six dont Nicholas Le Flament, 
qui estoit ung des puissans bourgois de Paris et nota- 
ble marchant en gros de draps, fut l'un. Et depuis on 
en décapita dix. Et commença l'en de par le roy à faire 
une forteresse à la bastide Saint Antlioine. Et fut la 
vieille porte abatue d'ancienne forteresse qui estoit 
encontre ou devant icelle bastide. 

Par devant le roy vindrent plusieurs bourgoises de 
Paris, toutes vestues de noir, pour requérir et avoir 
pardon et mercy de leurs maris. Le samedi devant La 
Chandeleur, on décapita des bourgois de Paris qui 



310 CHRONIQUE 

avoient fait faire les mailletz et de ceulx qui les firent. 
Et entre les autres fut décapité ung notable bourgpis 
de Paris. Le samedi après la Chandeleur, on exécuta 
plusieurs pillars qui roboient ceuU qui alloient et ve- 
noient à Paris. Et en cest temps, refurent mises sus les 
imposicions de douze deniers pour livre et les autres 
subcides dont tant de meschief estoit sours à les de* 
batre. Le samedi, derrain jour de février, refurent dé- 
capités seize des diz bourgois de Paris. Desquelz fut 
Tun monseigneur Jehan des Mares, chevalier, conseil- 
lier du roy en son parlement, et en ses jours le plus 
solennel advocat du royaume. Lequel fut merveilleu- 
sement plaint de tout le peuple tant à Paris que ail- 
lieurs pour le bien de sa personne. Lequel fut con- 
dampné en son absence, et ne fut oncques ouy en ses 



excusacions\ 



A Paris estoit la plus grant pitié et la plus amere 
douleur que Ten peust voir. Le duc de Bourgoingne 
proposa à la pierre de marbre comme par cil de Paris 
les bonnes villes de France avoient esté rebelles puis 
la mort du roy , et qu'ilz avoient de ce et d'autres 
choses deservi plus grant punission que Ten n'en faisoit. 
Icellui jour de samedi, derrain jour de février, fut 
crié à Paris que tous fussent Tandemain, jour de di- 
menche, au palais à pierron de marbre. Là furent les 
bourgois de Paris sans chapperons et des boui^oises 
sans chapperons pardevant le roy, le duc de Berry, le 
duc de Bourgoingne, et grant quantité de barons et de 

i. V. sur Jean Detmareft une intéressante notice de M. F. Bour- 
quelot : Jean Desmares, avocat général au parlement de Paris au quator^ 
tième siècle, (Extrait de la Repue historique dm droit français et étranger, 
no de mai-juin 1858.) 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 3ii 

cil du conseil du roy de France. Là fut faicte remis- 
sion gênerai à ceulx de Paris de ce qu'ilz avoient of- 
fensé contre la majesté royal, réservé vingt à prendre 
à la voulenté du roy et de son conseil. Et fut fait le 
cas criminel^ civil, et bourgois prisonniers raençonnés 
grossement et autres. Apres ces choses ainsi faictes, 
le duc de Bourgoingne se parti de Paris et ala en sa 
terre. 

En cel an, les Clementins du Liège vouldrent le 
jour des brandons ocoire les Urbanistes. Mais les ci- 
toiens furent de la partie aux Urbanistes, et furent 
privés et chassiez les Clementins. 

En l'an de grâce mil trois cens quatre vingt et qua- 
tre, les Anglois vindrent en Flandres. Et furent en 
leur aide ceulx de Gant et pristrent la ville du Dan\ 
de Bourbourg, de Vergues' et autres. Mais le roy de 
France, avec lui ses oncles, à plus grant baronnie et 
plus grant host ala en Flandres qu'il n'avoit fait de- 
vant. Et comme le roy de France entra en Flandres, 
les Anglois de Vergues se partirent et alerent avec les 
autres à Bourboui^. Ainçois que le roy venist de cestui 
voiage en Flandres, les Anglois avoient gaingnié une 
grosse bataille jouxte Duncquarque contre les Fia- 
mens sus les dunes en la garenne. En celle bataille y 
ouït mors bien quinze mille Flamens, et aussi y ouït 
moult d' Anglois mors. 

Le roy de France s'en vint à tout son host mettre le 
siège devant Bourbourg. Mais par ung traictié que fit 
le duc de Bretaingne durant le siège du roy de France 



i. Damme. 

3. Berg ou Berghet. 



312 CHRONIQUE 

devant le dit fort, du consentement du roy et de ses 
oncles, se partirent les Anglois de la dicte forteresse 
franchement sans rien perdre. Durant le si^e du roy 
de France devant Bourbourc, cil de Gant yssirent 
sur les champs et vindrent devant Oudenarde où es- 
toient les nobles de la conté de Flandres et le pris- 
trent. 

En Tan mil trois cens quatrevingt et cinq, fut le roy 
de France devant la ville du Dan à tout son host et y 
tint siège. Et après ce que les Anglois et Gantois s'en 
furent partis de nuit, la ville du Dan fut prinse des 
François, et les diz Anglois et Gantois parsuis. Mais 
ilz estoient jà si eslongiés que la plus grant partie fu- 
rent sauvés, et s'en alerent à Gant. 

Puis chevauça l'ost des François jusques à Quatre- 
moustiers^ près de Gant. Et y ouït des François aven- 
tureux qui chevaucerent oultre pour aler devant 
Gant. Et comme les Gantois les virent aprochier, ilz 
laissèrent aler leurs escluses; et se bien tost les diz 
François ne feussent retournés, ilz eussent esté par les 
eauez des dictes escluses nayéz. Car quant celles es- 
cluses sont levées, les eaues s'espandent trop grosse- 
ment bien à une lieue loing tout entour Gant et vien- 
nent de trois rivières qui passent parmi la ville de 
Gant. Alors s'en retourna le roy après ce que on eust 
fait coupper le col à plusieurs Flamenstant du Dan que 
de TEscluse qui s' estoient rebellés. Et s'en vint le roy 
en France o tout son host qui se départi, et s'en re- 
tourna chacun en son pais. En l'an mil trois cens 



1. Quatremoustier oa plutôt Quatremétiers. On appelait ainsi les 
yilles du plat paya : Boachotte, Assenède, Axèle et Hulst. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 3i3 

quatrevingt et six, le jeune roy de France prist à 
femme la fille à l'un des ducs de Bavière et Tespousa 
à Amiens. En cel an, mourut le duc d'Angou en Ce- 
sille. En celle année, mourut le duc de Braban et le 
conte de Flandres. En cel an au devant, ouït à Cambray 
fait mariage du conte de Nevers, ainsné filz du duc de 
Bourgoingne, à la fille du duc Albert, et aussi du filz 
au duc Albert à la fille du dit duc de Bourgoingne. 
Et là ouït très belle feste et belles jouxtes, dont le se- 
neschal d'Eu, bon chevalier Normant, qui venoit tout 
droit de Prusse, s'adreça à la dicte feste et y fit gran- 
dement son devoir de bien jouxter. 

En cel an, ouït débat entre Charles de La Paix et le 
pape Urbain. Et le fit le dit Charles de La Paix asse- 
gier. Mais les Geneuois l'en délivrèrent, et ala le pape 
Urbain à Gennes, et de là ala à Romme. 

En cest temps, les Hongres occistrent Charles de La 
Paix. 

En l'an de grâce mil trois cens quatrevingt et huit, 
sourt une guerre par entre le duc de Bourgoingne et 
le duc de Guéries. Et ala le roy de France et ses on- 
cles à très grant puissance de nobles gens d'armes. Et 
vint le duc de Guéries à mercy et à obéissance au roy 
de France. 

En l'an mil trois cens quatrevingt et neuf, le roy de 
France fit la plus grant et la plus elTorcie semonce 
qu'il eust oncques fait au devant pour faire passage 
en Angleterre. Et comme le roy et ses oncles et la plus 
grant et la plus noble assemblée de gens d'armes qu'il 
feist oncques furent en Flandres, et le très grant et 
beau navire prest, où il avoit bien quinze cens gros 
vaisseaulx sans les menus, comme coques d'Allemai- 



314 CHRONIQUE 

gne, grosses nefz d'Espaingne et grosses barges, sans 
les vaisseaulx et nefz de Normendie, de Picardie, de 
Flandres et d'ailleurs; et que les garnisons de gens 
d'armes estoient prestes ; mais pour ce que le temps 
estoit divers sur la mer et ventoit fort, fut tout le fait 
rompu et depecié. Dont l'en avoit cueilli et levé sur le 
peuple une si grosse et si excessive finance que le peu* 
pie en fut moult grevé merveilleusement. 

Le roy de France et son host se parti de Flandres et 
s'en retourna en France. Et à son retour il prist son 
gouvernement. Et se partirent de court le duc de 
Berry et le duc de Bourgoingne, et s'en alerent chacun 
en sa terre. 

En cel an, ouït trêves entre le roy de France et le 
roy d'Angleterre. Apres ce, ala le roy en Languedoc 
et fui en Avignon, où il fut receu joyeusement du pape 
Clément et de son coliege. 

En cest temps, mourut le pape de Ronime qui se 
disoit Urbain. « Mortuus est Bartholomeus qui se di- 
cebat Urbanus et in basilica Rome sepultus. » A 
Romme les cardinaulx de là les mons, quant cellui 
Urbain fut mort, qu'ilz tenoieut à pape, ilz esleurent 
ung Ytallien, du lignage Charles de La Paix, et le le- 
vèrent et sacrèrent à pape, et fut nommé Boniface. 
Et il avoit nom Pierres du Chief de Rue, et estoit né 
de Napples de noble lignie. 

En Tan mil trois cens quatrevingt et dix, le duc de 
Bourbon et plusieurs nobles, c'est assavoir le conte 
d'Eu, qui nouvellement estoit venu d'oultre mer, le 
conte de Harcourt, monseigneur Charles de Larbret, 
monseigneur de Coussi, l'amiral de France, monsei- 
gneur de Graville, monseigneur d'Esneval , le senes- 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 315 

chai d'Eu et très grant nombre de chevaliers et des 
esciiiers alerent en Barbarie. 

En cel an, le pape Boniface levé à Romme couronna 
le (ilz monseigneur Charles de La Paix à roy de Nap«^ 
pies. Et les Neapolitains le receurent à seigneur et oc- 
cistrent des gens au duc d'Angou, car ilz doubtoient 
que les nobles chevaliers de France, qui aloient à 
Barbarie, ne allassent sur eulx. 

En cest temps, furent aucunes povres gens pris et 
emprisonnés, et aucuns décapitez en plusieurs parties 
pour avoir empoisonné les eaues dormantes. Et aussi 
en cest temps fut emprisonné ung noble homme de cil 
de Saluce, parent du pape Clément, et fut mis eu pri- 
son au Louvre à Paris. 

En cel an, entre Bouloingne et Callais, trois cheval- 
liers de France, c'est assavoir Chasteillon', Boussi- 
caut et Cempui' firent une grant emprinse, laquelle ilz 
fournirent honnourablement , c'est assavoir que par 
ung mois entier ilz jousteroient contre tout noble An- 
glois chacun qui en seroit requis trois coups de lance, 
et y seroient attendans par chacun jour le dit temps 
durant. Comme si firent ilz et fournirent Temprinse 
honnourablement\ 

En cel an, le roy Richard d'Angleterre, les trêves 
durantes, comme le roy de France avoit fait festes et 
jouxtes à Paris, il fit jouxtes criées à Londres ^ par 
France et par l'Empire. Et y ouït moult de haulz 
hommes, le conte de Saint Pol, qui ouït à mouUier 

1 . Begnault de Roye, suivant Froissart. 
3. Froissart appelle ce chevalier Saint-Py. Lisez : Sempj. 
3. Voy. dans Froissart le récit détaillé et animé de ces joutes, 1. IV, 
ch. Ti et xn, t. III, p. 22 et 23 et p. 40-57. 



316 CHRONIQUE 

la seur du roy d'Angleterre, le demiseau de Henault et 
le duc de Guéries. Apres les jouxtes , le roy Richart 
d'Angleterre donna dons. Le conte de Saint Pol les 
refusa et les chevaliers de France. Le damoiseau de 
Henault prist Tordre du roy d'Angleterre, et le duc 
de Guéries fut fait connestable d'Angleterre. Le da- 
moiseau de Henault fut indigné du roy de France. 
Mais son sire le duc de Bourgoingne en fit Tacord et 
excusa le damoiseau que ce avoit prins pour avoir 
l'aide du roy d'Angleterre pour aler en Frize. 11 est 
vray que, de droit d'ancesourie, le royaume de Frize 
appartient' aux contes de Henault, et pour la remettre 
en leur main y estoient morts plusieurs contes. Le 
conte Guillaume, qui tant fut bon chevalier, qui fut 
nepveu du roy de France Philippe de Vallois et frère 
à la royne d^ Angleterre, femme du fort roy Edouart, 
y mourut. Par ceste raison et par autres, fut excusé le 
dit damoiseau devers le roy de France. 

En cel an, mourut le roy Jehan d'Espaingne, fiizdu 
roy Henry, et chey de son cheval à terre, comme il 
chevaucoit , et se rompi le col. En cel an, vint à 
Paris devers le roy de France, de par le roy des Rom- 
mains et de par les princes et prelas d'Alemaigne, am- 
baxadeurs requerans que le scisme fut osté de l'Eglise. 
Et aussi en fut descript à l'Université qu'elle y voul- 
sist procéder, et en estoit le roy assez d'acord, mais 
par les deux maiours ilz cessèrent. 

Âpres ce eu conseil du roy de France, presens le 
duc de Berry, le duc de Bourgoingne, sur le fait de 
l'Eglise, fut délibéré que le roy yroit à Romme et se- 
roit par lui mis eu siège de Romme le pape Clément. 
Les Anglois le sceurent, qui tiennent le parti du pape 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 317 

de Romme vieil et nouvel. Et pour ce fut envoie par 
le roy d'Angleterre an roy de France monseigneur 
Thomas de Percy et autres chevaliers, qui signifièrent 
au roy de France et à son conseil que, se le roy de 
France va sur le pape de Romme, qu'il ront les 
trêves. Car le pape de Romme est chef espirituel des 
Anglois, et par ce fut le fait différé et prolongié. En la 
court du roy de France furent moult honnourés les 
messagiers du roy d'Angleterre^ et leur donna Ten de 
beaux dons et de nobles joyaulx. Et fut prins jour 
pour parlementer, pour faire paix et acord entre les 
deux roys. 

En l'an mil trois cens quatrevings et onze , mut 
guerre par entre le conte d'Armignac et le conte de 
Vertus pour division de terre, dont le duc de Berry 
portoit le conte d'Armignac pour ce qu'il avoit eu sa 
seur en mariage, et le duc de Thouraine portoit son 
sire monseigneur Galache^ deMillen, conte de V^ertus, 
duquel il avoit sa fîlle espousée. Si avint que le conte 
d'Armignac, à grosse route de gens d'armes, ala sur 
le conte de Vertus. Monseigneur Galiache sceut la 
venue du conte d'Armignac. 11 ne voult pas mettre 
son corps en aventure. Aflin que son peuple ne se re- 
bellast, il ouït ung soldoier nepveu, nommé N. de La 
Salle, qui a deux cens lances et environ mille piétons 
souldoiers, qu'il mit en frontière en une ville nommée 
Alixandre*. Le dit conte d'Armignac vint devant celle 
ville à tout son host et requist vivres. Cil de la ville 
lui refusèrent. Il jura le siège et fit abatre les mai- 

i . GaléaK Visconti de Milan. 
3. Alexandrie. 



3i8 CHRONIQUE 

spDS de dehors, et fit emplir les fossez de bois. Cil 
de la ville, par le conseil des gens d'armes, boutèrent 
le feu eu bois. Par yre avoit le dit conte d'Ârmignac 
juré le siège. Le conte de Vertus sceut que le conte 
d*Armignac avoit mis siège devant Alexandre. Il y 
tramist ungsien souldoier, qui estoit Anglois, et son 
connestable à huit cens glaives, et trois mille piétons 
armés de lance et de targe, et bien cinq cens arbales- 
triers, qui par nuyt se mistrent en la ville. Et comme 
ilz se furent rafreschis, ilz yssirent de la ville et 
se mistrent en embûches. N. de La Salle yessi à 
deux cens glaives et mille piétons. Lors le conte 
d'Armignac, quant il vit le dit de La Salle yessir, il 
dit à ses Lombars : a Sur eulx ! Hz sont noz. » Et 
leur couru sus trop hastivement. N. de La Salle fit 
sonner sa trompette. Et donc saillirent ceulx de l'em- 
busche, et coururent sus aux gens du conte d'Armi- 
gnac, et là ouït une très fiere bataille. Là se combati 
vassaument le dit conte d'Armignac, mais sa gent 
tournèrent à desconfiture. Et fu le conte d'Armignac 
prins prisonnier, mais il fut comme estaint de chaut. 
Et comme il fut desarmé, il but et après bien brief 
mourut. N. de La Salle en fut moult dolent, car il eust 
paie grosse finance. 

Les Fleurentins et les Bouloniens o leurs souldoiers 
venoient au conte d'Armignac. Hz rencontrèrent la 
gent au conte de Vertus qui s'en retournoieut. Il se 
combatirent à eulx et les desconfirent. Le frère au 
conte d'Armignac, par le conseil du duc de Berry, 
du duc de Bourbon, et du conte de Boulloingne, vint 
par devers le roy de France, lui ofirant à faire bom- 
maige. Apres la mort du conte d'Armignac, mourut le 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 319 

conte de Fois, qui estoit ennemy du conte d'Armi- 
gnac. Dont aucuns distrent qu'il en avoit prins si 
grant joye qu il en estoit mort. Et ains qu'il mou- 
rusty il advoua le roy de France à hoir de la conté 
de Fois. 

En cel an, les Juifz d'Espaigne coururent sus aux 
Crestiens et en occistrent bien mille. Les Crestiens des 
cités et les nobles leur coururent sus, et en occistrent 
plus de dix mille. Les Juifz se rendirent en requérant 
baptesme. En cest temps, les Juifz de Paris, qui en 
ourent nouvelles, par fînance furent mis en la sauve- 
garde du roy de France. Et fut criée la sauvegarde à 
la trompette, sur peine de mort. 

En cel an, ung grant prince de Turquie ou Tartarie, 
nommé l'amiral Baquin ou Bakan*^ à très grant nom- 
bre de Sarrasins, vint en Honguerie et courut la 
terre de Constantinoble. Le roy de Hongrie semont 
Crestiens, et demanda secours à son frère Yincelaux, 
le roy des Bommains et de Beheingne. Lors s'esmut 
grant chevalerie d'Alemaingne pour aler contre les 
Sarrazins. Et manda le roy de Hongrie jour de ba- 
taille contre le dit amoral [sic], qui le jour assigna. 

Icellui amoral avoit occis le père à l'amiral de Tu- 
nes', lequel fut contre la reze* que Crestiens firent en 
Barbarie et devant AufTrique. Icellui roy ou amiral 
de Tunes, comme le dit amoral Baquin estoit venu 
sur crestienté, lui qui scavoit la prouesse des Cres- 
tiens^ présuma et pensa que l'amoral auroit assez à 



i . Bajazet, fils de Mourat. 

3. Tunis. 

3. Reze, expédition. 



320 CHRONIQUE 

faire^ et tant que à peyue en pourroit ja retourner. Si 
concueilli Sarrasins à grant quantité, et leur donna 
tout leur conquest, et vint o son host en la terre de 
Tainoraly et en conquist grant partie. Et pour ce qu'il 
donnoit si largement, gens lui venoient de toutes pars 
à planté. Nouvelles vindrent à Tamoral que Tami- 
ral de Tunes degastoit sa terre. Il se parti de Hongrie 
et ala delTendre sa terre. De France et de Alleinaigne, 
ouït moult grant chevalerie qui portèrent grant 
domaige à la queue des Sarrazins, et en occistrent 
moult, car ilz les assaillirent très liardiement, et 
du charroy prindrent ; moult gaiugnerent de temptes 
et de harnois. 

En cel an, le roy de France se traist vers Touraine, 
affin que guerre ne sourdist en Bretaingne par entre 
le duc et monseigneur Jehan de Blois, filz de Charles 
de Blois, qui avoit requiz que le duc de Bretaingne 
fust adjourné en parlement ou devant le roy contre 
lui. Et disoit qu'il ne lui avoit pas entériné le traictié 
qu il lui avoit promis, quant il fut fait duc. Et disoit 
qu'il le devoit délivrer et livrer certaine assiete de 
terre et paier grant somme de pecune. Le sire de Cli- 
chon portoit Jehan de Blois, car le dit Jehan avoit 
espousé la fille du dit de Clichon. Et fut le duc ad- 
journé à comparoir en personne devant le roy, lequel, 
par le viconte de Rochen*, qui avoit à femme ma- 
dame Jehenne de Navarre, et par autres barons de 
Bretaingne, ouït le duc saufconduit, et vint par 
devers le rov de France, et là ouït de bons amis. Et 
tant qu'il fît que son filz fiança et affia la puisnée fille 

i. Rohan. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 321 

du roy. Car Tainsnée, comme l'en disoit, estoit coii- 
venancëeou afTiée au filz du conte d'Alençon. 

En cel an, au commencement de Février, la royne 
de France ouït ung filz. Pour quoy le roy s'en re- 
tourna à Parisy et fut son filzcrestiennéy et fut nommé 
Charles, lesixiesme jour de février du dit an. 

En cel an, avint en Gant que une grant partie de 
peuple et de femmes firent commocion pour ce que 
monseigneur le duc de Bourgoingne vouloit que les Fia- 
mens tenissent le pape Clément à pape. Et à banieres 
desploiées alerent par les rues de Gant, criant : « Vive 
le pape de Romme Boniface! » Puis vindrent sur le 
marchié et demandèrent aux gouverneurs de Gant : 
« Quel pape créez vous ?» et ilz respondirent : « Eu 
pape ou vous crées, » puis occistrentceulx qu'ilzsoup- 
peçonnoient estre Clementins. 

En mois de mars, en cel an, vint le duc de Len- 
castre à Callais. Et le roy de France et ses oncles et 
son conseil alerent à Amiens. Et là vint le duc de 
Lencastre pour traictier de la paix. Là fut Festoire du 
roy et de ses oncles, le duc de Lencastre et les An- 
glois, et furent ce parlement les trêves alongées d'un 
an seulement. 

Paravant vous avez ouy comme le roy Jehan d'Es- 
paingne mourut pour cheoir de dessus son cheval. Et 
fut comme il aloit veoir une minière qu'il esperoit 
qu elle fut d'or. Et comme il cliey de dessus son che- 
val, il se rompi le col. Au conte de Savoye aussi 
avint que, comme il cachoit en ses forestz aux bestes 
sauvaiges, il perdi ses hommes, ung lieupart vint 
qui le assailli de dessus son cheval et le devoura et 

occis t. 

21 



322 CHRONIQUE 

En Tan mil trois cens quatrevings et douze, avint à 
Paris le jour du Saint-Sacrement, comme monsei- 
gneur Olivier de Ciicbon, connestable de France, ve- 
noit soupper avec le roy, monseigneur Pierres de 
Creon'^ qui Tavoit deffié, le vint assaillir à vingt 
hommes armés, criant : « A mort 1 à mort ! » Le con- 
nestable qui se vist soupprins se mist eu une maison. 
La fut parsui et navré moult fort, si que monsei- 
gneur Pierres cuida qu'il fust mort. Puisse retraistrent 
le dit monseigneur Pierres de Creon et ses gens, et se 
partirent tantost de Paris, et chevaucerent très fort 
jusques en Bretaingne. De la famille de monseigneur 
Pierres de Creon estoit demouré à Paris en son Iiostel 
ung bon vieil homme, qui avoit bien soixante dix ans, 
qui estoit concierge de son dit hostel à Paris, et ung 
povre page, jeune enfant de l'aage de quatorze ans 
ou environ. Iceulx pour ce fait ourent les testes coup- 
pées; puis furent escartelés et desmembrés, et les 
membres penduz aux portes de Paris. Geste povre 
gent comparèrent ce dit fait. Le roy et son conseil 
sceurent que monseigneur Pierres de Creon estoit aie 
devers le duc de Bretaingne. Si fut mandé au duc de 
par le roy, sur peyne de perdre terre et d'estre réputé 
pour ennemi , qu'il rende monseigneur Pierres de 
Creon. Le duc de Bretaingne sur ce contremanda ex- 
cusacions, et que monseigneur Pierres de Creon avoit 
dédié par de nobles hommes le connestable, et qu'il 
ne le soutenoit point. Mais, comme Ten dit, monsei- 
gneur Pierres de Creon se traist à Bretb *. Le roy de 
France fit escripre au roy d'Angleterre comme mon- 

i. Craon. — 2. Brest. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 323 

seigneur Pierres de Creon avoit ainsi fait ; et que, s'il 
aloit en aucunes de ses forteresses, il n'y fustsoustenu. 
Le roy d'Angleterre escript au roy de France comme, 
s'il scavoit que le dit Creon fust en forteresse qui 
syenne fust, qu'elle fust prinse et rasée. 

Le roy de France fit sa semonce au Mans. Le duc 
de Bretaingne sceut comme le roy d'Angleterre avoit 
escript au roy de France. Et pour doubte de la puis* 
sance du roy de France, il envoia sa femme, qui fut 
fille du roy de Navarre, qui estoit cousine germaine 
du roy de France, vers le roy de France, pour le ex- 
cuser qu'il ne soustenoit nullement monseigneur 
Pierres de Creon, ne n'est en sa puissance, ne en ville 
ne en chastel de Bretaingne. Le roy de France prist la 
chose si à cuer que à son lieutenant ou son connes- 
table avoit esté fait celle injure, comme d'avoir esté, 
au partir de sa court et hostel à Paris, assailli, batu, 
féru et navré, comme laissié pour mort, le roy, consi- 
dérant que petitement estoit prisié pour ceste cause 
et raison, ne fut homme tant hardi qui osast parler au 
roy de la paix de monseigneur Pierres de Creon. Pa-< 
ravant la duchesse de Bretaingne fut ordonnée à venir 
par devers le roy. La semonce du roy estoit ja faicte 
et ordonnée, et estoit le roy a voie. Le roy approcha 
du Mans et voult veoir le nombre de sa semonce, 
pour ce qu'il voult que l'en entrast en Bretaingne. 
Monseigneur le duc de Bourgoingne, considérant que, 
se on entroit en Bretaingne, les trêves seroient faillies 
et rompues, quelle chose il debati. Quant le roy de 
France ouït veu la monstre de ses nobles gens d'ar- 
mes, et il deubt ou voult entrer en la forest du Mans, 
le cinquiesme jour d'aoust, devant lui vint ung messa- 



324 CHRONIQUE 

gier à visaige deffiguré disant : (c Roy, se tu entres en 
la forest pour aler au Mans, il te xnesavendra. » Aprez 
revint ung fui à visaige defTiguré qui prist le roy par 
le frain et dit ou roy : « Se tu vas plus avant, tu es 
mort. » Le roy se voult délivrer du fol, et vint à son 
page pour avoir son espée. Et le page ouït paour, si 
fuy, et le roy après. Et prist Tespce, et, d*ire et de 
Gou rouit, se marvoya ou désespéra, ou il fut em- 
poisonnez ou ensorcelez ou entaraudéz, comme Ten 
tenoit. Car comme il ouït Tespée, il couru sus à ceulx 
d'entour lui, et moull en navra. Et ne sceut on oncques 
que le dit messagier ne le dit fol devindrent. Et à très 
grant peine fut le roy prins. Car nul n'osoit appro- 
chier de lui, et toutes voies fut prins par ung cheva-* 
lier Cauchois, sire de Bliesmare*. 

De celle très merveilleuse aventure chey le roy en 
griefve doulour et très grant maladie. 11 fut mené ou 
porté à Saint Jullien du Mans, en T^lise, et là jut et 
fit sa neufvaîne et commença à asouagier. Puis se 
parti du Mans et vint à Nostre Dame de Chartres, où 
il fit sa devocion. A Paris, à Rouen fit l'en proces- 
sions en grant devocion, le peuple tout nu piéz. Et 
fit Ten chanter messes pour prier pour le roy. Et 
semblablement fut fait ainsi par les autres bonnes 
villes et en plat pais mesmez du royaume de France. 
Et par la grâce de Dieu le roy assouaga , et retourna 
sa santé. 

De Chartres, le roy ala séjourner à Creel. Le duc 
de Bourgoingne blasma moult ceulx qui avoient le 



1 . FroisMrt dit que ce cheTalier s'appelait messire Guillaume Martel. 
Cf. Cfironiques^lW. IV, ch. xux, t. lil, p. 189-163. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 325 

gouvernement du roy et de ceulx qui soufTroient et 
donnoient si dissolut gouvernement comme de veillier 
jusques au jour el rêver, jouer, banqueter et lever à 
nonne, disant qu'il n'appartenoit point à si noble 
prince comme le roy de France de mener ne de usa- 
gier de tel vie, lui qui estoit jeune prince et de si noble 
estât et nom. Car c'est soubz Dieu le souverain roy 
qui soit au monde que le roy de France. Bon prince 
doit on bien amer, car forte chose est à recouvrer. 
Nostre bon roy de France, puis qu'il vint à gouver- 
ner son royaume, si ouït partie de son peuple et moult 
l'ama. Et ne voult souffrir que une maie et cruelle 
subvencion appellée la Taille ou Tailles, qui avoient 
tant souvent et si excessivement couru tant comme il 
avoit esté gouverné, courust en son temps. Icelles 
tailles en son gouvernement il abati et ne voult souf- 
frir que aucunes en fussent alevées ne mises sus 
aucunement. Pour ce estoit tout le peuple du tout 
enclin à prier Dieu dévotement pour lui que Dieu 
leur voulsist sauver et bonne vie et longue et santé 
donner. Paravant l'adventure du roy de France, 
comme dit est, monseigneur le duc de Thouraine, 
son frère, fut translanté ou transmué de la duchié 
de Thouraine en la duchié d'Aurliens et fut fait duc 
d'Aurliens. 

En cel an, le premier jour de septembre, après 
mynuyt, fut éclipse de lune par longue espace. Et 
mua la lune plusieurs couleurs et estaint toute noire 
plus que errement si que on en perdi la veue. 

Le duc de Berry vint à la court, et lui et le duc de 
Bourgoingne reprinstrent moult cil qui avoient gou- 
verné le roy et la finance du royaume. Et en furent 



326 CHRONIQUE 

aucuns mis en prison. Les autres se trairent arrière, et 
en especial monseigneur Bureau de La Rivière. Et 
sire Jehan Le Mercier et monseigneur Guy Chrestien 
Furent mis en garde comme en prison à la bastide 
Saint Â.nthoiney où ilz furent estroitement gardez. Et 
les autres furent mis en Chastellet. Et firent les diz 
ducs par toutes les bonnes villes du royaume de 
France arrester tous les officiers, receveurs des aidez 
et grenetiers et tous leurs biens qui furent trouvez et 
leurs registres et papiers scellés et sur ce partout à 
une foiz refourmés. 

En cel an, Tamoral Baquin estoit retourné en Hon- 
grie et avoit desconfit ses ennemis en Orient. Le roy 
de Hongrie par sa femme et lui, qui estoit frère de 
Vincelaux, le roy des Rommains et de Behengne*, 
avoit mandé secours à son dit frère, et aussi avoit re- 
quis son serourge le roy d'Angleterre, lesquelz lui 
avoient envoies de bonnes gens d'armes. Et aussi y 
alerent de bonnes gens d'armes du royaume de France 
et d'autres contrées. Le roy de Hongrie prist jour de 
combatre au dit amoral Baquin, à son filz et au mais- 
tre de la bachelerie du soudent. Et à cejour vindrent 
en bataille les Crestiens contre les Sarrasins et Turcs, 
et par la grâce de Nostre Seigneur Jesus-Christ, les 
Crestiens ourent victoire et occistrent merveilleux 
nombre des diz Sarrazins et Turcs. Et s'en fuirent du 
champ le dit amoral Baquin et son filz, qui avoient 
quant tans plus que n'estoientles Crestiens. 

Par tesmoings de gens d'onneur fut rapporté et dit 
que le roy Louys, filz du duc d'Ângou, si ouït vie- 

I. Bobéroe. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 347 

toire contre le filz Charles de La Paix et le duc Ode* de 
Bezinc qui ouït à femme la royne Jehenne de Napples 
et de Cesille, et s'estoit tourné eiinemy du dit roy 
Louis. Et fut cestui Odes de Bezinc celui qui se deubt 
combatre au duc de Lancastre. Le roy Louis et Henry 
de Blois ou de Bretaingne, N. de Luzignen, Pierres 
d'Avoir le Jeune, le sire de Pont de Croix, le princed'O- 
range et cil de le Roucellion et le seneschal de Prou- 
vence chevaucerent contre leurs ennemis et les soup- 
prindrent. Et tant bien le firent François* que les 
Âllemans partirent du champ et s'en fuirent, et le de- 
mourant fut desconfit. Le filz Charles de La Paix et le 
dit Odes s'en fuirent. 

En cel an, environ Noël, vindrent à Paris devers le 
roy de France, de par le pappe de Romme, ambaxa- 
deurs ofTrans de par le dit pape Boniface que, s'il es- 
toit trouvé par consille de bons clers tant de l'Uni- 
versité de Paris que d'autres qu'il ne fust vray pape, 
il s'en vouloit démettre, et que celui d'Avignon aussi 
se submei&t ad ce. La dicte Université de Paris, c'est 
assavoir le^ maistres et les docteurs, ourent leurs rai- 
sons qu'ilz lindrent à justes et leur obéissance bonne. 
Hz le monstrerent au roy qui bien se acorda que on 
en feist concilie. Et pour ce furent faictes par le roy et 
ses oncles et son conseil et l'Université et les chappi- 
tres de Paris processions , affin que l'église fust en 
unité. Et aussi fit l'en par les autres citez et bonnes 
villes du royaume de France. 

Le mardi vivant la Chandeleur eu dit an, ouït à 
Paris unes neipces d'une des damoiselles de la royne 

i . Othon de Bmntwick. 



3S8 CHRONIQUE 

de France. Si avint que, par druerie et sot esbate- 
ment, de jeunes chevaliers, par la promocion d*au- 
cunsi firent ung esbatement de gens sauvaiges. Et 
avint que le roy s*i mist et se vesti semblablement et 
desguisa avec eulx. Et a voient vestemens de toille cy- 
rée et empesée de noire pois, raisiné. Et y avoit es- 
touppez atachées à la dicte poix, tant que les diz ves- 
temens en estoient couvers, et tous les membres et le 
corps du roy et des autres semblablement. Et si 
avoient visaiges deffîgiirés, afHn qu'ilz ne fussent con- 
gnuz. Si avint d'aventure ou par aucun que le feu se 
prist par une torche sur ung des desguisëz. Et comme 
il senti le feu, il frea à ses compaingnons, et ainsi 
sailli le feu de Tun à Tautre. Aussi fit il au rov. Et se 
le roy n'eust esté promptement secouru, il eust esté 
mors et ars. Des autres y ouït il de mors et defligurés 
par le feu comme le conte de Jogni. Le bJistart de 
Foiz, Aymart de Poitiers et Huguet de Guinsey furent 
si esprins de feu et hideusement embrasez et ars que 
tantost et, sans que remède y poult estre mis, mouru- 
rent à grant douleur, angoisse et meschie*. Et le roy 
et le mareschal de France Boussicaut et le sire de Nen- 
teulet* furent sauvez, et en espartirent e: eschappe- 
rent. 

Le roy vint Tandemain par grant devoeion à Nostre 
Dame de Paris pour regracier Dieu et sa doulce mère 
de la très grant grâce qu'ilz luy avoient :aicte qu'il ne 
fut péri et mort. Maiz la grâce de Dieu le délivra de 
cest péril. Moult fut la feste ameren:ent troublée, 
comme de veoir de si vile et horible ncort mourir si 

I. Ntntouillet. Cf. Froissart, Ht. IV, ch. xxxn, t. III, p. 176-179. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 329 

très nobles hommes comme contes, chevaliers et 
escuiers. En cestui mauvaiz esbatement, moururent 
d*icellui feu monseigneur Charles de Poitiers, le conte 
de Jogny, le bastart de Fois. 

En cest temps, ala monseigneur le duc de Bourbon 
en Ytalieau roy Louis. En cel an, fut fait conuestable 
de France monseigneur Philippe d'Artois, conte d*Eu, 
et fut demis en son absence monseigneur de Clichon, 
et espousa le dit monseigneur Philippe d'Artois Tune 
des filles au duc de Berry, puis fut envoyé en fron- 
tière en Guienne. 

En Tan mil trois cens quatrevings et treize, fut le 
parlement du traictié de la paix des deux roys de 
France et d'Angleterre entre Callais et Boulloingné. 
Et y furent des seigneurs de France, le duc de Berry 
et le duc de Boui^oingne, le conte de Saint Pol, Te- 
vesque de Bayeux, et autres du conseil du roy de 
France. Et, d'autre partie, vint le duc de Lencastre 
et le duc de Glocestre, et autres du conseil du roy 
d'Angleterre. Et sur espérance de paix furent les trêves 
allongnies d'un an. En ce traictié, fut parlé de faire 
acord entre le duc de Brelaingne et monseigneur de 
Clichon et monseigneur Jehan de Bretaingne ou de 
Blois, conte de Paintievre, requerans avoir le chastel 
de Jugon* et appartenances que le duc de Bretaingne 
aVoit eu du dit Clichon. Le proverbe dit : « Vieille 
rancune est pire que mauvais malon*. » Il est voir que 
le vieil sire de Clichon, père de cestui, fut décapité à 



I. Jogon, GôteA-du-Nordy air. de Dinan, chef-lien de canton. 
9. Malon, ulcère, pourriture. Fait sur mal i i*imiution du cas régime 
des noms imparisyllabiques. 



330 CHRONIQUE 

Paris pour le fait du vieil conte de Montfort, père de 
cestui duc, comme devant est faicte mencion. Et ces- 
tui sire de Clichon, à très grant nombre de gens d*ar- 
mesy fut à aidier à conquérir la duchië de Bretaingne 
à cestui duc. Pour quoy, cestui duc luy donna le dit 
chastel de Jugon, comme dit est. Mais depuis, cestui 
sire de Clichon se tourna François, et guerroya ce 
duc, et fut en guerre contre lui. Par quoy, cestui duc 
prist le dit sire de Clichon en Bretaingne, lui estant 
connestable de France, et le mist à raençon, et si lui 
tolli Jugon. Dont Ten dit : « Qui a Bretaingne sans 
Brest et sans Jugon, il a chappe sans chapperon. » 

Or diron comme ceste guerre couverte de Bretain- 
gne est meue soudainement et de rechief. Monseigneur 
Pierres de Creon estoit moult avancié en la court du 
roy de France, et en especial estoit moult aflfin de 
n^onseigneur le duc de Bourgoingne. Car par monsei- 
gneur le duc de Bourgoingne, monseigneur Guy de 
La Tremoille, simple chevalier et petit terrien familier 
et especial affin du dit duc de Boui^oingne, du con- 
sentement de monseigneur Pierres de Creon, par le dit 
duc de Bourgoingne, espousa le dit chevalier de La 
Tremoille la noble heresse de Creon, qui tient bien 
trente mille livres de terre et plus. Laquelle noble 
heresse paravant avoit este affiëe au filz de monsei- 
gneur le duc de Berry, lequel mourut ainçois qu il 
Tespousast. Or avintque monseigneur de Boui^oingne 
laisse le gouvernement de France au roy à qui il ap- 
partenoit. I^ roy gouvernant le royaume, monsei- 
gneur de Clichon, connestable de France, monsei- 
gneur de La Rivière, qui estoient bien affins ensembles, 
et leur complices, gouvernoient le roy de France. De 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 334 

quoy fut blasmé le dit monseigneur Pierres de Creon 
et indign<^ du roy et débouté de la court du roy de 
France. Pour soy vengier, le dit monseigneur Pierres 
de Creon espia, comme devant est dit, comme le dit 
de Clichon, connestable de France, venoitde soupper 
de la court du roy, et lui et les syens leur couru sus, 
et navra le dit de Clichon, comme dit est. Pour quoy, 
il s'en fuy en Bretaingne. Et le roy, pour vengier la 
honte qui avoit esté faicte à son connestable, s*esmut 
pour aler en Bretaingne. Le duc de Berry et le duc de 
Bourgomgne mandèrent et escriprent à monseigneur 
de La Rivière, au Besgue de Villaines et au conseil du 
roy de France que^ se le roy entroit en Bretaingne 
pour faire guerre, que les trêves seroient rompues et 
la guerre recommencie. Cil ne firent rien pour le 
mandement des diz ducs, dont ilz furent moult indi- 
gnez d'eulx. 

Le vingt septiesme jour du moys de may jusquez au 
vingt sixiesme jour du moys de juing eu dit an, les 
devant diz ducs de France et ceulx d'Angleterre, et 
les conseulx des diz deux roys, par la voulenté de 
Dieu, parlementèrent si qu'ilz furent à acord de paix 
entre le roy de France et cil d'Angleterre ainsi que le 
roy d'Angleterre devoit venir par deçà la mer pour 
confermer le dit traictië ; maiz les Anglois ne voul- 
drent qu'il passast la mer, et pou s'en fallut que le 
traie tié ne fut depecié. 

La guerre meut fiere et aspre en Bretaingne entre le 
duc et le sire de Clichon, et coururent sus les ungz 
aux autres. Le conte de Paintievre et le sire de Beau- 
manoir rencontrèrent bien six cens combatans des 
gens au duc. Hz leur coururent sus, et là ouït grosse 



332 CHRONIQUE 

bataille en laquelle perdirent place cil du parti au 
duc. Et se retraist de celle bataille monseigneur Pierres 
de Creon. En y oull prins de prisonniers bien soixante. 
Le duc fit sa semonce, avec lui le viconte de Rochen, 
monseigneur Pierres de Creon , le sire de Rocliefort, 
le sire de Montauban en Bretaingne, et le cappitaine 
de Brest, et des gens des fortes villes en Bretaingne, 
et mit siège devant Chasteau* Jocelin. Dedens ce dit 
chastel estoit la Femme au dit monseigneur Olivier de 
Clichon et sa fille, la femme du dit conte de Pain- 
tievre. Monseigneur de Beaumanoir tenoit les champs 
et vint à Dol. Aussi fit il à Renés, et les cuida esche-- 
1er. Le duc de Bretaingne manda deniers à paier ses 
souldoiers. Monseigneur de Beaumanoir le sceut et le 
conte de Paintievre, et firent une embusche, et soup- 
prindrent ceulx qui conduisoient Targent, et en occis- 
trent bien quarante et bien autant en prindrent pri- 
sonniers, et apportèrent la finance au dit sire de 
Clichon. Comme on desarmoit les diz prisonniers de- 
vant monseigneur de Clichon, en furent trois con- 
gneus qui furent aie prendre avec le duc. Il les occist. 
Dont monseigneur de Beaumanoir le blasma, et luy 
dit qu'il ne devoit nul mettre à mort, puis qu'il estoit 
fiance prisonnier; et s'il les mettoit à mort, ainsi fe- 
roit on de cil de son parti. Le demourant fit monsei- 
gneur de Beaumanoir délivrer par paiant raisonnable 
raençon. 

Monseigneur de Beaumanoir, à bien deux cens 
glaives, vint pour ad viser Test du siège. Le duc de 
Bretaingne le sceut, et prist mille glaives pour prendre 

!• Jotielln, Morbihan, arr. de Ploermel, dief»liea de caoton. 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 333 

monseigneur de Beaumanoir, mais on lui fîst scavoir^ 
si se retray. Deux chevaliers de Bretaingne, dont Tun 
fut avec monseigneur Pierres de Creon, et l'autre es- 
toit avec monseigneur de Cliclion, quant le dit mon- 
seigneur Pierre de Creon assailli à Paris monseigneur 
deClichon, s'entre dédièrent, et chacun luy vingtiesme 
se vindrent combatre. Ces deux chevaliers brochèrent 
devant les autres, et s'entre ferirent des glaives de si 
très grant force et de si grant ayr qu'ilz s'entre occis- 
trent, et cheirent ambedeux à terre tous mors. 

Le roy de France envoia ses messages en Bretain- 
gne, c'est assavoir l'evesque de Lengres, le cappitaine 
de la bastide Saint Anthoine de Paris, et autres de son 
hostel au duc de Bretaingne et au sire de Clichon* Et 
pour lors estoit monseigneur de Laval devers le duc 
pour traictier de paix. Les messagiers du roy distrent 
au duc de par le roy de France qu'il se cessast de 
guerroier. £t le duc dit que si feroit il, maiz qu'il eust 
seurté du sire de Clichon et du conte de Paintievre, 
et qu'il obeiroit au mandement du roy. Les messa- 
giers du roy alerent au sire de Clichon et au conte de 
Paintievre, et distrent de par le roy qu'ilz laissassent à 
guerroier. Le sire de Clichon respondi moult yrés : 
« Comme laisserai je à moy vengier de mes mortieulx 
ennemis et du duc qui sousticnt mon ennemy mortel 
Pierres de Creon, qui me voult murdrir en traison 
comme je venoye de soupper d'avec le roy 1 Je ne 
pourroye laissier que je ne m'en vengasse. » Et oultre 
luy très fort meu d'ire dist : a II a trois roys en France. 
Je ne scauroie au quel obéir. » 

Les messagiers s'en retournèrent à la court du roy 
de France et rapportèrent ce qu'ilz avoient trouvé. 



334 CHRONIQUE 

£d Bretaingne, monseigneur de Beaumanoir et 
monseigneur de Tournemyne avoient guerre mortel* 
Jasoit ce que monseigneur de Beaumanoir fust le plus 
puissant de richesse, d'avoir, de terre et d'amis puis- 
sans, et non obstant ce que le dit monseigneur de 
Tournemyne fust de plus basse ligne et mains noble 
tant de soy que de sa femme, si avoit il es bonnes 
villes fortes grantment amis. Icestui monseigneur de 
Tournemyne fist trop puissant aide au duc de Bretain* 
gne. Monseigneur de Beaumanoir vint à grosse gent 
devant Renés, et es faubourcs ouït grant bataille et 
fort estour. Le sire de Tournemyne estoit lors à Rene& 
Mais monseigneur de Beaumanoir ouït la plus grant 
force de gens d'armes , si qu'ilz firent recuUer cil de 
Renés mal gré leur dedens la forteresse, et en y ouk 
moult de navres. 

A une autre chevaucie ouït une fiere besoingne, et 
y ouït moult de nobles hommes mors du costé au duc 
de Bretaingne, monseigneur de La Beliere, le frère 
au viconte de Rohen, monseigneur Jehan de Porcon 
et autres et moult de prins. Apres ce que les messagiers 
du roy furent partis de Bretaingne, les deux parties 
firent guerre mortele et ardirent sur le pais les ungz. 
des autres. 

En partie le traictië de la paix fut prolongé par entre 
les seigneurs de France, le duc de Berry, le duc de 
Bourgoingne et ceulx du grant conseil du roy de 
France d'une part, et le duc de Lencastre, le duc de 
Glocestre et le conseil du roy d'Angleterre, d'autre, 
pour cause de la guerre de Bretaingne qui estoit une 
très périlleuse guerre, rachine de commocion de 
guerres par entre les plus grans et les plus puissansde 



DES QUATRE PREMIERS VALOIS. 335 

France. Et fut le traictié alongié jusques en septembre. 
Ce temps pendant, vint à Paris le filz au duc de Len- 
castre veoir la noble cite au conduit des diz ducs, on- 
cles du roy de France. 

En Bretaingne, les gens d'armes du costé au conte 
de Paintievre assaillirent Saint Briot des Yaulx et le 
prindrent. Le viconte de Pavau, qui estoit chief des 
diz gens d*armes du dit conte, y fut navré mortelment. 
Par quoy cil de la ville furent ars, occis et mis à Tes* 
pëe et destruis. Dont ce fut grant douleur, car ceulx 
de Saint Briot avoient tousjours esté bons, vrais, 
loyaulx François. 

En la court du roy de France, furent remués de 
son hostel la plus grant partie de ses o^ciers, et par 
les dis ducs ses oncles bailliés autres nouveaulx offi- 
ciers, et par semblable les autres menuz officiers. 

Environ le chief de Tan ou le bout de Tan que le 
roy de France ouït esté malade à aler au Mans, refîit 
le roy malade griefment : dont ce fut pitié et grief 
douleur. 

En ce temps, en Bretaingne, par le commun acord 
des barons, ouït trêves jurées par entre le duc, le sire 
de Clichon et le 'conte de Paintievre jusques à la Saint 
Michiel. 

En cet an mil trois cens quatrevings et treize, fut 
guerre de monseigneur Remond de Thouraine au 
pape Clément d'Avignon. Le conte de Yalentinois et 
monseigneur Jehan de Vienne, amiral de France, 
rencontrèrent le dit monseigneur Remond de Thou- 
raine, et y ouït pongneis et estour. Et se retray le dit 
monseigneur Remond en ung syenchastel. Là mistrent 
siège le dit conte et le dit amiral. £t dit le dit amiral 



336 CHRONIQUE 

au dit monseigneur Remond qu'il se rendist. Le dit 
monseigneur Remond lui demanda : « Me requerés 
vous comme amiral de France ou comme Jehan de 
Vienne? — Je le diz comme Jehan de Vienne et pour 
le pape Clément. — Ne au pape Clément ne à vous je 
ne rendroy le chastel. Hais se le roy de France me 
mandoit que je lui rendisse, je lui rendroye. m Aprez 
ce vindrent gens par ung bois à monseigneur Remond 
de Thouraine, et entrèrent eu chastel par une poterne 
secrètement. Et par ung point du jour le dit monsei- 
gneur Remond o ses gens vint soudainement abatant 
logeiz et tentez et desconBt cil qui Tavoient assiégé. 

Le jour de la Nativité de la glorieuse Vierge Marie 
ou dit an, fut receu en Teglise de Nostre Dame de 
Rouen monseigneur Guillaume de Vienne, frère de 
Tamiral de France, à archevesque de Rouen et noble- 
ment compaigné, c'est assavoir du conte de Hare- 
court, de monseigneur Jacquez de Bourbon et de 
moult grant chevalerie d'onneur, de prelas aussi et de 
grant nombre de bourgois, de peuple, et tist grant 
feste riche et solennel. 

En cel an, le duc de Bourbon retourna d'Ytalie du 
roy Louis filz de monseigneur d*Angou, lequel luy aida 
en sa guerre. Et en retournant il amena de Lyou sur 
le Rhône ung fizicien ou médecin très excellent, le- 
quel medicina le roy et lui fit purgacion par la teste. 
Par quoy il assouaga. Dont tout son peuple ouït mer- 
veilleusement grant joye. 



PIN. 



TABLE 



DES NOMS DES PERSONNES. 



Adrian (comte d'), 97. 

Alencon (comtes d'), 5, 15, 16, 
121, 149, 193,321. 

Alençon (comtesse d'), 28. 

Alencon (Philippe d'), archevêque 
de Rouen, 98, 110, 114, 211, 
221, 243, 249, 256, 272, 289, 
292. 

Allemagne (empereur d'), 66. 

Alphonse d^Espagne et de Castille, 
11 12 23. 

Amiens "(cardinal d'), 256,259, 
268, 269, 279, 282, 283. 

Andrehen (maréchal d'), 22, 29, 
30, 36, 41,49,51,52,56,166, 
173-175, 178, 180, 181, 194, 
198. 

Angenrille (sire d*), 39, 

Angle (Guichart d»), 232, 234. 

Anjou (Louis, comte d*), 119, 
121. 

Anjou (duc d'), 129, 130, 134, 
135, 142. 144, 140, 182, 193, 
194, 198, 204, 213, 216, 222, 
223, 241, 244, 246-248, 256, 
259, 281, 284, 288, 289, 291- 
293, 295, 297, 304, 313,315, 
326, 336. 

Ansellée (sire Jean d'), 24, 31, 83, 
105, 171, 173, 180, 259,260. 



Anselée (Guillaume d*), 45, 49, 

98. 
Antioche (Jean, prince d'), 164, 

165, 186, 191, 200, 261. 
Aragon (roi d'), 20, 171, 174, 

175, 177, 179, 180, 206. 
Araines (sire d'), 26, 64. 
Archiprétre (K), 80. 
Arcy (d'), avocat, 68. 
Armagnac (comte d'), 171, 172, 

180, 193, 195, 317-319. 
Armagnac (Jean d'), 195. 
Arménie (roi d'), 296. 
Arondel (comte d'j, 4, 10, 263, 

272, 273, 275. 
Aneveld (Jacques d'), 5, 7. 
Arthur, roi de la Grande-Bretagne, 

106, 226-229. 
Artois (Charles d»), 2, 40, 71. 
Artois (comtesse d'), 206. 
Artois (Jean d'), fils de Robert, 

comte d'Eu, 2, 31, 32, 36, 40, 

50, 55, 56, 149,230,306. 
Artois (Louis d'), fils de Robert, 2. 
Artois (Phihppe d'), 292, 329. 
Artois iRobirt d*), 2, 4, 5. 
Atainville (Oudart d*), 243, 248, 

256, 282. 
Athènes (duc d*), 15, 40, 49, 50, 

55. 

4(9 



338 



TABLE 



Aubert, duc de Bayière, 43, 281, 

286» 313. 
Aubigny (sire d'), 29, 41, 56, 74, 

80, 137, !38, 151. 
Aubrecicourt (Eustache d'), 176. 
Aubriot (Hugues), 184, 251, 288, 

294, 295, 299. 
Aufremont (sire d'), 15. 
Aurichi (Ligier d'), 27, 97, 136. 
Auseboc (sire d'), 272. 
Autriche (duc d'), 4, 279. 
Auvergne (dauphin d'), 121. 
Auvillier (sire d'), 240. 
AuviUier (Pierre d'), 240, 241. 
Auxerre (comte d'), 5, 15, 18, 50, 

56, 80, 137, 139, 140, 141, 

145, 146, 159, 161. 
Auxerre (jeune comte d^), 195. 



B 



BaIlIet(Jean),68. 

Baqueville (sire de), 13, 70, 71, 
74, 118, 137, 141, 145, 150, 
164, 186, 196, 272, 273. 

Baquin ou fiakan, amiral, prince 
de Turquie, 3!9, 326. 

Bar (duc du), 221, 253. 

Bar (duchesse du), 242. 

Bar (sénéchal du), 221 . 

Bascon (Roger), 9. 

Bauce (sire de la) , 91. 

Baudraiu de la Heuse (ic), amiral 
de France, 37, 39, 41, 42, 45, 
66, 67,75, 78,79, 87,90,93, 
96.98,103, 107,109,137,150, 
206, 207, 240. 

Baveux (Guy le), 186. 

Bavière (Louis de), l, 2, 4, 6, 9, 
216. 

Bayeux (évéque de), 15, 329. 

Beaufort (cardinal de), 212. 

Beaujeu (sire de), 21-23. 

Beaumanoir (sire de), 159, 160, 
193, 214,215, 331-334. 

Beauinesnil (sire de), 134, 293. 

Beaumont (comte de) 121. 

Beaumont (Jean de), 4. 

Beaumont (Richard de), 183, 184. 

Beaumont (vicomte de), 145, 146. 



Beansaut (sire de), 273. 

Beauvais (cardinal de), 224. 

Beauvais châtelain de), 138, 250, 
262. 

Beauvais (évéque de), 253. 

Bec Crespin (ûls de madame du), 
145. 

Bec Thomas (baron du), V. Tour- 
nebu. 

Bec Thomas (sire du), 35. 

Behaingne (Jean, roi de), 216. V. 
Bohème. 

Belemarine (roi de), 11, 12, 23, 
188, 198. 

Belitre (sire de La), 334. 

Bellengues (Guillaume de), 301. 

Bellengues (Jean de), 74, 155. 

Benoit XII, pape, 6, 9. 

Berreville («ire de), 35, 41, 74, 80, 
90, 118, 145. 

Berry (duc de), 119, 129, 193, 
195, 216,230, 237, 238, 241, 
244, 246, 252, 253, 264, 286, 
289, 291, 292, 295, 297, 305, 
308, 310, 314, 316-318, 325, 
329-331,334. 

Berthelemieu, arcbevéqae du Bar, 
268, 270. 

Bertran, maréchal de France, 8, 
14, 15. 

Bertran le Jeune (Robert), 23. 

Betencourt (sire de), 137, 141, 
145, 146. 

Betin, 147. 

Beuchet, 10, 11. 

Bezinc (Ode de), 24, 25,327. 

Biduere, duc de Neustrie, 227, 
228. 

Bigot (Guillaume le), 262. 

Bigot (Jean le), 250, 251, 262. 

Blainville (sire de), 35, 74, 80, 
90, 92, 102, 104, 114, 131, 
137, 145, 150, 169, 193, 196, 
200, 203, 206, 211, 253, 272, 
273, 276, 286, 289, 292, 299, 
304, 306. 

Blanche, seconde femme de Phi- 
lippe de Valois, sœur du roi 
de Navarre, 10, 18, 88, 96, 
98, 132, 133, 141, 143, 144, 
206. 

Blaru (sire de), 136. 137, 141. 



DES NOMS DES PERSONNES. 



339 



Bliesmare (sire de), 324. 

Blois (comte de), 16. 

Blois (Charles de), 6, 7, 11, 24, 

50. 59, 121, 150, 158-162, 

178, 3:20. 
Blois (H. de), 284, 327. 
Blois (Jean de), fils de Charles, 

3i0. 
Bohême (roi de), 25, 264. 
Boniface IX, pape, 314,315,317, 

321, 327. 
Bordeaux (capitaine de), 264. 
Bordeaux (sénéchal de), 239. 
Bordes (Guillaume de), 277. 
Bosc (Nichole du), évêque de 

Bayeux, 260, 277, 292. 
Bouillon (Godefroi de), 189. 
Bouillon (prévôt de), 217. 
BoulainTÎHiers (sire de), 76. 
Boulogne (cardinal de), 25, 29, 

3!2, 133, 176, 177. 
Boulogne (comte de), 29, 318. 
Bourhon (ducs de), 5, 15, 31, 37, 

40, 50, 55, 6:>, 121, 148, 203, 

205, 230, 237, 244, 266, 291, 

292, 308, 314, 318,329, 336. 
Bourhon (Jacques de), 32, 33, 43, 

130, 217,218, 220, 336. 
Bourbon (Robert de), 217. 
Bourgogne, (Philippe, duc de), 3, 

5, 13. 
Bourgogne (Philippe le Hardi, duc 

de). V, Philippe le Hardi. 
Bourgogne (duchesse de), 213. 
Bourgogne (Jeanne de), femme de 

Philippe de Valois, 3, 17, 18. 
Boussicaut (sire), 115, 116, 151, 

156, 315, 328. 
Braban (ducs de), 4,80, 215-220, 

286, 313. 
Braban (Jeanne, duchesse de), 

216. 
Braban (sénéchal de), 220. 
Braquemnnt (Regnault de) , 26, 

35, 64. 71, 74, 75, 87, 89,95, 

99, 103, 107-109, 137, 144, 

169. 
Brenchon (Jean et Guillaume de), 

i07. 
Brene (comte de), 121. 
Brest (capitaine de), 332. 
Bretague (Jean de)^ 158. 



Bretagne (duc de). V. Montfort. 

Briquet, 196, 197. 

Brocas (sire de), 123, 

Brouas (N. de), 186. 

Bruce, 4 

Buch (captai de), 45, 49, 52, 55, 

56, 144-150, 163, 171, 172, 

175, 177-180, 193, 194, 209, 

238-212, 259. 
Buiyille (sire de), 35, 74. 
Burgibus, portier d>nfer, 22. 
Burgues (Bertran de Clacquin, 

comte de), 289. 



Cahors (Raoul de), 12. 

Cahors (Regnault de), 23. 

Cambray (évéque de), 278. 

Canolle'(Robert), 39, 45, 83, 87, 
152, 159, 207, 208, 245, 246, 
263. 

Cantorbiere (archevêque de), 117. 

Capet (Hugue), 225. 

Carbonnier ou (^rbonnel (Guil- 
laume), 27, 97, 136, 144. 

Caroulet, 207. 

Carvelley (Hue de), 45, 49, 52, 
54,83,98, 152,159, 163, 107, 
173-175,178, 179, 208. 

Castille (Alphonse de), 168. 

Caux (bailli de), 75. 

Célestins, 265. 

Cempui, 315. 

Châlons (évéque de), 50. 

Champagne (maréchal de), 68, 
69. 

Ghandos (Jean de) 24,45, 49, 52, 
54, 152, 159, 161, 162, 171, 
172, 175, 177-181, 207. 

Chantemelle (sire de), 74. 

Charles le Bel, 224, 225. 

Charles de Bohême, empereur de 
Rome et d'Allemagne, 19, 218. 

Charle5 d^Espngne, connétable de 
France, 20, 25-29. 

Charles, duc de Normandie, fils 
aine du roi Jean, 33-36. 40, 50, 
93, 54, 56, 58-62, 64-66, 68, 
69, 78-88,90, 91, 96-100, iOi, 



340 



TABLE 



108, iiO, H4-li9, 122, 128, 
134-137, 142-144. 

Charles V, roi de France, 1 44 , 
148150, 156, 163, 164, 169, 
172, 175, ne, 178, 18!, 184, 
192-195, 197, 198, 200-204, 
206, 207, 210-216, 230, 222, 
223, 225, 226, 2;*0, 232, 236, 
237, 241, 246, 248,249, 251- 
260, 26i, 264-267, 270-272, 
274, 275, 277, 289, 298. 

Charles VI, 200, 283, 290-293, 
296, 297, 299-325, 327-331, 
333 336. 

Charles, dit le MauTais, roi de Na- 
varre, 1, 19, 25, 26, 28, 29, 
31, 33, 35-37, 39, 44, 60,61, 
64, 65, 69-76, 80-84, 86-88, 
95, 96, 99, 400, 104,105, 107, 
ilO, 122, 132, 140, lU, 150, 
151, 154, 158, 163, 169, 171- 
174, 191, 203, 204, 210 243, 
221, 223, 225, 226, 248, 265- 
268. 273, 274, 275, 278, 284, 
323. 

Charles (Guillaume), 71-76. 

Chamy (Geffroi de), 29, 30,41, 
49 51 55. 

Charuel '(Iviin), 137, 140, 145, 
159. 

Chastelle (sire de), 171. 

Chatillon (Hue de) 41, 50, 74, 

138, 151,200, 249, 315. 
Chavegny (sire de), 95. 
Chenaye (Roulant de La) , 137, 

139, 145, 162. 

Chief de Rue (Pierre du), 314. 

Chrétien "(Guy), 328. 

Chypre (chevalier de), capitaine 
de Beau vais, 41. 

Chypre (chancelier de), 260. 

Chypre (Jean de), 251, 260. 

Chypre (Pierre, roi de), 126- 128, 
144, 148, 149, 164-166, 185, 
186, 188, 190, 191, 290,251, 
260, 261. 

Clacquin (Bertrand de), 20, 137- 
142, 144-150, 159, 160, 162- 
164, 166, 167, 170-175, 177- 
181, 188, 193, 194, 198-200, 
207-213, 215, 221, 223,224, 
226, 229, 230, 232, 237, 238, 



240, 242, 244-246, 251-253, 
255, 257, 266, 267, 273, 275, 
277, 284, 285, 289, 

Clacquin (Olivier de), 276, 278. 

Clément VI, pape, 3, 18, 25. 

Qément VII, antipape, 269, 270, 
272, 278, 283-285, 287, 295, 
296, 304, 314-316, 321, 335, 
336. 

Clerc (sire de), 26, 27, 35, 64, 74, 
114, 138, 145, 150. 

Clermont (Robert, maréchal de), 
39, 41, 49, 51,52,62, 63,66- 
69. 

Clèves (comte de), 217. 

Clisson (Olivier de), 7, 193, 203, 
204, 214, 215, 223, 224, 226, 
229, 230 245, 246, 262, 264, 
275, 277, 284, 287, 292, 306, 
308, 320, 322, 329, 333, 335. 

Cluny (abbé de), 116. 

Cologne (archevêque de), 278. 

Cologne (sénéchal de), 217. 

Cordeliers, 265. 

Coucy (baron de), 41, 64, 74, 121, 
184, 279, 286, 306, 314. 

Courourdain (Jean de), 38. 

Coutances (évoque de), 253. 

Craon (sire de), 50, 56. 

Craon (Guillaume de), 121. 

Craon (Pierre de), 322, 323, 330- 
333, 

Craco ou Graco, (roi de), 4, 14. 



D 



Dagome (Nicole), 49. 
Dagure (Thomas), 1 1 . 
Dampmartin (comte de), 15, 41, 

50, 56, 151, 155, 193, 200, 

203, 211. 
Dardevelle (Jacques), 306. 
Dardevelle (Philippe), 305, 308. 
Darque (Robert), 217, 218. 
David, roi d*£cosfte, 4. 
Davoir le Jeune (Pierre), 327. 
Dervol (sire de), 56. 
Desmares (Jean), 310. 
Despencier (Hae le), 159, 161, 

173. 



DES NOMS DES PERSONNES. 



34t 



Dieu (Jean)^ 220. 

Dormans (sire de), chancelier de 

France, 98. 
Doublet (Colin), 27, 36, 65. 
Doubler (Jean), 140. 
Douglas (Guillaume), 22, 31, 32, 

45, 50, 53, 284. 
Du four (Jacques), 6. 
Dutertre ( Pierre), 266 , 273 , 

274. 
Dyscondore (Charles), 13. 



£ 



Ecosse (roi d'), 201. 

Edouard, roi d'Angleterre, 2, 4- 
7, 9-11, 14-22, 24, 30, 31, 
38, 45, 65, 97, 99, 100, 101, 
105, 106, 114-117, 119-123, 
125-129. 134, 135, 142, 143, 
170, 175, 181, 184, 195, 197, 
198, 200, 201, 202, 207, 208, 
212, 214, 224-226, 236, 242, 
244, 245, 25(1, 256, 257, 259, 
261-263,316. 

Ennequin (sire d*), 30, 74, 138, 
141,145-147. 

Esneyal (sire d'), 118, 138, 145, 
293, 314. 

Espagne (amiral d'), 232-235, 
262. 

Espaules (Guillaume aux), 74. 

Essarts (sire Pépin des), 83-85. 

Estelant (Pierre d'), 10. 

Estone (roi de r), 14. 

Estouleville (sire d*), 71, 80, 90, 
103, 104, 118, 122, 211, 
292. 

Etampes (comte d'), 36, 149,211, 
226. 

Eu (Raoul, comte d'), connétable 
de France, 8, 14, 19. 

Eu (comte d'), 203. 

Eu (sénéchal d'), 38, 42, 74, 107, 
138. 145, 250, 313-315. 

Evreux (comte d'), 1. 

Evreux (Charles, fils du comte d*), 
.1. V. Charles le Mauvais. 

ETreux (Louis, fils du comte d'), 1. 
V, N^vJirrc (Louis de). 



Fauquemont (sire de), 218. 

Fayeul (le Besgue de), 174, 175, 
229. 

Ferrando, 274, 278. 

Ferté (sire de La), 26, 35, 41, 74, 
i37, 140, 141, 145, 148, 150, 
154, 156, 169, 196, 203, 206, 
253,262,275,293. 

Fiennes (sire de), 29. 

Fiennes (Moreau de), connétable 
de France, 41, 89-93, 111, 
113, 203,207. 

Fiennes (Jacauemart de), 74. 

Fieules (sire de), 121. 

FiUeul (Armaury), 131 . 

Flamand (Nicholas le), 309. 

Flamencourt (Guillaume de), 229. 

Flandres (comtes de), 5, 15, 16, 19, 
42, 120, 127, 130, 197, 201, 
204, 206, 213, 216, 256, 284, 
289, 290, 294, 305, 307, 313. 

Flandres (comtesse de), 195. 

Flandres (Rifflart de), 115. 

Flayencourt (Guillaume de), arche- 
vêque de Rouen, 98. 

Foix (bâtard de), 328,329. 

Foix (comte de), 5, 69, 70, 80, 
173, 284, 319. 

Foudres (comte de), 272, 285. 

Fontaines (sire de), 74. 

Forez ou Feres (comte de), 121. 

Foucarmont (Raoul de) , comte 
d'Eu, 14. 

France (chancelier de), 260. 

France |reine de), 244, 265. 

France (mère de la reine), 244. 

Friquans (sire de), 26, 27, 35, 44, 
69, 71,74, 75, 89,96, 99,101, 
137, 144, 150, 164,169. 



6 



Gainville (sire de), 97. 

Galéas de Milan, 183, 184, 317. 

Galle» (prince de), 4, 16, 24, 30- 
32,38,45, 46, 49,51, 52, 54- 
56, 57, 65, 97, 99, 100, 105, 
106, 116, 117, 119, 120, 123, 



342 



TABLE 



125, 145, 170-175, 177-182, 
184, 192, 195, 198, 209, 210, 
244, 257,259, 261,262. 

Galles (Yvuin de), 230-232, 234, 
235, 237-242. 

Gand (comte de), 4. 

Gant (Lyon de), fiU d'Edouard, 
roi d'Angleterre, 11, 22,195, 
196. 

Garencières (sire de), 121, 151. 
auville (sire de), 144. 

icnève (cardinal de), 269, 270, 
272, 278, 279, 287, 295. 

Giffarl (Philippe), 70, 83. 

Gilles (Pierre), 61, 70, 85. 

Gisors (Pierre de), 74. 

Glocestre (duc de), 329, 334. 

Glocestre (comte de), 4, 10, 16. 

Glos (comte de), 24. 

Glos (Edmond de), 31. 

Gollons (Raoul de), 116, 

Gouvande (Charles de La), 10. 

Granche (Etienne de La), 293. 

Granche (de La), ahbéde Fécamp, 
202,205, 211,213, 256. 

Grancy (Thomas de), 254. 

Grande-Bretagne (roi de), 226, 227. 

Grantson (Thomas de), 208. 

Graville (Guillaume de), 64, 99, 
104, U4. 

Graville (Jean Mallet, sire de), 27. 

Graville (Robert de), 64. 

Graville (sire de), 8,27,35-38, 
41, 65, 74,211,273, 314. 

Grégoire XI, pape, 212, 214, 259, 
265. 

Grenade (roi de), U, 12, 23, 170, 
188. 

Grimande (Régnier de), 235, 236. 

Grimouart (Jean), 134. 

Gueidres (duc de), 4,215-220, 
279, 313, 316. 

Gueidres (comte de), 43. 

Guerarville(sirede),26, 104, 145. 

Guienne (Jean de), 206. 

Guillaume le Bastard,duc de Nor- 
mandie, 114, 168. 

Guillaume , iils de Louis de Ba- 
vière, 43. 

Guillaume, comte, neveu de Phi- 
lippe de Valois, 316. 

Guinsey (Huguet de), 328. 



H 



Hacqueville (Lyon de), 193. 
Hainaut (damoiseau de), 316. 
Hainaut (comtes de), 4, 23, 42,216, 

316. 
Hainaut (sénéchal de), 217, 218, 

220, 276. 
Haincourt (maître Jean de), 140. 
Hambye (sire de), 293. 
Hangest (sire de), 50, 55, 121 . 
Hantonne, (eomte de), 10. 
Harcourt (demoiselle d*) , 155. 
Harcourt (comtes d'), 5, 8, 15, 

16, 26,27, 31, 33, 35-37, 65, 
70, 95, 103, 104, 118, 121, 
203, 205 222, 250, 292, 314, 
336. 

Harcourt (Godefroi d'), 8, 9, 14- 

17, 26,28,34-37,39, 42, 66, 
67. 

Harcourt (Guillaume d*), 50, 183- 

185. 
Harcourt (Jacques d') , 222 , 250, 

292. 
Harcourt (Louis d'), 26, 39, 41, 

62, 63, 74, 80, 96, 102-104, 

107, 110, 113, U8, 119, 121, 

171, 173, 244,245 
Harcourt (jeune comte d'), 88, 89. 
Harencviller (sire de), 107, 198. 
Harmeuville (sire de), 272. 
Hélène, nièce du roi Arthur, 227- 

229. 
Henri, fils de Jean duc de Bre* 

tagne, 6. 
Henri, duc de Lencastre, V, Len- 

castre. 
Heronnet, écuyer du sire de Beau- 
jeu, 22. 
Hesdin (Eiiguerran de), 41, 255. 
Heuse (Martin de la), 42, 61, 107. 
Hoel, duc d'Armorique, 227, 229. 
Hollande (comtesse de), 123-125. 
Hollande (N. de), 178. 
Hollande (Thomas de), 20, 105, 

123, 125. 
Hongrie (roi de), 32, 183, 189, 

190, 296, 319, 326. 
Houdetot (Robert de), maître des 

arbalétriers, 35, 38, 41, 42, 45, 

206. 



DES NOMS DES PERSONNES. 



343 



Houisaye (Jacques de La), 137, 

140, U5. 
Houssave ( Yvain de La), 1 74. 
Huet (Gautier), 239-241, 254. 
Hurcz (Thomas), 106. 



Kesnes (vicomte des), 64, 70, 78, 

74, 89, 95, 104, 138, 151. 
Kr}'soualle, 255. 



I 



Iles (sire des), 145. 

Innocent VI, pape, 25, 46, 126, 

133. 
Isabelle d'Angleterre, 184, 224. 
Ivry (sired'), 74, 136, 137, 141, 

142. 



Jacobins, ^. 

Jacques, 71-76. 

Jean XXII, pape, 5, 6. 

Jean sans Terre, roi d'Angleterre, 

232. 
Jean, roi de Bohème, 3, 5, 15. 
Jean, duc de Bretagne, 5, 6. 
Jean roi d*Espagne, fils de Henri 

de Transtamare, 296, 316, 321. 
Jean, roi de France, 3, 5, 13, 18- 

20, 23, 25, 26, 28-33, 35-58, 

65, 66, 69, 71, 83, 97, IH, 

112, 115-117, 119-122, 125- 

135, 142-144, 148, 222, 226, 

274, 287, 
Jeanne, reine de Sicile, de Naples 

et de Jérusalem, 296, 297, 327. 
Joigny (comte de), 328, 329. 
Jouel (Jean), 49, 62, 81, 89, 95, 

129, 131, 135, 137, 144, 147, 

148. 
JuUiers (duc de), 4, 43, 215-218, 

220, 279, 
JuUiers (maréchal de), 217. 



Kain (Thomas), 81, 107. 
Kair, duc d'Anjou, 227, 228. 
Kercst(Hue), 10, 11, 13. 



La Barre, 137, 139, 145. 

La Forêt (Pierre de), archcTéque 

de Rouen et chancelier de France, 

32, 50. 
La Heruppe, 107. 
La Marche (Thomas de), 30. 
Lancastre (ducs de), 4, 12-14,21, 

24,25, 38,40, 42, 45, 58,100, 

105, 170-172, 177-180, 202- 

200, 208-210, 220, 221, 245- 

249, 254, 256, 259-262 , 26», 

274, 275, 286, 321, 327, 329, 

334, 335. 
Landuras (Jacques de), 153. 
Landuras (Pierre de), 172. 
Landuras (Simon de), 186. 
Langres (évéque de), 333. 
Larbret (siredt^), 49, 53, 17'l, 172. 

180, 193, 195, 314. 
Larbret (enfants de), 45, 55, 196. 
Laval (sire de), 214,215, 333. 
Le Bigot (Guillaume), 74. 
Lf Bigot (Jean), 61, 75, 107, 109. 
Lecoq (y<'a/i-R4>bert), évéque de 

Laon, 59, 61, 68. 
Lehumbre (marquis de La), 4. 
Le Lieur (Jacques), capitaine de 

Rouen, 77, 90. 
Le Mercier (Jean),grand trésorier de 

France, 253, 263, 276, 278, 326. 
liC Noir de Grainville (Robert et 

Guillaume), 26. 
Lestrange (Guillaume de), 202. 
Liège (évéque de), 217, 278. 
Ligny (Jean de), 121. 
Limoges (cardinal de), 279. 
Linchole (comte de), 10, 16. 
Lisle (le vieux comte de), 23. 
Lisle (Jean de), 85. 
Longueville (comte de), 50, 56. 
Longueville (Bertrand de Clacquin, 

comte de), 289. 
Lorraine (duc de), 16, 253. 
Lorris (Robert de), 35. 



344 



TABLE 



Louis, dit HutiD, 225, 226. 

Louis (saint), 3, 8, 9. 

Louis, roi, fils du duc d* Anjou ^ 

326, 327, 329, 336. 
Louis, deuxième fils de Charles 

V, 226,249. 
Lousciere (comte de), 10. 
Louvre (capitaine du), 85. 
Lucas (Hoclequin), 154. 
Luce(sire), 156. 
Lusignan (N. de), 327. 
Lusse (sire de), 45, 49. 
Lyon (sire de), 160. 



M 



Maçon (Joceran de), 70, 85. 
Magny(sire de), 240. 
Maillart (sire Jean), 83-85. 
Maillart (Raoul), 2 1 3. 
Malestrait (Henri de), 7. 
MaloCTes (roi de), 5, 15, 171, 173. 
Mandeville (Jean de), 22. 
Mangart (Richard), 107. 
Marcdargent (Nicole), 61, 107. 
Marcel (Etienne), prévôt des mar- 
chands de Paris, 61, 68-70, 72, 

81, 82, 84, 85. 
Marche (comte de La), 237. 
Marche (sire de La), 230. 
Mareul (sire de), 239-241. 
Mareul (le Bascon de), 27, 28, 96, 

144, 147. 
Marie (Jean de), 106. 
Martel (Guillaume), 41, 75, 78-80, 

107-109, 229. 
Martel (sire Jean), 37, 41, 55. 
Mauny (Alain de), 200. 
Mauny (Olivier de), 137, 139, 145, 

159, 171, 172, 191, 194,' 230, 

257, 276, 278. 
Mavence (archevêque de), 278. 
Meihedinch, 11, 12. 
Melle (Guillaume du), 26, 64, 66, 

74, 154, 169. 196, 197, 203. 
Melun (Adam de), 50. 
Melun (Guillaume de), archev<>que 

de Sens, 50. 
Melun (Jean de), 27, 151. 
Menesmares (Maubue de), 36, 65. 



Meulan (Adam de), 41, 50. 
Meulan (Amaury de), 41, 64, 89. 
Meulan (Jean de), 107. 
Mignac (Aymeri de), évèqae de Pa- 
ris, 278-280. 
Milan (Barnabo de), 195, 196, 

258. 
Mommor (MorreW de), 230, 231, 

23?i, 239-242, 252. 
Mons (comte de), 43, 80. 
Montanban (sire de), 332. 
Montfort (comte de), 5-7, 45, 49, 

58, 330. 
Montfort (Jean, comte de), 125, 

150, 158-163, 178, 203, 204, 

245, 246, 252-256, 262, 264, 

275, 284, 287, 296, 311, 322, 

323, 329-335. 
Montmorency (Charles de), 200. 
Montmorency (sire de) , 41, 50,74, 

121. 
Moulines (Bertrand de Clacquin, 

duc de), 289. 
Moustier (Etienne du), capitaine 

deHarfleur, 293. 303. 
Mouton de Blainville, 23, 306. 

V, Blainville. 
Mustel (Jean), maire de Rouen, 35, 

131. 



N 



Namur (comte de), 26. 

Namur (Guillaume de), 217, 218, 

220. 
Namur (Guyon de), 217, 220. 
Namur (Robert de), 217, 219. 
Nantouillet (sire de), 328. 
Naples (reine de), 183. 
Narbonne (vicomte de), 203, 207. 
Nassau (comte de), 4, 217, 218. 
Navarre (chancelier de), 86. 
Navarre (Charles de), fils aîné de 

Charles le Mauvais, 265-267, 

274, 276. 
Navarre (frères de), 32, 33. 
Navarre (Jeanne de), 65, 98, 99, 

133, 144, 145, 200, 221, 222, 

224, 320. 
Navarre (Louis de), 1, 33, 156-159. 

175, 176. 



DES NOMS DES PERSONNES. 



345 



Navarre (Martin de), dit Requis, 
45, 83, 89, 456. 

Navarre (Philippe, roi de), 3, 11. 

Navarre (Piiilippe de), comte de 
Loijgueville. f . Philippe de Na- 
varre. 

Navarre (Pierre de), fils de Charles 
le Mauvais, 265. 

Navarre (reine de), 244, 274. 

Nesle (Gui de), 20, 23. 

Neuville (Jean de), III, 113. 

Nevers (comte de), 313. 

Nicolas V, antipape, 1,2. 

Normandie (duchesse de), 65. 







Olencst (comte de), 4. 
Orange (prince d'), 327. 
Orléans (duc d*), 3, 19, 31, 50, 
52, 54, 119-121, 129. 



Paix (Charles de La), 296, 297, 

304, 313-315, 327. 
Panthelu (Gillet de), 27, 44. 
Paris (doyen de), 224. 
Paris (évéquesde), 224, 295, 299. 
Pastourel (Jean), 293. 
Pavau (vicomte de), 335. 
Paynel (Nicole), 74, 293. 
Penembroc (comte de), 232-235, 

255. 
Penthièvre (comte de), 329-333, 

335. 
Perche (comte du), 196, 203, 205, 

212, 213, 215, 221, 222, 237, 

246. 
Percy (Thomas de), 317. 
Périgord (cardinal de), 46, 51, 

133. 
Pelre, dit le Cruel, roi d'Espagne, 

163, 164, 167, 168, 170-174, 

181, 182, 198, 199. 
Pétrel (Jacques), 140. 
Philippe Auguste, roi de France, 

94, 232, 



Philippe le Rel, 224-226. 

PhiUppe, dit le Hardi, duc de Bour- 
gogne, 50, 56, 143, 144, 149, 
151, 153, 155, 158, 193, 195, 
197, 201, 203, 206, 216, 241, 
244, 246, 254, 256, 263, 264, 
266, 286, 289, 291, 292, 295, 
297, 299-302, 304, 305, 308, 
310, 311, 313, 314, 316, 321, 
323, 325, 329, 330, 334. 

Philippe de Navarre, comte de 
Longueville, 1, 19, 25-28, 33, 
37-40,42, 44,45, 60, 62,64, 
67, 69, 71, 81, 83,84, 86-98, 
119-121, 128-133, 149, 152, 
242. 

Philippe de Valois, 1-9, 13, 14, 
15, 16, 17, 18, 19, 21, 126, 
158, 206, 225, 316. 

Philippot, 188-190. 

Picart (Henri), 117-119. 

Picquigny (Ferry de), 71, 74, 

Picquigny (sire de), 61, 64, 70, 
73, 74, 95, 104. 

Picquigny (hoirs de), 89, 104. 

Piedoue (xMartin), 101. 

Pippes (James), 81,84, 159. 

Pipes (Jean de), 45, 49, 62. 

Plantin (Jacques), 81. 

Plennes (sire de), 38. 

Pommereul (sire de), 30, 61. 

Poitiers (Aimart, Charles de), 328, 
329. 

Poitiers (Jean, comte de), 121. 

Pommiers (sire de), 49, 63, 172. 

Pommiers (Edmond de) 45, 49, 
55, 264. 

Pont de Croix (sire de). 327. 

Ponthicu (comte de), 50, 56. 

Porcien (comte de), 121. 

Porquon ou Porcon (sire de), 139, 
145, 334. 

Porte (Roherl), évoque d*Avran- 
ches, 66. 

Portugal (roi de), 11. 

Poulaine (roi de), 4. 

Poulehay, 62. 

Préaulx (Jean de), 26. 

Préaulx (sire de), 26, 35, 64, 74, 
90, 121, 130. 

Provence (sénéchal de), 327, 

Puchay(sire du), 164. 



» 



>^ 



346 



TABLE 



R 



Radigo, 27. 28, 96, 144. 

Rayneval (Raoul de], 41, «37, 138, 
151, 218, 220, 243, 254. 

Renies (sire de), 272. 

Renli (bastard de), 30. 

Revel (Flacon de), 18. 

Revel (sire de), 15. 

Richard Gbuf de lion , roi d'An- 
gleterre. 94, 95, 125, 128, 231. 

Richard II, roi i'Anj;leterre, 262, 
266.281, 284, 285, 297,314- 
317, 323,326, 329, 331, 334. 

Richemont (comte de), 31, 105. 

Rivière (Bureau de La), 80, 263, 
276,289, 326,330,331. 

Rivière (Jean de La), 80, 130, 137, 
141, 151, 152, 164. 

Rochcfort (sire de), 217, 218. 
332. 

Roche-Tesson (sire de La), 0. 
Roche (sire de La), 122, 130, 276, 

278. 
Roger (Pierre), archevêque de 

Rouen, cardinal, 3, 9. 
Rogny {cornte de), 50, 56, 80. 
Rohan (vicomte de), 215, 320. 

332,331. 
Rome (empereur de\ 183, 184, 

264, 265, 278-280, 207. 
Rony (Amaury sire de), 26, 31. 

41,64. 

Rou, premier duc de Normandie. 

114. 
Roussi (comte de^, 76, 80. 
Roye (Mathieu (le), 41, 74, 138, 

151. 
Roye (sire de), 29, 41, 74, 122. 
Rue (Jacques de), 265, 273, 274. 
Russes (sire des), 217, 218. 



S 



Saint- Antoine (capitaine de la Bas- 
tide), 333. 

5«int-Eustachc (cardinal de), 279. 

Saint-Pol (comte de), 29, 40, 89- 
93, 111, 113, 121, 130, 193, 
200, 203, 205, 217-220, 249, 



250, 281. 286, 306, 315, 316, 

329. ' 

Saint- Venant (tire de) , 121. 
Sainte-Beuve (sire de), 35. 
Saintonge (sénéchal de), 239-241. 
Salhadine, 11, 94, 95. 
Salle (N. de La), 285, 317, 318. 
Sallebrusse (comte de), 43, 50,56. 

80, 197,204,211,224,260. 
Sancerre (comte Louis de), 16,50, 

56, 193,196,203,280, 306. 
Sandon (Jacques), 81. 
Saneuze (sire de), 47. 
Santeuil (G. de), 240. 
Saquanville ou Sauqueville (Pierre 
de). 26, 28, 64, 66, 74, 96, 
144, 147-149. 
Sarrazins, 5, 12, 23, 94, 127, 129, 
165-167, 185-191, 198, 200. 
274, 319, 320, 326. 
Saut (Pierron du), 154, 155. 
Savoye (comte de), 304, 321. 
Scouet (Jean), 177. 
Sens (archevêque de), 116, 211. 
Sercot (Hobtrt), 73-75, 87, 101, 

103-105, 197. 
Seveslre, 282. 
Sicile (reine de), 175, 176. 
Sonnain (sire Jean), 37, 42, 75, 77- 

79,107,109. 
Strot (Gautier), 138, 139. 



Taillanville (sire de), roid'Yvetot. 
164. 

Taleville (Guillaume de), 273. 
Tancarville (comte de), 14, 31, 

32. 36, 41, 50, 55, 56, 115, 

116,149. 
Tertre , voyez Dutertre. 
Tesson (Raoul), 9. 
Therouenne (cardinal de), 279. 
Tonneville (sire de), capiuine de 

Rouen, 80. 

Torchy (sire de), 145, 262. 263. 

275. 
Touraine (duc de), 317, 325. 
Touraine (Remond de), 335, 330. 
Tournehu (sire de), 35, 64, 74, 

145, 154, 169, 275. 



DES NOMS DES PERSONNES. 



347 



Tournebu, écuyer; 268. 

Tournemyne (sire de), 334. 

Toussac (Charles), 61, 68, 70, 85. 

Transtamare (Henri de), dit le 
bastard d'Espagne, 163, 164, 
167, 168, 170, 17'2.17o, 178- 
18-2, 194, 198. 199, 232, 235, 
247, 248, 25i-2b6, 296, 316. 

Tremoille (Guy de La), 330. 

Trêves (archevêque de), 278. 

Troyes (évéque de), 2o3. 

Tr\e (Lohier de), 74. 

Tulhav (Rifaart de), 212, 213. 

Turcs; 127, 165, 166, 185, 186, 
189,274. 

Tynoiy (Simon de), 166, 186. 

Tyns (sire de), 218. 



u 



Université de Paris, 269-271 , 280, 

294-296, 316,327. 
Urbain V, pape, 134, 182, 183, 

185, 192,211, 212. 
Urbain VI, pape, 268-272, 279, 

280, 287,296,313,314. 
Urgel (cardinal d'), 46. 



Vendôme (comte de), 50, 56. 

Ventadour (comte de) 50, 56. 

Vert Chevalier (le), 137, 140. 

Vertus (comte de). 317, 318. 

Vienne (Guillaume de), archevê- 
que de Rouen, 336. 

Vienne (Jean de), 209, 246, 250, 
260, 263, 295, 296, 335, 336. 

Vienne (dauphin de), 5. 

Villainnes (Le Besque de), 37, 80, 
81, 138, 167, 173, 175, 177, 
178, 180-182, 195, 198, 199, 
333, 306, 331. 

Ville (sire Jean de La), «ISS. 

Villequier (sire de) 38, 145, 146. 

Villers (Hue de), 74. 

Vinceslas, duc de Brabant et de 
Luxembourg, 42, 43, 216. 

Vinceslas, roi des Romains et de 
Bohème, 319, 326. 

Vincestre (comte de), 4. 

Vinemeur (Jean de), 209, 210. 

Viiefaille ou Westpbalie (sire de), 
217. 

Varvic (Emond de), 45, 49, 53. 



w 

Warwich (comte de), 10. 



Valentinois (comte de), 121, 335. 
Valois (comtesse de), 70, 76. 
Veudemont (comte de), 43, 80, 
101. 



Zil,juif, 168. 
Zilles (sire), 81. 



FIN DK LA TABLR UVS NOMS DES PERSOlTKiES. 



1 

i 



"* •-.'. 



•i.-- • 



TABLE 



DES NOMS DE LIEUX. 



Aast, 216. 

AbbeviUe, 91, 103, 201, 203. 

Acquigny, 151, 152. 

Aiguillon, 13. 

Alexandrie, 317, 318. 

Alexandrie, 165, 166,251. 

Allemagne, U. 185, 215, 264, 
278, 279, 305, 313, 314, 316, 
319, 320. 

Amiénois ou Amioîs, 76. 

Amiens, 9, 17, 41, 61,65, 91, 95, 
96, 313, 321. 

Andelle, 96. 

Andelys (les), 37. 

Anet,176, 266. 

Angleterre, 2, 30,31, 38, 97, 98, 
110-114, 117, 119, 122, 123, 
125, 128-131, 134, 135, 142, 
143, 159, 168, 179, 201, 202, 
206, 207, 214, 220, 227, 231, 
232, 233, 235, 236, 245 246, 
248, 255, 257, 259-264, 276, 
281,284, 286, 296, 297, 313, 
323,329,331,334. 

Angouléme (comté d'), 29. 

Anjou (comté d'), 3, 101, 115. 

Antioche, 186, 191. 

Anvers, 43. 

Aquitaine (duché d'), 115. 

Ardenbourc, 259. 



Ardre, 249, 264. 

Arles (royaume d*), 182, 193, 

194. 
Arménie, 127. 
Armorique, 227, 
Arragon, 171. 
Arras, 91, 122. 
Artoiî», 303. 
Aucefrite, 218. 
Auch, 98, 256, 
Aumale, 89. 
AuviUiers (fort d»), 88, 107, 

131. 
Auxerre, 87. 
Avignon, 125, 126, 176, 182, 198, 

211, 212, 222, 248, 281-283, 

296, 297, 304, 314, 327, 335. 
Avranches, 144, 159, 191. 



B 



Babylone, 165, 166, 185-188, 

190. 
Bailleul, 307. 
Barbarie, 315,319. 
BarHeur, 226, 227. 
Bastide (la), 136. 
Bayeux, 169, 215, 250. 



3S0 



TABLE 



Beauce, 151. 

Beaumont le Roger (comté de), 29, 

175, 176. 
Beauté sur Marne, 287. 
Beauvais, 76. 98, \ti, 
Beauvaisis, 71, 73, 75, 76. 
Bécherel, 214, 215. 
Bec (abbaye du), 150. 
BecHelluûin, 107. 
Becoiseau, 88. 
Bec Thomas (le), 131. 
Bemay (ville et abbaye de), 88, 

131, 150, 260. 
Berry, 210. 
Bézièrs, 297. 
Beziuc, 22-31. 
Blâme, 13. 

Blanche Taque, 16, 205, 206. 
Blangy, 101, 101^-105. 
Bordeaux, 15, 49, 51 , 58, 65, 125, 

171, 181, 194, 208, 210, 247, 

248 252. 
Boulogne, 21, 22,24, 29, 91, 113, 

315, 329. 
Boui bourg, 311, 312. 
Bourc, 13. 
Bourges, 121, 210. 
Bourgogne, 38, 87, 98, 101, 143, 

192, 193, 195. 
Boutaiicourt, 102, 103. 
Braban, 9, 43, 2 16, 305. 
Brav, 76. 
Brest, 245, 246, 264, 322, 330, 

332. 
Bretigne, 7, 8, 11, 20, 23, 39, 

58, 82, 83, 101, 125, 128, 150, 

152, 158, 160, 162, 163, 178, 

194, 214, 215, 227, 245-247, 

252-256, 262. 264, 284, 286, 

287, 294,. 290, 305, 320, 322, 

323, 329-335. 
Breteuil, 42-44, 46, 211-213, 

260. 
Breval, 176, 266. 
Bricqufbec, 229. 
Brie, 76, 98, 192. 
Bruges, 254--256, 284, 286, 287, 

289, 290, 294, 302, 303, 305, 

307. 
Buchy, 77. 
Burgis, 167, 174, 177, 178, 181, 

248. 



Caen, 14, 15, 122, 169, 212, 215, 

277,278. 
Cabors, 197. 
Caire (le), 166, 188. 
Gïlabre, 304. 
Calais, 17, 18, 21, 23-25, 29-31, 

52, 03, 100, 113. 116, 117, 

121, 202, 207, 224, 246, 24», 

263,286,315,321,329. 
Cambray, 313. 
Camerolles. 151-153. 
CasUlle, 168. 
Caux, 63, 71, 86, 88, 90-92, 96, 

98, 100, 102, 103, 118, 131, 

138, 145, 150, 202, 205, 206, 

272, 273, 289. 
Cayeu, 92. 
Cé>arbourg ou Cherbourg , 97 , 

203, 266-268, 275-278. 
Chalons, 121. 
Champagne, 46, 286. 
Charenlon (pont de), 81. 
Charité sur Loire yla), 156, 157. 
Chartrain, 114, 135. 
Chartres (Notre-Dame de), 114, 

115, 324. 
Chartres, 46, 121 , 152, 153, 

324. 
Château Gaillard, 2, 37. 
Chateauneuf de Landon, 285. 
Chatt-au Paon, 208. 
Chàtelet (le), 69, 258. 299, 309, 

326. 
Chaumont, 87. 
Cherbourg, voy. Cesarbourg. 
Chauvigny, 23*7. 
Chevreuse, 84. 
Chypre, 35, 16^166, 185-191, 

251, 260. 
Citeaulx, 6. 
Clermoni, 71, 73, 75. 
Clercs (Pré aux), 25, 64. 
Cocherel, 145, 149. 
Cognac, 252, 253. 
Compiègne, 122. 301. 
Couches, 42, 211-213,215. 
Connoy, 153. 
Couquét(le), 245. 
Constantinople, 22, 32, 319. 



DES NOMS DE LIEUX. 



354 



Cotentin, 28, 29, 33, 36, 37, 39, 
42, 45. 46, 60, 66, 67, 82, 86, 
92, 97, 150, 176, 191, 203, 
226, 229, 236, 237, 250, 253. 

(x)urtray, 307. 

Coutance» févéché de), 231. 

Crécy, 16, 17, 216. 

Creil, 87, 324. 

Crevecœur, 37, 60, 61. 

Croix- Sa int-Lcufroy (la), 457. 

Crotoy (lej, 92. 



D 



Daii, 311, 312. 
Dancmarche, 114. 
Dauphiné, 59. 
Derval, 245, 246. 
Dieppe, 13, 63, 92. 
Dol, 159, 332. 
Doullens, 91 . 
Dunquerque, 311. 



E 



Erliauffour, 88, 107, 154, 156. 
Ecluse (r), 10,259, 312. 
Ecosse, 4, 22, 24, 31, 32, 45, 53, 

284. 
Egypte, 188, 190. 
Elbeuf sur Seine, 1 06. 
Enfer (quartier d*), à Naples, 271. 
Épcrnay, 192. 
Erre ou Ré, 252. 
Espagne, 163, 164, 167, 168, 170, 

172, 173, 175, 177, 182, 188, 

192, 194, 195, 198, 199, 207, 

232-235, 237, 248, 255, 256, 

263, 289, 314. 
Estonevergne, 13. 
Étaplcs, 28:i. 
Eure(P), 13,63,64,98,99, 118, 

14ù, 151. 
Europe (cité d*), 49. 
Évreux, 28, 33, 37 39, 133, 144, 

152, 153, 155, 157, 211,244, 

266. 



Famagouste, 260. 

Faveril(le), 108. 

Fécamp, 202, 205, 211, 213, 250, 
300. 

Ferté(la), 154. 

Flandres, 4, 7, 8, 10, 108, 197, 
243, 2S9, 260, 289, 290, 294, 
305-308, 311, 313,314. 

Fondres, 272. 

Fontaine-le-Bonrg, 300, 301. 

Foucarmout, 103. 

Franc (le), 286, 287, 289. 

Fresne, 70. 

Frise, 216, 316. 



G 



Caillefontaine, 72, 76. 

Galice, 168, 174. 

Galles, 112, 235. 

Gamaches, 89, 103. 

Gand, 284, 286, 287, 289, 290, 

294, 302, 303, 307, 311, 312, 

321. 
Gascogne, 45, 52, 55, 156, 172, 

195. 
Gâtinais, 114. 
Gavray, 266. 
Gènes, 10,313. 
Genève (comté de), 211. 
Gerbcroy, 76. 
Gironde, 45. 
Goullet (le), 144. 
Graville, 99. 
Grèce, 32. 

Grcnatc ou Grenade, 235. 
Grève, 85. 
Gueldres, 215-220. 
Guernesey, 230,231. 
Guerzille (la) ou Algésiras, 11, 21, 

23. 
Guienne, 12, 13, 45, 101, 118, 

116, 125, 173, 181, 182, 195, 

197, 198, 206-209, 220, 229, 

230, 237, 239, 242, 244, 246, 

257, 286, 305, 329. 
Guiues (château de), 24,29, 52. 
Gaines (comté de), 116. 



'6'Jt 



TABLE 



H 



HalDaut, 281 , 286, 305. 
HantonDe ou Southampton , 13, 

263. 
Harfleur, 63, 64, 99, 118, 205, 

206, 206, 263, 272, 273, 281, 

292, 303. 
Hesdin, 91. 
Hogue (la), 14. 
Homme (lej, 169. 
Honfleur, 62-64, 98, 101, 106, 

107,199,110. 
Hongrie, 249, 319, 320, 326. 
H6piul (chevalerie de V), 186. 



Lo Grono, 1 72. 

Loire, 46, 157, 247, 286. 

Londres, 65, 112, 117, 129, 261- 

263, 315. 
Longueville, 71, 73, 87, 194, 

203. 
Lorraine, 66, 250. 
Louviers, 196. 
Louvre (le), 70, 258, 259, 309, 

315. 
Lunel, 163. 
Lyon, 121, 222, 297, 336. 



M 



I 



Ile-Adam (P), 104. 
Irlande, 24, 97. 
Italie, 269, 272, 336. 



J 



Japhé ou Jaffa, 188, 189, 190, 

191. 
Jersey ou Gerzié, 262. 
Jérusalem, 94, 126, 185, 188, 

214. 
Josselin, 332. 
Jouy-sous-Telle, 87. 
Julliers, 215-220. 
Jumièges, 222. 



Labour (terre de), 177. 
Laigle, 26, 42, 154. 
Languedoc, 156, 314. 
l^ttainville, 87. 
Liège, 2 16, 311. 
Lille, 122. 197, 284. 
Limoges, 209, 210. 
Lincoln, 55. 



Mâcon, 282. 

Maine (comté du), 3, 101, 19G. 

Malines, 42, 43. 

Malogres (royaume de) ou Major- 
que, 20. 

Mans (le), 208, 323. 324, 335. 

Mante, 86, 89, 93, 96, 105, 136, 
138-142, 144, 163, 203, 222, 
223. 

Marbeuf, 88. 

Marcelles ou Marseille, 134, 182, 
212. 

Marne (la), 207. 

Marlainville, 78, 301. 

Maubuisson, 303. 

Meaux, 69, 70, 163. 

Melun, 88, 96-98, 302. 

Metz, 66, 221. 

Mculan, 96, 140-142, 144, 163, 
203, 222, 223. 

Meuse, 220. 

Milan, 196. 

Montauban, 23, 248. 

Montcoutour, 220, 221. 

Montlui^^on, 221,251. 

Montiviiliers, 63, 99, 206. 

Montpellier, 163, 204, 222, 223, 
281,282. 

Montreuil, 201. 

Montreuil-Bonniis251, 252. 

Mont Saint-ÉIoy (le), 93. 

Morillon, 229. * 

Moulincaux, 155, 156. 

Moulinez (duché de), 199. 



'A 



DES NOMS DE LIEUX. 



.i53 



N 



NantM, â94. 

Naple», 271, 29«, 297, 304,314, 
315. 

Navarre, 9, 33, 150, 171, 17i, 
174, 194, 2i8. 

Neaufles-Saint-Martiii, 98. 

Ne»Ie, 200, 201. 

Nesle (hôtel de), 19. 

Neurchâtel,98, 103. 

Neufttrie, 226, 227. 

Nil (le), 16-), 

Nîmes, 127. 

Nogem-le-Roi, 19. 

Normandie (duché de), 3, 4, 8-10, 
14, 23, 2li, 33-35, 37, 39, 41, 
44, 39, 62, 82, 83, 88, 90, 92, 
98, 101-103, 106, 107,109-112, 
Mo, 123, 428, 129, 435-138, 
144, 149, 450, 152-15i, 158- 
460, 469, 475, 476, 482, 191, 
493, 191, 196, 203, 207, 227, 
231, 232, 248, 253, 254, 266, 
208, 273, 275, 277. 283, 292, 
293, 301, 303,305,314. 

Notre-Dame de Paiis, 288, 28;K 
328. 

Nolr.-Diime de Rom-n, 2i:^ 288, 
289, 298. 

Nyorlh, 259. 



{) 



210, 222-224, 231, 238, 242- 
246, 249, 251, 256-260, 264, 
265, 269-271, 274, 275, 278- 
280, 283, 284, 286, 288, 289, 
291297, 299, 302-305, 308- 
311, 315, 316, 319, 321-324, 
327, 328, 330, 333, 335. 

Passi, 476,266. 

Perche, 40, 193. 

Perse, 235. 

Picardie, 8, 10, Iti, 29, 41, 60, 
71, 87, 89, 93, 100, 101, 103, 
110-112, 437, 438, 145, 151, 
152, 193, 200, 202, 205, 207, 
285, 301, 305,314. 

Poissi (pont de), 15. 

Poitiers, 45, 46, 49, 52, 56, 58, 
229,237,238, 241. 

Poitou, 20, 101, 115, 116, 232, 
234, 237, 238, 244, 255. 

Poix, 76, 87. 

Pont (Petit), 309. 

Pont-Audemer, 8, 38-40, 44, 4H, 
61, 62, 408, 221, 222, 266, 
267. 

Pont de TArchr, 37, 148, 300. 

Ponthieu ou Fontif {comté de . 
446,201. 

Pontoise, 400, 442, 144,303. 

Portugal, 467. 

Pouille, 304. 

Poupelingues, 307. 

Préaux (abhave de), 108. 

Provence, 477, 194, 200. 

Prusse, 43,23. 313. 



Oise, 87,207, 247. 
Orival, 406, 107, 410. 
Orléans, 122, 151,258,325. 
Orléans (commune d'), 15. 
Oudeoarde, 305, 307. 



Q 

Qoatrtïuioustien, 312. 
Quigent, 259. 



P 



Paris, 14, 46, 19, 25, 28, 32, 37, 
44, 44, 58, 59, 60, 61,64-66, 
68-70, 73, 80-88, 96,97, 401, 
105, 445-117, 421, 422. 425, 
430, 131, 442, 444, 148-450, 
484, 495-198, 201, 206-208, 



R 



Regnierville, 266. 

Reims, 4, 49, 400, 401 105, 406, 

144, 421, 444, 448, 192,201. 
Rennes, 11, 58, 59, 332,334. 
Rhodes, 464. 



Wk 



TABLE 



Rhône (le), 193, 194, 222, 336. 

Ribedieu (comté de), 199. 

Rochefort, 223. 

Rochelle (la), 232, 23i, 238, 24 1, 
242, 252, 255. 

Rom<inie, 182. 

Rome, 1, 9, 18, 182-184, 211- 
213, 258, 26:>, 2»$8-270, 278, 
313-317, 321, 327. 

Rosebeke, 306, 307. 

Rosny, 140. 

Rouen, 2, 15, 33-37, 39-41, 44, 
62, 63, 65, 77-80, 87-92, 98, 
102, 103, 100-108, 110, 113, 
114, 118, 121, 123, 128, 131, 
136, 141, 147-150, 155, 15fi, 
201, 202, 220-222, 238, 243, 
248, 249, 256, 260, 267, 272, 
278, 288, 289, 292, 293, 298, 
300-304, 308, 324, 336. 

Rouen (Vieux-), 102. 

Roulfhoiso (cliAtran de% 135, 138, 
140, 141. 

Roye, 76. 

Rve (la\ 111, 26:?. 



S 



Saint- Ange (cliûlcaii), 183. 
Saint-Antoine, 81, 8ri, 288,309, 

326, 333. 
Sainl-Brien, 335. 
Saint-Clément, 66. 
Saint-Cloud (pont de), 82. 
Saint-Dandier ou Saint-Ânder, 234. 
Saint- Denis, 19, 81, 83, 86, 122, 

264, 265, 289. 
Saint- Denis-le-Thiboult, 88. 
Saint-Georges (flouve du bfa»), 32. 
Saint-Germain (pré de), 6. 
Saint-Guillaume de Mortain, 268, 

275. 
Saînt-Hilaire (porte), 79. 
SaintJean-d'Angély, 12, 13, 20. 
Saint-Julien du Mans, 324. 
Saînt-Lambert, 216. 
Saint-Leu d'Elsserens, 71. 
Saint-Lo, 66, 169,215,250. 
Saint-Mahieu, 254. 
Saint-Malo, 20, 275. 



Saint-Manr des Fossés, 265. 

Saint-Merry, 68. 

Saint-Omer, 21, 22, 29, 30, 122, 
284. 

Saint-Ouen, 23, 65, 298. 

Saint Patrice (purgatoire), 22. 

Saint-Pol de Léon, 254. 

Saint-Sauveur le Vicomte, 67, 203, 
226, 229-231, 236, 250, 253- 
2oo. 

Saint-Sever, 78, 

Saint-Taurin (abbaye de), 153. 

Saint-Valery sur Somme, 87 , 89-93. 

Sainte-Catherine du Val des Eco- 
liers, 85. 

Sainte-Chapelle (la), 288. 

Sainte Terre (la), 5, 126, 128. 

Saintonge, 244. 

Saluées, 315. 

Savins, 236. 

Seine, 62, 78, 83, 87, 88, 90, 96, 
98, 100, 101, 106, 110, 114, 
118, 136, 137, 141, 150, 192, 
193, 202, 207, 230, 247, 286. 

Senlis, 76, 193. 

Sens, 193. 

Sery, 103, 104. 

Séville, 167, 174. 

Sicile, 175-177, 296, 297, 304, 313. 

Soissonnnis, 98^ 257, 286. 

Somme, 89, 92, 100, 202. 

Soubise, 238-24 1 . 

Steps (bataille dej, 216. 

Sur, 190, 191. 

Syrie ou Surie, 190. 



Tarascon, 193, 194. 
Temple (le), 184, 309. 
Therouanne, 221,286. 
Thury, 212, 213. 
Tibre, 268. 
Tolède, 194, 198. 
Tombelaine, 226, 229. 
Toulouse, 121. 
Touraine, 101,320, 325. 
Toumay, 4, 5,91, 122,308 
Tournehem, 20 i, 205. 
Tours. 121. 



DES NOMS DE UEUX. 



355 



Tripoli, 186. 

Troyea, 121, 207, 246, 286. 
TuboBuf, 41, 88, 107. 
Tunis, 319, 320. 
Turquie, 35, 186, 319. 



Vincelze, 112, 113,262. 
Vinrenncs, 3, 265, 287, 299, 300. 
Vire, 196. 
Viterbe, 182, 183. 



w 



Vergues, 311. 

Vermenton, 192. 

Verneuil, 40. 

Vcrnon, 98, 132, 141. 143-145, 

211. 
Vétheuii, 140, 142, 144. 
Vexin, 87, 137, 139. 
Vienne, 200, 268, 269. 
Villeneuve, 126. 



Westmonstier ou Westminster 

(abbavede), 261, 262. 
y/igth iu Wvch, 262. 
VSTindsor, 97." 



Ypres. 284. i86, 289, 308. 



Flîf. 



^&«< 



KRRATA. 



Page iO, ligne i7, et page 16, lignes 13 et 15, <7ii iieu de : Ge- 

nenois y lisez : Gcneuob. 
Page 24, note 2 , au lieu de : Berwick , lisez : Brunswick. 
Page 83, ligne 12, aa lieu de : est, lisez : les. 
Page 22G, ligne 2 , au lieu de: Louis ainsné , lisez : Louis^ ainsné. 



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